Jurisprudence : CE 3/5 SSR, 14-03-1997, n° 143800

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 143800

DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES

Lecture du 14 Mars 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 3ème et 5ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 3ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête enregistrée le 23 décembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 13 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Nice a, sur déféré du préfet des Alpes-Maritimes, annulé la décision du 23 mars 1992 par laquelle le président du conseil général des Alpes-Maritimes a recruté M. Jean-Marc Tuffery en qualité d'agent contractuel du département ; 2°) rejette le déféré du préfet devant le tribunal administratif ; 3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Daussun, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité du déféré du préfet des Alpes-Maritimes :
Considérant, d'une part, que sur le fondement de l'article 46 de la loi du 2 mars 1982 le préfet peut demander au tribunal administratif l'annulation pour excès de pouvoir d'un contrat conclu par le département, même si ce contrat n'est pas soumis à l'obligation de transmission prévue à l'article 45 de la même loi ; Considérant, d'autre part, que lorsque la transmission de l'acte au représentant de l'Etat, faite en application de l'article 45-I de la loi du 2 mars 1982, ne comporte pas le texte intégral de cet acte ou n'est, comme en l'espèce, pas accompagnée des documents annexes nécessaires pour mettre le préfet à même d'apprécier la portée et la légalité de l'acte, il appartient au représentant de l'Etat de demander à l'autorité départementale, dans le délai de deux mois de la réception de l'acte transmis, de compléter cette transmission ; que, dans ce cas, le délai de deux mois imparti au préfet par l'article 46 précité de la loi du 2 mars 1982 pour déférer l'acte au tribunal administratif court soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents annexes réclamés, soit de la décision explicite ou implicite par laquelle l'autorité départementale refuse de compléter la transmission initiale ; qu'en revanche, à défaut d'un recours gracieux dirigé contre l'acte ou d'une demande tendant à ce que l'autorité départementale en complète la transmission, présentés par le préfet dans le délai de deux mois de la réception de l'acte, le délai imparti au préfet pour déférer cet acte au tribunal administratif court à compter de ladite réception ; que, par un contrat du 23 mars1992, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a engagé M. Tuffery pour occuper l'emploi de chargé de mission auprès du directeur général adjoint pour l'administration générale et les finances créé par délibération du 12 mars 1992 ; que, le 22 avril 1992, soit dans le délai de deux mois suivant la réception de cet acte le préfet a, d'une part, demandé au président du conseil général de lui communiquer certains documents complémentaires nécessaires à l'appréciation de sa légalité et lui a, d'autre part, fait observer que le régime des primes attribuées à cet agent était dépourvu de base légale ; que cette demande du préfet doit être regardée comme un recours gracieux qui a interrompu le cours du délai du recours contentieux qui n'a recommencé à courir que le 14 juin 1992, date de réception par le préfet de la réponse du président du conseil général ; que ce délai n'était pas expiré le 6 ao–t 1992, date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif du déféré du préfet ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Lorsqu'un emploi est créé ou devient vacant, l'autorité territoriale en informe le centre de gestion compétent qui assure la publicité decette création ou de cette vacance./ L'autorité territoriale peut pourvoir cet emploi en nommant l'un des fonctionnaires qui s'est déclaré candidat par voie de mutation, de détachement ou, le cas échéant et dans les conditions fixées par chaque statut particulier, de promotion interne et d'avancement de grade./ Elle peut également pourvoir cet emploi en nommant l'un des candidats inscrits sur une liste d'aptitude établie en application de l'article 44./ Lorsqu'aucun candidat ne s'est déclaré dans un délai de deux mois à compter de la publicité de la création ou de la vacance, ou lorsqu'aucun candidat n'a été nommé à compter de cette publicité, l'emploi ne peut être pourvu que par la voie d'un concours (...) ou par promotion interne (...)" ; que ces dispositions, alors même qu'elles ne font pas mention de la faculté qu'ont dans certains cas les collectivités territoriales, en vertu de l'article 3 de la loi, de recruter des agents contractuels pour occuper des emplois permanents, subordonnent tout recrutement effectué par une collectivité territoriale pour pourvoir un emploi vacant ou nouvellement créé à l'accomplissement de mesures de publicité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la création de l'emploi de chargé de mission par la délibération du 12 mars 1992 du conseil général des Alpes-Maritimes qui prévoyait, d'ailleurs, qu'il ne serait fait appel à un contractuel que "s'il n'était pas possible de recruter un membre du cadre d'emplois des attachés territoriaux", n'a pas été communiquée au centre de gestion compétent ; qu'il suit de là que le contrat par lequel le président du conseil général a recruté M. Tuffery pour occuper cet emploi a été conclu à la suite d'une procédure irrégulière et est, par suite, entaché d'excès de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé le contrat du 23 mars 1992 par lequel le président du conseil général a recruté M. Tuffery ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser au DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DES ALPES-MARITIMES, au préfet des Alpes-Maritimes, à M. Jean-Marc Tuffery et au ministre de l'intérieur.

Agir sur cette sélection :