Par déclaration du 19 juillet 2019, Mme [G] a relevé appel de cette décision, notifiée le 5 juillet 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 février 2021, Mme [G] demande à la cour, de :
A titre principal, sur la nullité du licenciement pour avoir dénoncé des agissements de harcèlement moral,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à lui payer, outre les indemnités conventionnelles de rupture, une indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, soit les sommes de :
*24.744 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (article 27 de l'avenant ingénieurs et cadres de la métallurgie),
*2.474,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
*74.232 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (article 29 des ingénieurs et cadres de la métallurgie),
*1.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- réformer pour le surplus le jugement entrepris et condamner la société à lui payer les sommes de:
*125.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la nullité de son licenciement en application de l'
article L.1152-3 du code du travail🏛,
*15.000 euros de dommages et intérêts à titre de violation de l'obligation de sécurité et de résultat en vertu des
articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail🏛🏛,
*10.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- lui allouer une indemnité complémentaire de 2.500 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- débouter la société de toutes ses demandes ainsi que de celle, reconventionnelle, à titre d'indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 chiffrée à 2.000 euros,
- condamner la société aux dépens et frais d'exécution.
A titre subsidiaire, sur la nullité du licenciement pour avoir subi et refusé de subir des agissements de harcèlement moral,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à lui payer à outre les indemnités conventionnelles de rupture, une indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, soit :
*24.744 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (article 27, avenant ingénieurs et cadres de la métallurgie),
*2.474,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
*74.232 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de l'article 29 de la convention des ingénieurs et cadres de la métallurgie,
*1.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- réformer pour le surplus le jugement entrepris et condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
*125.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la nullité de son licenciement en application de l'
article L1152-3 du code du travail🏛,
*15.000 euros de dommages et intérêts à titre de violation de l'obligation de sécurité et de résultat sur le fondement des
articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail🏛🏛,
*10.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- lui allouer une indemnité complémentaire de 2.500 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce compris de sa demande reconventionnelle à titre d'indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 chiffrée à 2.000 euros,
- condamner la société aux dépens et frais d'exécution.
A titre infiniment subsidiaire sur l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement,
- débouter la société de son appel incident limité à la requalification du licenciement notifié pour faute grave en un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, avec les conséquences qui en découlent,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société à lui payer les sommes de :
*24.744 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (article 27, avenant ingénieurs et cadres de la métallurgie),
*2.474,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
*74.232 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement (article 29 des ingénieurs et cadres de la métallurgie),
*1.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- réformer pour le surplus le jugement entrepris et condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
*82.400 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'
article L1235-3 du code du travail🏛,
*15.000 euros de dommages et intérêts à titre de violation de l'obligation de sécurité et de résultat sur le fondement des
articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail🏛🏛,
*10.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- lui allouer une indemnité complémentaire de 2.500 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce compris de sa demande reconventionnelle à titre d'indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 chiffrée à la somme de 2.000 euros,
- condamner la société aux dépens et frais d'exécution.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 mars 2022, la SAS FINANCIERE ERASIS, devenue SAS ACTEON en janvier 2020, demande à la cour de':
- la déclarer bien-fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, y faisant droit,
- sur le licenciement, les demandes d'indemnité de préavis congés payés sur préavis et l'indemnité de licenciement, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement intervenu ne reposait pas sur une faute grave et par conséquent, débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a requalifié le licenciement intervenu en licenciement sans cause réelle et sérieuse et dès lors, confirmer le jugement rendu en l'ensemble de ses dispositions.
À titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait que le licenciement ne reposerait sur aucune cause réelle et sérieuse et infirmerait sur ce point la décision rendue,
- juger que les dommages et intérêts alloués à Mme [G] ne pourront être supérieurs au barème légal et seront limités à trois mois de salaire,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à verser 1.500 euros à Mme [G] au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement en ce qu'il a en a débouté Mme [G] de l'ensemble de ses autres demandes.
A titre reconventionnel, condamner Mme [G] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 août 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DECISION
1- Sur la rupture du contrat de travail
Mme [N] [G] invoque la nullité de son licenciement, à titre principal, pour avoir dénoncé le harcèlement moral dont elle a été victime de la part de son supérieur hiérarchique, M. [X], et à titre subsidiaire, pour avoir refusé de subir des actes répétées de harcèlement moral.
Il résulte de la lettre de licenciement du 16 octobre 2017 que la rupture de son contrat de travail a été notifiée à Mme [G] en raison des motifs ainsi énoncés :
«'...suite à la démission de Monsieur [K] [X], votre responsable hiérarchique, de son poste de Directeur Comptable & Contrôle de Gestion, j'ai souhaité réorganiser la fonction 'Finance' de l'entreprise.
Dans le cadre de cette réorganisation, j'ai décidé de confier la responsabilité de votre service, le Contrôle de Gestion, à votre collègue, Madame [Z] [UT], à compter du 11 septembre 2017.
Cette nomination a été le fruit d'un long processus puisque cette dernière a passé avec succès plusieurs entretiens successifs avec, en plus de moi, Monsieur [X], Madame [BG] [I], Directrice des Ressources Humaines, et Madame [R] [F] [DS], CEO du Groupe.
Or, vous avez immédiatement et très ouvertement critiqué cette nomination.
Ainsi, la veille de la réunion que j'ai convoquée pour annoncer à l'équipe cette nomination, le 15 septembre 2017 vous m'avez envoyé un mail pour me demander un entretien individuel.
