Jurisprudence : CE 7/10 SSR, 29-01-1993, n° 131708

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 131708

M. etMme MATRAIRE et autres

Lecture du 29 Janvier 1993

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 7ème et 10ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu 1°), sous le n° 131 708, la requête enregistrée le 18 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme MATRAIRE, demeurant Le Rivier (38470) Cognin-les-Gorges, par M. et Mme Auguste GLENAT, demeurant à La Barnetière (38470) Tèche, par M. Paul MARTINAIS, demeurant à Bouchetière (38470) Vinay ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret du 12 octobre 1991 déclarant d'utilité publique et urgent le projet d'autoroute A.49 Voreppe-Bourg-de-Péage ;
Vu 2°), sous le n° 131 998, la requête enregistrée le 27 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Gérard FEUGIER, demeurant Les Combeaux (38160) Saint-Sauveur ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret du 12 octobre 1991 déclarant d'utilité publique et urgent le projet d'autoroute A.49 Voreppe-Bourg-de-Péage ;
Vu 3°), sous le n° 131 999, la requête enregistrée le 27 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Michel SAVOYE, demeurant aux Bouquets (38840) Saint-Lattier-Saint-Hilaire-du-Rosier ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret du 12 octobre 1991 déclarant d'utilité publique et urgent le projet d'autoroute A.49 Voreppe-Bourg-de-Péage ;
Vu 4°), sous le n° 132 121, la requête enregistrée le 2 décembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par les consorts SOULLIER, demeurant Le Plan (38210) Tullins ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret du 12 octobre 1991 déclarant d'utilité publique et urgent le projet d'autoroute A.49 Voreppe-Bourg-de-Péage ;
Vu 5°), sous le n° 132 269, la requête enregistrée le 7 décembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par MM. Augustre BELLE, Maurice REVOL, Daniel CHABERT, Jean-Marie PASCAL, Mme Armande BOUVAREL, M. René GIRAUD, Mme Madeleine GAILLET, MM. Max REYNAUD, Maurice FALCON, Jean CLEMENT, Mme Odile GILLET, MM. Albert CHARDON, Roger CHARDON, Mme Marie-Louise BLANC, MM. Paul BARTHELEMY, Philippe REVOL, Mme Josette BOUVAREL, MM. André BOYER, Christian GLENAT, Pierre ODIER, Edouard SEYVET, Gérard MONTEL, Jean-Noël REVOL, Jean CAMONFOUR, GENEVIER, Mme Germaine ROBIN, MM. Joseph PINEJ, Maurice GIRARD, Joël DAVID, Jean-Jacques CHAUVET, René PIERROT, Jean-Paul SEAUME, Mme Paulette ARCHINARD, Mlle Monique ARCHINARD, MM. René PRADAT, Bernard SERVONNET, Norbert CHALAYE, Michel MACAIRE, Joseph FRAISSE, Michel MATHIEU, André GIRAUD, Joseph JOUBERT, André VEYRET, Jacques GIRARD, Joseph COTTE, Gérard SULPICE, Lucien BESSEE, Michel MONNET, Camille FAYARD demeurant à Saint-Hilaire-du-Rosier ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret du 12 octobre 1991 déclarant d'utilité publique et urgent le projet d'autoroute A.49 Voreppe-Bourg-de-Péage ;
Vu 6°), sous le n° 132 405, la requête enregistrée le 12 décembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. BRUN-BUISSON et autres, demeurant La Grande Allée (38210) Tullins ; les requérants demandent que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret du 12 octobre 1991 déclarant d'utilité publique et urgent le projet d'autoroute A.49 Voreppe-Bourg-de-Péage ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Vigouroux, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R.11-14-7 du code de l'expropriation, un avis d'enquête "est, par les soins du préfet, publié, en caractères apparents, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés, au moins quinze jours avant le début de l'enquête et rappelé de même dans les huit premiers jours de celle-ci" ; que l'enquête publique ayant été ouverte le 7 janvier 1991, l'avis d'enquête a été publié en caractères apparents les 14 décembre 1990 et 10 janvier 1991 dans le Dauphiné Libéré, les 15 décembre 1990 et 12 janvier 1991 dans l'Impartial de la Drôme et les 14 décembre 1990 et 11 janvier 1991 dans les Affiches de Grenoble et du Dauphiné ; qu'ainsi la procédure était sur ce point régulière ;
Considérant qu'en vertu du 2ème alinéa de l'article R.11-14-7 du code de l'expropriation, seules les enquêtes portant sur des opérations d'importance nationale doivent donner lieu à publication dans deux journaux à diffusion nationale ; que l'autoroute A.49 a pour fonction de relier la Suisse et l'Allemagne à la vallée du Rhône ; qu'elle participe directement au réseau européen autoroutier ; qu'ainsi la construction de cette autoroute est une opération d'importance nationale ; qu'il résulte du dossier que l'avis d'ouverture de l'enquête a été publié dans deux journaux à diffusion nationale, Le Figaro et Le Monde en date des 14 décembre 1990 et 9 janvier 1991 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que cet avis n'aurait pas été publié dans deux journaux d'importance nationale manque en fait ;
Considérant que, conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l'article R.11-14-7 du code de l'expropriation, les maires des 24 communes concernées ont, ainsi que l'établissent les certificats versés au dossier, publié dans leur commune, pendant toute la durée de l'enquête, l'avis précité ;
Considérant qu'il résulte du rapport du préfet de l'Isère, coordonnateur du projet, adressé au ministre de l'équipement en date du 17 juillet 1990 que "des publications par voie d'affiche ont été faites... sur le site des travaux" ; que dès lors les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure serait viciée par l'absence de ces publications ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier soumis à enquête mentionnait expressément les textes régissant l'enquête ;
