Décision n°99-422 DC du 21-12-1999
A8785ACD
Référence
Publié au Journal officiel du 30 décembre 1999, p. 19730
Le Conseil constitutionnel a été saisi, d'une part, le 3 décembre 1999, par MM. José ROSSI, Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, MM. Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Dominique BAUDIS, François BAYROU, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mmes Marie-Thérèse BOISSEAU, Marie-Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Yves BUR, Hervé de CHARETTE, Charles de COURSON, Yves COUSSAIN, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Claude DECAGNY, Léonce DEPREZ, Renaud DONNEDIEU de VABRES, Renaud DUTREIL, Alain FERRY, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GAILLARD, Germain GENGENWIN, Gérard GRIGNON, Hubert GRIMAULT, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, Christian KERT, Jacques LE NAY, François LÉOTARD, Maurice LEROY, Roger LESTAS, Maurice LIGOT, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MICAUX, Hervé MORIN, Jean-Marie MORISSET, Dominique PAILLÉ, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, André SANTINI, François SAUVADET, Michel VOISIN, Jean-Jacques WEBER et Pierre-André WILTZER, Mme Nicole AMELINE, MM. François d'AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Jacques BLANC, Roland BLUM, Dominique BUSSEREAU, Pierre CARDO, Antoine CARRÉ, Pascal CLÉMENT, Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Francis DELATTRE, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Dominique DORD, Charles EHRMANN, Nicolas FORISSIER, Gilbert GANTIER, Claude GATIGNOL, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Aimé KERGUÉRIS, Marc LAFFINEUR, Jean-Claude LENOIR, Pierre LEQUILLER, Alain MADELIN, Jean-François MATTEI, Michel MEYLAN, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Paul PATRIARCHE, Bernard PERRUT, Jean PRORIOL, Jean RIGAUD, Jean ROATTA, Joël SARLOT, Jean-Pierre SOISSON, Guy TEISSIER, Gérard VOISIN, Jean-Claude ABRIOUX, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, André ANGOT, Philippe AUBERGER, Jean AUCLAIR, Gautier AUDINOT, Mmes Martine AURILLAC, Roselyne BACHELOT-NARQUIN, MM. Jean BARDET, François BAROIN, Christian BERGELIN, André BERTHOL, Léon BERTRAND, Jean-Yves BESSELAT, Jean BESSON, Franck BOROTRA, Bruno BOURG-BROC, Philipe BRIAND, Christian CABAL, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Jean-Paul CHARIÉ, Jean-Marc CHAVANNE, François CORNUT-GENTILLE, Alain COUSIN, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Henri CUQ, Lucien DEGAUCHY, Arthur DEHAINE, Jean-Pierre DELALANDE, Patrick DELNATTE, Jean-Marie DEMANGE, Xavier DENIAU, Yves DENIAUD, Patrick DEVEDJIAN, Eric DOLIGÉ, Guy DRUT, Jean-Michel DUBERNARD, Jean-Pierre DUPONT, Christian ESTROSI, Jean-Claude ÉTIENNE, Jean FALALA, Jean-Michel FERRAND, François FILLON, Roland FRANCISCI, Yves FROMION, Robert GALLEY, Henri de GASTINES, Hervé GAYMARD, Jean-Pierre GIRAN, Michel GIRAUD, Jacques GODFRAIN, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Lucien GUICHON, Gérard HAMEL, Michel HUNAULT, Michel INCHAUSPÉ, Christian JACOB, Didier JULIA, Alain JUPPÉ, Jacques KOSSOWSKI, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Pierre LELLOUCHE, Jean-Claude LEMOINE, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Mme Jacqueline MATHIEU-OBADIA, MM. Gilbert MEYER, Charles MIOSSEC, Pierre MORANGE, Renaud MUSELIER, Jacques MYARD, Jean-Marc NUDANT, Robert PANDRAUD, Jacques PÉLISSARD, Etienne PINTE, Bernard PONS, Robert POUJADE, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Frantz TAITTINGER, Jean TIBÉRI, Georges TRON, Anicet TURINAY, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, François VANNSON, Roland VUILLAUME, Jean-Luc WARSMANN, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN et M. Patrick OLLIER, députés, et, d'autre part, le 9 décembre 1999, par MM. Henri de RAINCOURT, Charles Henri de COSSÉ-BRISSAC, François TRUCY, Jean-Paul ÉMIN, Ambroise DUPONT, Jean-Claude CARLE, Jean-François HUMBERT, Hubert FALCO, Jean CLOUET, Jacques DOMINATI, Marcel-Pierre CLÉACH, Philippe NACHBAR, Mme Janine BARDOU, MM. James BORDAS, Louis BOYER, Nicolas ABOUT, Jean-Léonce DUPONT, Mme Anne HEINIS, MM. Christian BONNET, Serge MATHIEU, Jean-Paul ÉMORINE, Roland du LUART, José BALARELLO, Jean BOYER, Joël BOURDIN, Jean PÉPIN, Louis-Ferdinand de ROCCA SERRA, Louis GRILLOT, Guy POIRIEUX, Henri REVOL, Michel PELCHAT, Charles REVET, Jean ARTHUIS, Denis BADRÉ, René BALLAYER, Michel BÉCOT, Claude BELOT, Maurice BLIN, Mme Annick BOCANDÉ, MM. André DULAIT, Yves FRÉVILLE, Francis GRIGNON, Pierre HÉRISSON, Claude