Décision n°99-424 DC du 29-12-1999
A8787ACG
Référence
Publié au Journal officiel du 31 décembre 1999, p. 19991
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1999, par MM. Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, José ROSSI, Jean-Claude ABRIOUX, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, André ANGOT, Philippe AUBERGER, Jean AUCLAIR, Gautier AUDINOT, Mmes Martine AURILLAC, Roselyne BACHELOT-NARQUIN, MM. Jean BARDET, François BAROIN, Christian BERGELIN, André BERTHOL, Léon BERTRAND, Jean-Yves BESSELAT, Jean BESSON, Franck BOROTRA, Bruno BOURG-BROC, Philipe BRIAND, Christian CABAL, Gilles CARREZ, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Jean-Paul CHARIÉ, Jean-Marc CHAVANNE, François CORNUT-GENTILLE, Alain COUSIN, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Henri CUQ, Lucien DEGAUCHY, Arthur DEHAINE, Jean-Pierre DELALANDE, Patrick DELNATTE, Jean-Marie DEMANGE, Xavier DENIAU, Yves DENIAUD, Patrick DEVEDJIAN, Eric DOLIGÉ, Guy DRUT, Jean-Michel DUBERNARD, Jean-Pierre DUPONT, Christian ESTROSI, Jean-Claude ÉTIENNE, Jean FALALA, Jean-Michel FERRAND, François FILLON, Roland FRANCISCI, Yves FROMION, Robert GALLEY, Henri de GASTINES, Hervé GAYMARD, Jean-Pierre GIRAN, Michel GIRAUD, Jacques GODFRAIN, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Lucien GUICHON, Gérard HAMEL, Michel HUNAULT, Michel INSHAUSPÉ, Christian JACOB, Didier JULIA, Alain JUPPÉ, Jacques KOSSOWSKI, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Pierre LELLOUCHE, Jean-Claude LEMOINE, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Mme Jacqueline MATHIEU-OBADIA, MM. Gilbert MEYER, Charles MIOSSEC, Pierre MORANGE, Renaud MUSELIER, Jacques MYARD, Jean-Marc NUDANT, Patrick OLLIER, Robert PANDRAUD, Jacques PELISSARD, Etienne PINTE, Bernard PONS, Robert POUJADE, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Frantz TAITTINGER, Jean TIBÉRI, Georges TRON, Anicet TURINAY, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, François VANNSON, Roland VUILLAUME, M. Jean-Luc WARSMANN, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Jean-Pierre ABELIN, Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Dominique BAUDIS, Jean-Louis BERNARD, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mme Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Jean BRIANE, Dominique CAILLAUD, Hervé de CHARETTE, René COUANAU, Charles de COURSON, Yves COUSSAIN, Léonce DEPREZ, Renaud DONNEDIEU de VABRES, Jean-Pierre FOUCHER, Germain GENGENWIN, Hubert GRIMAULT, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Henry JEAN-BAPTISTE, Jean-Jacques JÉGOU, Christian KERT, Edouard LANDRAIN, Jacques LE NAY, François LÉOTARD, Maurice LEROY, Roger LESTAS, Maurice LIGOT, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MICAUX, Hervé MORIN, Jean-Marie MORISSET, Dominique PAILLE, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, Marc REYMANN, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, André SANTINI, Michel VOISIN, Jean-Jacques WEBER, Pierre-André WILTZER, Mme Nicole AMELINE, M. François d'AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Roland BLUM, Dominique BUSSEREAU, Pierre CARDO, Antoine CARRÉ, Pascal CLÉMENT, Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Francis DELATTRE, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Dominique DORD, Charles EHRMANN, Nicolas FORISSIER, Gilbert GANTIER, Claude GATIGNOL, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Philippe HOUILLON, Aimé KERGUÉRIS, Marc LAFFINEUR, Jean-Claude LENOIR, Pierre LEQUILLER, Alain MADELIN, Jean-François MATTEI, Michel MEYLAN, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Paul PATRIARCHE, Bernard PERRUT, Jean PRORIOL, Jean RIGAUD, Joël SARLOT, Jean-Pierre SOISSON, Guy TEISSIER et Gérard VOISIN, députés, d'une part, et par MM. Henri de RAINCOURT, Jean ARTHUIS, Louis ALTHAPE, Denis BADRE, Jean BERNARD, Roger BESSE, Jean BIZET, Maurice BLIN, Paul BLANC, Christian BONNET, James BORDAS, Jean BOYER, Gérard BRAUN, Jean-Claude CARLE, Auguste CAZALET, Gérard CESAR, Jean CLOUET, Charles-Henri de COSSE BRISSAC, Jean-Patrick COURTOIS, Jean DELANEAU, Jacques DELONG, Robert DEL PICCHIA, Fernand DEMILLY, Gérard DERIOT, Jacques DOMINATI, Ambroise DUPONT, Jean-Léonce DUPONT, Daniel ECKENSPIELLER, Jean-Paul EMIN, Hubert FALCO, Pierre FAUCHON, André FERRAND, Hilaire FLANDRE, Jean-Pierre FOURCADE, Bernard FOURNIER, Serge FRANCHIS, Philippe FRANÇOIS, Yves FREVILLE, Yann GAILLARD, René GARREC, Patrice GELARD, Francis GIRAUD, Paul GIROD, Francis GRIGNON, Louis GRILLOT, Hubert HAENEL, Mme Anne HEINIS, MM. Daniel HOEFFEL, Jean-Paul HUGOT, Jean-François HUMBERT, Roger HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Alain JOYANDET, Pierre LAFFITTE, Alain LAMBERT, René-Georges LAURIN, Jean-Louis LORRAIN, Roland du LUART, Klébert MALECOT, André MAMAN, Philippe MARINI, René MARQUES, Serge MATHIEU, Philippe NOGRIX, Joseph OSTERMANN, Jacques OUDIN, Jacques PEYRAT, Michel PELCHAT, Jean PEPIN, Guy POIRIEUX, Ladislas PONIATOWSKI, Jean PUECH, Jean-Marie RAUSCH, Charles REVET, Henri REVOL, Louis-Ferdinand de ROCCA SERRA, Raymond SOUCARET, Michel SOUPLET, Louis SOUVET, René TREGOUET, François TRUCY, André VALLET, Xavier de VILLEPIN, Serge VINCON, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 2000, d'autre part
