CE 1ére et 4éme sous-sections réunies., 1990-09-21, n° 105247
A9875AH9
Référence
CONSEIL D'ETAT
Statuant du Contentieux
N° 105247
Ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
contre
SA Maison Aufrère
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux 1ére et 4éme sous-sections réunies.)
En ce qui concerne la seconde phrase du troisième alinéa de
l'article 3 du règlement intérieur :
Considérant que cette phrase dispose que chaque salarié "doit
également, par son comportement, préserver la sécurité des autres" ;
qu'une telle disposition, qui se borne à formuler une recommandation
invitant les salariés à la vigilance, ne présente pas le caractère
d'une mesure d'application de la réglementation en matière d'hygiène
et de sécurité ni d'une règle générale et permanente relative à la
discipline ; que, par suite, c'est à bon droit que l'inspecteur du
travail puis le directeur régional du travail et de l'emploi ont
estimé qu'une telle recommandation n'était pas au nombre des
dispositions qui peuvent, aux termes de l'article L122-34 du code du
travail, figurer dans le règlement intérieur ; que, dès lors, le
MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué,
le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions des
autorités administratives susmentionnées en tant qu'elles exigeaient
la suppression de la seconde phrase du troisième alinéa de l'article
3 du règlement intérieur établi par la SOCIETE ANONYME MAISON
AUFRERE ;
En ce qui concerne l'article 12 du règlement intérieur :
Considérant qu'après avoir affirmé dans ses motifs que le
directeur régional du travail et de l'emploi avait à bon droit
confirmé la décision de l'inspecteur du travail exigeant la
modification de l'article 12 du règlement intérieur de la SOCIETE
ANONYME MAISON AUFRERE afin d'en préciser la portée, le tribunal
administratif de Paris a, par l'article 1er du dispositif du jugement
attaqué, annulé ces décisions en tant qu'elles concernaient ledit
article 12 ; qu'ainsi, ce jugement est entaché de contrariété entre
les motifs et le dispositif ; que, par suite, le MINISTRE DU TRAVAIL,
DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE et la SOCIETE ANONYME
MAISON AUFRERE sont fondés à demander l'annulation de ce jugement en
tant qu'il statue sur les conclusions de la SOCIETE ANONYME MAISON
AUFRERE tendant à l'annulation des dispositions des décisions
précitées relatives à l'article 12 du règlement intérieur
litigieux ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement
sur la demande présentée par la SOCIETE ANONYME MAISON AUFRERE devant
le tribunal administratif de Paris, en tant qu'elle est dirigée
contre les dispositions de la décision de l'inspecteur du travail de
la section n° 13 A de la direction départementale du travail et de
l'emploi de Paris en date du 12 juin 1987 et de la décision du
directeur régional du travail et de l'emploi d'Ile-de-France en date
du 11 septembre 1987 relatives à l'article 12 du règlement intérieur
de la SOCIETE ANONYME MAISON AUFRERE ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 231-8-1 du code du
travail : "aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être
prise à l'encontre d'un salarié ou d'un groupe de salariés qui se
sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif
raisonnable de penser qu'elles présentait un danger grave et imminent
pour la vie ou la santé de chacun d'eux" ; que si l'article 12 du
règlement intérieur de la SOCIETE ANONYME MAISON AUFRERE interdit aux
membres du personnel "sous réserve des dipositions législatives,
réglementaires et conventionnelles en vigueur, notamment de celles
relatives aux institutions représentatives du personnel et au droit
d'expression des salariés ( ) de quitter le travail sans
autorisation", de telles dispositions n'ont ni pour objet ni pour
effet de faire obstacle à l'exercice du droit de retrait d'une
situation de travail dangeureuse qui est reconnu aux salariés par
l'article L-231-8-1 précité du code du travail ; qu'il suit de là
que la SOCIETE ANONYME MAISON AUFRERE est fondée à soutenir que les
décisions de l'inspecteur du travail et du directeur régional du
travail et de l'emploi sont entachées d'illégalité en tant qu'elles
exigent la modification de l'article 12 du règlement intérieur ;
En ce qui concerne l'article 13, alinéa 3 du règlement intérieur
:
Considérant que l'article 13, alinéa 3, du règlement intérieur
litigieux dispose que "tout comportement fautif d'un salarié peut
donner lieu à l'une des sanctions suivantes, qui est fixée par le
chef d'entreprise ou son représentant en fonction de la nature ou de
la gravité du fait reproché : avertissement écrit ou blâme, mise à
pied, mutation licenciement, licenciement sans préavis ni
indemnité " ;
Considérant que si la mise à pied, qui est une mesure de
suspension temporaire du contrat de travail, peut figurer dans
l'échelle des sanctions prévues par le règlement intérieur, ledit
règlement doit préciser la durée maximale de cette mise à pied ; que,
par suite, c'est à bon droit que l'inspecteur du travail puis le
directeur régional du travail et de l'emploi ont demandé à la SOCIETE
ANONYME MAISON AUFRERE de modifier en ce sens la rédaction dudit
article ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à
soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal
administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre ces
décisions en tant qu'elles concernaient l'article 13 alinéa 3, du
règlement intérieur ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date
du 7 novembre 1988 est annulé, d'une part, en tant qu'il annule les
décisions de l'inspecteur du travail de la section n° 13 A de la
direction départementale du travail et de l'emploi de Paris et du
directeur régional du travail et de l'emploi d'Ile-de-France en tant
que lesdites décisions exigent la suppressionde la seconde phrase du
troisième alinéa de l'article 3 du règelemnt intérieur établi par la
SOCIETE ANONYME MAISON AUFRERE, et d'autre part, en tant qu'il statue
sur les conclusions de la SOCIETE ANONYME MAISON AUFRERE dirigées
contre les mêmes décisions en tant qu'elles exigent la modification
de l'article 12 du même règlement intérieur.
Article 2 : Les décisions de l'inspecteur du travail et du directeur
régional du travail et de l'emploi sont annulées en tant qu'elles
exigent la modification de l'article 12 du règlement intérieur établi
par la SOCIETE ANONYME MAISON AUFRERE.
Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par la SOCIETE
ANONYME MAISON AUFRERE devant le tribunal administratif de Paris sont
rejetées en tant qu'elles sont dirigées contre les décisions de
l'inspecteur du travail et du directeur régional du travail et de
l'emploi en tant que lesdites décisions exigent la suppression de la
seconde phrase du troisième alinéa de l'article 3 de son règlement
intérieur.
Article 4 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DU TRAVAIL, DE
L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE et de la SOCIETE ANONYME
MAISON AUFRERE est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE et à la SOCIETE ANONYME MAISON AUFRERE.