HURIET, Henri LE BRETON, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Michel MERCIER, Philippe NOGRIX, Louis ALTHAPE, Jean BERNARD, Roger BESSE, Paul BLANC, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Louis de BROISSIA, Michel CALDAGUES, Auguste CAZALET, Jean CHÉRIOUX, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Charles de CUTTOLI, Robert DEL PICCHIA, Christian DEMUYNCK, Charles DESCOURS, Daniel ECKENSPIELLER, Michel ESNEU, Alain GÉRARD, Francis GIRAUD, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, André JOURDAIN, René-Georges LAURIN, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Paul MASSON, Jean-Luc MIRAUX, Paul NATALI, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly OLIN, MM. Joseph OSTERMANN, Henri de RICHEMONT, Josselin de ROHAN, Jean-Pierre SCHOSTECK, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, René TREGOUËT, Alain VASSELLE, Jean-Pierre VIAL, Serge VINÇON, Guy VISSAC, Jacques BIMBENET, Fernand DEMILLY, Jean-Marie RAUSCH, Raymond SOUCARET, André VALLET, Paul GIROD, Jean-Pierre FOURCADE et Lilian PAYET, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des douanes ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 13 décembre 1999 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR LA PROCEDURE LEGISLATIVE :Considérant que les requérants soutiennent que la loi déférée aurait été adoptée au terme d'une procédure irrégulière ;
qu'ils font valoir que, contrairement aux exigences de l'article 47-1 de la Constitution et de l'article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique du 22 juillet 1996 susvisée, le Sénat, saisi du projet de loi le 2 novembre 1999, ne s'est prononcé sur celui-ci que le 18 novembre, le texte ayant ainsi été transmis à l'Assemblée nationale, pour la deuxième lecture, avec un jour de retard ;
Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 47-1 de la Constitution :« Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique ;
Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45 » ;
Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale :« L'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.Le Sénat doit se prononcer, en première lecture, dans un délai de quinze jours après avoir été saisi » ;
Considérant que la circonstance que le Sénat a disposé d'un jour de plus pour l'examen, en première lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne constitue pas une irrégularité de nature à vicier la procédure législative, dès lors que les délais d'examen du texte en deuxième lecture par les deux assemblées n'ont pas été affectés par le jour d'examen supplémentaire dont a bénéficié le Sénat ;
- SUR L'ARTICLE 5 :Considérant que cet article insère, au titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, un chapitre Ier quater intitulé :
« Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale » ;
que ce nouveau chapitre comprend les articles L. 131-8 à L. 131-11 ;
que l'article L. 131-8 crée le fonds précité, lequel est un établissement public administratif, et en définit la mission qui est de « compenser le coût, pour la sécurité sociale, des exonérations de cotisations patronales aux régimes de base de sécurité sociale » ;
que les articles L. 131-9 et L. 131-10 énumèrent, respectivement, les dépenses et les recettes de ce nouveau fonds ;
que ces recettes comprennent une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs prévu à l'article 575 du code général des impôts, la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés instituée par l'article 6 de la loi déférée, la taxe générale sur les activités polluantes prévue à l'article 266 sexies du code des douanes que modifie l'article 7 de la loi déférée, une fraction du produit du droit de consommation sur les alcools prévu à l'article 403 du code général des impôts, la contribution sur les heures supplémentaires prévue par la loi sur la réduction négociée du temps de travail -actuellement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel- ainsi qu'une contribution de l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances ;
Considérant, en premier lieu, que les requérants font grief à l'article 5, ainsi qu'aux articles 6 et 7, d'être étrangers au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;
qu'ils soutiennent à cet égard que ces dispositions n'affectent pas l'équilibre financier des régimes obligatoires de base, mais sont destinées à « organiser, directement ou indirectement, une partie du financement de la réduction du temps de travail ou à compenser les charges qu'elle fera naître » ;
