Jurisprudence : CE Contentieux, 18-06-1993, n° 137317, INSTITUT FRAN CAIS D''OPINION PUBLIQUE (IFOP) et autres

CE Contentieux, 18-06-1993, n° 137317, INSTITUT FRAN CAIS D''OPINION PUBLIQUE (IFOP) et autres

A0169ANL

Référence

CE Contentieux, 18-06-1993, n° 137317, INSTITUT FRAN CAIS D''OPINION PUBLIQUE (IFOP) et autres. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/910457-ce-contentieux-18061993-n-137317-institut-fran-cais-dopinion-publique-ifop-et-autres
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 137317

INSTITUT FRAN CAIS D'OPINION PUBLIQUE (IFOP) et autres

Lecture du 18 Juin 1993

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 10ème et 7ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu 1°) sous le n° 137 317, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 mai 1992 et 25 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'INSTITUT FRAN CAIS D'OPINION (IFOP), société anonyme, dont le siège social est 6/8, rue Eugène Oudiné à Paris (75013), agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège ; l'IFOP demande l'annulation pour excès de pouvoir du communiqué de la commission des sondages rendu public le 18 mars 1992 ; Vu, 2°), sous le n° 137 369, la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 11 mai 1992, présentée pour la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE, dont le siège social est 26 bis rue François 1er à Paris (75400) cedex 08, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège ; la société demande l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision en date du 18 mars 1992 de la commission des sondages en tant qu'elle interdit la publication et le commentaire d'enquêtes réalisées au sujet du vote exprimé lors du scrutin régional du 22 mars 1992 avant le 29 mars 1992 à 20 heures ; Vu, 3°) sous le n° 137 553, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 18 mai 1992, présentée pour la société LE FIGARO, dont le siège social est 25 avenue Matignon à Paris (75008), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ; la société demande au Conseil d'Etat d'annuler une décision de la commission des sondages intitulée "communiqué" en date du 18 mars 1992 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la décision attaquée ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 modifiée ;
Vu le code électoral ;
Vu le décret n° 78-79 du 25 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 80-531 du 16 mai 1980 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Quinqueton, Auditeur, - les observations de Me Le Prado, avocat de L'INSTITUT FRAN CAIS D'OPINION PUBLIQUE ET DE MARCHES (I.F.O.P.), de Me Choucroy, avocat de la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE et de la S.C.P. de Chaisemartin, Courjon, avocat de la société LE FIGARO, - les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même acte ; qu'il y lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que les personnes morales requérantes défèrent au Conseil d'Etat un communiqué du 18 mars 1992 de la commission des sondages relatif à l'application de l'article 11 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 ; qu'elles critiquent le deuxième alinéa du communiqué aux termes duquel, "cette interdiction ne s'applique pas seulement aux sondages d'intention de vote, mais aussi, notamment, à ceux qui, réalisés à la "sortie des urnes" le jour du scrutin, auraient pour objet de déterminer les motivations des électeurs ainsi que le profil des différents électorats" ainsi que le troisième alinéa du communiqué qui énonce que, "la prohibition instituée par la loi ne s'applique pas uniquement aux sondages relatifs à l'élection qui doit avoir lieu au terme de la période d'interdiction" ;
Considérant que l'interprétation donnée par l'autorité administrative des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en euvre, au moyen de dispositions impératives à caractère général, n'est susceptible d'être directement déférée au juge de l'excès de pouvoir que si et dans la mesure où ladite interprétation méconnaît le sens et la portée des prescriptions législatives ou réglementaires qu'elle se propose d'expliciter ou contrevient aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes juridiques ;
Considérant que le premier alinéa de l'article 11 de la loi du 19 juillet 1977 dispose que : "Pendant la semaine qui précède chaque tour de scrutin ainsi que pendant le déroulement de celui-ci, sont interdits, par quelque moyen que ce soit, la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage tel que défini à l'article 1er" ;
Considérant que l'article 1er de la loi, auquel se réfère l'article 11, comprend dans son champ d'application "tout sondage d'opinion ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum, une élection présidentielle ou l'une des élections réglementées par le code électoral ainsi qu'avec l'élection des représentants au Parlement européen" ; qu'il est spécifié en outre que, "les opérations de simulation de vote réalisées à partir de sondages d'opinion" sont assimilées à de tels sondages ;
Considérant que les enquêtes réalisées sur la base d'un échantillon représentatif d'électeurs, à la sortie des bureaux de vote lors de l'une des consultations visées à l'article 1er et destinées à déterminer les motivations des électeurs, constituent des sondages au sens de la loi car ils présentent un rapport au moins indirect avec une élection ; que de tels sondages sont par suite soumis à l'interdiction posée par le premier alinéa de l'article 11, sous réserve des exceptions prévues par le deuxième et le troisième alinéas de cet article, lesquels ont un caractère limitatif ;
Considérant qu'en particulier le troisième alinéa autorise seulement la diffusion d'opérations d'estimation des résultats dès la clôture d'un tour de scrutin dans une perspective d'information immédiate du public ; qu'en revanche l'interdiction de publication ou de diffusion s'applique à tous les sondages ayant un rapport direct ou indirect avec l'une quelconque des consultations visées à l'article 1er et n'est pas limitée à ceux portant uniquement sur l'élection ou le tour de scrutin qui doit avoir lieu au terme de la période d'interdiction ; Considérant, dans ces conditions, que les dispositions du communiqué de la commission des sondages, par lequel celle-ci a estimé que les enquêtes réalisées lors des élections régionales du 22 mars 1992 ne pouvaient être publiées qu'après le déroulement du second tour des élections cantonales du 29 mars, constituent une simple interprétation des prescriptions édictées par le législateur qui n'est pas de nature à faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, les requêtes dirigées contre lesdites dispositions ne sont pas recevables ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes susvisées de l'INSTITUT FRAN CAIS D'OPINION PUBLIQUE ET D'ETUDES DE MARCHES, de la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE et de la société LE FIGARO sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'INSTITUT FRAN CAIS D'OPINION PUBLIQUE ET D'ETUDES DE MARCHES, à la société EUROPE 1 TELECOMPAGNIE, à la société LE FIGARO, au président de la commission des sondages et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

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