Jurisprudence : CJCE, 27-09-1988, aff. C-189/87, Athanasios Kalfelis c/ Banque Schröder, Münchmeyer, Hengst et Cie, et autres

CJCE, 27-09-1988, aff. C-189/87, Athanasios Kalfelis c/ Banque Schröder, Münchmeyer, Hengst et Cie, et autres

A7252AH3

Référence

CJCE, 27-09-1988, aff. C-189/87, Athanasios Kalfelis c/ Banque Schröder, Münchmeyer, Hengst et Cie, et autres. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/896999-cjce-27091988-aff-c18987-athanasios-kalfelis-c-banque-schroder-munchmeyer-hengst-et-cie-et-autres
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Cour de justice des Communautés européennes

27 septembre 1988

Affaire n°C-189/87

Athanasios Kalfelis
c/
Banque Schröder, Münchmeyer, Hengst et Cie, et autres


Recueil de Jurisprudence 1988 page 5565

Edition spéciale suédoise 1988 page 0729

Edition spéciale finnoise 1988 page 0729

1. CONVENTION CONCERNANT LA COMPETENCE JUDICIAIRE ET L'EXECUTION DES DECISIONS - COMPETENCES SPECIALES - PLURALITE DE DEFENDEURS - COMPETENCE DU TRIBUNAL DU DOMICILE DE L'UN DES CODEFENDEURS - CONDITION - LIEN DE CONNEXITE AU SENS DE LA CONVENTION ENTRE LES DEMANDES

(CONVENTION DU 27 SEPTEMBRE 1968, ART. 6, PAR 1)

2. CONVENTION CONCERNANT LA COMPETENCE JUDICIAIRE ET L'EXECUTION DES DECISIONS - COMPETENCES SPECIALES - COMPETENCE "EN MATIERE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE" - NOTION - INTERPRETATION AUTONOME - ACTION EN RESPONSABILITE NE RELEVANT PAS DE LA MATIERE

CONTRACTUELLE - DEMANDE REPOSANT SUR PLUSIEURS FONDEMENTS - EXCLUSION DES ELEMENTS REPOSANT SUR DES FONDEMENTS NON DELICTUELS

(CONVENTION DU 27 SEPTEMBRE 1968, ART. 5, PAR 3)

1. POUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, DE LA CONVENTION DU 27 SEPTEMBRE 1968 CONCERNANT LA COMPETENCE JUDICIAIRE ET L'EXECUTION DES DECISIONS EN MATIERE CIVILE ET COMMERCIALE, IL DOIT EXISTER UN LIEN ENTRE LES DIFFERENTES DEMANDES FORMEES PAR UN MEME DEMANDEUR A L'ENCONTRE DE DIFFERENTS DEFENDEURS. CE LIEN, DONT LA NATURE EST A DETERMINER DE MANIERE AUTONOME, DOIT ETRE UN LIEN DE CONNEXITE, TEL QU'IL Y A INTERET A JUGER ENSEMBLE LESDITES DEMANDES AFIN D'EVITER DES SOLUTIONS QUI POURRAIENT ETRE INCONCILIABLES SI LES CAUSES ETAIENT JUGEES SEPAREMENT.

2. LA NOTION DE "MATIERE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE" AU SENS DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, DE LA CONVENTION DOIT ETRE CONSIDEREE COMME UNE NOTION AUTONOME COMPRENANT TOUTE DEMANDE QUI VISE A METTRE EN JEU LA RESPONSABILITE D'UN DEFENDEUR, ET QUI NE SE RATTACHE PAS A LA "MATIERE CONTRACTUELLE" AU SENS DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 1.

UN TRIBUNAL COMPETENT AU TITRE DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, POUR CONNAITRE DE L'ELEMENT D'UNE DEMANDE REPOSANT SUR UN FONDEMENT DELICTUEL N'EST PAS COMPETENT POUR CONNAITRE DES AUTRES ELEMENTS DE LA MEME DEMANDE REPOSANT SUR DES FONDEMENTS NON DELICTUELS.