Je l'ai accepté même si vous m'avez indiqué que le timing de notre entretien ne vous convenait pas.
Vous auriez en fait préféré me rencontrer avant la réunion de nomination et pas après, dans l'espoir de me faire changer d'avis.
Au cours de notre entretien, vous m'avez clairement indiqué que l'entreprise avait pris une mauvaise décision, que Madame [Z] [UT] n'avait ni la 'carrure' ni les compétences et qu'il valait mieux pour le 'bien-être' du service que j'annule cette nomination et qu'aucun responsable du contrôle de gestion ne soit nommé.
Je vous ai alors rappelé que Madame [UT] avait réalisé un excellent travail au cours de ces trois dernières années et qu'il était indispensable que ce service se dote d'un responsable.
Je vous ai donc informée que je ne changerai pas de décision et je vous ai demandé de collaborer loyalement avec votre nouvelle responsable et de ne pas gêner le bon fonctionnement du service.
Cependant, suite à notre entretien, vous avez manifesté à plusieurs reprises votre désaccord auprès de Madame [UT] devant l'ensemble de vos collègues du service, en indiquant sur un ton déplacé et avec une attitude agressive : 'Je ne te considérerais jamais comme mon chef ! ».
Par ailleurs, vous avez dénigré à plusieurs reprises Madame [UT] par les propos suivants : 'Tu n'as pas la carrure', « Le costume est trop grand pour toi', 'tu n'as rien à m'apporter professionnellement'.
Ce refus d'accepter votre nouvelle hiérarchie vous a conduit également à faire preuve de mauvaise volonté et d'insubordination. En effet, en prévision d'une première réunion de service organisée par Madame [UT] en date du 25 septembre 2017, cette dernière vous a demandé, ainsi qu'à vos collègues de préparer la liste de vos tâches afin de réorganiser le service.
Or, lors de cette réunion, non seulement vous n'avez rien préparé mais surtout, lorsque
Madame [UT] vous a demandé la liste de vos tâches, vous lui avez répondu : 'je ne fais rien.' !
Lors de cette même réunion, vous avez manifesté à nouveau votre désaccord sur la nomination de Madame [UT] et lui avez indiqué que vous ne vouliez plus travailler avec elle tant qu'elle n'aurait pas fait ses preuves.
En outre, vous refusiez systématiquement, voire dénigriez, toute modification de l'organisation du service. Les propos suivants, au sujet de la mise en place d'une méthode de travail collaborative, en témoignent : ' je veux tout faire comme avant', ou 'ça ne sert à rien'.
Cette attitude négative est inadmissible et nuit au bon fonctionnement du département Contrôle de Gestion, département essentiel à l'entreprise.
Enfin, le 25 septembre 2017, Madame [UT] vous a demandé par mail de réaliser un travail (sur les OPEX de l'année 2015 du Médical). Il s'agit-là d'une tâche simple, que j'ai moi-même réalisée pour la période janvier-juin 2017. Madame [UT] l'a également faite pour l'année 2016.
Or, vous avez tout simplement refusé d'exécuter cette demande en arguant que vous ne compreniez pas la demande qui vous était faite, que c'était trop compliqué et que vous aviez autre chose à faire. Madame [UT] vous a alors proposé, et à plusieurs reprises, de vous expliquer oralement comment effectuer ce travail. Toutefois, vous avez catégoriquement refusé, et à plusieurs reprises, son aide et vous lui avez demandé de ne communiquer avec vous que par mail.
Suite à ce refus, Madame [UT] vous a alors adressé un mail d'explication sur la démarche opérationnelle globale, visant à vous aider à la réalisation de cette tâche, tout en vous indiquant qu'il était particulièrement difficile d'aller dans le détail par mail.
Elle vous a indiqué par ailleurs, plusieurs fois oralement, qu'elle se tenait à votre disposition pour vous apporter toute l'aide nécessaire.
Une fois de plus, vous avez, hélas, adopté une attitude agressive et tenu des propos déplacés en vociférant que vous étiez sous-exploitée à faire ce travail et que vous aviez plus de compétences que ça.
Ainsi, vous avez fait preuve d'insubordination tout au long de la journée en refusant, d'une part, d'effectuer votre travail et, d'autre part, l'aide de votre responsable hiérarchique.
Vous avez par ailleurs créé une ambiance délétère dans le service, ambiance fortement dégradée par votre faute et ce, depuis la nomination de Madame [UT].
Ces événements sont malheureusement la suite d'agissements fautifs répétés de votre part pour lesquels vous avez déjà été sanctionnée et rappelée à l'ordre.
En effet nous avons déjà eu à regretter de votre part plusieurs manquements graves dans votre comportement et attitude :
Au cours du mois d'octobre 2016, Madame [BF] [H], directrice Informatique s'est plainte de vote comportement. Elle a dénoncé votre attitude agressive auprès de l'un de ses collaborateurs, Monsieur [E] [B].
Le 17 novembre 2016, votre collègue, Madame [MH] [C], issue du même service que vous, nous a alertés par mail du traitement que vous lui faisiez subir.
Elle indiquait entre autres que votre attitude à son égard était irrespectueuse, déplacée et agressive. Elle nous précisait que vous étiez même à la limite de la violence physique, ce qui nous a conduits à vous notifier un avertissement.
