CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 novembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 833 F-D
Pourvoi n° N 21-20.910
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022
Mme [N] [Aa], épouse [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-20.910 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2021 par la cour d'appel de Nancy (5e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Ycap Partners, exploitant sous l'enseigne Capeor Investissements, Ycap Solutions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Aa], après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 26 mai 2021), rendu sur renvoi après cassation (
Com., 6 novembre 2019, pourvoi n° 18-21.175⚖️), par convention du 16 octobre 2007, Mme [Aa] a donné à bail à la société CNP Capeor représentée par son directeur général, M. [Ab] [S], pour une durée de deux ans, des locaux à usage de bureau, dont elle était propriétaire en indivision avec son époux, M. [Ac] [S], frère de M. [Ab] [S].
2. Par décision du 21 novembre 2011, M. [Ab] [S] a été révoqué de son mandat social et licencié le 12 décembre suivant.
3. Mme [Aa] a assigné la société Ycap services, devenue Ad Ae, venant aux droits de la société Capeor, en résiliation de bail, paiement d'un arriéré de loyers et fixation d'une indemnité d'occupation.
4. La société Ycap services a sollicité reconventionnellement la nullité du bail sur les fondement des
articles L. 225-38 et L. 225-42 du code de commerce🏛🏛 relatifs aux conventions réglementées.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [Aa] fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du bail, de la condamner à payer certaines sommes à la société Ycap Partners au titre des loyers versés et des frais et taxes engagés du fait du bail et de limiter à une certaine somme l'indemnité d'occupation, alors :
« 1°/ qu'une convention passée par le directeur général d'une société n'est soumise à l'autorisation du conseil d'administration, à peine de nullité, que si ce directeur général y est directement ou indirectement intéressé ; qu'en affirmant péremptoirement que M. [Ab] [S] serait indirectement intéressé à la conclusion de la convention d'occupation précaire entre la société Ycap Partners dont il était le directeur général et sa belle-soeur auquel le bien loué appartient en indivision avec son frère, au seul motif inopérant de l'existence de ce lien familial, sans caractériser aucun avantage ou profit personnel que M. [Ab] [S] en aurait retiré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 225-38 et L. 225-42 du code de commerce🏛🏛 ;
2°/ qu'ayant relevé que le contrat de bail portait sur des locaux comprenant une entrée, deux pièces et deux sanitaires, pour une superficie de 48 m², la cour d'appel qui a cependant retenu, pour prononcer la nullité du bail, que l'entrée et les sanitaires, constituant des locaux partagés avec un autre locataire et dont la superficie avait de ce fait été pondérée ne pouvaient contractuellement faire l'objet d'une facturation de sorte que seule la superficie des deux bureaux, soit 34,60 m², devait être prise en considération pour apprécier le montant du loyer, cependant qu'il n'était pas contesté que la locataire a effectivement eu la jouissance de l'entrée et des sanitaires conformément aux termes du bail, a violé les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1728 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, la cour d'appel a énoncé à bon droit que l'
article L. 225-38 du code de commerce🏛, qui soumet à l'autorisation préalable du conseil d'administration certaines conventions conclues par les dirigeants, administrateurs ou actionnaires significatifs, avaient pour but d'éviter les conflits d'intérêts entre la société et ceux-ci.
7. Elle a exactement relevé que ces dispositions étaient applicables aux conventions auxquelles une des personnes visées par ce texte était indirectement intéressée.
8. Elle a constaté que le bail litigieux avait été conclu entre la société CNP Capeor, devenue Ycap Partners, représentée par son directeur général, M. [Ab] [S], et la belle-soeur de celui-ci, Mme [Aa] qui avait contracté sous son seul nom de jeune fille, et portait sur des locaux dont elle était avec son époux, propriétaire en indivision, sans que celui-ci n'ait pour autant signé le bail.
9. Elle a encore relevé que ces locaux, situés dans l'immeuble où Mme [Aa] et M. [Ac] [S] avaient leur domicile, étaient mitoyens du siège social d'une entreprise dans laquelle M. [Ac] [S] exerçait une activité et qui partageait avec la société Ycap Partners une partie des locaux donnés à bail, de sorte que la surface mentionnée sur le contrat de bail ne correspondait pas à un usage exclusif au bénéfice de celle-ci.
10. Elle a déduit de ces constatations, sans être tenue de procéder à d'autres recherches, que M. [Ab] [S], avait privilégié les intérêts de sa famille, ayant ainsi caractérisé la nature de l'intérêt personnel que celui-ci avait indirectement tiré de la convention, laquelle relevait, par conséquent, du régime des conventions réglementées.
11. En second lieu, la cour d'appel a constaté que le relevé de surface dressé par un géomètre-expert établissait une surface utile nette des locaux loués de 34,60 mètres carrés, au lieu de 48 mètres carrés mentionnés sur le contrat de bail, une partie des locaux étant partagée avec une autre société, et a retenu que le loyer fixé par le bail à la somme de 10 200 euros était anormalement élevé au regard de la valeur locative au 1er novembre 2007, qu'il soit calculé au regard de la surface retenue par le géomètre-expert (4 500 euros) ou de la surface mentionnée au bail (6 240 euros).
12. Elle a pu en déduire que la convention litigieuse, qui avait eu pour effet de faire supporter à la société preneuse un loyer surélevé tant au regard du marché qu'en raison de la surface dont celle-ci avait la jouissance exclusive, au seul profit de la belle-soeur et du frère du directeur général, avait eu des conséquences préjudiciables pour la société Ycap Partners et en prononcer, en conséquence, la nullité.
13. Elle a, ainsi, légalement, justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Aa] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [Aa]
Mme [Aa] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité du bail du 16 octobre 2007, de l'avoir condamnée à payer à la société Ycap Partners les sommes de 46 871,25 € au titre des loyers versés et de 9 436,42 € au titre des frais et taxes engagés du fait du bail et d'avoir limité à 26 000 € le montant de l'indemnité d'occupation que la société Ycap Partners a été condamnée à lui payer ;
ALORS D'UNE PART QU'une convention passée par le directeur général d'une société n'est soumise à l'autorisation du conseil d'administration, à peine de nullité, que si ce directeur général y est directement ou indirectement intéressé ; qu'en affirmant péremptoirement que M. [Ab] [S] serait indirectement intéressé à la conclusion de la convention d'occupation précaire entre la société Ycap Partners dont il était le directeur général et sa belle-soeur auquel le bien loué appartient en indivision avec son frère, au seul motif inopérant de l'existence de ce lien familial, sans caractériser aucun avantage ou profit personnel que M. [Ab] [S] en aurait retiré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L 225-38 et L 225-42 du code de commerce🏛🏛 ;
ALORS D'AUTRE PART QU'ayant relevé que le contrat de bail portait sur des locaux comprenant une entrée, deux pièces et deux sanitaires, pour une superficie de 48 m², la cour d'appel qui a cependant retenu, pour prononcer la nullité du bail, que l'entrée et les sanitaires, constituant des locaux partagés avec un autre locataire et dont la superficie avait de ce fait été pondérée ne pouvaient contractuellement faire l'objet d'une facturation de sorte que seule la superficie des deux bureaux, soit 34,60 m², devait être prise en considération pour apprécier le montant du loyer, cependant qu'il n'était pas contesté que la locataire a effectivement eu la jouissance de l'entrée et des sanitaires conformément aux termes du bail, a violé les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1728 du code civil.