Considérant que si l'étude d'impact jointe au dossier de l'enquête publique menée en janvier 1991 était celle qui avait été élaborée lors de la précédente enquête publique préalable au décret annulé par le Conseil d'Etat le 19 septembre 1990, il résulte des pièces du dossier qu'elle a été actualisée pour prendre en compte les éléments plus récents ; que, notamment, dans son nouveau chapitre sur les "mesures générales prises", l'étude d'impact détaille les nombreux travaux, aménagements, études, et modification du projet initial, y compris sur la partie de l'autoroute déjà construite, permettant de réduire les conséquences du projet sur l'environnement ; qu'ainsi elle satisfait aux conditions du décret du 12 octobre 1977 ;
Considérant que la commission d'enquête, après avoir recueilli les observations du public, doit exprimer, dans les conclusions de son rapport, son avis propre ; qu'elle n'est pas tenue, à cette occasion, de répondre à chacune des observations qui lui ont été présentées, ni de se conformer à l'opinion, même unanime, des personnes ayant participé à l'enquête ; qu'en outre, en l'espèce, la commission a examiné et apprécié les observations et lettres reçues dans chacune des communes intéressées avant de donner un avis favorable au projet ; En ce qui concerne la légalité interne du décret attaqué : Considérant, en premier lieu, qu'à la date de l'enquête qui a précédé le décret attaqué du 21 octobre 1991, l'autoroute A.49 entre Grenoble et Valence était déjà largement construite, en exécution d'un décret déclaratif d'utilité publique du 6 mai 1988, annulé par une décision du Conseil d'Etat du 19 septembre 1990 ; que cette annulation ne faisait pas obstacle à ce qu'un nouveau décret déclaratif d'utilité publique fût pris dans des conditions régulières, en conformité avec les prescriptions législatives et réglementaires en vigueur à la date à laquelle ce nouveau décret devait intervenir ; que compte tenu de cette situation de fait, l'administration était en droit de n'envisager aucun autre parti que de maintenir l'implantation de l'autoroute déjà partiellement ouverte à la circulation ; Considérant, en second lieu, que le projet de construction d'une autoroute entre Voreppe (Isère) et Bourg-de-Péage (Drôme) répond à la nécessité d'assurer la liaison Grenoble-Valence en reliant la vallée du Rhône et les autoroutes alpines ; que cette autoroute permettra d'atténuer ou de supprimer les causes d'insécurité et de ralentissement sur les actuelles routes nationale n os 92 et 532 ; que le tracé choisi sur la terrasse de Vinay-l'Albenc a été retenu, sur la suggestion de la commission d'enquête, en vue de réduire au maximum, d'une part, les atteintes au hameau de Bouchetière et, d'autre part, les incidences sur la végétation et les cultures ; que si les requérants soutiennent que l'autoroute contestée portera atteinte à des espaces boisés et à des sites protégés, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard tant à l'importance de l'opération qu'aux précautions prises, notamment dans les domaines des sites archéologiques, des paysages, de l'isolation phonique, de l'hydrologie et de l'agriculture, les inconvénients inhérents aux atteintes portées à l'environnement ne sont pas de nature à lui retirer à cette opération son caractère d'utilité publique ; Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L.122-4 du code de la voirie routière : "l'usage des autoroutes est en principe gratuit. Toutefois, peuvent être concédées par l'Etat... la construction et l'exploitation d'une autoroute... Ces actes peuvent autoriser le concessionnaire à percevoir des péages" ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prévoyant de concéder à une société d'économie mixte, qui serait autorisée à percevoir des péages, les travaux de construction et l'exploitation de la section d'autoroute en cause, l'auteur de la déclaration d'utilité publique attaquée aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ; Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R.15-1 du code de l'expropriation : "Lorsqu'il y a urgence à prendre possession des biens expropriés, cette urgence est constatée par l'acte déclarant l'utilité publique ou un acte postérieur de même nature" ; qu'eu égard à la nature des travaux en cause et à la proximité des jeux olympiques d'hiver, les auteurs du décret attaqué ont pu légalement déclarer urgents les travaux de réalisation de cet ouvrage ; que le décret n'est pas entaché de contradiction en mentionnant le délai maximum de 5 ans prévu à l'article L.11-5-II du code de l'expropriation pendant lequel l'expropriation devra être réalisée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué, conforme aux dispositions du code de l'expropriation, compte tenu à la fois des garanties de procédure prévues par ce code de l'expropriation et des voies de recours juridictionnel ouvertes aux propriétaires expropriés, n'a pas méconnu les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ; que, dès lors, les requêtes doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer aux personnes requérantes les sommes qu'elles demandent sous les numéros 131 708, 131 998, 131 999, 132 121, 132 269 et 132 405 au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 131 708 de M. et Mme MATRAIRE et autres, n° 131 998 de M. et Mme FEUGIER, n° 131 999 de M. et Mme SAVOYE, n° 132 121 des consorts SOULIER, n° 132 269 de M. BELLE et autres, n° 132 405 de M. BRUN-BUISSON et autres sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme MATRAIRE et autres, à M. et Mme FEUGIER, à M. et Mme SAVOYE, aux consorts SOULIER, à M. BELLE et autres, à M. BRUN-BUISSON et autres et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.

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