Le 4 juillet 2017, une autre de vos collègues du service informatique, Madame [SG] [GE], se plaignait elle aussi par mail adressé aux services Ressources Humaines de votre attitude agressive et de réflexions déplacées à son encontre.
L'agressivité que vous lui faisiez subir de façon récurrente affectait son travail ainsi que son état psychologique, générant beaucoup de stress. Pour ces faits, vous avez reçu un rappel à l'ordre.
A tout cela s'ajoutent les multiples anicroches que vous avez eues avec votre responsable aujourd'hui démissionnaire, Monsieur [X] : attitude irrespectueuse et agressive, refus de collaborer avec lui, etc... Selon vous, lui aussi ne vous apportait rien alors que ses compétences n'étaient pas discutables.
Vos manquements graves et répétés dans votre comportement professionnel, tels qu' exposés ci-dessus, sont parfaitement inacceptables et intolérables de la part d'un collaborateur, outre qu'ils nuisent au bon fonctionnement de l'entreprise et du département Contrôle de Gestion auquel vous étiez affectée.
L'ensemble des faits décrits ci-dessus caractérisent une faute grave en ce qu'ils rendent impossible votre maintien dans l'entreprise.
En conséquence, votre licenciement immédiat, sans préavis ni indemnité de licenciement, prend effet ce jour....'».
Sur le harcèlement moral
Selon les dispositions de l'
article L. 1152-1 du code du travail🏛, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En outre, l'
article L1152-2 du code du travail🏛 dispose qu'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Dès lors, en vertu de l'
article L.1152-2 du code du travail🏛, le licenciement intervenu en méconnaissance de ces dispositions est nul.
Par ailleurs, l'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il est constant qu'il incombe à Mme [G] qui se prétend victime de harcèlement de soumettre au juge des éléments de faits laissant supposer, dès lors qu'ils sont vérifiés et pris dans leur ensemble, l'existence de la situation ainsi dénoncée.
En, l'espèce, la salariée soutient avoir dénoncé de manière réitérée les agissements de harcèlement moral dont elle a été l'objet de la part de M. [X], son supérieur hiérarchique.
Pour ce faire, elle relate qu'en 2016, à la suite du licenciement de son supérieur hiérarchique [P] [A], après 32 ans de services et de monsieur [S], directeur financier, en poste depuis 26 ans, elle a été placée sous la responsabilité de M. [V] qui, en mars 2016, lui a attribué une prime exceptionnelle en remerciement de son implication et de son investissement. Elle en justifie par le versement de la lettre de M. [V] en date du 11 mars 2016 portant d'attribution de ladite prime «'pour (son) implication et (son) fort investissement au cour de l'année 2015'» .
Selon elle, ses problèmes ont commencé à compter de septembre 2016, date à laquelle elle a été placée sous l'autorité de M. [X], nouveau directeur de la comptabilité et du contrôle de gestion, qui la prenant «'en grippe'» lui a notifiée, le 18 novembre 2016, une sanction disciplinaire d'avertissement relevant son attitude agressive à l'égard d'autres salariés et envers lui-même ce qui a entraîné une dégradation de son état de santé dont elle justifie par le versement d'un certificat initial d'arrêt de travail en date du 21 novembre 2016 faisant état d'un burn-out.
Elle ajoute avoir été par la suite isolée, que M. [X] ne la saluait plus, ne la recevait pas dans le cadre de l'entretien annuel d'évaluation, ne lui permettait pas de bénéficier de la formation MOVEX à laquelle elle pouvait prétendre, et lui imposait des conditions de travail déstabilisantes du fait de l'absence de planning et de directives ce dont elle avait avisé le médecin du travail le 14 février 2017.
En ce sens, elle produit :
- une attestation établie le 21 novembre 2017 par M. [UO], son collègue de travail selon lequel : «'Madame [G] [N] avec qui j'ai travaillé depuis environ 28 ans a été depuis plusieurs mois de plus en plus déstabilisée et de plus en plus moralement atteinte. Le fait d'avoir reçu un avertissement écrit par sa hiérarchie directe peu de temps après l'arrivée de cette dernière au mois d'août 2016 l'a énormément affectée. Depuis cet avertissement qu'elle considérait injustifié car seulement appuyé sur les dires d'une collègue et sans même qu'il y ait eu de confrontation ou de conciliation. Mme [G] m'a fait part à de nombreuses reprises depuis cette période de ses insomnies quasi quotidiennes et du fait qu'elle venait travailler avec une boule au ventre car elle se sentait en danger...elle se sentait mise à l'écart par sa hiérarchie directe qui a fini par ne plus lui dire bonjour seulement dans notre bureau...'»,
- une attestation établie le 27 novembre 2017 par Mme [M], une collègue de travail qui témoigne que : «'après 23 ans de collaboration professionnelle avec Mme [G], je peux attester que celle-ci a toujours mis toutes se compétences au service de l'entreprise....le changement de direction a conduit a un bouleversement radical de nos méthodes de travail devenues d'un coup obsolètes. La direction financière sollicitait régulièrement Mme [G] pour des tâches toujours plus urgentes, sans cohésion ni concertation préalable, d'où une pression galopante, une désorganisation et une dévalorisation de soi. Ce ressenti était général, chaque service de l'entreprise subissant les mêmes contraintes ce qui a provoqué une altération de l'ambiance relationnelle...Mme [G] me faisait part de son malaise grandissant et de son angoisse de l'avenir. L'avertissement disciplinaire infligé par son nouveau chef direct l'a complètement déstabilisée. Elle se sentait exclue et mise à l'écart...et de fait vivait de plus en plus mal cette situation.'»,
- un courriel en date du 3 juillet 2017 de M. [X] indiquant que :' «'...le projet de bascule vers la dernière version de l'outil Movex/M3 est lancé pour un démarrage au 1er janvier prochain....J'ai donc besoin qu'un de vous m'accompagne aux fonctions dédiées au contrôle de gestion...Naturellement [MH] participera à la formation sur la partie CdG industriel, je vous laisse me revenir selon vos envies et vos disponibilités'» et la réponse de Mme [G] : «'...il est dommage que tu n'aies pas pu obtenir la formation pour les 4 '.la formation est un élément important pour notre implication et notre motivation. Nous exclure ainsi nous interpelle sur notre rôle et fonction'»,
- un extrait de son dossier médical santé travail aux termes duquel il apparaît que le médecin du travail a noté le 14 février 2017 : «'contrôle gestion, travail dans urgence, interruption incessante, hier [V] et nv [K] a reçu avertissement pour comportement, dit avoir fait burn out en nov., arrêt 15 jours mi nov, doit sortir des dossier informatiques pour lesquels pas formés, entend «'c'est de la merde'» reçoit 150 mails/j, bonne entente avec d'autres collègues, devenue insomniaque'».
