Jurisprudence : CA Paris, 6, 2, 27-10-2022, n° 22/08759, Infirmation partielle

CA Paris, 6, 2, 27-10-2022, n° 22/08759, Infirmation partielle

A71898S3

Référence

CA Paris, 6, 2, 27-10-2022, n° 22/08759, Infirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89695952-ca-paris-6-2-27102022-n-2208759-infirmation-partielle
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2


ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022


(n° , 14 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08759 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYJM


Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, Aa A, JCP de [Localité 8] RG n° 22/00508



APPELANTE


FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DES SALARIES DES MINES ET DE L'ENERGIE C.G.T (F.N.M.E.-C.G.T.)

[Adresse 2]

[Localité 9]


Représentée par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056


INTIMÉES


S.A. ENEDIS

N° SIRET : 444 60 8 4 42

[Adresse 3]

[Localité 8]


Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03


Syndicat FEDERATION CFE-CGC ENERGIES

[Adresse 5]

[Localité 8]


Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477


FEDERATION CFTC CHIMIE MINES TEXTILE ENERGIE

[Adresse 1]

[Localité 8]


Non représentée


FEDERATION CHIMIE ENERGIE CFDT (FCE CFDT)

[Adresse 4]

[Localité 8]


Représentée par Me Roger KOSKAS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137


FEDERATION NATIONALE DE L'ENERGIE ET DES MINES FORCE OUVRIERES

[Adresse 7]

[Localité 8]


Non représentée


S.A. GRDF (GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE)

N° SIRET : 444 .786.511

[Adresse 6]

[Localité 8]


Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur B Ab, Premier président de chambre

Madame ALZEARI Marie-Paule, présidente

Madame LAGARDE Christine, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [E] [U] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia


ARRÊT :

- réputé contradictoire


- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛


- signé par Olivier B, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


***


EXPOSÉ DU LITIGE :


La société Enedis SA (anciennement, ERDF ; ci-après, 'Enedis'), filiale du Groupe EDF, est une société de distribution d'électricité. Elle emploie près de 38 000 salariés répartis sur l'ensemble du territoire national au sein de 25 directions régionales. Elle gère environ 95 % du réseau de distribution d'électricité du territoire métropolitain.


La société GRDF SA, filiale du Groupe Engie, est une société responsable de l'acheminement du gaz naturel à 11 millions de clients en France, dans plus de 9 500 communes. Elle emploie plus de 11 600 salariés.


Les sociétés ERDF et GRDF ont été créées, le 1er janvier 2008, pour se conformer à l'exigence, posée par l'article 23 de la loi du 9 août 2004🏛, de séparer les activités de distribution d'énergie des activités de production, transport et commercialisation tant du gaz que de l'électricité.


Le 23 juillet 2010 les sociétés GRDF et ERDF, conduites à renégocier l'ensemble des accords collectifs antérieurement applicables, ont conclu, chacune, en termes strictement identiques avec les organisations syndicales CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et CGT-FO, un accord sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations au sein de chacune des deux structures.


' l'exception des salariés des établissements des fonctions centrales de direction d'Enedis et des fonctions centrales de direction de GRDF, le personnel de ces deux sociétés appartient à un service commun, institué par la loi précitée du 9 août 2004, codifié à l'article L.111-71 du code de l'énergie🏛 :

La création d'un service commun, non doté de la personnalité morale, entre les sociétés issues de la séparation juridique des activités exercées par Electricité de France et GDF-Suez en application de l'article L. 111-57est obligatoire, dans le secteur de la distribution, pour la construction des ouvrages, la maîtrise d'oeuvre de travaux, l'exploitation et la maintenance des réseaux, les opérations de comptage ainsi que d'autres missions afférentes à ces activités. Ces services communs peuvent réaliser des prestations pour le compte des entreprises locales de distribution et des distributeurs et autorités organisatrices mentionnés respectivement aux III et IV de l'article L.2224-31 du code général des collectivités territoriales🏛


Ce service commun, qui couvre tout le territoire national, est constitué de :

- 25 directions régionales d'Enedis, chargées du réseau de distribution électrique ;

- 6 directions réseaux et directions clients territoires de GRDF, chargées du réseau de distribution gaz ;

- 4 unités opérationnelles nationales (UON) Enedis-GRDF, chargées du domaine logistique et des fonctions transversales du service commun (entités mixtes).


Les salariés affectés à ce service commun ont ainsi deux employeurs, Enedis et GRDF.


Les UON sont au nombre de quatre :

- l'UON ressources humaines (RH) et médico-social (1169 salariés dont 479 appartenant à l'opérateur RH au 31 décembre 2020) ;

- l'UON logistique 'serval' (578 salariés au 31 décembre 2020) ;

- l'UON comptable (382 salariés au 31 décembre 2020) ;

- l'UON informatique et télécommunications (435 salariés au 31 décembre 2020) ;


' partir de 2014, les directions des deux distributeurs ont lancé des projets visant à assurer un 'démixage' de leurs activités opérationnelles communes.


