Jurisprudence : Cass. com., 16-11-2022, n° 21-10.126, FS-B, Rejet

Cass. com., 16-11-2022, n° 21-10.126, FS-B, Rejet

A28368T9

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:CO00673

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046583056

Référence

Cass. com., 16-11-2022, n° 21-10.126, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89851007-cass-com-16112022-n-2110126-fsb-rejet
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Abstract

Il résulte de l'article L. 134-13 du code de commerce que, lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale résulte de l'initiative de l'agent et qu'elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, la réparation prévue à l'article L. 134-12 de ce code demeure due à l'agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l'exécution du contrat


COMM.

CH.B


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2022


Rejet


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 673 FS-B

Pourvoi n° R 21-10.126


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 NOVEMBRE 2022


La société SBA vins, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-10.126 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à M. [D] [E], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la société SBA vins, de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [E], et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Aa A, Champalaune, Michel-Amsellem, MM. Bedouet, Alt, conseillers, Mmes Comte, Ab, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2020), après avoir mis fin au contrat d'agent commercial qui le liait à la société SBA vins en imputant la rupture aux manquements de la mandante à ses obligations, M. [E] l'a assignée en paiement d'une indemnité de cessation de contrat.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

3. La société SBA vins fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors :

« 1°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en jugeant que la représentation par M. [Ac] d'une maison de champagne concurrente à celles représentées par la société SBA vins n'était pas constitutive d'une faute, sans constater que M. [E] avait, au préalable, obtenu l'accord de la société SBA vins, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce🏛🏛🏛🏛 ;

2°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en relevant, pour juger que la représentation par M. [Ac] d'une maison de champagne concurrente n'était pas constitutive d'une faute, qu'il n'y avait eu aucune volonté de dissimulation, que M. [E] n'était pas lié par une clause d'exclusivité ou de non-concurrence et que le nombre de maisons de champagne est important, cependant que ces circonstances étaient impropres à exclure la commission par l'agent commercial d'une faute grave découlant de l'absence d'accord préalable de son mandant, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce🏛🏛🏛🏛 ;

3°/ que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, commet une faute grave en nouant des relations directes avec les clients de son mandant, en le lui dissimulant ; qu'en jugeant que la société SBA vins ne caractérisait pas la faute de M. [E] pour avoir passé des commandes directement avec ses clients tout en relevant que la société SBA vins produisait trois commandes du 10 juin au 1er juillet 2014 qui avaient été directement transmises aux mandants de la société SBA vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce🏛🏛🏛🏛. »


Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 134-13 du code de commerce🏛 que, lorsque la cessation du contrat d'agence commerciale résulte de l'initiative de l'agent et qu'elle est justifiée par des circonstances imputables au mandant, la réparation prévue à l'article L. 134-12 de ce code🏛 demeure due à l'agent, quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l'exécution du contrat.

5. L'arrêt retient que la société SBA vins, en ne transmettant pas à M. [E] les éléments nécessaires au calcul de ses commissions, ce qui a engendré des retards dans le paiement de celles-ci, et en vendant de manière renouvelée du vin sur le site vente-privée.com, ce qui était de nature à faire naître un grand mécontentement chez les producteurs de vins et à mettre fin à certaines commandes, a manqué à ses obligations et a amené M. [E] à résilier, de manière justifiée, son contrat d'agent commercial.

6. Par ces seuls motifs, vainement critiqués par les quatrième et cinquième branches, abstraction faite de ceux critiqués par les première, deuxième et troisième branches, surabondants dès lors qu'ayant été retenu que la cessation du contrat, intervenue à l'initiative de M. [E], était justifiée par des circonstances imputables à la société SBA vins, l'éventuelle commission d'une faute grave par l'agent commercial était sans incidence sur son droit à la réparation prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce🏛, la cour d'appel a justifié sa décision de ce chef.

