Jurisprudence : CE Contentieux, 03-11-1995, n° 126513

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 126513

M. LARCHER

Lecture du 03 Novembre 1995

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux), Sur le rapport de la 8ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête et les observations complémentaires, enregistrées les 10 juin 1991 et 28 octobre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. LARCHER, demeurant 8, rue Tuband B.P. 3726 à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) ; M. LARCHER demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule l'arrêt en date du 2 avril 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 24 décembre 1987 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1976, 1977 et 1978 ; 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédure fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Austry, Auditeur, - les observations de la SCP Urtin-Petit, Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. LARCHER, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. LARCHER a été assujetti au titre de l'année 1976 :
Considérant que si M. LARCHER a déjà soutenu devant les juges du fond que la notification de redressement qui lui a été adressée le 19 décembre 1980 était irrégulière, il invoque pour la première fois en cassation le moyen tiré de ce que cette notification serait insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'est pas recevable ;
Sur les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. LARCHER a été assujetti au titre des années 1977 et 1978 : Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1977 : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus..." ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : "1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques..." ; que la notion de domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A précité est fonction du champ d'application territorial du code général des impôts ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, durant les années 1977 et 1978, M. et Mme Larcher, qui disposent d'un appartement à Bordeaux, ont séjourné en métropole respectivement 170 et 175 jours et 275 et 273 jours ; qu'en se fondant sur la durée de ces séjours pour en déduire que M. Franck LARCHER avait son foyer en France au sens de l'article 4 A du code général des impôts, la Cour a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. LARCHER est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 avril 1991en tant qu'il statue sur la partie du litige relative aux années 1977 et 1978 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond, si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Considérant, en premier lieu, qu'il est constant, d'une part, que, pour les années antérieures et postérieures aux années 1977 et 1978, M. LARCHER avait son domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie, où il avait établi, avec son épouse, son foyer, d'autre part, que la durée des séjours effectués en France métropolitaine, au cours des années 1977 et 1978, par M. LARCHER et son épouse, a été motivée par des circonstances de caractère exceptionnel résultant notamment de la maladie de la mère de Mme Larcher ; qu'ainsi, M. LARCHER doit être regardé comme ayant conservé, au cours des années 1977 et 1978, son foyer à Nouméa, où il résidait habituellement ; que, dès lors, la circonstance que lui-même ou son épouse auraient eu le lieu de leur séjour principal en France métropolitaine au cours desdites années est sans incidence sur la détermination de leur domicile fiscal ; Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas contesté que M. LARCHER exerçait son activité professionnelle en Nouvelle-Calédonie et qu'il y avait le centre de ses intérêts économiques au sens des dispositions précitées des paragraphes b et c du 1 de l'article 4 B du code général des impôts ;
Considérant que, par suite, M. LARCHER est fondé à soutenir qu'il n'avait pas son domicile fiscal en France, au sens de l'article 4 A du code général des impôts, au cours des années 1977 et 1978, et à demander, d'une part, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 décembre 1987 en tant qu'il statue sur les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de ces années et, d'autre part, la décharge de ces impositions ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 2 avril 1991 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 24 décembre 1987 sont annulés en tant qu'ils statuent sur la demande en décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles M. LARCHER a été assujetti au titre des années 1977 et 1978.
Article 2 : M. LARCHER est déchargé des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1977 et 1978.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. LARCHER est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Franck LARCHER et au ministre de l'économie, des finances et du plan.

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