Mme [G] explique avoir été convoquée pour un entretien disciplinaire le 7 juillet 2017 par M. [VX], coordinateur HSE référent santé au travail recruté en janvier 2017, au cours duquel d'une part, il lui a été indiqué qu'il s'agissait d'un entretien professionnel et non d'un entretien disciplinaire ainsi libellé par erreur et d'autre part, il lui a été fait reproche de ne pas avoir effectué une mission habituellement dévolue à son collègue monsieur [UO] et pour laquelle elle n'avait pas été formée. Au cours de cet entretien, elle était assistée de Mme [UT].
Pour en justifier, elle produit:
- le mail reçu de M. [VX] le 6 juillet 2017 sur lequel figure sa convocation au titre d'un entretien disciplinaire,
- son courriel adressé à [D] [V], directeur général, le 7 juillet 2017 en réponse à l'entretien du même jour par lequel elle indique que M. [VX] s'est excusé sur l'anomalie du libellé de l'entretien et répond précisément à l'ensemble des griefs qui lui ont été reprochés en concluant : «' je suis le bouc émissaire de certains collègues. Ma hiérarchie directe qui était au fait des échanges mail puisque DL financial en copie n'a absolument rien fait pour me protéger et partager mon stress....j'ai déjà fait l'objet de plaintes anonymes en septembre 2016. j'ai eu droit à un avertissement et j'ai fait un burn-out. J'avais pris sur moi de revenir rapidement parce que je veux travailler et que je ne veux pas sombrer dans la dépression. Si à chaque fois vous me convoquer pour des maux qui ne sont pas de mon ressort je vais vraiment finir en grande dépression. Merci de me préserver de ce stress qui, à force de répétition, va entacher mon travail, la vraie raison de ma présence dans cette société.'»,
- son courrier du 9 juillet 2017 adressé le lendemain par courriel à M. [V], directeur général, pour dénoncer le harcèlement moral dont elle est l'objet de la part de M. [X] : «'Par ce courrier je souhaite t'alerter sur la pression psychologique et la mise à l'écart que je subis de la part de ma hiérarchie directe....je suis victime de harcèlement moral de la part de ma hiérarchie N+1...[K] [X] depuis son arrivée manque sérieusement de discernement par rapport à son environnement professionnel ...en moins d'un an je suis déstabilisée psychologiquement par l'acharnement de la part de certains collègues anonymes validé et acté par [K]. [K] me met à l'écart par rapport au service alors que mon implication est restée entière: pourquoi' A ce jour, je n'ai pas eu d'entretien annuel d'évaluation alors que 2 de mes collègues les ont eus en mars et avril...pour la formation Movex (outil que j'utilise mensuellement) celle-ci est proposée en juillet pendant mes congés (mise en place en janvier 2018) Nous devons choisir parmi nous 4 qui sera formé alors que lui et SG sont d'office sur toutes les formations. Je constate également de la discrimination dans le bonjour quotidien, 3 jours consécutifs sans venir ...conclusion : ce message est une alerte sur ma fragilité psychologique due à un acharnement et harcèlement insidieux de la part de [K] depuis son arrivée...le soir je rentre chez moi déprimée et je pleure régulièrement à cause de ma détresse. Mon impuissance face à une hiérarchie qui abuse de son pouvoir sans discernement risque d'avoir des conséquences lourdes... n'attendez pas qu'il m'arrive un problème personnel qui m'empêcherait de finir ma carrière professionnelle. Que pouvons -nous mettre en place pour éviter cela'Il me reste 5 ans avant la retraite donc merci de mettre des actions de protection en place...'»
La salariée ajoute qu'à la suite de ce courriel, elle a été reçue le jour même par M.[V] qui a recueilli ses explications sur le harcèlement dénoncé et s'est engagé par courrier du 13 juillet 2017 à prendre des mesures correctives, en vain. Elle verse à la procédure le courrier de M.[V] en date du 13 juillet 2017: «'...nous accusons bonne réception de votre courrier daté'du 9 juillet 2017 transmis par courriel du 10 juillet ...les accusations que vous portez à l'encontre de votre responsable sont graves et ne sont pas sans conséquences. Ainsi, nous allons investiguer et y apporter une attention toute particulière et nous ne manquerons pas de prendre des dispositions si nécessaires...'».