DANS L'AFFAIRE 189/87,

AYANT POUR OBJET UNE DEMANDE ADRESSEE A LA COUR, EN VERTU DU PROTOCOLE DU 3 JUIN 1971, CONCERNANT L'INTERPRETATION PAR LA COUR DE JUSTICE DE LA CONVENTION DU 27 SEPTEMBRE 1968, CONCERNANT LA COMPETENCE JUDICIAIRE ET L'EXECUTION DES DECISIONS EN MATIERE CIVILE ET COMMERCIALE, PAR LE BUNDESGERICHTSHOF ET TENDANT A OBTENIR, DANS LE LITIGE PENDANT DEVANT CETTE JURIDICTION ENTRE

ATHANASIOS KALFELIS, FOURREUR,

ET

1) BANQUE SCHROEDER, MOENCHMEYER, HENGST ET CIE, AYANT ACTUELLEMENT COMME RAISON SOCIALE HEMA, SOCIETE DE PARTICIPATION A RESPONSABILITE LIMITEE, SOCIETE EN COMMANDITE EN LIQUIDATION,

2) BANQUE SCHROEDER, MOENCHMEYER, HENGST INTERNATIONAL SA, LUXEMBOURG,

ET

3) ERNST MARKGRAF, FONDE DE POUVOIR PRES LA BANQUE SCHROEDER, MOENCHMEYER, HENGST ET CIE, FRANCFORT-SUR-LE-MAIN,

UNE DECISION A TITRE PREJUDICIEL SUR L'INTERPRETATION DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, ET DE L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, DE LA CONVENTION DU 27 SEPTEMBRE 1968,

LA COUR (CINQUIEME CHAMBRE),

COMPOSEE DE MM. G. BOSCO, PRESIDENT DE CHAMBRE, U. EVERLING, Y. GALMOT, R. JOLIET ET F. A. SCHOCKWEILER, JUGES,

AVOCAT GENERAL : M. M. DARMON

GREFFIER : MME B. PASTOR, ADMINISTRATEUR

CONSIDERANT LES OBSERVATIONS PRESENTEES

- POUR M. ATHANASIOS KALFELIS, PAR ME HARALD ADERHOLD, AVOCAT,

- POUR LE GOUVERNEMENT ALLEMAND, PAR M. CHRISTOF BOEHMER, EN SA QUALITE D'AGENT,

- POUR LE GOUVERNEMENT ITALIEN, PAR M. OSCAR FIUMARA, AVVOCATO DELLO STATO,

- POUR LE GOUVERNEMENT BRITANNIQUE, PAR M. H. R. L. PURSE, ASSISTE PAR M. M. C. L. CARPENTER, EN LEUR QUALITE D'AGENTS,

POUR LE GOUVERNEMENT LUXEMBOURGEOIS, PAR M. YVES MERSCH, COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT PRES LA BOURSE, EN SA QUALITE D'AGENT, ASSISTE PAR ME NICOLAS DECKER, AVOCAT,

- POUR LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, PAR M. JOERN PIPKORN, MEMBRE DE SON SERVICE JURIDIQUE, ASSISTE PAR ME WOLF-DIETRICH KRAUSE-ABLASS, AVOCAT,

VU LE RAPPORT D'AUDIENCE ET A LA SUITE DE LA PROCEDURE ORALE DU 5 MAI 1988,

AYANT ENTENDU LES CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GENERAL PRESENTEES A L'AUDIENCE DU 15 JUIN 1988,

REND LE PRESENT

ARRET

PAR ORDONNANCE DU 27 AVRIL 1987, PARVENUE A LA COUR LE 16 JUIN 1987, LE BUNDESGERICHTSHOF A POSE, EN VERTU DU PROTOCOLE DU 3 JUIN 1971 RELATIF A L'INTERPRETATION PAR LA COUR DE JUSTICE DE LA CONVENTION DU 27 SEPTEMBRE 1968 CONCERNANT LA COMPETENCE JUDICIAIRE ET L'EXECUTION DES DECISIONS EN MATIERE CIVILE ET COMMERCIALE (CI-APRES LA "CONVENTION "), DEUX QUESTIONS PREJUDICIELLES RELATIVES A L'INTERPRETATION DES ARTICLES 5, PARAGRAPHE 3, ET 6, PARAGRAPHE 1, DE LA CONVENTION.