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code pénal ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 1999 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2000 en dénonçant son absence de sincérité, et en mettant en cause plus particulièrement, en tout ou en partie, ses articles 22, 59, 67, 94 et 96 ;
que les sénateurs requérants critiquent pour leur part ses articles 3, 20, 21, 57, 67, 69, 91, 96, 103, 106 et 107 ;
- SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES :Considérant qu'il est soutenu que la loi déférée manquerait, à quatre titres, au principe de sincérité budgétaire ;
Considérant, en premier lieu, que les auteurs des deux saisines contestent l'évaluation des recettes fiscales de l'Etat pour 2000, qui ne tiendrait pas compte « de la tendance très dynamique des encaissements en 1999, ainsi que du niveau effectif de la croissance économique en 1999 » ;
qu'ils invoquent à cet égard la révision de l'évaluation du produit de l'impôt sur les sociétés pour l'année en cours, opérée à l'initiative du Gouvernement lors de la discussion de la loi de finances rectificative pour 1999 ;
Considérant, en l'espèce, qu'il ne ressort pas des éléments fournis au Conseil constitutionnel que les évaluations de recettes pour 2000 prises en compte à l'article d'équilibre soient, eu égard à l'amplitude de la sous-estimation alléguée rapportée aux masses budgétaires, entachées d'une erreur manifeste ;
que, compte tenu des règles de perception de l'impôt sur les sociétés, le rehaussement inscrit dans la loi de finances rectificative pour 1999 n'impliquait pas nécessairement un ajustement de l'évaluation pour 2000 du produit de cet impôt figurant dans l'état A annexé à l'article 67 de la loi déférée ;
que, si, au cours de l'exercice 2000, les recouvrements de recettes constatés dépassaient sensiblement les prévisions, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre aux assemblées, comme il s'y est au demeurant engagé, un projet de loi de finances rectificative ;
Considérant, en deuxième lieu, que les députés auteurs de la première saisine dénoncent « des mécanismes de sous-évaluation » du nombre d'emplois publics ;
qu'ils invoquent en particulier l'existence d'agents « payés sur crédits » aux ministères de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la justice, non comptabilisés dans les emplois de ces ministères ;
qu'ils font valoir que « l'absence d'intégration de ces emplois publics dans la loi de finances pour 2000 » serait contraire aux dispositions de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 et que « toute dépense de l'Etat à caractère permanent doit nécessairement figurer dans une loi de finances » ;
qu'ils allèguent enfin, s'agissant des « emplois-jeunes », que « le caractère temporaire de ces contrats ne doit pas justifier l'absence de prise en compte de ces agents de droit public dans le budget de l'Etat » ;
Considérant que l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée dispose, en son cinquième alinéa, que « Les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances... » ;
que l'article 32 de la même ordonnance prévoit que le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'annexes explicatives faisant connaître notamment « par chapitre, le coût des services votés (...) et les mesures nouvelles qui justifient les modifications proposées au montant antérieur des services votés, et notamment les crédits afférents aux créations, suppressions et transformations d'emplois » ;
qu'aux termes des deuxième et quatrième alinéas de son article 43, les décrets de répartition des crédits de la loi de finances de l'année « ne peuvent apporter aux chapitres ou comptes, par rapport aux dotations correspondantes de l'année précédente, que les modifications proposées par le Gouvernement dans les annexes explicatives, compte tenu des votes du Parlement. (...) Les créations, suppressions et transformations d'emplois résultent des modifications de crédits correspondantes dûment explicitées par les annexes. » ;