Mme [G] invoque avoir reçu le 18 août 2017, soit 3 jours après son retour de congés, la notification d'une lettre de rappel à l'ordre ensuite de l'entretien du 7 juillet 2017 alors qu'il lui avait été précédemment indiqué que l'entretien n'avait rien de disciplinaire. Selon elle, ces faits sont couverts par la prescription de l'
article L.1332-2 du code du travail🏛 dans la mesure où la mesure n'a pas été notifiée dans le délai d'un mois ayant couru depuis l' entretien du 7 juillet 2017. Elle considère qu'il s'agissait d'un nouveau fait de harcèlement et en justifie en versant ledit courrier ainsi rédigé : «'Nous avons à nouveau reçu un témoignage de la part d'un collaborateur rapportant une attitude agressive et des réflexions déplacées de votre part à son égard début juillet 2017. A ce titre vous avez été reçu par M. [O] [VX] , coordinateur HSE, le 7 juillet dernier, afin d'échanger sur les faits rapportés...en conséquence de cet incident, nous sommes au regret de vous rappeler à l'ordre et vous demandons de vous ressaisir. Si de tels incidents se reproduisaient, nous pourrions être amenés à prendre à nouveau une sanction disciplinaire...'».
La salariée indique avoir le jour même saisi la cellule psychologique, mise en place par l'employeur, de cette difficulté, ce dont l'employeur était avisé le jour même. Elle en justifie par le versement de son courriel adressé à M. [J] lequel lui répondait transmettre sa demande à la société AB Carrières en charge de la cellule psychologique. Néanmoins en l'état des pièces justificatives rien ne permet de corroborer les affirmations de la salariée sur le fait que l'employeur en ait été avisé dans la mesure où aucun élément n'est donné quant à la qualité dJ M. [J].
Elle produit le courrier de réponse qu'elle a ainsi rédigé le 20 août 2017 :«'' par mon courrier du vendredi 7 juillet, j'ai, point par point démontré que les accusations de [SG] [GE] du service IT étaient non fondées et je ne sais pas pourquoi elle a fait cela'...par contre, vous a-t-elle fourni des preuves de ses accusations' Les accusations abusives et non démontrées sont elles sanctionnées ' Pourquoi ne pas tenir compte de mes arguments de défense et me positionner directement comme coupable alors qu'a priori aucune investigation n'aurait été menée sur les accusations calomnieuses dont je suis victime...depuis novembre 2016, je suis devenue insomniaque et je viens travailler avec la boule au ventre...je vous demande de mener une enquête sur la véracité des faits....'».
Pour Mme [G], les agissements de harcèlement se sont poursuivis à son encontre car elle était ensuite placée sous la responsabilité de Mme [UT], entrée dans la société en 2014 et ayant un classement inférieur au sien, en guise de mesure corrective consécutive à sa dénonciation de harcèlement. Pour ce faire, elle évoque l'organisation par M. [V] le 15 septembre 2017 d'une réunion de service pour informer du départ de M. [X] et de la nomination de Mme [UT] en qualité de responsable du service contrôle de gestion à l'occasion de laquelle elle avait manifesté sa désapprobation même si elle ne briguait pas ce poste. Elle ajoute que dès la première réunion organisée le 25 septembre 2017 par Mme [UT], cette dernière avait cherché à la mettre en défaut en lui demandant de réaliser une tâche pour le lendemain pour les OPEX de 2015 alors qu'elle venait d'alerter sa hiérarchie sur le retard qu'elle avait pris pour réaliser l'OPEX de 2017. Elle ajoute que le lendemain alors qu'elle demandait des explications, elle était accablée par M.[V] de sorte qu'elle se rendait chez son médecin qui la plaçait en arrêt maladie à compter du 27 septembre 2017. Elle en informait l'employeur et était convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 27 septembre 2017.
Pour en justifier, elle produit aux débats :
- des échanges de mails aux termes desquels il lui était demandé, par Mme [UT] (qui avait mis en copie M.[V]), le 25 septembre 2017 à 17h 44 de compléter un document en pièce jointe pour l'année 2015 relatif aux : «'sections medical sopro, la 040000 SYN de Satelec, les Pet L Médical des filiales'». elle lui répondait :'«'je ne peux pas tout le temps gérer les urgences, j'ai les OPEX à finir cette semaine'». Mme [UT] lui adressait des «'copier coller'» à inserer dans l'onglet détail OPEX en ajoutant : «'puisque tu ne souhaites pas que je te l'explique visuellement tu prends toutes les sections Médical qu'il faut copier coller...'». Mme [G] sollicitait plus d'informations pour «'bien faire ce travail et être irréprochable'» et c'est M. [V], mis en copie des échanges qui lui répondait en ces termes : «' Peut-être que si tu avais laissé ton responsable t'expliquer oralement le travail à réaliser nous n'en serions pas là. Ce comportement est d'ailleurs inacceptable....'»,
- l'avis d'arrêt de travail initial du 27 septembre 2017 par lequel son médecin traitant constatait: «'anxiété réactionnelle avec surmenage psychologique dans le cadre de son activité professionnelle'» .