7. Le moyen est donc inopérant.


Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société SBA vins fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture, alors « que la réparation doit être intégrale sans perte ni profit pour la victime ; que l'indemnité compensatrice a pour objet de réparer le préjudice subi par l'agent commercial résultant de la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ; qu'en fixant l'indemnité due à M. [E] à deux ans de commissions, soit la somme de 168 000 euros, tout en relevant que pendant les deux années suivant la rupture l'agent avait conservé 89 517,56 euros de recettes de commissions en lien avec les clients résultant de son activité auprès de SBA vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 134-12 du code de commerce🏛 et le principe de la réparation intégrale. »


Réponse de la Cour

9. L'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du code de commerce🏛 ayant pour objet la réparation du préjudice qui résulte, pour l'agent commercial, de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune, il n'y a pas lieu d'en déduire les commissions perçues par l'agent, postérieurement à la cessation du contrat, au titre de la prospection de tout ou partie de cette même clientèle pour un autre mandant.

10. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SBA vins aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société SBA vins et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société SBA vins.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société SBA Vins à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de la rupture avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2014 et D'AVOIR débouté la société SBA Vins de sa demande de dommages et intérêts ;

ALORS, 1°), QUE la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en jugeant que la représentation par M. [Ac] d'une maison de champagne concurrente à celles représentées par la société SBA Vins n'était pas constitutive d'une faute, sans constater que M. [E] avait, au préalable, obtenu l'accord de la société SBA Vins, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce🏛🏛🏛🏛 ;

ALORS, 2°), QUE la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, est tenu d'obtenir l'accord de ce dernier pour représenter une entreprise concurrente à celui-ci ; qu'en relevant, pour juger que la représentation par M. [Ac] d'une maison de champagne concurrente n'était pas constitutive d'une faute, qu'il n'y avait eu aucune volonté de dissimulation, que M. [E] n'était pas lié par une clause d'exclusivité ou de non-concurrence et que le nombre de maisons de champagne est important, cependant que ces circonstances étaient impropres à exclure la commission par l'agent commercial d'une faute grave découlant de l'absence d'accord préalable de son mandant, la cour d'appel a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce🏛🏛🏛🏛 ;

ALORS, 3°), QUE la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice de d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que l'agent commercial, tenu d'une obligation de loyauté à l'égard de son mandant, commet une faute grave en nouant des relations directes avec les clients de son mandant, en le lui dissimulant ; qu'en jugeant que la société SBA Vins ne caractérisait pas la faute de M. [E] pour avoir passé des commandes directement avec ses clients tout en relevant que la société SBA Vins produisait trois commandes du 10 juin au 1er juillet 2014 qui avaient été directement transmises aux mandants de la société SBA Vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 134-3, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce🏛🏛🏛🏛 ;

ALORS, 4°), QU'en cas de démission de l'agent commercial, l'indemnité compensatrice n'est pas due, sauf à ce dernier à démontrer que la rupture du contrat est justifiée par des circonstances exclusivement imputables au mandant ; qu'en jugeant que, par la faute du mandant, l'agent commercial avait subi des retards dans le paiement de ses commissions, après avoir pourtant relevé que l'agent avait bénéficié d'avances sur commissions et qu'en réalité, il avait bénéficié d'un trop-perçu dans le paiement de ses commissions, ce dont il résultait que M. [E] n'avait pas subi de préjudice, ni même de retard dans le paiement de ses commissions, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce🏛🏛 ;

ALORS, 5°), QUE le juge doit examiner tous les éléments produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant qu'en vendant du vin sur le site de vente en ligne vente.privée.com, le mandant n'avait pas mis en mesure son agent commercial d'exécuter pleinement son mandat, sans examiner le contrat produit en pièce 57 par la société SBA Vins, duquel il résultait que la mise en vente du vin sur le site de ventes privées résultait d'accords directement conclus entre les producteurs et la société exploitant le site, sans son intervention de sorte que cette opération ne lui était pas imputable, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile🏛.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société SBA Vins à payer à M. [E] la somme de 168 000 euros au titre de l'indemnité de compensatrice de la rupture avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2014 ;

ALORS QUE la réparation doit être intégrale sans perte ni profit pour la victime ; que l'indemnité compensatrice a pour objet de réparer le préjudice subi par l'agent commercial résultant de la perte des rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ; qu'en fixant l'indemnité due à M. [E] à deux ans de commissions, soit la somme de 168 000 euros, tout en relevant que pendant les deux années suivant la rupture l'agent avait conservé 89 517,56 euros de recettes de commissions en lien avec les clients résultant de son activité auprès de SBA Vins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 134-12 du code de commerce🏛 et le principe de la réparation intégrale.

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