CES QUESTIONS ONT ETE SOULEVEES DANS LE CADRE D'UN LITIGE QUI OPPOSE M. ATHANASIOS KALFELIS, D'UNE PART, A LA BANQUE SCHROEDER, MOENCHMEYER, HENGST ET CIE, DONT LE SIEGE EST A FRANCFORT-SUR-LE-MAIN, D'AUTRE PART, A LA BANQUE SCHROEDER, MOENCHMEYER, HENGST INTERNATIONAL SA, FILIALE DE LA PREMIERE, DONT LE SIEGE EST A LUXEMBOURG ET, ENFIN, A M. ERNST MARKGRAF, COFONDE DE POUVOIR DE LA PREMIERE.

DE MARS 1980 A JUILLET 1981, M. KALFELIS A CONCLU AVEC LA BANQUE AYANT SON SIEGE A LUXEMBOURG, PAR L'INTERMEDIAIRE DE LA BANQUE DE FRANCFORT-SUR-LE-MAIN ET PAR L'ENTREMISE DU COFONDE DE POUVOIR DE CETTE DERNIERE, DES OPERATIONS BOURSIERES AU COMPTANT ET A TERME SUR L'ARGENT-METAL ET A PAYE A CET EFFET 344 868,52 DM A LA BANQUE DE LUXEMBOURG. LES OPERATIONS A TERME SE SONT SOLDEES PAR UNE PERTE TOTALE. M. KALFELIS VISE PAR SON ACTION A OBTENIR DES DEFENDEURS, EN QUALITE DE CODEBITEURS SOLIDAIRES, LE PAIEMENT DE 463 019,08 DM ASSORTIS DES INTERETS. IL FONDE SA DEMANDE SUR LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DU FAIT DE LA VIOLATION DES OBLIGATIONS D'INFORMATION, SUR LA RESPONSABILITE DELICTUELLE AU TITRE DES DISPOSITIONS COMBINEES DE L'ARTICLE 823, PARAGRAPHE 2, DU BGB (CODE CIVIL ALLEMAND) ET DES ARTICLES 263 DU STGB (CODE PENAL ALLEMAND) ET 826 DU BGB, LES DEFENDEURS LUI AYANT FAIT SUBIR UN PREJUDICE PAR LEUR COMPORTEMENT CONTRAIRE AUX BONNES MOEURS. IL FONDE EN OUTRE SON ACTION SUR L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE, AU MOTIF QUE LES CONTRATS PORTANT SUR DES OPERATIONS BOURSIERES A TERME, TELLES LES OPERATIONS A TERME SUR L'ARGENT-METAL, NE LIENT PAS LES PARTIES, EN VERTU DES DISPOSITIONS IMPERATIVES DU DROIT ALLEMAND ET QU'IL POURRAIT DONC DEMANDER LA REPETITION DES SOMMES QU'IL A VERSEES EN PAIEMENT.

LA BANQUE SCHROEDER, MOENCHMEYER, HENGST INTERNATIONAL SA, AYANT CONTESTE, A TOUS LES STADES DE LA PROCEDURE, LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS ALLEMANDES, LE BUNDESGERICHTSHOF A DECIDE DE SURSEOIR A STATUER ET A POSE A LA COUR LES QUESTIONS SUIVANTES :

"1) A) L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, DE LA CONVENTION DE BRUXELLES DOIT-IL ETRE INTERPRETE EN CE SENS QU'IL DOIT EXISTER UN LIEN DE CONNEXITE ENTRE LES DEMANDES FORMEES CONTRE LES DIFFERENTS DEFENDEURS?