Courant octobre 2020, elles ont informé les partenaires sociaux d'un projet 'Transformation des activités communes' ( TAC ) visant les quatre UON, à l'exception des services de médecine conseil, médecine du travail et gestion des CAS, dépendant de L'UON RH et médico-sociale.


En juillet 2021, Enedis et GRDF ont initié l'instruction détaillée du projet et présenté le calendrier envisagé à l'issue de la concertation sociale.


Le 16 novembre 2021, elles ont communiqué aux représentants du personnel composant la délégation spéciale des CSE centraux Enedis et GRDF, un document présentant le projet TAC, en vue d'une première réunion.

Le paragraphe 8.1.3 de ce document, relatif aux modalités d'affectation des salariés, distingue les salariés des équipes maintenues dans la nouvelle organisation, c'est à dire 'les équipes déjà spécialisées ou les équipes poursuivant la même nature d'activité et transférées en bloc (tous les salariés restent dans la même équipe) ' sans impact sur leurs activités, missions, conditions et lieu de travail (soit 65% des effectifs des UON), des salariés pour lesquels leur équipe actuelle n'est pas maintenue (qui représentent 10% des effectifs des UON).

Pour ces derniers, le projet prévoit qu'ils bénéficieront avant toute proposition d'affectation dans un emploi, d'une information sur l'évolution potentielle de l'organisation suivie d'entretiens individuels conduits conformément aux accords du 23 juillet 2010.


Constatant que ce projet exclut 1621 agents sur les 1871 concernés du bénéfice de l'entretien individuel et des propositions d'affectation prévus par les accords collectifs du 23 juillet 2010, la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (ci-après désignée FNME-CGT), autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance du 5 janvier 2022, a fait citer devant le tribunal judiciaire de Paris, à l'audience du 1er mars 2022, les sociétés Enedis et GRDF, en présence des quatre organisations syndicales fédération CFE-CGC énergies ('CFE-CGC'), fédération chimie-énergie CFDT (FCE- CFDT), fédération nationale de l'énergie et des mines force ouvrière (FNEM-FO), fédération CFTC chimie-mines-textile-énergie (CFTC-CMTE).


Par un jugement réputé contradictoire rendu le 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

- ordonné la jonction des procédures inscrites sous les numéros de répertoire général 22/00508 et 22/00811 en une procédure unique numéro 22/508 ;

- débouté la FNME-CGT, la CFE-CGC énergies, la FCE- CFDT et la FNEM-FO de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamné la FNME-CGT à payer la somme de 1 500 euros à la société Enedis et la somme de 1 500 euros à la société GRDF au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- condamné la CFE-CGC à payer la somme de 1 500 euros à la société Enedis et la somme de 1 500 euros à la société GRDF au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- condamné la FNME-CGT et la CFE-CGC aux dépens dont distraction au profit de Me Herman.


La FNME-CGT a interjeté appel de ce jugement le 19 mai 2022 (RG 22/08759).

La CFE-CGC a également relevé appel le même jour (RG 22/08761).


Le 19 mai 2022, la FNME-CGT a saisi la juridiction du premier président d'une requête afin d'être autorisée à assigner à jour fixe devant la cour d'appel de Paris, la CFE-CGC a fait de même.



Par ordonnance en date du 10 juin 2022, la juridiction du premier président a autorisé la FNME-CGT à assigner à jour fixe Enedis, GRDF, la CFTC-CMTE, la FNEM-FO et la FCE-CFDT.


Par ordonnance distincte du même jour, la juridiction du premier président a autorisé la CFE-CGC à assigner à jour fixe les mêmes autres parties.


Le présent arrêt concerne la procédure RG 22/08759 (appel de la FNME-CGT).



PRÉTENTIONS DES PARTIES


Par requête transmise au greffe par RPVA le 19 mai 2022, la FNME-CGT, appelante, demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 22/00508) en ce qu'il a :

débouté la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME.-CGT), la fédération CFE-CGC énergies, la fédération chimie énergie CFDT (FCE- CFDT) et la fédération nationale de l'énergie et des mines force ouvrière (FNEM-FO) de l'intégralité de leurs demandes ;

condamné la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME.-CGT) à payer la somme de 1500 euros à la société Enedis et la somme de 1500 euros à la société GRDF au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

condamné la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME.-CGT) et la fédération CFE-CGC énergies aux dépens dont distraction au profit de Me Herman ;

Et, statuant a nouveau,

- enjoindre la société Enedis à exécuter les engagements pris par l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à ERDF à l'égard de l'ensemble des agents des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes ;

- enjoindre la société GRDF à exécuter les engagements pris par l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à GRDF à l'égard de l'ensemble des agents des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes ;

