CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 137416
COMMUNE D'EYGLIERS
Lecture du 22 Septembre 1997
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 2ème et 6ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 2ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 mai 1992 et 11 septembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE D'EYGLIERS, représentée par son maire ; la COMMUNE D'EYGLIERS demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 9 mars 1992 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. Claude Pascal et de Mme Josette Viellefond, d'une part, annulé la délibération du 29 mars 1989 par laquelle son conseil municipal a approuvé le plan d'occupation des sols de la commune, d'autre part, l'a condamnée à verser la somme de 2 500 F aux intéressés au titre des frais irrépétibles ; 2°) rejette la demande présentée par M. Claude Pascal et Mme Josette Viellefond devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu l'article 75-I la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la COMMUNE D'EYGLIERS et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Claude Pascal et de Mme Josette Viellefond, - les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme : "I - les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières sont préservées. La nécessité de préserver ces terres s'apprécie au regard de leur rôle et de leur place dans les systèmes d'exploitation locaux. Sont également pris en compte leur situation par rapport au siège de l'exploitation, leur relief, leur pente et leur exposition. Seules les constructions nécessaires à ces activités ainsi que les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée peuvent y être autorisés.... II - les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard ; III - l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs et villages existants, sauf si le respect des dispositions prévues aux articles I et II ci-dessus ou la protection contre les risques naturels imposent la délimitation de hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. La capacité d'accueil des espaces destinés à l'urbanisation doit être compatible avec la préservation des espaces naturels et agricoles mentionnés au I et II du présent article" ; qu'il résulte de ces dispositions que l'urbanisation des communes de montagne doit être réalisée en continuité avec les bourgs et villages existants, sauf si la création d'un nouvel espace urbanisé est nécessaire pour permettre la réalisation des objectifs énoncés aux I et II de l'article L. 145-3 et, notamment, pour maintenir et développer les activités agricoles, pastorales et forestières ;
Considérant que la COMMUNE D'EYGLIERS a classé en zone INAh à vocation principale d'habitat dans "le secteur des blancs" une zone destinée à la création d'un lotissement municipal, après regroupement de terres constructibles issues d'un remembrement en cours ; que si le projet de lotissement avait pour conséquence de créer une nouvelle zone urbanisée en dehors des bourgs et villages existants, à 500 mètres du chef-lieu de la commune, il ressort des pièces du dossier que le classement contesté en zone INAh qui concerne un terrain caillouteux, pentu, non irrigable et de faible valeur agricole, permettait de préserver des terres de "la plaine" plus proches du bourg mais de meilleure qualité agricole, plus facilement arrosables et exploitables par des engins mécaniques ; qu'ainsi la délimitation d'un hameau nouveau dans le secteur des Blancs était de nature à maintenir ou développer les activités agricoles ; que dès lors, la COMMUNE D'EYGLIERS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 mars 1992, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme quant à la création d'une zone INAh dans "le secteur des blancs", pour annuler la délibération du 29 mars 1989 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE D'EYGLIERS a approuvé son plan d'occupation des sols ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par les consorts Pascal devant le tribunal administratif de Marseille ;
Considérant que si les consorts Pascal soutiennent que la procédure d'élaboration du plan d'occupation des sols serait entachée d'irrégularité du fait que le conseil municipal se serait prononcé au vu d'un document sur lequel n'était pas reporté l'avis du commissaireenquêteur sur les observations qu'ils avaient formulées au sujet du classement de la parcelle n° 913 C, il ressort du dossier que le conseil municipal a eu connaissance de l'ensemble du rapport et des conclusions du commissaire-enquêteur au moment où il a délibéré pour approuver le plan d'occupation des sols ;
Considérant que si pour critiquer le classement en zone NC de la parcelle cadastrée n° 913 C M. Claude Pascal et Mme Josette Viellefond se fondent sur le prix élevé de l'acquisition de cette parcelle pour laquelle ils avaient obtenu un certificat d'urbanisme positif en 1977, ces éléments sont sans influence sur la légalité du classement en zone NC de ladite parcelle ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait à la COMMUNE D'EYGLIERS de classer la parcelle 913 C en zone inconstructible ni ne lui imposait de classer cette parcelle en zone constructible ; qu'ainsi son classement en zone NC n'est pas entaché d'erreur de droit ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en classant en zone NC ladite parcelle au motif qu'elle était relativement peu pentue, irrigable et exploitable par des engins mécaniques et d'une qualité agricole supérieure à celle du lotissement des Blancs, la commune n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que le moyen tiré de ce que "le secteur des blancs" se trouve près d'une zone à risque à proximité du torrent Sainte-Catherine manque en fait ;
Considérant que le plan d'occupation des sols contesté comporte des dispositions destinées à prendre en compte les risques tenant à la présence de torrents ; qu'ainsi le moyen tiré à cet égard d'une méconnaissance des articles L. 111-1 et R. 111-3 du code de l'urbanisme manque en fait ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'EYGLIERS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 mars 1992, le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. Claude Pascal et de Mme Josette Viellefond, d'une part, annulé la délibération du 29 mars 1989 par laquelle son conseil municipal a approuvé le plan d'occupation des sols de la commune, d'autre part, condamné la commune requérante à verser la somme de 2 500 f aux intéressés au titre des frais irrépétibles ;
Considérant que si, en première instance les consorts Pascal ont présenté à titre subsidiaire pour le cas où leurs conclusions d'annulation ne seraient pas accueillies, des conclusions tendant à la réparation du préjudice qu'ils auraient subi, ces conclusions n'avaient pas fait l'objet d'une demande préalable à la COMMUNE D'EYGLIERS et étaient par suite irrecevables ;
Sur les conclusions de la COMMUNE D'EYGLIERS tendant à la suppression de certains passages des mémoires en réplique des consorts Pascal en date du 22 avril 1994 :
Considérant que si d'après les dispositions de l'article 24 du nouveau code de procédure civile et de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, les tribunaux peuvent dans les causes dont ils sont saisis et suivant la gravité des manquements, prononcer des injonctions aux fins de suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires, les passages incriminés ne peuvent être regardés comme injurieux, outrageants ou diffamatoires pour la commune ; que dès lors celle-ci n'est pas fondée à en demander la suppression ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie les sommes qu'il détermine, au titre des frais exposés non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE D'EYGLIERS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. Claude Pascal et Mme Josette Viellefond la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 9 mars 1992 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Claude Pascal et Mme Josette Viellefond devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la COMMUNE D'EYGLIERS tendant à la suppression d'un passage des mémoires de M. Claude Pascal et Mme Josette Viellefond sont rejetées.
Article 4 : La demande présentée par M. Claude Pascal et Mme Josette Viellefond au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'EYGLIERS, à M. Claude Pascal, à Mme Josette Viellefond et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.