Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 07-11-2022, n° 461418, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 07-11-2022, n° 461418, mentionné aux tables du recueil Lebon

A01228SC

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:461418.20221107

Identifiant Legifrance : CETATEXT000046538006

Référence

CE 1/4 ch.-r., 07-11-2022, n° 461418, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89632449-ce-14-chr-07112022-n-461418-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

54-08-01-04 Cour ayant retenu que le tribunal administratif avait insuffisamment motivé son jugement en s’abstenant de répondre à un moyen. Cour en ayant déduit que le jugement devait être annulé dans toute la mesure où il avait rejeté les conclusions à fin d’annulation présentées en première instance, puis ayant statué sur l’ensemble de ces conclusions par la voie de l’évocation, notamment sur celles concernant une partie de la décision divisible du reste de la décision attaquée et non concernée par l’insuffisance de motivation du jugement. S’agissant de cette partie divisible de la décision attaquée, cour ayant jugé fondé un moyen soulevé en première instance mais non repris en appel....1) L’insuffisance de motivation retenue par la cour n’avait pas pour effet d’entacher d’irrégularité l’ensemble du jugement de première instance, mais n’affectait la régularité que de la seule partie divisible de ce jugement statuant sur les conclusions au soutien desquelles avait été soulevé le moyen demeuré sans réponse. ...2) a) Dès lors que cette insuffisance de motivation était sans portée sur une partie de la décision attaquée, divisible du reste de cette décision, la cour ne pouvait, pour ce motif, annuler comme irrégulier le jugement de première instance en tant qu’il statuait sur cette partie de la décision. ...b) La cour ne pouvait, par suite, statuer sur cette partie du litige par la voie de l’évocation.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 461418

Séance du 12 octobre 2022

Lecture du 07 novembre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 4ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

L'association Sepanso Landes, l'association Société des Amis de Navarrosse, M. B C et Mme D A ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 6 mars 2017 par laquelle le conseil municipal de Biscarosse a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux. Par un jugement n° 1701538 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Pau a annulé cette délibération en tant seulement qu'elle avait approuvé la création d'une zone Np dans le quartier d'Ispe en vue de l'aménagement d'une aire pour camping-cars.

Par un arrêt n° 20BX03693 du 14 décembre 2021, la cour administrative de Bordeaux, sur l'appel principal de l'association Sepanso Landes, de l'association Société des Amis de Navarrosse et de M. C, a annulé le jugement en tant qu'il avait rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées en première instance et, statuant par la voie de l'évocation sur ces conclusions, annulé la délibération du 6 mars 2017 en tant qu'elle avait approuvé la création des zones 1AUt " Lette du Vivier ", 1AUs " Lily ", 1AU " Lette du petit Cugnes ", UK et UCg " secteur urbain du golf " et a, par ailleurs, rejeté l'appel incident de la commune.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 février, 11 mai et 5 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Biscarrosse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la commune de Biscarrosse et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la Société des amis de Navarrose et autre ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 2 septembre 2020, le tribunal administratif de Pau, saisie d'une demande des associations Sepanso Landes et Société des Amis de Navarosse et de M. C et Mme A tendant à l'annulation de la délibération du 6 mars 2017 du conseil municipal de Biscarosse approuvant le plan local d'urbanisme de la commune, a annulé cette délibération en tant seulement qu'elle avait approuvé la création d'une zone Np dans le quartier d'Ispe. Par un arrêt du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé ce jugement irrégulier, faute pour le tribunal d'avoir visé ou de s'être prononcé sur un moyen opérant, et l'a annulé pour ce motif en tant qu'il avait rejeté les conclusions à fin d'annulation des demandeurs de première instance, puis, statuant sur ces conclusions par la voie de l'évocation, a annulé la délibération du 6 mars 2017 en tant notamment qu'elle avait approuvé la création des zones 1AU " Lette du petit Cugnes " et UCg " secteur urbain du golf ". La commune de Biscarosse s'est pourvue en cassation contre cet arrêt. Eu égard aux moyens qu'elle soulève, elle doit être regardée comme demandant l'annulation de cet arrêt en tant qu'il statue sur le jugement et la délibération du 6 mars 2017, en tant qu'ils portent sur la création de ces deux zones lAU " Lette du Petit Cugnes " et UCg " secteur urbain du golf ", qui font l'objet de dispositions divisibles du reste du plan local d'urbanisme.