En conséquence,

- enjoindre la société Enedis à conduire avec chacun des agents de l'établissement des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes, y compris les salariés 'en équipes constituées', l'entretien individuel prévu par l'article 4.3 intitulé 'accompagnement du projet professionnel individuel' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à ERDF ;

- enjoindre la société GRDF à conduire avec chacun des agents de l'établissement des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes, y compris les salariés 'en équipes constituées', l'entretien individuel prévu par l'article 4.3 intitulé 'accompagnement du projet professionnel individuel' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à GRDF ;

- enjoindre la société Enedis à formuler des propositions d'affectation auprès de chacun des agents de l'établissement des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes, y compris les salariés 'en équipes constituées', en application des stipulations de l'article 4.7 intitulé 'processus d'affectation' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à ERDF ;

- enjoindre la société GRDF à formuler des propositions d'affectation auprès de chacun des agents de l'établissement des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes, y compris les salariés 'en équipes constituées', en application des stipulations de l'article 4.7 intitulé 'processus d'affectation' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à GRDF ;

- enjoindre la société Enedis à recueillir auprès de chacun des agents de l'établissement des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes, y compris les salariés 'en équipes constituées', leur accord pour la(les) proposition(s) d'affectation à Enedis par la signature d'un accord tripartite entre le salarié et l'entité d'appartenance et l'entité d'accueil ;

- enjoindre la société GRDF à recueillir auprès de chacun des agents de l'établissement des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes, y compris les salariés 'en équipes constituées', leur accord pour la(les) proposition(s) d'affectation à GRDF par la signature d'un accord tripartite entre le salarié et l'entité d'appartenance et l'entité d'accueil ;

- assortir lesdites injonctions, passé un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, d'une astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et par salarié concerné ;

- se réserver la possibilité de liquider ladite astreinte ;

- condamner in solidum les sociétés Enedis et GRDF à devoir lui verser la somme de 50 000 euros au titre de dommages-intérêts pour le préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession ;

- condamner in solidum les sociétés Enedis et GRDF à devoir lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- condamner in solidum les sociétés Enedis et GRDF aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Par dernières conclusions transmises au greffe par RPVA le 27 juillet 2022, la société Enedis et la société GRDF, intimées, demandent à la cour de :

- ordonner la jonction des instances enregistrées sous le numéro RG 22/08759 et 22/08761 ;

' titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Paris (RG 22/00508), en toutes ses dispositions et notamment, en ce qu'il a débouté la FNME-CGT, la CFE-CGC Energies, la FCE-CFDT et la FNME-FO de leurs demandes infondées ;

' titre subsidiaire,

- juger la FNME-CGT et la CFE-CGC Energies irrecevables en leurs demandes visant à faire échec à la règle d'ordre public posée par l'article L. 1224-1 du code du travail🏛 et, à tout le moins, en leurs demandes reposant sur des revendications individuelles ;

En tout état de cause,

- débouter la FNME-CGT et la CFE-CGC Energies de l'ensemble de leurs autres demandes, fins et prétentions ;

- condamner la FNME-CGT et la CFE-CGC Energies à verser chacune aux sociétés Enedis et GRDF, au titre d'une partie des frais exposés par elles en cause d'appel, la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'aux entiers dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile🏛.

Par dernières conclusions transmises au greffe par RPVA le 28 juillet 2022, la FCE-CFDT, intimée, demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- confirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris du 10 mai 2022 uniquement en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité soutenue par les sociétés GRDF et ERDF ;

- infirmer le jugement du tribunal Judiciaire de Paris du 10 mai 2022 pour le surplus et notamment en ce qu'il a débouté la Fédération Chimie Energie - FCE CFDT de l'intégralité de ses demandes ;

En conséquence,

- enjoindre la société Enedis à exécuter les engagements pris par l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à ERDF à l'égard de l'ensemble des agents des UON concernés par le projet TAC ;

- enjoindre la Société GRDF à exécuter les engagements pris par l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à GRDF a l'égard de l'ensemble des agents des UON concernés par le projet TAC ;

En conséquence :

- enjoindre la société ENEDIS à conduire avec chacun des agents de l'établissement des UON concernés par le TAC, y compris les salaries 'en équipes constituées', l'entretien individuel prévu par l'article 4.3 intitule 'accompagnement du projet professionnel individuel' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à ERDF ;

- enjoindre la société GRDF à conduire avec chacun des agents de l'établissement des UON concernés par le TAC, y compris les salariés 'en équipes constituées', l'entretien individuel prévu par l'article 4.3 intitulé 'accompagnement du projet professionnel individuel' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à GRDF ;

- enjoindre la société Enedis à formuler des propositions d'affectation auprès de chacun des agents des UON concernés par le TAC, y compris les salariés « en équipes constituées », l'entretien individuel prévu par l'article 4.3 intitulé « accompagnement du projet professionnel individuel » de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations a ERDF ;