B) DANS L'HYPOTHESE OU IL CONVIENT DE REPONDRE A LA QUESTION A) PAR L'AFFIRMATIVE, LE LIEN DE CONNEXITE EXIGE ENTRE LES DEMANDES FORMEES CONTRE LES DIFFERENTS DEFENDEURS POUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, EXISTE-T-IL DES LORS QUE LES DEMANDES SONT POUR L'ESSENTIEL SIMILAIRES EN FAIT ET EN DROIT (CONNEXITE SIMPLE), OU LA CONNEXITE NE DOIT-ELLE ETRE ADMISE QUE lorsqu'IL SEMBLE BON D'INSTRUIRE ET DE JUGER LES DEMANDES EN MEME TEMPS AFIN D'EVITER DES SOLUTIONS QUI POURRAIENT ETRE INCONCILIABLES SI LES CAUSES ETAIENT JUGEES SEPAREMENT (PAR EXEMPLE DANS LES CAS D'INDIVISIBILITE)?

2) A) LA NOTION DE 'DELIT' DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, DE LA CONVENTION DE BRUXELLES DOIT-ELLE ETRE INTERPRETEE DE FACON AUTONOME OU DOIT-ELLE ETRE DEFINIE EN FONCTION DU DROIT APPLICABLE EN L'ESPECE (LEX CAUSAE), QUI EST DETERMINE PAR LE DROIT INTERNATIONAL PRIVE DE LA JURIDICTION SAISIE?

B) L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, DE LA CONVENTION DE BRUXELLES DONNE-T-IL AUSSI EN RAISON DE LA CONNEXITE UNE COMPETENCE ACCESSOIRE EN MATIERE NON DELICTUELLE DANS LE CADRE D'UNE DEMANDE FONDEE SUR LA RESPONSABILITE DELICTUELLE ET CONTRACTUELLE ET SUR L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE?"

POUR UN PLUS AMPLE EXPOSE DES FAITS, DE LA REGLEMENTATION COMMUNAUTAIRE AINSI QUE DES OBSERVATIONS DEPOSEES DEVANT LA COUR, IL EST RENVOYE AU RAPPORT D'AUDIENCE. CES ELEMENTS DU DOSSIER NE SONT REPRIS CI-DESSOUS QUE DANS LA MESURE NECESSAIRE AU RAISONNEMENT DE LA COUR.

SUR LA PREMIERE QUESTION

LA PREMIERE QUESTION POSEE PAR LE BUNDESGERICHTSHOF TEND EN SUBSTANCE A SAVOIR SI, POUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, DE LA CONVENTION, IL DOIT EXISTER UN LIEN ENTRE LES DEMANDES FORMEES PAR UN MEME DEMANDEUR CONTRE DIFFERENTS DEFENDEURS ET, DANS L'AFFIRMATIVE, QUELLE EST LA NATURE DE CE LIEN.

EN VERTU DE L'ARTICLE 2 DE LA CONVENTION, LES PERSONNES DOMICILIEES SUR LE TERRITOIRE D'UN ETAT CONTRACTANT SONT, SOUS RESERVE DES DISPOSITIONS DE CELLE-CI, "ATTRAITES, QUELLE QUE SOIT LEUR NATIONALITE, DEVANT LES JURIDICTIONS DE CET ETAT ". LA SECTION 2 DU TITRE II DE LA CONVENTION PREVOIT CEPENDANT DES "COMPETENCES SPECIALES", EN VERTU DESQUELLES LE DEFENDEUR DOMICILIE SUR LE TERRITOIRE D'UN ETAT CONTRACTANT PEUT ETRE ATTRAIT DANS UN AUTRE ETAT CONTRACTANT. AU NOMBRE DE CES COMPETENCES SPECIALES FIGURE CELLE DE L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, SELON LEQUEL UN DEFENDEUR PEUT ETRE ATTRAIT "S' IL Y A PLUSIEURS DEFENDEURS, DEVANT LE TRIBUNAL DU DOMICILE DE L'UN D'EUX ".

IL Y A LIEU DE RELEVER QUE LE PRINCIPE ENONCE PAR LA CONVENTION EST CELUI DE LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS DE L'ETAT DU DOMICILE DU DEFENDEUR ET QUE LA COMPETENCE PREVUE PAR L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, CONSTITUE UNE EXCEPTION A CE PRINCIPE. IL EN RESULTE QU'UNE TELLE EXCEPTION DOIT ETRE AMENAGEE DE TELLE SORTE QU'ELLE NE PUISSE REMETTRE EN QUESTION L'EXISTENCE MEME DU PRINCIPE.

