CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 090748
M. POUPART et Mme COSIC
Lecture du 16 Octobre 1996
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 5ème et 3ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 5ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête enregistrée le 26 août 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Guy POUPART et Mme Josiane COSIC, demeurant 52 rue de Merlan à Noisy-le-Sec (93130) ; M. POUPART et Mme COSIC demandent que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 20 mai 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande dirigée contre l'arrêté du 15 décembre 1986 du préfet de la Seine-Saint-Denis qui a déclaré d'utilité publique l'acquisition par la société d'économie mixte d'équipement et d'aménagement du territoire (SODEDAT 93) d'une propriété leur appartenant, 44 rue de Merlan à Noisy-le-Sec, et déclaré cessible ladite propriété ; 2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 dans sa rédaction résultant de la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mlle Laigneau, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Guy POUPART et Mme Josiane COSIC née POUPART, - les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 42 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi susvisée du 10 juillet 1970 : "Le préfet peut déclarer l'insalubrité des locaux et installations utilisés aux fins d'habitation, mais impropres à cet objet pour des raisons d'hygiène, de salubrité ou de sécurité et situés à l'intérieur d'un périmètre qu'il définit. L'arrêté du préfet est pris après avis du conseil départemental d'hygiène auquel le maire ou, le cas échéant, le président du groupement de communes ayant compétence en matière de logement est invité à présenter ses observations, et après délibération du conseil municipal ou, le cas échéant, de l'organe délibérant du groupement de communes ayant compétence en matière de logement. Cet arrêté vaut interdiction d'habiter au sens des articles L. 28 et L. 30 pour les immeubles qu'il désigne. Cet arrêté est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires et usufruitiers intéressés" ; qu'aux termes de l'article 13 de la loi susmentionnée du 10 juillet 1970, "Peut être poursuivie au profit de l'Etat, d'une collectivité locale, d'un établissement public ou d'un des organismes visés à l'article L. 321-1 du code de l'urbanisme, dans les conditions prévues par le présent titre, l'expropriation : des immeubles ayant fait l'objet de l'interdiction d'habiter visée à l'article L. 28 ou de la déclaration d'insalubrité prévue aux articles L. 38 et L. 42 du code de la santé publique ; des terrainssur lesquels sont utilisés aux fins d'habitation des locaux ou installations impropres à cet objet pour des raisons d'hygiène, de sécurité ou de salubrité, ainsi que des terrains contigus ou voisins lorsque leur utilisation est indispensable à la réalisation des opérations en vue desquelles la déclaration d'utilité publique est prononcée. L'expropriation doit avoir pour but soit la construction de logements, soit tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération d'urbanisme, notamment la création d'une réserve foncière en application des articles 11 et suivants de la loi d'orientation foncière n° 67-1253 du 30 décembre 1967" ;
Sur l'exception tirée de l'illégalité des arrêtés des 6 octobre 1983 et 29 juillet 1986 fixant le périmètre d'insalubrité de l'îlot urbain dit "îlot Merlan" : Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est, au reste, pas contesté, que les locaux et installations appartenant aux requérants, étaient, à la date des arrêtés contestés, exclusivement utilisés à un usage commercial ; qu'ils ne pouvaient donc, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 42, lesquelles ne font mention que des "locaux et installations utilisés aux fins d'habitation", être inclus dans le périmètre prévu audit article L. 42 ; qu'il s'ensuit que les requérants sont fondés à soutenir que les arrêtés des 6 octobre 1983 et 29 juillet 1986 sont illégaux en tant qu'ils ont inclus dans le périmètre défini en application de l'article L. 42 les locaux dont s'agit ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que l'illégalité susmentionnée entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité de l'arrêté préfectoral attaqué en tant qu'il a, sur le fondement de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970, déclaré d'utilité publique l'acquisition des locaux litigieux et déclaré cessibles lesdits locaux ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande ;
Considérant que si les requérants demandent la condamnation de la commune de Noisy-le-Sec à leur verser la somme de 12 060 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, la commune de Noisy-le-Sec n'étant pas partie à l'instance, lesdites conclusions doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 20 mai 1987 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 15 décembre 1986, en tant qu'il a déclaré d'utilité publique l'acquisition des locaux appartenant aux requérants, 44 rue de Merlan, et déclaré cessibles lesdits locaux, sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. POUPART et Mme COSIC tendant à la condamnation de la commune de Noisy-le-Sec sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Guy POUPART, à Mme Josiane COSIC, au préfet de la Seine-Saint-Denis, à la société d'économie mixte d'équipement et d'aménagement du territoire (SODEDAT 93) et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.