- enjoindre la société GRDF à formuler des propositions d'affectation auprès de chacun des agents des UON concernés par le TAC, y compris les salaries 'en équipes constituées', l'entretien individuel prévu par l'article 4.3 intitulé 'accompagnement du projet professionnel individuel' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations a GRDF ;

- enjoindre la société ENEDIS à recueillir auprès de chacun des agents de l'établissement des UON concernés par le TAC, y compris les salaries 'en équipes constituées' leur accord pour la(les) proposition(s) d'affectation à ENEDIS par la signature d'un accord tripartite entre le salarié et l'entité d'appartenance et l'entité d'accueil ;

- enjoindre la société GRDF à recueillir auprès de chacun des agents de l'établissement des Unités Opérationnelles Nationales concernés par le Projet de Transformation des Activités, y compris les salariés 'en équipes constituées' leur accord pour la(les) proposition(s) d'affectation a GRDF par la signature d'un accord tripartite entre le salarié et l'entité d'appartenance et l'entité d'accueil ;

- assortir lesdites injonctions, passé un délai de 6 mois a compter de la signification de l'arrêt a intervenir, d'une astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et par salarié concerné ;

- se réserver la possibilité de liquider lesdites injonctions ;

- condamner in solidum les sociétés ENEDIS et GRDF à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice porté a l'intérêt collectif de la profession ;

- condamner in solidum les Sociétés ENEDIS et GRDF à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- condamner in solidum les Sociétés ENEDIS et GRDF aux entiers dépens de la présente instance.


Par dernières conclusions transmises au greffe par RPVA le 29 juillet 2022, la CFE-CGC énergies, intimée, demande à la cour de :

- faire droit à l'ensemble de la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME.-CGT) ;

En tout état de cause,

- infirmer le jugement entreprise par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

débouté la FNEM-FO de l'intégralité de leurs demandes ;

condamné la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) à payer la somme de 1 500 euros à la société Enedis et la somme de 1 500 euros à la société GRDF au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

condamné la fédération CFE-CGC énergies à payer la somme de 1 500 euros à la société Enedis et la somme de 1 500 euros à la société GRDF au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

condamné la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT (FNME-CGT) et la fédération CFE-CGC énergies aux dépens dont distraction au profit de Me Herman ;

Statuant à nouveau,

- juger recevable et bien fondée en son action la fédération CFE-CGC Énergies ;

- enjoindre la société Enedis à exécuter les engagements pris par l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à EDF à l'égard de l'ensemble des agents des Unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes ;

- enjoindre la société GRDF à exécuter les engagements pris par l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à GRDF à l'égard de l'ensemble des agents des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes ;

Et, en conséquence :

- enjoindre la société Enedis à conduire avec chacun des agents de l'établissement des UON concernés par le TAC, y compris les salariés 'en équipes constituées', l'entretien individuel prévu par l'article 4.3 intitulé 'accompagnement du projet professionnel individuel' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à ERDF ;

- enjoindre la société GRDF à conduire avec chacun des agents de l'établissement des UON concernés par le TAC, y compris les salariés 'en équipes constituées', l'entretien individuel prévu par l'article 4.3 intitulé 'accompagnement du projet professionnel individuel' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à GRDF ;

- enjoindre la société Enedis à formuler des propositions d'affectation auprès de chacun des agents des UON concernés par le TAC, y compris les salariés 'en équipes constituées', en application des stipulations de l'article 4.7 intitulé 'processus d'affectation' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à ERDF ;

- enjoindre la société GRDF à formuler des propositions d'affectation auprès de chacun des agents des UON concernés par le TAC, y compris les salariés 'en équipes constituées', en application des stipulations de l'article 4.7 intitulé 'processus d'affectation' de l'accord collectif du 23 juillet 2010 sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à GRDF ;

- enjoindre la société Enedis à recueillir auprès de chacun des agents de l'établissement des UON concernés par le TAC, y compris les salariés 'en équipes constituées', leur accord pour la (les) proposition(s) d'affectation à Enedis par la signature d'un accord tripartite entre le salarié et l'entité d'appartenance et l'entité d'accueil ;

- enjoindre la société GRDF à recueillir auprès de chacun des agents de l'établissement des UON concernés par le TAC, y compris les salariés en 'équipes constituées', leur accord pour la (les) proposition(s) d'affectation à GRDF par la signature d'un accord tripartite entre le salarié et l'entité d'appartenance et l'entité d'accueil ;

- assortir lesdites injonctions, passé un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, d'une astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et par salarié concerné ;

- se réserver la possibilité de liquider lesdites injonctions ;

- condamner in solidum les sociétés Enedis et GRDF à devoir verser à la fédération CFE-CGC Énergies la somme de 50 000 euros au titre de dommages-intérêts pour le préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession ;

- condamner in solidum les sociétés Enedis et GRDF à devoir verser à la fédération CFE-CGC Énergies la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- condamner in solidum les sociétés Enedis et GRDF aux entiers dépens de première instance et d'appel, dire que ceux d'appel seront recouvrés par Me Audrey Hinoux, SELARL Lexavoue [Localité 8] Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile🏛.



