CE 1/4 ch.-r., 23-11-2022, n° 459043, mentionné aux tables du recueil Lebon
A04118W7
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:459043.20221123
Référence
27 1) Il résulte de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme que le maire peut, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale destinés à assurer le respect des règles d’utilisation des sols, s’opposer au raccordement définitif au réseau d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone des bâtiments, locaux ou installations qui, faute de disposer de l’autorisation d’urbanisme ou de l’agrément nécessaire, sont irrégulièrement construits ou transformés. ...2) a) La circonstance que le raccordement demandé dans une telle hypothèse soit présenté comme provisoire ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage des pouvoirs d’opposition qu’il tient de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme dès lors qu’il estime qu’au vu des circonstances de l’espèce, ce raccordement doit être regardé comme présentant un caractère définitif. ...b) Doit être regardé comme présentant un caractère définitif un raccordement n’ayant pas vocation à prendre fin à un terme défini ou prévisible, quand bien même les bénéficiaires ne seraient présents que lors de séjours intermittents et de courte durée.
Mme A B et M. C D ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision, non datée, par laquelle le maire d'Esbly s'est opposé à leur demande de raccordement au réseau de distribution d'électricité d'un terrain dont Mme B est propriétaire sur le territoire de cette commune, ainsi que la décision du 31 août 2017 rejetant leur recours gracieux, et d'enjoindre au maire de cette commune de réexaminer leur demande sous astreinte de cent euros par jour de retard et de ne pas s'opposer à leur demande de raccordement. Par un jugement n° 1707588 du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé ces décisions et enjoint au maire d'Esbly de réexaminer la demande de raccordement dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.
Par un arrêt n° 20PA01262 du 21 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Paris⚖️ a rejeté l'appel formé par la commune d'Esbly contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er décembre 2021, 25 février et 28 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Esbly demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme B et M. D la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune d'Esbly et à la SCP Spinosi, avocat de Mme B ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B a demandé à la société ERDF le raccordement au réseau électrique pour la période allant du 17 octobre 2014 au 1er septembre 2015 d'un terrain lui appartenant sur le territoire de la commune d'Esbly pour y installer une caravane. Le tribunal administratif de Melun ayant, par un jugement du 14 avril 2017, annulé la décision du 3 novembre 2014 par laquelle le maire d'Esbly s'était opposé à ce raccordement en raison du caractère inconstructible de la parcelle et ayant enjoint au maire de réexaminer la demande de Mme B, le maire a pris une nouvelle décision s'opposant à ce raccordement, aux motifs que le raccordement demandé était un raccordement définitif et non provisoire et que le terrain était exposé à un risque grave d'inondation. Par un jugement du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé cette nouvelle décision, ainsi que la décision du 31 juillet 2017 du maire d'Esbly rejetant le recours gracieux de Mme B et M. D, et a de nouveau enjoint à la commune de réexaminer la demande de raccordement. Par un arrêt du 21 octobre 2021, contre lequel la commune d'Esbly se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par cette commune contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme🏛 : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1 ", c'est-à-dire soumis à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir, déclaration préalable ou à agrément, " ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions ". Il résulte de ces dispositions que le maire peut, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale destinés à assurer le respect des règles d'utilisation des sols, s'opposer au raccordement définitif au réseau d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone des bâtiments, locaux ou installations qui, faute de disposer de l'autorisation d'urbanisme ou de l'agrément nécessaire, sont irrégulièrement construits ou transformés. La circonstance que le raccordement demandé dans une telle hypothèse soit présenté comme provisoire ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage des pouvoirs d'opposition qu'il tient de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme🏛 dès lors qu'il estime qu'au vu des circonstances de l'espèce, ce raccordement doit être regardé comme présentant un caractère définitif. Doit être regardé comme présentant un caractère définitif un raccordement n'ayant pas vocation à prendre fin à un terme défini ou prévisible, quand bien même les bénéficiaires ne seraient présents que lors de séjours intermittents et de courte durée.
3. L'article R. 421-23 du code de l'urbanisme🏛, pris en application de l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme🏛, soumet à déclaration préalable : " j) L'installation d'une résidence mobile visée par l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000🏛 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, constituant l'habitat permanent des gens du voyage, lorsque cette installation dure plus de trois mois consécutifs () ". Dès lors, le maire est en droit de refuser le raccordement définitif au réseau d'électricité d'une résidence mobile constituant l'habitat permanent de gens du voyage, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000🏛, ne disposant pas de l'autorisation à laquelle elle serait soumise en vertu de ces dispositions.
4. En l'espèce, la cour a relevé que Mme B et M. D, qui avaient fait valoir qu'ils appartenaient à la communauté des gens du voyage et qu'ils avaient conservé leur mode de vie itinérant, avaient indiqué quitter régulièrement le terrain, appartenant à Mme B, sur lequel ils avaient installé la caravane pour laquelle ils avaient demandé un raccordement provisoire au réseau électrique, voulant seulement y disposer d'un " ancrage territorial ", en y revenant régulièrement pour des séjours n'excédant jamais trois mois consécutifs. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en se fondant sur la durée limitée et l'intermittence de ces séjours pour en déduire que le raccordement demandé ne pouvait être regardé comme un raccordement définitif, alors qu'il résultait au contraire des éléments qu'elle avait relevés que ce raccordement était lié à une installation habituelle et récurrente, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
5. Il suit de là que la commune d'Esbly est fondée, pour ce motif et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune d'Esbly, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune d'Esbly présentées au titre de ces dispositions.
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Article 1er : L'arrêt du 21 octobre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Esbly et à Mme A B.
Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux et M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat ; M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 23 novembre 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Pierre Boussaroque
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber
Article, L111-12, C. urb. Article, L421-4, C. urb. Article, R421-23, C. urb. Arrêt, 20PA01262, 21-10-2021 Délai à compter de la notification du jugement Réseau électrique Prise d'une nouvelle décision Terrain exposé à un risque Permis de construire Déclaration préalable Clause contractuelle Réseau d'électricité Pouvoirs de police spéciale