CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 01291
Société "La Quinoléine et ses dérivés"
Lecture du 24 Mars 1978
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 6ème Sous-Section
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la société "La Quinoléine et ses dérivés", société anonyme dont le siège est à Paris, 43, rue de Liège, agissant poursuites et diligences de son président directeur général en exercice, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 25 novembre 1975 et 26 février 1976, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler le jugement, en date du 4 septembre 1975, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'état exécutoire délivré le 10 septembre 1968 par le préfet de Seine-et-Marne, pour le recouvrement de frais afférents aux mesures d'enquête ordonnées par le ministre de l'Industrie à la suite de nuisances provenant d'un dépôt de résidus industriels, et du commandement du 26 septembre 1972 délivré pour l'exécution dudit état; ensemble annuler ledit état et ledit commandement;
Vu la loi du 19 décembre 1917, modifiée par l'ordonnance du 24 septembre 1958 et la loi du 21 décembre 1967;
Vu le décret du 17 décembre 1918;
Vu le décret du 19 août 1966;
Vu le décret du 5 septembre 1968;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977.
Considérant qu'aux termes de l'article 30, alinéa 1er de la loi du 19 décembre 1917, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle ont été prescrits et effectués les contrôles dont les frais ont été mis à la charge de la société requérante: "Si, en dehors de toute instance contentieuse, des mesures exceptionnelles d'instruction ou d'enquête sont ordonnées par le ministre du Commerce, après avis du comité consultatif des arts et manufactures, le remboursement des frais qu'elles auront occasionnés pourra être exigé, s'il y a lieu, de l'industriel. Ces frais seront recouvrés comme en matière de contributions directes.";
Considérant qu'à la suite de l'infiltration dans le sol de résidus toxiques en provenance de l'établissement classé exploité par la société "La Quinoléine" et entreposés dans une ancienne carrière, le ministre de l'industrie a décidé, le 5 mars 1965, qu'il serait procédé, aux frais de ladite société, à des sondages et à des analyses en vue d'évaluer les risques de pollution et de déterminer les mesures à prendre; que le coût de ces recherches a été avancé par le département de Seine-et-Marne, à charge de les récupérer sur la société requérante; que le préfet de ce département a rendu exécutoire le 10 septembre 1968 l'état dressé à cet effet;
Sur la régularité de l'état exécutoire attaqué:
Considérant que le recouvrement des créances des collectivités publiques est régi par les dispositions applicables à la date où interviennent les actes pris pour ce recouvrement;
Considérant que le texte précité de l'article 30, alinéa 1er, de la loi du 19 décembre 1917 a été, en vertu de la loi du 21 décembre 1967, abrogé à compter du 1er janvier 1968 et remplacé par une nouvelle rédaction qui ne précise plus le mode de recouvrement des frais des mesures exceptionnelles d'instruction et d'enquête; que ce texte renvoie la détermination de ses modalités d'application à un décret en Conseil d'Etat, lequel est intervenu le 5 septembre 1968 et dispose que ce recouvrement sera effectué au moyen d'un titre de perception établi au vu d'un état arrêté par le ministre de l'industrie;
Considérant que ce dernier décret, publié au Journal Officiel du 10 septembre 1968, est entré en vigueur dans le département de Seine-et-Marne le 12 septembre 1968 au plus tôt, c'est-à-dire postérieurement à la signature de l'état exécutoire attaqué; que, pendant la période comprise entre l'abrogation le 1er janvier 1968 de l'article 30, alinéa 1er de la loi du 19 décembre 1917 et celle dudit décret, il appartenait à l'administration de recouvrer les frais en cause, conformément aux dispositions générales frais en cause, conformément aux dispositions générales applicables aux créances non fiscales des collectivités publiques pour lesquelles aucun autre mode de recouvrement n'est prévu, c'est-à-dire, en vertu d'un état rendu exécutoire par le préfet;
AU FOND:
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 19 décembre 1917: "Les manufactures, ateliers, usines, magasins-chantiers et tous établissements industriels et commerciaux qui présentent des causes de danger ou des inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité et la commodité du voisinage, soit pour la santé publique, soit encore pour l'agriculture, sont soumis à la surveillance de l'autorité administrative dans les conditions déterminées par la présente loi"; qu'en vertu de l'article 1er du décret du 17 décembre 1918, la demande d'ouverture d'un établissement de 1ère ou de 2ème classe doit être accompagnée d'un dossier où sont notamment précisés "le mode et les conditions d'évacution, d'utilisation et de traitement des eaux résiduaires, ainsi que des déchets et résidus de l'exploitation"; qu'il résulte de ces dispositions que les conditions d'élimination des déchets provenant d'un établissement assujetti à autorisation sont soumises, lorsqu'elles peuvent présenter des inconvénients pour le voisinage, à la surveillance instituée par ce texte;
Considérant que les dispositions du contrat de droit privé par lesquelles la société "La Quinoléine" s'était déchargée sur un tiers, moyennant une rémunération forfaitaire, de la responsabilité du stockage des résidus de son exploitation ne sont pas opposables à l'administration;
Considérant que, si la Cour d'Appel de Paris a définitivement jugé que le président de la société requérante n'avait pas commis le délit d'ouverture ou d'extension sans autorisation d'un établissement classé en laissant s'établir le dépôt dont s'agit, cette décision, laquelle ne s'impose d'ailleurs aux autorités et juridictions administratives qu'en ce qui concerne les constations de fait retenues par le juge répressif, ne faisait pas obstacle à ce que l'administration usât des pouvoirs qui lui étaient reconnus par l'article 30 de la loi du 19 décembre 1917, en présence de nuisances qui; dans les circonstances de l'espèce, doivent être regardées comme se rattachant à l'exploitation de l'établissement de 1ère classe exploité par la société requérante; que, compte tenu de la gravité apparente de ces nuisances, le ministre de l'Industrie était fondé à ordonner des mesures exceptionnelles d'enquête et à en mettre le coût à la charge de l'exploitant, alors même que ces mesures n'auraient pas permis de relever d'infiltration dangereuses pour la santé publique;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société "La Quinoléine et ses dérivés" n'est pas fondée à soutenir que c'ést à tort que le Tribunal administratif de Versailles a refusé d'annuler l'état exécutoire, ainsi que le commandement établi pour son exécution, à l'encontre duquel aucune vice propre n'est allégué.
DECIDE
ARTICLE 1er. - La requête de la société "La Quinoléine et ses dérivés" est rejetée.