* * *
La salariée a ainsi fait état à plusieurs reprises, auprès de son employeur, sans que sa bonne foi n'ait été remise en cause, d'agissements de harcèlement moral dont elle a été victime. Les éléments de fait qu'elle produit, pris dans leur ensemble, ainsi que les certificats médicaux versés à la procédure permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'
article L. 1152-1 du code du travail🏛.
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De son côté, l'employeur soutient qu'à compter de la réorganisation qu'il a mis en place, la salariée a refusé systématiquement l'ensemble de sa hiérarchie à compter de septembre 2016, d'abord M. [X], qui a démissionné en raison de l'ambiance au travail instaurée par la salariée, puis Mme [UT] .
Pour en justifier, il produit :
- la lettre de démission de M. [X] en date du 1er septembre 2017 dont les termes ne permettent pas, contrairement à ce qu'il prétend, d'en attribuer la responsabilité à la salariée,
- une attestation de M. [X] en date du 23 novembre 2017 faisant état de l'attitude négative de la salariée l'ayant incriminé de harcèlement «'sur la base de motifs tout à faits inexacts et infondés'» mais sans pour autant la rendre responsable de sa démission, comme l'indique à tort l'employeur, puisque dans le même temps il a rédigé une attestation pour une autre procédure en ces termes : «'je n'ai pas démissionné en raison d'une charge de travail trop importante mais pour une opportunité professionnelle que je ne pouvais pas refuser...'»,
- un compte rendu de réunion du 25 septembre 2017 établi par Mme [UT] à l'attention de M. [V] et de Mme [I] en charge des ressources humaines, sur les échanges avec la salariée (désignée avec les initiales [T]) mais également avec son collègue (désigné avec les initiales [U] , duquel il ressort que «'[U]'» au même titre que «'[T]'» semblent remettre en cause la légitimité de Mme [UT] à ce poste : «'[T] reprend son argumentaire : tu n'as pas la carrure, le costume est trop grand pour toi ...tu n'avais pas à prendre le poste... [U]: comme je te l'ai déjà dit, tu ne me donnes rien à faire, tu ne seras jamais mon chef'». Outre le fait que ce document ne peut avoir une quelconque valeur probante dans la mesure où il est établi par Mme [UT] sans être signé par les salariés présents, il en ressort que «'[U]'» qui pourrait être [Y] [UO] semble tenir le même discours que «'[T]'» (vraisemblablement [N] [G]) sur
leur nouvelle responsable sans que l'on puisse en attribuer la responsabilité exclusive à la salariée,
- une attestation de Mme [UT] qui fait état de l'agressivité de Mme [G] à son encontre et du dénigrement de ses compétences au terme d'un entretien qui se serait déroulé avec la salariée le 13 septembre 2017 sans aucun élément probant le corroborant. Elle y reprend les termes du compte rendu du 25 septembre 2017 concernant l'attitude de la salariée à son égard, son refus de collaborer et d'évoluer en ces termes : «' le jour de la réunion Mme [G] n'avait rien préparé, selon ses termes elle ne fait rien'» . A ce stade, la cour observe à la lecture dudit compte rendu que «'[U]'» semblait avoir adopté la même attitude : «'[U] et [T] n'ont rien préparé, arrivent avec une feuille vierge et un crayon'» ; elle y évoque également son insubordination en se référant au mail relatif au tableau des OPEX à remplir. Néanmoins, l'examen des échanges à ce sujet évoqués plus haut, permet d'avoir une lecture différente en ce que la salariée sollicitait des explications claires et écrites quant à la méthodologie-nouvelle-à adopter pour accomplir au mieux le travail demandé.
Il indique après avoir reçu la salariée le 13 juillet 2017, assistée de Mme [UT], lui avoir remis une lettre indiquant prendre au sérieux ses accusations et mener une enquête, ce qu'il dit avoir fait en interrogeant les membres du service et M.[X]. Il ajoute qu'ensuite est intervenue la période des congés et la démission de M.[X] à la suite de laquelle il n'a pas «'poussé plus loin l'enquête car le protagoniste dénoncé ne faisait plus partie de l'entreprise'».
Il produit à cet effet la lettre du 13 juillet 2017 remise à la salariée ainsi que la lettre de démission de M .[X] du 1er septembre 2017, à effet du 3 novembre 2017.
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Il est établi par les éléments de la procédure que la salariée a dénoncé des faits de harcèlement de façon circonstanciée et répétée en désignant M [X] et à ce sujet, sa bonne foi n'a pas été mise en doute par l'employeur qui l'a reçue, a recueilli ses explications et s'est engagé par courrier du 13 juillet 2017 à diligenter une enquête et à prendre des mesures correctives en ces termes «'...les accusations que vous portez à l'encontre de votre responsable sont graves et ne sont pas sans conséquences. Ainsi, nous allons investiguer et y apporter une attention toute particulière et nous ne manquerons pas de prendre des dispositions si nécessaires...'».
Or, rien n'a été fait, aucun témoignage n'a été recueilli, ni M. [X], ni la salariée, ni ses collègues n'ont été entendus, aucune confrontation n'a été organisée, aucune enquête n'a été diligentée malgré les différents appels de la salariée sur son mal-être.
