Jurisprudence : Cass. civ. 1, 14-12-2022, n° 21-19.642, F-D, Cassation

Cass. civ. 1, 14-12-2022, n° 21-19.642, F-D, Cassation

A98658ZE

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C100909

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046806109

Référence

Cass. civ. 1, 14-12-2022, n° 21-19.642, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90806507-cass-civ-1-14122022-n-2119642-fd-cassation
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CIV. 1

CF


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2022


Cassation


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 909 F-D

Pourvoi n° J 21-19.642


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022


1°/ M. [K] [G],

2°/ M. [J] [E],

tous deux domiciliés [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° J 21-19.642 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige les opposant :

1°/ au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, domicilié [… …],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [G] et [E], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 juin 2021), MM. [G] et [E], avocats, ont été poursuivis à la requête du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris pour des manquements aux principes essentiels de la profession d'avocat.

2. Ils ont été condamnés à la sanction disciplinaire de l'avertissement.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. MM. [G] et [E] font grief à l'arrêt de retenir leur culpabilité et de prononcer à leur encontre la sanction de l'avertissement, alors « que l'exigence d'un procès équitable et le principe de la contradiction impliquent qu'en matière disciplinaire, lorsque le ministère public émet un avis, l'arrêt précise si cet avis est oral ou écrit, et si, en ce cas, la personne poursuivie en a reçu communication afin de pouvoir y répondre utilement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel se borne à constater que l'affaire a été communiquée au ministère public, que le procureur général a fait connaître son avis, et que "le procureur général est d'avis que la décision disciplinaire doit être confirmée" ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser si le procureur général avait pris un avis écrit et si cet avis avait été communiqué en temps utile à MM. [G] et [E], la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »



Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 du code de procédure civile :

4. L'exigence d'un procès équitable et le principe de la contradiction impliquent qu'en matière disciplinaire, lorsque le procureur général émet un avis, l'arrêt précise si cet avis est oral ou écrit et si, en ce cas, la personne poursuivie en a reçu communication afin de pouvoir y répondre utilement.

5. L'arrêt mentionne, d'une part, que l'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par un avocat général qui a fait connaître son avis, d'autre part, que le procureur général est d'avis que la décision disciplinaire doit être confirmée.

6. En procédant ainsi, sans préciser si le ministère public a conclu par écrit, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour MM. [G] et [E]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Messieurs [K] [G] et [J] [E] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'ils s'étaient rendus coupables d'un manquement aux principes essentiels de la profession d'avocat, notamment de loyauté, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie, d'AVOIR dit qu'ils avaient en conséquence violé les dispositions de l'article 1.3 du Règlement Intérieur National, et d'AVOIR prononcé à leur encontre la sanction de l'avertissement.

ALORS QUE l'exigence d'un procès équitable et le principe de la contradiction impliquent qu'en matière disciplinaire, lorsque le Ministère Public émet un avis, l'arrêt précise si cet avis est oral ou écrit, et si, en ce cas, la personne poursuivie en a reçu communication afin de pouvoir y répondre utilement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel se borne à constater que l'affaire a été communiquée au Ministère Public, que le Procureur Général a fait connaître son avis, et que « le Procureur Général est d'avis que la décision disciplinaire doit être confirmée » (arrêt, p.2, §3 et 3, in medio) ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser si le Procureur Général avait pris un avis écrit et si cet avis avait été communiqué en temps utile à Messieurs [G] et [E], la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Messieurs [K] [G] et [J] [E] font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'ils s'étaient rendus coupables d'un manquement aux principes essentiels de la profession d'avocat, notamment de loyauté, de confraternité, , de délicatesse, de modération et de courtoisie, d'AVOIR dit qu'ils avaient en conséquence violé les dispositions de l'article 1.3 du Règlement Intérieur National, et d'AVOIR prononcé à leur encontre la sanction de l'avertissement.

