Jurisprudence : Cass. crim., 30-11-2022, n° 22-80.959, F-D, Rejet

Cass. crim., 30-11-2022, n° 22-80.959, F-D, Rejet

A34938XN

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:CR01476

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046683130

Référence

Cass. crim., 30-11-2022, n° 22-80.959, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90407623-cass-crim-30112022-n-2280959-fd-rejet
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Abstract

Mots-clés : liberté d'expression • vol • contrôle de conventionnalité.


N° D 22-80.959 F-D

N° 01476


ECF
30 NOVEMBRE 2022


REJET


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 30 NOVEMBRE 2022



Mme [P] [L], MM. [E] [V], [K] [R], Mme [Aa] [C] et M. [Ab] [F] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 3 février 2022, qui, la première, pour complicité de vol aggravé, les autres, pour vols aggravés, les a dispensés de peine.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.

Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [P] [L], MM. [E] [V], [K] [R], Mme [Aa] [C] et de M. [Ab] [F], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 octobre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [P] [L], M. [K] [R], Mme [Aa] [C] et M. [Ab] [F], s'agissant de faits commis à [Localité 1] (Gers), Ie 8 juin 2019, MM. [E] [V], [R], Mme [C] et M. [F] à l'égard de faits commis à [Localité 3] (Gers) et à [Localité 2] (Gers), le 16 juillet 2019, ont été mis en cause pour s'être emparés, dans les trois mairies des communes concernées, de portraits officiels du Président de la République, à l'occasion de manifestations relatives à la lutte contre les changements climatiques.

3. Ils ont été poursuivis des chefs sus-énoncés, l'aggravation du vol retenue à leur encontre étant relative à la circonstance de réunion.

4. Le tribunal correctionnel a prononcé leur relaxe.

5. Le ministère public a relevé appel de cette décision.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré les prévenus coupables du chef de vols en réunion et de complicité de vol en réunion, alors « que l'incrimination d'un comportement constitutif d'une infraction pénale peut, dans certaines circonstances, constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de la liberté d'expression, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissement en cause ; que, saisie par les prévenus d'un moyen pris de ce que l'incrimination en vol des comportements poursuivis constituerait une ingérence disproportionnée dans l'exercice de leur liberté d'expression, la cour d'appel retient que, si le dérèglement climatique est un sujet d'intérêt général pouvant justifier des manifestations médiatiques, de nature politique et militante, la qualification de vol poursuit un but légitime de protection de la propriété qui répond à un besoin social impérieux et que la liberté d'expression ne saurait justifier une atteinte à un droit fondamental tout aussi constitutionnel que celui du droit de propriété ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qui lui était demandé, si l'incrimination pénale des comportements poursuivis ne constituait pas, au regard des circonstances de l'espèce et notamment de la nature et du contexte des agissements en cause, une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression des prévenus, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a violé les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour

7. Lorsque le prévenu se prévaut de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et invoque une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression, il appartient au juge, après s'être assuré du lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d'expression sur un sujet d'intérêt général, de vérifier le caractère proportionné de la condamnation, ce qui requiert un examen d'ensemble.

8. Dans le cas particulier d'une poursuite du chef de vol, doivent notamment être pris en compte la valeur matérielle du bien, mais également, le cas échéant, sa valeur symbolique, ainsi que la réversibilité ou l'irréversibilité du dommage causé à la victime.

9. Pour écarter l'argumentation des prévenus qui soutenaient que l'incrimination de vol en réunion constituait, en l'espèce, une ingérence disproportionnée dans leur liberté d'expression, la cour d'appel énonce que les dispositions de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme visent aussi des comportements qui tendent à l'expression d'une opinion ou d'une protestation dans le cadre d'un débat d'intérêt général, comme le dérèglement climatique, sujet d'intérêt général, qui peut justifier des manifestations médiatiques de nature politique et militante.

10. Les juges relèvent que les objets volés, qui n'ont pas été restitués, ont une valeur hautement symbolique et ont été soustraits au cours d'une action mûrement préparée.

11. Ils concluent que l'ingérence résultant des poursuites répond à un besoin social impérieux et ne saurait justifier une atteinte à un droit fondamental qui est celui du droit de propriété.

12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.

13. En effet, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que, bien que l'action menée par les prévenus se soit inscrite dans le cadre d'une démarche militante et puisse être considérée comme une expression au sens de l'article 10 précité, la déclaration de culpabilité assortie d'une dispense de peine n'est pas disproportionnée au regard de la valeur symbolique du portrait du Président de la République, de l'absence de restitution, ainsi que de la circonstance que les vols ont été commis en réunion.

14. Dès lors, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente novembre deux mille vingt-deux.

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