COUR DE CASSATION FB
ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
Audience publique du 16 décembre 2022
Rejet
M. A, premier président
Arrêt n° 660 B+R
Pourvoi n° D
21-23.685⚖️ R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 16 DÉCEMBRE 2022
M. [Aa] [H], domicilié [… …], [Localité 3] (Maroc), a formé le pourvoi n° D 21-23.685, contre l'ordonnance n° 63 du premier président de la cour d'appel de Paris, en date du 20 octobre 2021, qui, sur renvoi après cassation, dans le litige l'opposant à l'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 6], a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant cette même Autorité à effectuer des opérations de visite et de saisies en vue de rechercher la preuve d'atteintes à la transparence des marchés et prononcé sur sa demande d'annulation d'opérations de visite et de saisies.
Par arrêt du 24 mai 2022, la chambre commerciale a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.
Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt.
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Bénabent, avocat de M. [Aa] [H].
Un mémoire en défense et un mémoire complémentaire ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Ohl et Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers.
Le rapport écrit de M. Seys, conseiller, et l'avis écrit de M. Lecaroz, avocat général, ont été mis à la disposition des parties.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, assisté de Mme Ab, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Bénabent, de la SCP Ohl et Vexliard, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, après débats en l'audience publique du 18 novembre 2022 où étaient présents M. A, premier président, MM. Chauvin, Pireyre, Sommer, Mme Ac, MM. Ad, Vigneau, présidents, M. Seys, conseiller rapporteur, MM. Huglo, Maunand, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, Darbois, Ae, doyens de chambre, M. Af, Ag Ah, Ott, Dard, M. Delbano, conseillers, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,
la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 20 octobre 2021), sur renvoi après cassation (Com., 14 octobre 2020, pourvoi n° 18-17.174), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'
article L. 621-12 du code monétaire et financier🏛, autorisé des enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers (AMF), en charge d'une enquête ouverte par son secrétaire général portant sur l'information financière et le marché du titre de la société Marie Brizard Wine & Spirits (la société MBWS), à procéder à une visite au siège de cette société, à l'occasion de la tenue de son prochain conseil d'administration, et à saisir toute pièce ou document susceptible de caractériser la communication et/ou l'utilisation d'une information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, sur tout support, notamment les ordinateurs portables et téléphones mobiles des représentants de la société Diana Holding participant à ce conseil d'administration, dont M. [H].
2. M. [Ai] a relevé appel de l'ordonnance d'autorisation de visite et saisies et exercé un recours contre le déroulement des opérations, réalisées le 25 avril 2017.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
3. M. [H] fait grief à l'ordonnance de confirmer celle rendue par le juge des libertés et de la détention et de déclarer régulières les opérations de visite et saisies effectuées le 25 avril 2017 dans les locaux de la société MBWS, alors « que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance que constitue la saisie de données électroniques n'est tolérée que si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime et est nécessaire, dans une société démocratique, pour atteindre ce but ; que seuls sont saisissables, lors d'une visite domiciliaire par les enquêteurs de l'AMF autorisée par le juge des libertés et de la détention, les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée ; que la simple présence passagère d'une personne au siège social d'une société où se déroule une visite domiciliaire, fût-ce pour une raison professionnelle telle que la tenue d'un conseil d'administration, ne lui confère pas la qualité d'occupant des lieux, quels que soient les liens juridiques que cette personne entretient avec la société et quelle que soit la fréquence de sa présence dans les lieux ; qu'en retenant néanmoins, pour décider que le juge des libertés et de la détention avait valablement autorisé la saisie des documents détenus par M. [Ai], que "M. [Aa] [H], administrateur de la société MBWS, en plein exercice de ses fonctions professionnelles lors de la tenue du conseil d'administration, [devait] être de toute évidence considéré comme "occupant des lieux" et susceptible de faire l'objet de saisies "et qu'il ne justifiait pas" à quelle fréquence il était présent dans les locaux pour exercer ses fonctions d'administrateur de la société MWBS", le premier président a violé les
articles L. 621-12 du code monétaire et financier🏛 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'
article L. 621-12 du code monétaire et financier🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'
ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017🏛, le juge des libertés et de la détention peut autoriser les enquêteurs de l'AMF à effectuer des visites en tous lieux et à procéder à la saisie de documents pour la recherche des infractions définies aux
articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du même code🏛🏛 et des faits susceptibles d'être qualifiés de délit contre les biens et d'être sanctionnés par la commission des sanctions de l'AMF en application de l'article L. 621-15 de ce code.
5. Il en résulte que sont saisissables les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux.
6. Ce texte, ainsi interprété, qui poursuit un but légitime, à savoir la protection des investisseurs, la régulation et la transparence des marchés financiers, est nécessaire dans une société démocratique pour atteindre cet objectif. Il ne porte pas une atteinte excessive au droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance dès lors, d'une part, que les opérations de visite et de saisies ont préalablement été autorisées par un juge qui s'est assuré du bien-fondé de la demande, qu'elles s'effectuent sous son autorité et son contrôle, en présence d'un officier de police judiciaire, chargé de le tenir informé de leur déroulement, et de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui prennent connaissance des pièces avant leur saisie, qu'elles ne peuvent se dérouler que dans les seuls locaux désignés par ce juge, que l'occupant des lieux et les personnes visées par l'ordonnance sont informés, par la notification qui leur en est faite, de leur droit de faire appel à un avocat de leur choix et que ces opérations peuvent être contestées devant le premier président de la cour d'appel par toutes les personnes entre les mains desquelles il a été procédé à de telles saisies, d'autre part, que seuls les éléments nécessaires à la recherche des infractions précitées peuvent être saisis, ceux n'étant pas utiles à la manifestation de la vérité devant être restitués.
7. Le moyen, qui conteste la qualité d'occupant des lieux de M. [Ai], est dès lors inopérant.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [H] aux dépens ;
Vu l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande de M. [Ai] et le condamne à payer à l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le seize décembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [H].
M. [Aa] [H] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Créteil le 19 avril 2017 et d'avoir déclaré régulières les opérations de visite et saisies effectuées en date du 25 avril 2017 dans les locaux de la société MBWS [Adresse 4] et [Adresse 2] à [Localité 7] ;
ALORS QUE l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance que constitue la saisie de données électroniques n'est tolérée que si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime et est nécessaire, dans une société démocratique, pour atteindre ce but ; que seuls sont saisissables, lors d'une visite domiciliaire par les enquêteurs de l'AMF autorisée par le juge des libertés et de la détention, les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée ; que la simple présence passagère d'une personne au siège social d'une société où se déroule une visite domiciliaire, fût-ce pour une raison professionnelle telle que la tenue d'un conseil d'administration, ne lui confère pas la qualité d'occupant des lieux, quels que soient les liens juridiques que cette personne entretient avec la société et quelle que soit la fréquence de sa présence dans les lieux ; qu'en retenant néanmoins, pour décider que le juge des libertés et de la détention avait valablement autorisé la saisie des documents détenus par M. [H], que « M. [Aa] [H], administrateur de la société MBWS, en plein exercice de ses fonctions professionnelles lors de la tenue du conseil d'administration, [devait] être de toute évidence considéré comme "occupant des lieux" et susceptible de faire l'objet de saisies » et qu'il ne justifiait pas « à quelle fréquence il était présent dans les locaux pour exercer ses fonctions d'administrateur de la société MWBS », le premier président a violé les
articles L. 621-12 du code monétaire et financier🏛 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.