Jurisprudence : CE 9/8 SSR, 09-07-1980, n° 13629

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 13629

M. xxxxx

Lecture du 09 Juillet 1980

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 9ème Sous-Section

Vu 1°) la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 25 juillet 1978, présentée par M. xxxxx demeurant xxxxx et tendant à ce que le Conseil d'Etat: - annule le jugement du 17 mai 1978 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1971 et 1972 dans les rôles de la Commune xxxxx - lui accorde les réductions demandées;

Vu le Code général des Impôts;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;

Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que les requêtes de M. xxxxx émanent du même contribuable et sont dirigées contre deux jugements du tribunal administratif de Versailles relatifs aux mêmes impositions; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision;

Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 20 octobre 1978:
Considérant que, par ce jugement, le tribunal administratif a statué au fond au vu des résultats d'un supplément d'instruction qu'il avait ordonné par un jugement du 17 mai 1978 et qui portait sur un seul des chefs de redressement contestés; qu'il n'est pas contesté que ce jugement du 17 mai 1978 est suffisamment motivé eu égard aux moyens invoqués par le requérant; que le jugement du 20 octobre 1978 s'y réfère et se borne à juste titre à trancher la question demeurée en litige; qu'il n'est dès lors pas entaché d'insuffisance de motifs;

Sur la recevabilité des conclusions relatives à l'année 1971:
Considérant qu'aux termes de l'article 1932 du code général des impôts: ".... 5. Dans le cas où le contribunable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations";
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a notifié le 15 mars 1975 à M. xxxxx un redressement de ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1971; qu'en vertu de l'article 1932 précité, le contribuable disposait dès lors d'un délai expirant le 31 décembre 1979 pour contester, non seulement l'imposition supplémentaire correspondant à ce redressement, mais encore l'imposition primitive à laquelle il avait été assujetti au titre de ladite année; que, par suite, M. xxxxx est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a pour son premier jugement en date du 17 mai 1978, regardé comme non recevable sa réclamation au directeur en date du 4 février 1976, en tant qu'elle concernait l'année 1971, et rejeté par ce motif sa demande sur ce point; que, dès lors, le jugement du 17 mai 1978 doit être annulé dans celles de ses dispositions qui concernent l'année 1971;
Considérant que l'affaire est en état; qu'il y a lieu dévoquer et de statuer au fond sur les conclusions de la demande de M. xxxxx relatives à l'année 1971 en même temps que sur les conclusions de la requête relatives aux années 1972 et 1973;

Sur la somme de 1 004 F perçue en 1972:
Considérant que la compagnie xxxxx employeur de M. xxxxx lui a versé en 1972 une somme de 1 004 F, correspondant à des intérêts au taux de 5% l'an dont elle s'est reconnue redevable en raison du paiement tardif de salaires dus à l'intéressé au titre d'années antérieures; que le requérant soutient que cette somme est imposable selon le régime applicable aux traitements et salaires, alors que l'administration l'a regardée comme un revenu de créance et l'a imposée selon le régime applicable aux revenus de capitaux mobiliers;
Considérant qu'aux termes de l'article 124 du code général des impôts, doivent notamment être regardés comme des revenus des créances, dépôts et cautionnements et rangés à ce titre dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, "lorsqu'ils ne figurent pas dans les recettes provenant de l'exercice d'une profession industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou d'une exploitation minière, les intérêts.... 1° des créances.... chirographaires";
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans la commune intention des parties, l'allocation de la somme litigieuse n'avait pour objet ni de rémunérer un travail fait ou une sujétion particulière liée à l'exécution du contrat de travail, ni de réparer une perte de salaires, et visait uniquement à tenir compte du retard avec lequel l'employeur s'acquittait d'une dette de salaires qu'il reconnaissait avoir contractée depuis un certain temps envers son employé; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a regardé la somme litigieuse comme constituant des intérêts moratoires entrant dans le champ d'application de l'article 124 précité;