MOTIFS DE LA DÉCISION


Au soutien de sa demande, la FNME-CGT fait valoir que le préambule des accords signés par Enedis et GRDF le 23 juillet 2010 définit clairement leur champ d'application, à savoir tout salarié impacté à quelque niveau que ce soit par la réorganisation concernée.

Concernant l'entretien individuel et l'accord du salarié, la FNME-CGT avance que les accords collectifs du 23 juillet 2010, et plus particulièrement leur article 4.3, instaurent pour chaque salarié concerné par la réorganisation déclarée le droit de disposer d'un entretien individuel durant lequel il se voit proposer une affectation ainsi que le recueil de son accord exprès à la proposition d'affectation après un délai de réflexion. En outre, les accords collectifs de 2010 prévoient expressément l'obligation tant pour Enedis que pour GRDF de formuler trois propositions d'affectations au cours de trois entretiens individuels et de recueillir le consentement du salarié.

Par ailleurs, elle relève l'inapplicabilité de principe des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail🏛 à défaut de tout transfert de contrats de travail et de modification dans la situation juridique de l'employeur et en l'absence de tout transfert d'entités économiques autonomes.

Pour autant, en jugeant inutile l'application des accords collectifs, le jugement attaqué comporte une erreur de droit doublée d'une appréciation en pure opportunité.


En réponse, la société Enedis et la société GRDF soutiennent, en particulier, que les dispositions conventionnelles relatives à la tenue d'un entretien individuel et à la formulation de propositions d'affectation ne s'appliquent qu'à l'égard des salariés dont les conditions de travail sont amenées à être modifiées en raison d'un transfert hors équipes constituées. De plus, les dispositions conventionnelles de l'accord du 23 juillet 2010 n'imposent pas aux deux entreprises de mener chacune, pour les salariés concernés, des entretiens individuels et de formuler chacune des propositions d'affectation.

' titre subsidiaire, elles avancent que les fédérations syndicales sont irrecevables en leurs demandes, celles-ci étant de nature, sous couvert d'une prétendue violation de l'accord collectif du 23 juillet 2010, à faire échec à la règle d'ordre public prévue par l'article L. 1224-1 du code du travail🏛, dont seuls les salariés peuvent contester l'application devant le conseil de prud'hommes. De surcroît, les fédérations syndicales sont infondées en leurs demandes dès lors que l'application de l'accord du 23 juillet 2010 ne peut faire échec à l'article L. 1224-1 du code du travail🏛, disposition d'ordre public.


La FCE CFDT soutient notamment que ses demandes tendant à l'application des accords d'entreprise du 23 juillet 2010 sont recevables et que l'irrecevabilité soutenue par les sociétés Enedis et GRDF n'est pas fondée juridiquement. Elle ajoute que les demandes de la fédération FNEM-FO et de la FCE-CFDT ne portent pas sur l'applicabilité de l'article L.1224-1 du code du travail🏛.

Elle estime également que les accords du 23 juillet 2010, relatifs au processus de concertation et mesures d'accompagnement des réorganisations à Enedis et GRDF, doivent s'appliquer car les modifications envisagées constituent une réorganisation à l'échelle de l'entreprise et impacteront l'emploi, le métier, le rattachement hiérarchique et les conditions de travail des agents UON. En ce sens, le refus par les sociétés Enedis et GRDF d'appliquer lesdits accords est illicite.


Enfin, la CFE-CGC avance qu'il résulte du champ d'application des accords collectifs du 23 juillet 2010 que ces derniers sont applicables à tous les salariés des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de TAC, y compris les salariés 'en équipes constituées'.

Les accords collectifs du 23 juillet 2010 instaurent, pour tout salarié concerné par une réorganisation déclarée, le droit de disposer d'un entretien individuel au cours duquel il lui est fait une proposition d'affectation sur la base de laquelle il sera susceptible de donner son consentement exprès.

Par ailleurs, l'article L.1224-1 du code du travail🏛 est manifestement inapplicable car aucune opération modifiant la situation juridique de l'entreprise n'a cours dans le cadre de la transformation des activités communes. De surcroît et en tout état de cause, les accords du 23 juillet 2010 ne font pas obstacle à l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail🏛.


Sur ce,


Sur la jonction  


Il y a d'autant moins lieu d'ordonner la jonction des procédures RG 21-08759 et 21-08761 que la situation de la CFE-CGC n'est pas identique dans les deux dossiers.

En effet, cette fédération, appelante dans le dossier RG 21-08761, a choisi de ne pas régler le timbre dans la procédure RG 21-08759.


En tout état de cause, la cour dira n'y avoir lieu à jonction.


Sur les conclusions de la CFE-CGC


Faute pour elle d'avoir réglé le timbre prévu par l'article 916 du code civile, la fédération CFE-CGC s'est exposée à l'irrecevabilité de son appel et de ses défenses devant la cour, dans le cadre de la présente procédure.