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'association Sepanso Landes et autres :

2. Il ressort des pièces versées au dossier que le conseil municipal de Biscarosse a, par délibération du 29 mars 2021 reçue en préfecture le 7 avril suivant, autorisé le maire à intenter au nom de la commune toute action en justice pour la durée de son mandat. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'association Sepanso Landes et autres, tirée de ce que le maire de Biscarosse n'aurait pas été habilité par le conseil municipal pour introduire le pourvoi en cassation formé au nom de la commune ne peut qu'être écartée.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le classement de la zone 1AU " Lette du Petit Cugnes " :

3. En jugeant qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment du rapport de présentation, que le développement de l'urbanisation résultant du classement en zone 1AU du site de Cugnes, située dans un vaste massif dunaire en arrière du secteur urbanisé de Biscarrosse-plage, aurait un impact négatif sur le système dunaire ainsi que sur un espace boisé, vierge de toute construction, situé au sein du site inscrit des Etangs Landais, la cour a suffisamment motivé son arrêt et ne s'est pas, contrairement à ce qui soutenu, méprise sur la portée des écritures présentées devant elle.

4. Il s'ensuit que les moyens soulevés par la commune de Biscarrosse à l'encontre de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il annule le classement de la zone " Lette du Petit Cugnes " doivent être écartés.

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur le classement de la zone UCg " secteur urbain du golf " :

5. Il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a retenu que le tribunal administratif avait insuffisamment motivé son jugement en s'abstenant de répondre au moyen tiré de l'illégalité de la dérogation accordée le 25 octobre 2016 par le syndicat mixte SCOT du Born, chargé de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale, au titre des articles L. 142-5 et R. 142-2 du code de l'urbanisme🏛🏛, afin de permettre, en dépit de l'absence de schéma de cohérence territoriale, l'ouverture à l'urbanisation de zones à urbaniser délimitées après le 1er juillet 2002 ou de zones naturelles, agricoles ou forestières. La cour en a déduit que le jugement de première instance devait être annulé dans toute la mesure où il avait rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées en première instance, puis a statué sur l'ensemble de ces conclusions par la voie de l'évocation, notamment sur celles tendant à l'annulation du plan local d'urbanisme en tant qu'il avait approuvé la création de la zone UCg " secteur urbain du golf ". S'agissant de cette zone, la cour a jugé fondé un moyen soulevé en première instance mais non repris en appel, tiré de ce que les lotissements de cette zone ne constituent ni une extension de l'urbanisation en continuité avec une agglomération ou un village existant, ni une extension de l'urbanisation sous forme d'un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme🏛.

6. Toutefois, l'insuffisance de motivation retenue par la cour n'avait pas pour effet d'entacher d'irrégularité l'ensemble du jugement de première instance, mais n'affectait la régularité que de la seule partie divisible de ce jugement statuant sur les conclusions au soutien desquelles avait été soulevé le moyen demeuré sans réponse. Dès lors que cette insuffisance de motivation était sans portée sur la création par la délibération attaquée de la zone UCg " secteur urbain du golf ", divisible du reste du plan local d'urbanisme, la cour ne pouvait, pour ce motif, annuler comme irrégulier le jugement de première instance en tant qu'il statuait sur la création de cette zone. La cour ne pouvait, par suite, statuer sur cette partie du litige par la voie de l'évocation. Comme elle n'avait été saisie, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'aucun moyen d'appel portant sur cette zone UCg " secteur urbain du golf ", elle ne pouvait, dès lors, prononcer l'annulation de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme en tant qu'elle portait sur la création de cette zone.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi dirigés contre cette partie de l'arrêt attaqué, que la commune de Biscarrosse est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a annulé la création, par la délibération du 6 mars 2017, de la zone UCg " secteur urbain du golf ".

8. Dès lors qu'aucun moyen n'avait été présenté en appel contre la création de cette zone, il n'y a pas lieu, après cassation de cette partie de l'arrêt attaqué, de renvoyer l'affaire sur ce point à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 14 décembre 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé :

- en tant qu'il annule le jugement du 2 septembre 2020 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il avait statué sur la création de la zone UCg " secteur urbain du golf " par la délibération du 6 mars 2017 du conseil municipal de Biscarosse ;

- en tant qu'il annule cette délibération du 6 mars 2017 en tant qu'elle porte création de cette zone UCg " secteur urbain du golf " ;

- en tant qu'il annule dans la même mesure la décision du maire de Biscarosse rejetant le recours gracieux du 25 avril 2017 de la Société des Amis de Navarrosse, de l'association Sepanso Landes, de Mme A et de M. C.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Biscarrosse et à l'association Sepanso Landes, première dénommée, pour l'ensemble des défendeurs.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 7 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

La secrétaire :

Signé : Mme Anne Lagorce

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

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