TEL POURRAIT ETRE LE CAS SI UN REQUERANT AVAIT LA LIBERTE DE FORMER UNE DEMANDE DIRIGEE CONTRE PLUSIEURS DEFENDEURS A SEULE FIN DE SOUSTRAIRE L'UN DE CES DEFENDEURS AUX TRIBUNAUX DE L'ETAT OU IL EST DOMICILIE. AINSI QUE LE RELEVE LE RAPPORT ETABLI PAR LE COMITE DES EXPERTS AYANT ELABORE LE TEXTE DE LA CONVENTION (JO C 59, DU 5.3.1979, P. 1), UNE TELLE POSSIBILITE DOIT ETRE EXCLUE. IL EST NECESSAIRE, A CET EFFET, QU'IL EXISTE UN LIEN ENTRE LES DEMANDES FORMULEES CONTRE CHACUN DES DEFENDEURS.

IL APPARAIT QUE, EN VUE D'ASSURER, DANS LA MESURE DU POSSIBLE, L'EGALITE ET L'UNIFORMITE DES DROITS ET OBLIGATIONS QUI DECOULENT DE LA CONVENTION POUR LES ETATS CONTRACTANTS ET LES PERSONNES INTERESSEES, IL CONVIENT DE DETERMINER DE MANIERE AUTONOME LA NATURE DE CE LIEN.

A CET EGARD, IL FAUT RELEVER QUE LE RAPPORT PRECITE, ETABLI PAR LE COMITE DES EXPERTS, INVOQUE EXPRESSEMENT POUR JUSTIFIER L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, LE SOUCI D'EVITER QUE NE SOIENT RENDUES DANS DES ETATS CONTRACTANTS DES DECISIONS INCOMPATIBLES ENTRE ELLES. IL S'AGIT D'AILLEURS D'UNE PREOCCUPATION QUI A ETE RETENUE PAR LA CONVENTION MEME DANS SON ARTICLE 22, QUI REGIT LE CAS DE DEMANDES CONNEXES FORMEES DEVANT DES JURIDICTIONS D'ETATS CONTRACTANTS DIFFERENTS.

LA REGLE POSEE PAR L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, S'APPLIQUE DONC LORSQUE LES DEMANDES FORMEES CONTRE LES DIFFERENTS DEFENDEURS SONT CONNEXES LORS DE LEUR INTRODUCTION, C'EST-A-DIRE lorsqu'IL Y A INTERET A LES INSTRUIRE ET A LES JUGER ENSEMBLE AFIN D'EVITER DES SOLUTIONS QUI POURRAIENT ETRE INCONCILIABLES SI LES CAUSES ETAIENT JUGEES SEPAREMENT. IL APPARTIENT A LA JURIDICTION NATIONALE DE VERIFIER DANS CHAQUE CAS PARTICULIER SI CETTE CONDITION SE TROUVE SATISFAITE.

IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA PREMIERE QUESTION QUE POUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, DE LA CONVENTION, IL DOIT EXISTER ENTRE LES DIFFERENTES DEMANDES, FORMEES PAR UN MEME DEMANDEUR A L'ENCONTRE DE DIFFERENTS DEFENDEURS, UN LIEN DE CONNEXITE, TEL QU'IL Y A INTERET A LES JUGER ENSEMBLE AFIN D'EVITER DES SOLUTIONS QUI POURRAIENT ETRE INCONCILIABLES SI LES CAUSES ETAIENT JUGEES SEPAREMENT.

SUR LA SECONDE QUESTION

LA SECONDE QUESTION POSEE PAR LE BUNDESGERICHTSHOF TEND EN SUBSTANCE A SAVOIR, D'UNE PART, SI LA NOTION DE "MATIERE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE" UTILISEE PAR L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, DE LA CONVENTION DE BRUXELLES DOIT ETRE DEFINIE DE MANIERE AUTONOME OU SELON LE DROIT NATIONAL APPLICABLE ET, D'AUTRE PART, SI, DANS L'HYPOTHESE D'UNE DEMANDE FONDEE, CUMULATIVEMENT, SUR LA RESPONSABILITE DELICTUELLE, LA VIOLATION D'UNE OBLIGATION CONTRACTUELLE ET L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE, LE TRIBUNAL COMPETENT EN VERTU DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, PEUT CONNAITRE DES ELEMENTS DE CETTE DEMANDE QUI REPOSENT SUR UN FONDEMENT NON DELICTUEL.