A l'audience, la cour a expressément exposé la situation au conseil de la CFE-CGC, qui a indiqué que le timbre ne serait pas réglé avant que l'affaire ne soit examinée.


Dans ces conditions, la cour dira l'appel de la CFE-CGC irrecevable.


Sur le fond


Il est certain que les choix successifs faits par le législateur quant à l'organisation des acteurs traditionnels français en matière de gaz et d'électricité n'ont certainement pas facilité la séparation définitive, en cause ici, des activités d'Enedis et de GRDF, et notamment de décider aisément du sort des salariés faisant partie des services communs.

Il convient de rappeler également ici que ces salariés, quand bien même ils intervenaient dans le cadre d'équipes constituées, c'est à dire oeuvrant exclusivement (ou quasi exclusivement) pour l'une ou l'autre des sociétés, relevaient de toutes les deux.

Autrement dit, tous les salariés en cause avaient deux employeurs, Enedis et GRDF.


Le processus envisagé avait donc pour but et pour effet que les salariés des UON n'aient plus qu'un employeur unique, soit Enedis, soit GRDF.


Le projet de TAC a été notamment présenté de la manière suivante (annexe 2 de la 'Décision d'engagement du projet TAC', page 58 du projet de TAC tel que présenté, pour avis, à la délégation spéciale des CSE-C d'Enedis et de GRDF) :


En termes d'accompagnement des salariés, les mesures des accords sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisations à Enedis et à GRDF de 2010 seront appliquées.

Une attention sera plus particulièrement portée aux parcours professionnels des salariés concernés par cette évolution.

Ces modalités seront abordées lors de rencontre avec les partenaires sociaux des deux entreprise qui seront programmées dès la rentrée. (...) (souligné par la cour)


Or, les « mesures des accords sur le processus de concertation et les mesures d'accompagnement des réorganisation à Enedis et à GRDF de 2010 » ne peuvent que renvoyer à l'accord du 23 juillet 2010 (ci-après, l''Accord'), aux termes duquel, notamment (article 4.3 - Accompagnement individuel) :


Un entretien individuel est systématiquement réalisé avec chaque salarié par un responsable hiérarchique missionné par le management. Dans ce cadre, le salarié pourra exprimer ses souhaits d'évolution professionnelle. Plusieurs entretiens peuvent s'avérer nécessaire pour finaliser le projet professionnel du salarié. (...)

L'entretien porte sur tous les points suivants : (...)

' la (les) proposition(s) d'affectation qui lui est (sont) faite(s) lorsque cela est possible en fonction de la connaissance des organisations au moment de l'entretien ;

' les mesures d'accompagnement qui sont appliquées au salarié selon sa situation et les caractéristiques des propositions d'affectation envisagées ;

' les éléments relatifs aux éventuels engagements d'évolution de la rémunération dans l'année.

A l'issue de l'entretien, son contenu reprenant les points précédents et ses conclusions sont consignés dans un document, qui est signé par le salarié, le responsable hiérarchique et le responsable de la nouvelle entité d'accueil s'il y a changement d'entité de rattachement. Ce document vaut engagement pour la mise en oeuvre des mesures identifiées. L'agent dispose d'un délai de 10 jours calendaires pour signer le document. Cette signature atteste de la conformité du compte rendu et de la teneur de l'entretien. (souligné par la cour)


L'article 4.4 de cet accord précise que pour éclairer la décision du salarié avant de répondre à une proposition d'affectation, il peut lui être proposé une « courte période de découverte du métier envisagé et de son environnement de travail ».

L'article 4.7 de l'Accord, relatif au 'Processus d'affectation', se lit en particulier :


Lorsque le salarié n'a pas demandé cette affectation ou lorsque l'emploi du salarié n'est pas maintenu, il est tenu compte, pour chacune des propositions d'emploi des conclusions actées à l'issue des entretiens individuels.

Dans ces conditions :

- il est fait une première proposition au salarié. Si le salarié accepte cette proposition, il est affecté dans le poste correspondance.

- si le salarié n'accepte pas la première proposition, une deuxième proposition, différente de la première, est faite au cours d'un nouvel entretien individuel. Si le salarié accepte cette deuxième proposition, il est affecté dans le poste correspondant.

- si le salarié n'accepte pas cette seconde proposition, un nouvel entretien individuel est réalisé. (...) A l'issue de ce nouvel entretien, une troisième proposition différente des deux précédentes, est faite au salarié. Si le salarié accepte la troisième proposition, il est affecté dans l'emploi correspondant.

- Sinon, la direction prend une décision d'affectation du salarié. (souligné par la cour)


Il résulte nécessairement de ce qui précède que les sociétés Enedis et GRDF se sont engagées, lorsqu'une réorganisation est envisagée et déclarée, comme c'est le cas en l'espèce, à suivre le schéma précisément décrit par l'Accord et rappelé ci-dessus.