Sur les indemnités de découcher et de repas percues en 1971, 1972 et 1973:
Considérant qu'aux termes de l'article 81 du code général des impôts: "Sont affranchis de l'impôt: 1° Les allocations speciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisés conformément à leur objet"; qu'aux termes de l'article 83 du même code: "Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés: .... 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut.... elle est fixée à 10% du montant de ce revenu. - Toutefois en ce qui concerne les catégories de professions qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant de l'application des pourcentages prévus à l'alinéa précédent, un rêté ministériel fixe le taux de la déduction dont les contribuables appartenant à ce professions peuvent bénéficier en sus de la déduction forfaitaire visée audit alinéa. Cette déduction supplémentaire est limitée à 50 000 F";
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les salariés qui appartiennent aux professions mentionnées à l'article 83-3° ne peuvent bénéficier de la déduction supplémentaire prévue à leur profit que dans mesure où les frais particuliers dont elle est destinée à tenir compte ne sont pas déjà couverts par des allocations spéciales affranchies de l'impôts en application de l'article 81-1° ou ne sont pas directement pris en charge par l'employeur ou par des tierces personnes; que, dans le cas où ces frais font en tout ou en partie, l'objet d'une telle prise en charge, et à condition qu'ils soient de la même nature que ceux que la déduction supplémentaire a pour objet de couvrir, ils doivent être retranchés de la somme qui est obtenue en appliquant le taux de la déduction supplémentaire au revenu brut des contribuables intéressés, diminué préalablement de la déduction de 10%; que seul l'excédent éventuel de cette somme sur les frais pris en charge par l'employeur ou par les tierce personnes peut être déduit du revenu brut pour le calcul du revenu net;
Considérant que M. xxxxx exerçait l'activité de pilote de ligne à la xxxxx au cours des années 1971, 1972 et 1973; qu'il était donc en droit de bénéficier de la déduction supplémentaire forfaitaire de 30% prévue à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts au profit des personnels navigants de l'aviation marchapde; que le règlement intérieur de la xxxxx prévoyait que les pilotes en déplacement bénéficiaient, d'une part, de la prise en charge directe par la Compagnie des frais de logement et de repas aux escales dans la majorité des cas et, d'autre part, d'une indemnité forfaitaire de logement ou de repas dans le cas où ces frais n'étaient pas réglés directement par la compagnie; que les sommes correspondant à ces frais ont été, dans les deux cas, régulièrement déclarés à l'administration par la compagnie, comme indemnité de découcher et frais de repas, pour leur totalité, soit 5 464 F en 1971, 12 800 F en 1972, 19 090 F en 1973; qu'en vertu de l'article 81-1° précité, ces indemnités ne pouvaient pas être comprises dans le revenu brut de M. xxxxx mais les frais qu'elles ont couvert étaient de la nature de ceux dont est destinée à tenir compte la déduction supplémentaire de 30% accordée aux personnels navigants de l'aviation marchande; que, dès lors, ces indemnités doivent être imputées sur le montant de la déduction supplémentaire de 30% appliquée au revenu brut; que le revenu net, ainsi calculé, s'élèverait à 87 184 F pour l'année 1971, 99 049 F pour l'année 1972 et 140 258 F pour l'année 1973; qu'en fait le requérant n'a été imposé que sur des bases s'élevant respectivement à 85 575 F, 96 085 F et 138 730 F pour les trois années litigieuses; qu'ainsi M. xxxxx n'est fondé à se plaindre ni d'avoir été surtaxé, ni, dès lors, de ce que, pour les jugements attaqués, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sur ce point sa demande en réduction des impositions litigieuses.
DECIDE
Article 1er - Le jugement susvisé du tribunal administratif de Versailles en date du 17 mai 1978 est annulé en tant qu'il a rejeté comme non recevables les conclusions de la demande de M. xxxxx concernant son imposition à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1971.
Article 2 - Les conclusions mentionnées à l'article précédent et le surplus des conclusions de la requête de M. xxxxx sont rejetées.

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