qu'elles « se rattachent donc exclusivement à une mesure de politique de l'emploi et ne concernent pas les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale » ;
Considérant qu'aux termes du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale :
« Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base... » ;
Considérant que le fonds créé par l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale a pour objet de compenser la baisse des cotisations patronales aux régimes de sécurité sociale résultant à la fois des allègements de cotisations réservés aux entreprises ayant conclu un accord collectif de réduction du temps de travail et des diminutions de charges sur les bas salaires ;
que tant les dépenses de ce fonds, énumérées à l'article L. 131-9, que ses recettes, prévues à l'article L. 131-10, sont de nature à affecter de façon significative l'équilibre général des régimes obligatoires de base ;
que les produits de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, instituée par l'article 6, et de la taxe générale sur les activités polluantes, dont l'article 7 aménage sensiblement le régime, ont vocation à abonder de façon substantielle ledit fonds ;
que les dispositions de ces articles relatives à l'assiette et aux modalités de calcul et de recouvrement de ces impositions sont inséparables de l'article 5 qui institue le fonds ;
que, par suite, les articles 4, 5 et 6 de la loi constituent les éléments indivisibles d'un dispositif d'ensemble visant à répondre à un besoin de financement des régimes de base de sécurité sociale et sont au nombre des dispositions qui, en application du III de l'article L.O. 111-3 précité, peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ;
Considérant, en second lieu, que les sénateurs requérants font également valoir que l'article 5 ne pouvait modifier, sans être contraire à l'article 18 de l'ordonnance susvisée portant loi organique relative aux lois de finances, l'affectation d'une partie du droit de consommation sur les alcools prévu à l'article 403 du code général des impôts, qui aurait dû, selon eux, figurer dans la loi de finances pour 2000 ;
Considérant que ce droit de consommation a été affecté par l'article 43 de la loi de finances pour 1994 au fonds de solidarité vieillesse prévu à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale ;
que, constituant une ressource d'un établissement public, il n'est pas soumis aux prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, lesquelles s'appliquent aux seules recettes de l'Etat ;
que, dès lors, le grief doit être rejeté ;
- SUR L'ARTICLE 6 :Considérant que cet article insère dans le code général des impôts deux articles 235 ter ZC et 1668 D ;
que l'article 235 ter ZC prévoit que les redevables de l'impôt sur les sociétés ayant réalisé un chiffre d'affaires égal ou supérieur à 50 millions de francs sont assujettis à une contribution sociale égale à 3,3 % de cet impôt pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2000 ;
que l'article 1668 D prévoit les conditions de recouvrement de la nouvelle contribution ;
Considérant que les députés requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt ;
qu'ils font valoir en particulier qu'il s'agit d'un « impôt sur l'impôt », « extrêmement concentré puisque moins de 2 % des entreprises fourniront plus des trois-quarts de son rendement » et que ses « effets de seuil massifs » portent atteinte au principe posé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
que le mode d'imposition retenu ne prendrait pas en compte le type d'organisation et la structure juridique des entreprises, entraînant ainsi une « discrimination peu justifiable entre les sociétés selon le type d'organisation qu'elles ont choisi » ;
qu'enfin, en instituant « ce prélèvement permanent sans limitation de durée », le législateur aurait violé le principe d'autorisation annuelle de l'impôt ;
Considérant, en premier lieu, qu'aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi fixe l'assiette d'un impôt par référence à un autre impôt ;
qu'en l'espèce, les conditions d'assujettissement et le taux de la contribution contestée ne créent pas, entre les entreprises redevables, de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
Considérant, en deuxième lieu, que le premier alinéa du I de l'article 235 ter ZC prévoit un abattement annuel de cinq millions de francs sur le montant de l'impôt sur les sociétés, lequel constitue l'assiette de la contribution contestée ;
que, par suite, le grief tiré de l'existence d'un « effet de seuil » manque en fait ;
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