La lourdeur de cette procédure est patente qui impose et un entretien individuel et, le cas échéant, de proposer trois affectations différentes au salarié concerné, observation faite qu'en cas de refus de la dernière proposition, l'employeur reste maître de décider de l'affectation.


Pour autant, ce mécanisme s'impose puisque l'employeur s'y est lui-même engagé et que l'Accord ne prévoir aucune exclusive et alors qu'il a été signé à une époque où l'existence d'un service commun était connue : l'article 6.1 de l'Accord précise que celui-ci est « applicable à l'ensemble des salariés des établissements ERDF SA (/ GRDF SA), y compris ceux du Service Commun aux deux filiales ERDF SA et GRDF SA » (souligné par la cour).


Pour tenter d'échapper à cet engagement, à la fois contractuel et unilatéral, les sociétés ERDF et GRDF excipent des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail🏛 :


Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.


Les deux sociétés considèrent que, compte tenu de ces dispositions, les syndicats seraient irrecevables en leurs demandes.

Sur ce point, la cour ne peut que renvoyer aux justes motifs du premier juge, qu'elle adopte. Il suffira de relever ici que la cour n'est pas saisie d'une demande visant à interdire un changement d'employeur mais tendant à faire appliquer un accord collectif au bénéfice de tous les salariés des UON (service médical excepté), ce pour quoi les syndicats, qui sont fondés à engager toute procédure tendant faire respecter les droits collectifs des salariés sont recevables.


Les deux Sociétés tentent également d'utiliser les dispositions relatives au transfert du contrat de travail de l'article L. 1224-1 du code du travail🏛 pour convaincre qu'en l'espèce, il n'y a pas lieu à application de l'Accord puisque les 'conditions de travail', au sens large, des salariés ne sont pas modifiées par le projet TAC.


A cet égard, premier juge a notamment considéré que « le projet de rattachement à un employeur unique, ENEDIS ou GRDF selon le cas, n'induit en l'espèce aucune modification dans les conditions de travail du salarié appartenant à une équipe constituée, c'est à dire regroupant des salariés exerçant la même nature d'activité, qui sont de fait déjà spécialisées soit dans le domaine de l'électricité, soit dans celui du gaz, qui ne connaîtra aucune modification de son environnement ou de ses conditions de travail et ne se verra proposer aucune autre affectation que celle dont il bénéficie actuellement ».

Le premier juge poursuit, en ce qui concerne « des salariés qui vont connaître une modification dans leurs conditions de travail et qui sont éligibles à la procédure prévue par l'article 4, leur double appartenance à ENEDIS et GRDF n'impose pas pour autant à chacun des employeurs d'organiser chacun un entretien ou une série d'entretiens séparés » puisque les accords concerné du 23 juillet 2010 sont des « accords-miroir » selon l'expression utilisée par les sociétés, « dont les effets se confondent » et que « sur un plan strictement logique la mise en oeuvre d'un projet commun aux deux entreprises (...) nécessite bien évidemment pour la cohérence même du processus un travail commun dans la réaffectation des effectifs, et ce dans l'intérêt direct des salariés ».


La cour ne peut suivre cette 'logique'.

La circonstance que chacune des Sociétés a signé un accord identique le 23 juillet 2010, l'Accord déjà mentionné, ce qui permet effectivement d'employer l'expression d'accords-miroir, n'a aucunement pour corollaire qu'au motif que l'une le mettant en pratique, l'autre en serait dispensée.

De plus, il n'est pas possible de considérer que l'on se trouve dans la situation d'un simple transfert au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail🏛, précité. En effet, en l'état actuel, chacun des salariés concernés a deux employeurs, ERDF (aujourd'hui, Enedis) et GRDF. A l'issue du processus TAC, chaque salarié n'aura plus qu'un seul employeur, ERDF ou GRDF.

Chacun peut bien comprendre que chacune des sociétés ait à l'esprit que les équipes constituées, qui oeuvrent exclusivement pour l'une ou l'autre, au terme du processus ne relèveraient plus que de l'une, à l'exclusion de l'autre.

Mais, outre que tous les salariés concernés ne relèvent pas d'équipes constituées, il ne résulte pas de ce que les équipes seraient maintenues telles quelles avec le futur employeur unique, que ce soit nécessairement dans l'intérêt du salarié. A tout le moins, il appartiendrait à chacune des sociétés de le démontrer.

Il est inexact de considérer que le projet de rattachement à un employeur unique n'induit aucune modification dans les conditions de travail. En effet, à l'issue du processus TAC, le salarié qui appartiendra à l'une des sociétés ne pourra plus prétendre rejoindre, sans autre procédure à suivre que celle d'une demande de changement de poste, une entité de l'autre société. La circonstance que la probabilité d'une telle demande soit faible, voire marginale, est insuffisante à caractériser une absence de modification des conditions de travail : par définition, avoir un seul employeur au lieu de deux constitue une telle modification.

