CE 9éme et 8éme sous-sections réunies., 06-07-1994, n° 120120
A0054AIT
Référence
CONSEIL D'ETAT
Statuant du Contentieux
N° 120120
Mme Thiry
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux 9éme et 8éme sous-sections réunies.)
Sur la régularité en la forme de l'arrêt attaqué :
En ce qui concerne le déroulement des procédures jusqu'à la
notification des bases d'imposition :
Pour l'année 1982 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la situation
d'évaluation d'office dans laquelle la société de fait
Corail-Editions s'est placée, en ce qui concerne l'exercice 1982,
pour ne pas avoir souscrit dans le délai légal la déclaration de ses
résultats a, devant la cour administrative d'appel, été établie par
l'administration sans référence nécessaire aux constatations
effectuées, soit au cours de l'enquête ouverte, le 5 septembre 1983,
sur le fondement des dispositions des ordonnances du 30 juin 1945
alors en vigueur, par des agents du SRPJ de Bordeaux, soit à
l'occasion de la vérification de comptabilité entreprise par les
services fiscaux après qu'ils aient eu communication de
renseignements recueillis lors de ladite enquête ; que, par suite,
alors même que, pour arrêter le montant du bénéfice imposable de la
société, au titre de l'année 1982, l'administration a utilisé des
informations provenant de ces investigations, ni la circonstance,
alléguée par Mme Thiry, que l'enquête conduite par le service de
renseignement de la police judiciaire aurait procédé d'un
détournement de procédure à des fins de contrôle fiscal, ni les
prétendues irrégularités qui auraient entaché la communication aux
services fiscaux d'un rapport et de procès-verbaux établis par les
agents de police judiciaire et les opérations de vérification de
comptabilité, elles-mêmes, ne sauraient affecter la régularité de la
procédure d'évaluation d'office suivant laquelle a été établie
l'imposition ; que, dès lors, Mme Thiry n'est pas fondée à soutenir
que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit
en réputant inopérants, en ce qui concerne cette imposition, les
divers moyens qu'elle soulevait ainsi, y compris le moyen tiré du
détournement de procédure qui, selon elle, aurait affecté l'enquête
diligentée par le service de renseignement de police judiciaire ;
Pour les années 1980, 1981 et 1983 :
Considérant, en premier lieu, que, pour écarter comme non fondé
le moyen, ci-dessus analysé, tiré de ce que l'enquête du service de
renseignement de police judiciaire de Bordeaux aurait procédé d'un
détournement de procédure à des fins de contrôle fiscal, la cour
administrative d'appel a relevé qu'il résultait de l'instruction que
les fonctionnaires ayant effectué cette enquête "recherchaient
réellement des infractions de caractère économique" et ont d'ailleurs
dressé procès-verbal de telles infractions ; que, contrairement à ce
que soutient Mme Thiry, la cour, en statuant ainsi, n'a commis aucune
erreur de droit ni dénaturé les faits ressortant des pièces du
dossier ;
Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel
n'a pas méconnu la portée des dispositions de l'article L101 du
livre des procédures fiscales, en jugeant que celles-ci peuvent
légalement fonder la communication aux services fiscaux, par
l'autorité judiciaire, de tous documents qu'elle détient et qui sont
au nombre des "indications de nature à faire présumer une fraude
commise en matière fiscale", visées par ces dispositions ;
Considérant, en troisième lieu, que Mme Thiry, qui ne soutient
pas que la cour administrative d'appel aurait dénaturé les pièces du
dossier en écartant comme manquant en fait le moyen tiré par elle de
ce que la vérification de la comptabilité de la société de fait
Corail-Editions, pour l'exercice 1983, n'aurait pas été précédée de
l'avis prescrit par l'article L47 du livre des procédures fiscales,
n'est pas fondée à prétendre que la Cour aurait violé les
dispositions dudit article ;
Considérant, en dernier lieu, que, si, au cours d'une
vérification de comptabilité, il doit être offert au contribuable
d'avoir, avec l'agent vérificateur, un débat oral et contradictoire
relatif aux constatations auxquelles donne lieu ce contrôle, il est,