S' AGISSANT DE LA PREMIERE BRANCHE DE LA QUESTION, IL Y A LIEU DE REMARQUER QUE LA NOTION DE "MATIERE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE" SERT DE CRITERE POUR DELIMITER LE CHAMP D'APPLICATION D'UNE DES REGLES DE COMPETENCE SPECIALES OUVERTES AU DEMANDEUR. AINSI QUE L'A JUGE LA COUR A PROPOS DE LA NOTION DE "MATIERE CONTRACTUELLE" UTILISEE PAR LE PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE 5 (VOIR LES ARRETS DU 22 MARS 1983, PETERS, 34/82, REC. P. 987, ET DU 8 MARS 1988, SPRL ARCADO ET SA HAVILAND, 9/87, REC. P. 1539), COMPTE TENU DES OBJECTIFS ET DE L'ECONOMIE GENERALE DE LA CONVENTION, IL IMPORTE, EN VUE D'ASSURER DANS LA MESURE DU POSSIBLE L'EGALITE ET L'UNIFORMITE DES DROITS ET OBLIGATIONS QUI DECOULENT DE LA CONVENTION POUR LES ETATS CONTRACTANTS ET LES PERSONNES INTERESSEES, DE NE PAS INTERPRETER CETTE NOTION COMME UN SIMPLE RENVOI AU DROIT INTERNE DE L'UN OU L'AUTRE DES ETATS CONCERNES.

DES LORS, IL Y A LIEU DE CONSIDERER LA NOTION DE MATIERE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE COMME UNE NOTION AUTONOME QU'IL FAUT INTERPRETER, POUR L'APPLICATION DE LA CONVENTION, EN SE REFERANT PRINCIPALEMENT AU SYSTEME ET AUX OBJECTIFS DE CELLE-CI AFIN D'EN ASSURER LA PLEINE EFFICACITE.

EN VUE D'ASSURER UNE SOLUTION UNIFORME DANS TOUS LES ETATS MEMBRES, IL CONVIENT D'ADMETTRE QUE LA NOTION DE "MATIERE DELICTUELLE ET QUASI DELICTUELLE" COMPREND TOUTE DEMANDE QUI VISE A METTRE EN JEU LA RESPONSABILITE D'UN DEFENDEUR ET QUI NE SE RATTACHE PAS A LA "MATIERE CONTRACTUELLE" AU SENS DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 1.

IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA PREMIERE BRANCHE DE LA QUESTION QUE LA NOTION DE MATIERE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE AU SENS DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, DE LA CONVENTION DOIT ETRE CONSIDEREE COMME UNE NOTION AUTONOME COMPRENANT TOUTE DEMANDE QUI VISE A METTRE EN JEU LA RESPONSABILITE D'UN DEFENDEUR, ET QUI NE SE RATTACHE PAS A LA "MATIERE CONTRACTUELLE" AU SENS DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 1.

S' AGISSANT DE LA SECONDE BRANCHE DE LA QUESTION, IL CONVIENT D'OBSERVER, AINSI QU'IL A DEJA ETE RAPPELE CI-DESSUS, QUE LES "COMPETENCES SPECIALES" ENUMEREES AUX ARTICLES 5 ET 6 DE LA CONVENTION CONSTITUENT DES DEROGATIONS AU PRINCIPE DE LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS DE L'ETAT DU DOMICILE DU DEFENDEUR, QUI SONT D'INTERPRETATION STRICTE. IL CONVIENT DONC D'ADMETTRE QU'UN TRIBUNAL COMPETENT, AU TITRE DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, POUR CONNAITRE DE L'ELEMENT D'UNE DEMANDE REPOSANT SUR UN FONDEMENT DELICTUEL N'EST PAS COMPETENT POUR CONNAITRE DES AUTRES ELEMENTS DE LA MEME DEMANDE QUI REPOSENT SUR DES FONDEMENTS NON DELICTUELS.