Bien plus, aucune des sociétés ne soumet à la cour les éléments permettant de vérifier qu'à l'issue du processus, le salarié concerné continuerait de relever de la même hiérarchie, bénéficierait des mêmes garanties, connaîtrait le même régime de primes, d'avancement, de retraite, d'avantages sociaux que ceux auxquels il aurait pu prétendre, ne serait-ce que théoriquement, s'il avait continué de relever des deux employeurs (il aurait dû automatiquement bénéficier du régime le plus favorable) ou s'il avait saisi l'occasion du TAC pour solliciter, justement, un changement d'une société à l'autre.

Surtout, il ne peut être contesté que le projet TAC constitue un changement majeur de l'organisation des sociétés concernés, quand bien même il ne concerne qu'un nombre limité de salariés au regard de la taille de chacune des entreprises, dès lors qu'il vient consacrer la séparation des deux sociétés en deux entités rigoureusement distinctes (même si elles persistent à éprouver des difficultés à divorcer totalement puisqu'elles conservent un service médical commun). En d'autres termes, chacun des salariés concernés est fondé à vouloir pouvoir disposer d'un choix, - encore une fois, fût-il théorique -, d'appartenir à l'une ou l'autre des sociétés Enedis et GRDF et non plus aux deux. Il n'est pas contestable que le projet TAC constitue une 'réorganisation' au sens de l'Accord.


Tant Enedis que GRDF se sont engagées par l'Accord-miroir qu'elles ont signées.


La cour comprend bien que le respect, tant par Enedis que par GRDF de l'Accord (au demeurant signé en d'autres temps, dans d'autres circonstances), a pour conséquence qu'il faut envisager de proposer à chacun salariés concernés un entretien (donc deux entretiens en tout), de lui faire trois propositions (donc, six propositions au total), s'il devait les refuser les unes après les autres, ce qui est son droit en vertu de l'Accord, et ce, quand bien même la décision finale revient à l'employeur s'il devait toutes les refuser, étant observé que, dans cette hypothèse, il faudrait qu'Enedis et GRDF s'accordent pour l'affectation définitive du salarié.


Pour autant, et en l'absence d'accord ad hoc auquel les parties seraient ou auraient pu parvenir, ce sont les dispositions de l'Accord qui doivent s'appliquer à tous les salariés concernés et le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens, sans qu'il soit nécessaire de suivre les syndicats dans les méandres de leurs demandes et sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.


Sur les demandes de dommages intérêts


Les syndicats sollicitent la condamnation in solidum des sociétés Enedis et GRDF à leur payer des dommages intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, ce à quoi les société s'opposent.


La cour ne peut que considérer que le non respect d'un accord collectif, comme il vient d'être déterminé, porte atteinte à l'intérêt collectif des salariés et les syndicats sont donc fondés à en solliciter la réparation.


Compte tenu de l'ensemble des circonstances ci-dessus rappelées, le préjudice est cependant limité et il sera alloué, à chacun des syndicats représentés, sauf la CFE-CGC, la somme de 1 000 euros, due par chacune des sociétés.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile🏛


Les sociétés Enedis et GRDF, qui succombent à l'instance et sont unies d'intérêt, supporteront les dépens.


Elles seront condamnées, chacune, à payer à chacun des syndicats FNME-CGT et FCE-CFDT, la somme de 1 000 euros pour l'ensemble de la procédure et déboutées de leur demande respective à cet égard.



PAR CES MOTIFS :


La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire,


Décide qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction des procédures RG 21-08759 et 21-08761 ;


Décide que les conclusions déposées par la fédération CFE-CGC énergies ('CFE-CGC') sont irrecevables ;


Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris, en date du 10 mai 2022, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a ordonné la jonction de deux procédures ;


Statuant à nouveau et y ajoutant,


Décide que les dispositions des accords du 23 juillet 2010, respectivement signés par la société Enedis et par la société GRDF, sont applicables à tous les salariés des unités opérationnelles nationales concernés par le projet de transformation des activités communes, qu'ils fassent ou non partie d'équipes constituées, ainsi qu'il est dit aux motifs ;


Décide n'y avoir lieu à prononcer une astreinte ;


Condamne chacune des sociétés Enedis et GRDF, à payer à la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, la, fédération chimie-énergie CFDT (FCE- CFDT), chacune, la somme de 1 000 euros à titre de dommages intérêts ;


Condamne les sociétés Enedis et GRDF, unies d'intérêt, aux dépens ;


Condamne chacune des sociétés Enedis et GRDF, à payer à la fédération CFE-CGC Energies, la fédération nationale des syndicats des salariés des mines et de l'énergie CGT, la fédération chimie-énergie CFDT (FCE- CFDT), chacune, la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


Déboute la société Enedis et la société GRDF de leur demande respective d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.


La greffière, Le président,

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