Considérant que, si ces dispositions n'impliquent pas nécessairement de faire figurer dans la loi de finances un tableau d'ensemble des emplois budgétaires de l'Etat, elles exigent en revanche que le Parlement, lorsqu'il se prononce sur les crédits des différents ministères, soit informé avec précision des effectifs d'agents titulaires et non-titulaires employés par l'Etat à titre permanent, ainsi que des dotations afférentes à leur rémunération ;
que le pouvoir réglementaire, en matière de création, suppression et transformation de ces emplois, est lié par les informations figurant dans les annexes explicatives, compte tenu des votes du Parlement sur les crédits correspondants ;
Considérant, en l'espèce, que les annexes explicatives accompagnant le projet de loi de finances faisaient apparaître les crédits nécessaires à la rémunération des maîtres d'internat, surveillants d'externat et maîtres auxiliaires, adjoints de sécurité et agents de justice, ainsi que leurs effectifs et le nombre des postes créés, transformés et supprimés ;
que l'existence de recrutements en surnombre ne ressort pas de la loi déférée ;
que les dispositions précitées de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959 n'imposent pas que soit inscrite dans la loi de finances une comptabilisation des effectifs d'autres personnes morales que l'Etat, lorsque celui-ci participe en tout ou partie à la rémunération des intéressés, dès lors que cette charge est prise en compte dans la loi de finances ;
qu'ainsi doivent être écartés les moyens tirés du défaut de sincérité dans la présentation des emplois ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il serait porté atteinte à la sincérité de la loi de finances, selon les députés requérants, du fait des transferts de recettes fiscales au bénéfice de la sécurité sociale, qui correspondraient « à une débudgétisation massive des ressources fiscales », en contradiction avec les principes d'unité et d'universalité de la loi de finances ;
Considérant, ainsi qu'il ressort de la décision du 21 décembre 1999 susvisée du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, que les mesures critiquées n'encourent pas le reproche formulé par les requérants ;
Considérant que les députés requérants font en outre grief à la loi déférée de ne pas retracer deux impositions :
la contribution sur les heures supplémentaires et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, affectées par la loi de financement de la sécurité sociale précitée au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ;
Considérant que ces contributions, dont la première est prévue par une loi actuellement déférée au Conseil constitutionnel, sont affectées à un établissement public ;
que les dépenses de ce dernier n'incombent pas par nature à l'Etat ;
que lesdites contributions n'ont donc pas nécessairement à figurer dans la loi de finances, ainsi qu'il ressort du premier alinéa de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, lequel prévoit que les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources de l'Etat ;
qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 31 de ladite ordonnance, il appartient seulement au législateur, dans le cadre de la première partie de la loi de finances, de procéder à l'autorisation générale de perception des impôts affectés aux collectivités et aux établissements publics ;
que, dès lors, nonobstant les inconvénients inhérents à toute débudgétisation du point de vue du contrôle des finances publiques, les principes d'unité et d'universalité budgétaires n'ont pas été méconnus ;
Considérant, en quatrième lieu, que, selon les sénateurs auteurs de la seconde saisine, le principe de sincérité budgétaire ne serait pas respecté par l'article 69 qui autorise les crédits relatifs aux mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services civils ;
qu'ils allèguent à cet effet que n'auraient pas été inscrites les dotations nécessaires pour faire face à deux dépenses annoncées par le Gouvernement et portant, l'une sur la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, l'autre sur le versement par l'Etat d'une subvention à la Caisse nationale des allocations familiales au titre de ses dépenses relatives au fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles ;
Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée :
« Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. » ;
Considérant que ces dispositions n'imposent pas de prévoir dans la loi de finances initiale les conséquences budgétaires de décisions à venir dont, comme en l'espèce, le coût, la date et les modalités de mise en oeuvre restent à déterminer ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que doivent être rejetés les moyens tirés du caractère insincère de la loi déférée ;
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