en revanche, sans incidence sur la régularité de la vérification que
le vérificateur s'abstienne de faire part au contribuable, à cette
occasion, en vue de lui permettre d'en discuter, des éléments
d'information que, par ailleurs, le cas échéant, il a pu recueillir
auprès de tiers, en vertu du droit de communication de
l'administration ; que Mme Thiry n'est donc pas fondée à soutenir que
la vérification de la comptabilité de Corail-Editions aurait, à cet
égard, été entachée d'une irrégularité méconnue par la cour
administrative d'appel ;
En ce qui concerne le déroulement subséquent des procédures
d'imposition :
Considérant qu'en jugeant que les notifications adressées, le 27
septembre 1984, à Mme Thiry et à la société de fait Corail-Editions
comportaient un exposé suffisamment précis des modalités de
détermination des bases d'imposition rectifiées ou évaluées d'office,
la cour administrative d'appel n'a, ni dénaturé ces pièces du
dossier, ni méconnu la portée des dispositions de l'article L76 du
livre des procédures fiscales ; que, les mêmes notifications
contenant, sur l'origine et la teneur des informations recueillies
par le vérificateur dans l'exercice de son droit de communication,
des indications suffisantes, la cour administrative d'appel a, sans
commettre d'erreur de droit, jugé que l'administration, qui n'était
pas tenue de communiquer spontanément, en vue d'un débat
contradictoire, lesdits documents, avait régulièrement mis en oeuvre
les procédures d'évaluation ou de rectification d'office ;
Sur les moyens ayant trait au bien-fondé des impositions et à la
charge de la preuve :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges
du fond que les impositions litigieuses ont, quant à leur bien-fondé,
été contestées par Mme Thiry en tant qu'elles procèdent de ce que
l'administration n'a pas admis la déductibilité, à titre de charges
d'exploitation de l'entreprise Corail-Editions, des commissions
versées par celle-ci à des courtiers, au motif que Mme Thiry, puis la
société de fait, ne justifiaient pas de la réalité des services ainsi
rétribués ; que Mme Thiry a, devant la cour administrative d'appel,
soutenu que l'activité déployée par lesdits courtiers pour
l'entreprise était précisément retracée sur des fiches au vu
desquelles étaient calculées les commissions, et que les agents du
service de renseignement de police judiciaire avaient saisies ; que
la requérante fait valoir que les démarches qu'elle a effectuées
auprès de l'autorité judiciaire en vue d'obtenir la restitution des
documents saisis sont restées vaines, et soutient que cette
circonstance aurait dû être regardée comme de nature à l'exonérer de
la charge d'une preuve qui ne pouvait être apportée qu'à l'aide de
ceux-ci ;
Mais considérant que la cour administrative d'appel a, à bon
droit, écarté cette objection au motif que, si la requérante n'avait
pu obtenir la restitution des pièces dont s'agit, elle n'établissait,
ni même n'alléguait avoir sollicité d'y accéder, et que cette
possibilité lui eût été refusée ;
Considérant, enfin, qu'en jugeant que, dans ces conditions, Mme
Thiry n'apportait pas la preuve, à juste titre mise à sa charge eu
égard aux procédures d'évaluation d'office régulièrement mises en
oeuvre par l'administration, d'une exagération de ses bases
d'imposition, la cour administrative d'appel a émis une appréciation
souveraine qui ne saurait être discutée devant le juge de la
cassation ;
Article 1er : La requête de Mme Thiry est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Thiry et au ministre du budget.
Article, L47, LPF Ordonnance, 45-1708, 31-07-1945 Décret, 53-934, 30-09-1953 Loi, 87-1127, 31-12-1987 Impôt sur le revenu Régularité d'une procédure Imposition Dossier soumis aux juges du fond Cotisation litigieuse Enquête ouverte Bénéfice imposable d'une société Détournement de procédure Procès-verbaux établis Procédure d'évaluation d'office Fonctionnaire Établissement de procès-verbal des infractions Dénaturation des pièces du dossier Vérification de comptabilité d'une société Violation des dispositions Débat oral et contradictoire Détermination de la base d'imposition Procédure de rectification d'office Charges d'exploitation Commissions versées Restitution des documents