S' IL EST VRAI QU'IL EXISTE DES INCONVENIENTS A CE QUE LES DIVERS ASPECTS D'UN MEME LITIGE SOIENT JUGES PAR DES TRIBUNAUX DIFFERENTS, IL CONVIENT D'OBSERVER, D'UNE PART, QUE LE DEMANDEUR A TOUJOURS LA FACULTE DE PORTER L'ENSEMBLE DE SA DEMANDE DEVANT LE TRIBUNAL DU DOMICILE DU DEFENDEUR ET, D'AUTRE PART, QUE L'ARTICLE 22 DE LA CONVENTION PERMET, DANS CERTAINES CONDITIONS, AU TRIBUNAL PREMIER SAISI DE CONNAITRE DE L'ENSEMBLE DU LITIGE, DES LORS QU'EXISTE UN LIEN DE CONNEXITE ENTRE DES DEMANDES PORTEES DEVANT DES JUGES DIFFERENTS.

DANS CES CONDITIONS, IL Y A LIEU DE REPONDRE A LA SECONDE BRANCHE DE LA QUESTION QU'UN TRIBUNAL COMPETENT AU TITRE DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, POUR CONNAITRE DE L'ELEMENT D'UNE DEMANDE REPOSANT SUR UN FONDEMENT DELICTUEL N'EST PAS COMPETENT POUR CONNAITRE DES AUTRES ELEMENTS DE LA MEME DEMANDE REPOSANT SUR DES FONDEMENTS NON DELICTUELS.

SUR LES DEPENS

LES FRAIS EXPOSES PAR LES GOUVERNEMENTS DE LA REPUBLIQUE ITALIENNE, DU ROYAUME-UNI, DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE ET DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG AINSI QUE PAR LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, QUI ONT SOUMIS DES OBSERVATIONS A LA COUR, NE PEUVENT FAIRE L'OBJET D'UN REMBOURSEMENT. LA PROCEDURE REVETANT, A L'EGARD DES PARTIES AU PRINCIPAL, LE CARACTERE D'UN INCIDENT SOULEVE DEVANT LA JURIDICTION NATIONALE, IL APPARTIENT A CELLE-CI DE STATUER SUR LES DEPENS.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR (CINQUIEME CHAMBRE),

STATUANT SUR LES QUESTIONS A ELLE POSEES PAR LE BUNDESGERICHTSHOF, PAR ORDONNANCE DU 27 AVRIL 1987, DIT POUR DROIT :

1) POUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 6, PARAGRAPHE 1, DE LA CONVENTION, IL DOIT EXISTER, ENTRE LES DIFFERENTES DEMANDES FORMEES PAR UN MEME DEMANDEUR A L'ENCONTRE DE DIFFERENTS DEFENDEURS, UN LIEN DE CONNEXITE, TEL QU'IL Y A INTERET A LES JUGER ENSEMBLE AFIN D'EVITER DES SOLUTIONS QUI POURRAIENT ETRE INCONCILIABLES SI LES CAUSES ETAIENT JUGEES SEPAREMENT.

2) A) LA NOTION DE MATIERE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE AU SENS DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, DE LA CONVENTION DOIT ETRE CONSIDEREE COMME UNE NOTION AUTONOME COMPRENANT TOUTE DEMANDE QUI VISE A METTRE EN JEU LA RESPONSABILITE D'UN DEFENDEUR, ET QUI NE SE RATTACHE PAS A LA "MATIERE CONTRACTUELLE" AU SENS DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 1.

B) UN TRIBUNAL COMPETENT AU TITRE DE L'ARTICLE 5, PARAGRAPHE 3, POUR CONNAITRE DE L'ELEMENT D'UNE DEMANDE REPOSANT SUR UN FONDEMENT DELICTUEL N'EST PAS COMPETENT POUR CONNAITRE DES AUTRES ELEMENTS DE LA MEME DEMANDE REPOSANT SUR DES FONDEMENTS NON DELICTUELS.

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