L'employeur pouvait d'autant moins ignorer les répercussions de son inaction sur l'état de santé de la salariée que cette dernière lui a adressé un courrier très alarmant le 7 juillet 2017 : «'ce message est une alerte sur ma fragilité psychologique due à un acharnement et harcèlement insidieux de la part de [K] depuis son arrivée...le soir je rentre chez moi déprimée et je pleure régulièrement à cause de ma détresse. Mon impuissance face à une hiérarchie qui abuse de son pouvoir sans discernement risque d'avoir des conséquences lourdes... n'attendez pas qu'il m'arrive un problème personnel qui m'empêcherait de finir ma carrière professionnelle. Que pouvons-nous mettre en place pour éviter cela' Il me reste 5 ans avant la retraite donc merci de mettre des actions de protection en place...'» à la suite duquel il l'a reçue.
Il s'en déduit que l'employeur qui ne pouvait ignorer ses responsabilités légales en matière de protection de la santé des travailleurs alors que la salariée lui a demandé à plusieurs reprises de la protéger et de déclencher l'enquête promise, ne justifie d'aucune considération objective étrangère au harcèlement moral expliquant son inertie qui a incontestablement abouti à une dégradation importante des conditions de travail de Mme [G], a nui à sa santé et a compromis son avenir professionnel puisqu'au final elle a perdu son emploi. Le harcèlement moral est donc constitué.
- Sur le bien-fondé du licenciement
Mme [G] soutient que son licenciement est nul dans la mesure où le harcèlement moral est constitué.
L'employeur s'oppose à la demande au motif que la faute grave est constituée.
L'
article L 1152-3 du code du travail🏛 dispose que : « toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et à 1152-2 est nul».
Le harcèlement moral étant avéré, il revient à la salariée d'établir le lien de causalité suffisant entre les faits de harcèlement moral et les griefs reprochés au salarié est caractérisé.
En l'espèce, il résulte des éléments de la procédure qu'il est reproché à Mme [G] une attitude agressive à l'égard de certains salariés de l'entreprise ce qu'elle a toujours contesté et qui n'a pas été vérifié par l'organisation d'une enquête. Il lui est également fait grief d'avoir adopté une attitude inapropriée avec son responsable M. [X] puis avec Mme [UT] mais il est établi que son employeur en s'abstenant de diligenter l'enquête pourtant annoncée et de procéder au recueil des témoignages des parties concernées n'a pas respecté son obligation de sécurité et l'a moralement harcelée.
Sans le manquement de l'employeur à ses obligations qui a incontestablement fragilisé psychologiquement la salariée, l'attitude de cette dernière, telle qu'il l'a décrite, et ses conséquences sur le service, n'étaient pas certaines après 30 ans d'ancienneté.
Il s'en déduit que la mesure de licenciement est fondée sur des faits objectivement rattachables aux manquements de l'employeur.
Le licenciement peut ainsi être considéré, au sens de l'
article L 1152-4 du code du travail🏛, comme un acte contraire aux dispositions visant à protéger la salariée contre le harcèlement moral. Il sera donc annulé et la décision entreprise infirmée sur ce point.
Sur les conséquences financières
Sur l'indemnité pour rupture abusive
Mme [G] sollicite la réformation du jugement entrepris et l'allocation de la somme de 125 000 euros.
Son indemnisation relève des dispositions de l'
article L. 1235-3-1 du code du travail🏛 prévoyant une indemnisation au moins égale à six mois de salaire.
Eu égard notamment aux circonstances de la rupture, au montant de la rémunération versée à Mme [G], à son âge, à son ancienneté de 31 années, aux conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 75 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Mme [G] sollicite la somme de 24 744 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis .
Il résulte des dispositions de l'
article L.1234-1 du code du travail🏛 que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis de deux mois s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans sauf si la convention collective applicable est plus favorable au salarié.
L'article 27 de la convention collective applicable à l'espèce instaure le principe d'une indemnité compensatrice de préavis de 6 mois dès lors que la salariée était âgée de plus de 55 ans à la date de son licenciement de sorte qu'il convient d'allouer à la salariée la somme de (6 X 4.124 euros) soit 24 744 euros à ce titre outre celle de 2.474,40 euros représentant les congés payés y afférents.
La décision entreprise sera confirmée sur ce point.
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
La salariée demande l'allocation de la somme de 74.232 euros sur le fondement de l'article 29 de l'avenant ingénieur et cadres de la métallurgie qui fixe le principe d'une indemnité conventionnelle de licenciement calculée en fonction de la durée et de l'ancienneté dans l'entreprise soit la somme de 74.232 euros pour une ancienneté de 31 ans et un âge compris en 55 ans et 60 ans à la date de fin de préavis sur la base d'un salaire mensuel de 4.124 euros, dans la limite de sa demande.
La décision entreprise sera confirmée sur ce point.