1°) ALORS QU'en cas de rupture d'un contrat de collaboration, les principes essentiels de la profession d'avocat n'imposent pas au cabinet de procéder au transfert automatique des courriels envoyés à l'adresse électronique anciennement mise à disposition de son collaborateur vers une adresse qu'il aurait nouvellement créée ; que, comme le prévoit l'article 14.4.3 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat, le cabinet d'origine du collaborateur sortant est simplement tenu de mettre en place une réponse automatique informant tout expéditeur du départ du collaborateur concerné, en indiquant ses nouvelles coordonnées ; qu'en jugeant que Messieurs [G] et [E], en leur qualité de dirigeants de la Selas DGFLA, avaient manqué aux principes professionnels de loyauté, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie, en s'abstenant de mettre en place un système de transfert automatique des courriels envoyés aux adresses électroniques anciennement mises à disposition de leurs collaborateurs sortants (arrêt, p.7, § 3 et 5), et en jugeant insuffisante la mise en place d'un message automatique informant tout expéditeur de leur départ du cabinet en indiquant leurs nouvelles coordonnées, la Cour d'appel a violé les articles 1.3 et 14.4.3 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat, ensemble l'article 97 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;

2°) ALORS QUE les principes essentiels de la profession d'avocat n'imposent pas davantage à un cabinet d'avocat, constitué sous forme d'une Selas, de mettre en place un système de transfert automatique des courriels adressés sur l'ancienne messagerie mise à la disposition d'un associé sortant vers une nouvelle adresse électronique qu'il aurait créée ; que le cabinet satisfait à ses obligations déontologiques en mettant en place un message automatique informant tout expéditeur du départ de l'associé sortant en indiquant ses nouvelles coordonnées ; qu'en jugeant au contraire que Messieurs [G] et [E], en leur qualité de dirigeants de la Selas DGLFA, avaient manqué à leurs obligations de confraternité, de modération et de courtoisie, en s'abstenant de mettre en place un système de transfert automatique des courriels envoyés aux adresses électroniques anciennement mises à disposition de leurs associés sortants (arrêt, p.7, § 3 et 5), la mise en place d'un message automatique informant tout expéditeur de leur départ du cabinet et précisant leurs nouvelles coordonnées étant selon elle insuffisante, la Cour d'appel a violé les articles 1.3 et 14.4.3 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat, ensemble l'article 97 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;

3°) ALORS en outre QU'il résulte des termes de la citation et de l'arrêt attaqué que les messages automatiques mis en place par la Aa A indiquaient aux expéditeurs que l'avocat concerné avait quitté le cabinet le 6 avril 2017, en précisant ses nouvelles coordonnées, et ajoutant simplement : « concernant le suivi des dossiers, vous pouvez contacter : - Maître [K] [G] au [XXXXXXXX02] ou lui adresser un e-mail à l'adresse suivante : [Courriel 7] - Maître [J] [E] au [XXXXXXXX01] ou lui adresser un e-mail à l'adresse suivante ; [Courriel 6] » ; qu'en retenant que le message automatique ainsi mis en place par la Aa B dès le 14 avril 2017 « n'apparaissait pas conforme à l'exigence de neutralité due au client » et caractérisait en tout état de cause un manquement des dirigeants de la Selas à leurs obligations professionnelles, quand ce message informait loyalement les expéditeurs de courriels à la fois de la nouvelle adresse des avocats retrayants, et de la possibilité pour eux de contacter les associés de la société DGFLA susceptibles de reprendre en charge la gestion de leurs dossiers, sans orienter leur choix dans un sens ou dans l'autre, était conforme aux principes essentiels de la profession d'avocat , la Cour d'appel a violé les articles 1.3 et 14.4.3 du Règlement Intérieur National de la profession d'avocat ;

4°) ALORS enfin QU'aucun manquement déontologique ne saurait résulter du seul non-respect d'une injonction délivrée par le Bâtonnier à un avocat en dehors de l'exercice de ses pouvoirs juridictionnels, ces injonctions ne pouvant constituer au mieux que de simples avis dépourvus de valeur contraignante à l'égard de l'avocat auquel elles sont adressées (Civ.1re, 3 mai 2018, n°17-17.717⚖️) ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, que le seul non-respect des « injonctions » du bâtonnier était constitutif d'un manquement déontologique, la Cour d'appel a violé les articles 6 et 187 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

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