2- Sur le non respect de l'obligation de sécurité de résultat
Pour solliciter l'allocation d'une somme de 15 000 euros, la salariée invoque le défaut de mise en place d'une organisation adaptée dans un contexte anxiogène de réorganisation permanente à compter du rachat en 2014 du groupe ACTEON par un fonds de pension britannique BRIDGEPOINT se concrétisant par un turn over important, une remise en cause des pratiques antérieures sans accompagnement, sans fiche de poste, sans planning et générant une souffrance au travail constatée en 2015 par le CHSCT ainsi que par le médecin du travail. Elle ajoute que le service dans lequel elle évoluait, le service de contrôle de gestion en a été particulièrement affecté. Elle indique que les organes de direction ont été informés de l'existence de cette situation de souffrance au sein de l'entreprise tant par le médecin du travail que le CHSCT et l'inspection du travail aux termes de leurs rapports en 2015, de la mise en place d'une mesure d'expertise dans le cadre de la gestion des risques psycho-sociaux et de ses conclusions en 2016 ainsi que de la mise en oeuvre d'une cellule psychologique en 2017, par l'employeur. Elle dit avoir été personnellement affectée par cet état de stress ainsi que par l'absence de reconnaissance de son travail par la nouvelle direction ce dont elle avait avisé'le médecin du travail le 5 février 2015. Elle relève le refus, par M. [V], de traiter l'alerte harcèlement dont elle l'avait saisi, comme il s'y était formellement engagé et comme la loi lui en fait obligation. Elle ajoute qu'elle était contractuellement soumise à une convention de forfait en jours dont le régime est fixé par l'article 14 de l'accord du 28 juillet 1998 dans la métallurgie et que suivant la convention collective applicable, l'employeur doit mettre en place un suivi effectif et régulier du temps de travail du cadre par sa hiérarchie ce qui n'a pas été fait la concernant car elle n'avait cessé de dénoncer sa charge anormale de travail et la nécessité de travailler systématiquement dans l'urgence ce qui a impacté sa santé puisqu'elle a été victime d'un burn out.
Pour s'y opposer l'employeur fait valoir que la salariée produit au soutien de ses affirmations des pièces qui concernent de façon générale la société sans démontrer que la dégradation de son état de santé est le fait de l'employeur. Il précise avoir fait suite aux préconisations du médecin du travail et du CHSCT qui tenait des réunions régulières dans le cadre de la mise en place d'un PSE. Il ajoute que la salariée a bénéficié de visites périodiques auprès du médecin du travail tel que cela ressort de l'extrait de son dossier médical qu'elle produit à la lecture duquel il apparaît qu'aucun risque professionnel n'a été identifié. Il met en avant la mise en place de cellules psychologiques successives par ses soins dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux auquel il est attaché. L'employeur évoque une mise à jour régulière du document unique d'évaluation des risques et le recrutement en janvier 2017 d'un référent santé au travail M. [VX]. Il relève que de façon contradictoire la salariée prétend ne pas avoir obtenu la reconnaissance de son travail et reconnaît avoir obtenu une prime exceptionnelle pour son travail. Il ajoute qu'elle ne peut démonter ne pas avoir bénéficié des entretiens annuels d'évaluation dans la mesure où ils se déroulent en réalité tous les deux ans.
L'
article L 4121-1 du code du travail🏛 dispose que l'employeur est débiteur d'une obligation de sécurité à l'égard des salariés.
Cette obligation légale impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, notamment en matière de harcèlement moral et qu'il lui appartient dans un tel cas de prendre les mesures immédiates propres à faire cesser ces faits.
Il résulte des pièces versées par les parties que contrairement à ce que prétend l'employeur, la désorganisation de l'entreprise, à l'origine de stress et de conflits est établie et reconnue par ce dernier aux termes d'un procès-verbal de la réunion du CHSCT qui s'est déroulée le 16 décembre 2016 :'«'... la direction reconnaît qu'il y a eu désorganisation dans le travail qui génére du stress et des conflits. Elle est également consciente que les salariés ont le sentiment d'un manque de reconnaissance...'».
En l'état, il n'est pas démontré que la salariée ait particulièrement attiré l'attention de son employeur sur une éventuelle surcharge de travail.
Malgré la mise en place des cellules psychologiques, la mise à jour du DUER, la consultation régulière de la médecine du travail et du CHSCT par l'employeur, le harcèlement moral de la salariée est doublé d'une violation par celui-ci de son obligation de sécurité lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en mettant en oeuvre une enquête promise par lui et sollicitée au moins à deux reprises par la salariée en vain.
L'ensemble de ces éléments justifie l'allocation d'une somme de 7.000 euros et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.
3- Sur les circonstances vexatoires du licenciement et les accusations infondées contenues dans la lettre de licenciement
La salariée demande l'allocation d'une somme de 10.000 euros et explique au soutien de ses prétentions, avoir été contrainte de quitter brusquement son emploi pour des faits portant atteinte à sa dignité et dont la preuve n'a pas été faite. Elle ajoute qu'elle n'a pu saluer ses collègues ni donner une quelconque explication quant à son départ. Elle fait également état d'une animosité dont M. [X] a fait preuve à son endroit et des reproches erronés et vexants contenus dans la lettre de licenciement.
Le salarié licencié peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi à la condition de justifier de la faute de son employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire.
En l'état des pièces justificatives, aucun élément ne permet de retenir une quelconque faute de l'employeur, les préjudices évoqués par la salariée ayant été réparés au titre de la rupture abusive de son contrat de travail.
Par voie de conséquence, il convient de débouter la salariée de ce chef de demande et de confirmer la décision déférée sur ce point.
4- Sur le remboursement aux organismes sociaux des indemnités chômage perçues par MGe [G]
Selon l'
article L.1235-4 du code du travail🏛, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En application de ces dispositions, il convient d'ordonner la condamnation de la SAS ACTEON à rembourser dans la limite de six mois les indemnités de chômage perçues par Mme [G] à compter de son licenciement.
5- Sur les autres demandes
Les dépens seront supportés par l'employeur, partie perdante.
L'équité commande d'allouer à Mme [G] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 outre celle de 2.500 euros sur le même fondement en cause d'appel.
La SAS ACTEON sera déboutée de ses demandes sur le même fondement.