Décision n°99-416 DC du 23-07-1999
A8782ACA
Référence
Publié au Journal officiel du 28 juillet 1999, p. 11250
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er juillet 1999 par MM Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy, José Rossi, Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Mme Michèle Alliot-Marie, MM René André, André Angot, Philippe Auberger, Pierre Aubry, Jean Auclair, Mmes Martine Aurillac, Roselyne Bachelot, MM Edouard Balladur, Jean Bardet, François Baroin, Jacques Baumel, Christian Bergelin, André Berthol, Jean Besson, Bruno Bourg-Broc, Michel Bouvard, Victor Brial, Philippe Briand, Michel Buillard, Gilles Carrez, Mme Nicole Catala, MM Richard Cazenave, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jean-Marc Chavanne, Alain Cousin, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Henri Cuq, Lucien Degauchy, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Yves Deniaud, Eric Doligé, Guy Drut, Christian Estrosi, Jean-Claude Etienne, Jean Falala, François Fillon, Roland Francisci, Pierre Frogier, Robert Galley, René Galy-Dejean, Henri de Gastines, Hervé Gaymard, Michel Giraud, René Godfrain, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, François Guillaume, Gérard Hamel, Michel Hunault, Christian Jacob, Didier Julia, Alain Juppé, Jacques Kossowski, Robert Lamy, Pierre Lasbordes, Thierry Lazaro, Pierre Lellouche, Arnaud Lepercq, Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Jacques Masdeu-Arus, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM Gilbert Meyer, Jean-Claude Mignon, Charles Miossec, Pierre Morange, Renaud Muselier, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Mme Françoise de Panafieu, MM Jacques Pélissard, Dominique Perben, Etienne Pinte, Bernard Pons, Robert Poujade, Didier Quentin, Jean-Bernard Raimond, Nicolas Sarkozy, Bernard Schreiner, Michel Terrot, Jean Tiberi, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Jean Valleix, François Vannson, Roland Vuillaume, Mmes Marie-Jo Zimmermann, Nicole Ameline, M François d'Aubert, Mme Sylvia Bassot, MM Jacques Blanc, Roland Blum, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Antoine Carré, Pascal Clément, Georges Colombier, Bernard Deflesselles, Francis Delattre, Laurent Dominati, Dominique Dord, Charles Ehrmann, Nicolas Forissier, Gilbert Gantier, Claude Gatignol, Claude Goasguen, François Goulard, Pierre Hellier, Philippe Houillon, Aimé Kerguéris, Marc Laffineur, Jean-Claude Lenoir, Pierre Lequiller, Alain Madelin, Jean-François Mattei, Michel Meylan, Alain Moyne-Bressand, Yves Nicolin, Paul Patriarche, Jean Proriol, Jean Rigaud, Jean Roatta, Joël Sarlot, Guy Teissier, Philippe Vasseur, Gérard Voisin, Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, Pierre-Christophe Baguet, Jacques Barrot, Dominique Baudis, Jean-Louis Bernard, Claude Birraux, Emile Blessig, Mmes Hélène Boisseau, Christine Boutin, MM Loïc Bouvard, Yves Bur, Dominique Caillaud, Hervé de Charrette, René Couanau, Charles de Courson, Yves Coussain, Marc-Philippe Daubresse, Léonce Deprez, Renaud Donnedieu de Vabres, Renaud Dutreil, Jean-Pierre Foucher, Claude Gaillard,
Germain Gengenwin, Hubert Grimault, Pierre Hériaud, Mmes Anne-Marie Idrac, Bernadette Isaac-Sibille, MM Jean-Jacques Jégou, Christian Kert, Edouard Landrain, Jacques Le Nay, François Léotard, Maurice Leroy, Roger Lestas, Maurice Ligot, François Loos, Christian Martin, Pierre Méhaignerie, Pierre Micaux, Mme Louise Moreau, MM Hervé Morin, Jean-Marie Morisset, Dominique Paillé, Henri Plagnol, Jean-Luc Préel, Marc Reymann, Gilles de Robien, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, Michel Voisin, Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution de la conformité à celle-ci de la loi portant création d'une couverture maladie universelle,
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 modifiée renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ;
Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 modifiée portant réforme des procédures civiles d'exécution ;
Vu la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 modifiée relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code rural ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 13 juillet 1999 ;
Le rapporteur ayant été entendu,
Considérant que les députés requérants demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution la loi portant création d'une couverture maladie universelle ;
qu'ils contestent la régularité de la procédure d'adoption du titre V de la loi et mettent en cause la conformité à la Constitution, en tout ou partie, de ses articles 3, 14, 18, 20, 23, 27, 36 et 41 ;
Sur les griefs dirigés contre les dispositions relatives à la couverture maladie universelle :
En ce qui concerne l'égalité entre assurés sociaux :
Considérant qu'aux termes de son article 1er, la loi déférée a pour objet de créer, " pour les résidents de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer, une couverture maladie universelle qui garantit à tous une prise en charge des soins par un régime d'assurance maladie, et aux personnes dont les revenus sont les plus faibles le droit à une protection complémentaire et à la dispense d'avance de frais " ;
qu'à cet effet, l'article 3 de la loi insère au titre VIII du livre III du code de la sécurité sociale, dans un chapitre préliminaire intitulé " Personnes affiliées au régime général du fait de leur résidence en France ", un article L 380-1 aux termes duquel :
" Toute personne résidant en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer de façon stable et régulière relève du régime général lorsqu'elle n'a droit à aucun autre titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie et maternité " ;
qu'il est précisé par le nouvel article L 380-2, inséré dans le même chapitre par l'article 3, que les personnes ainsi affiliées au régime général " sont redevables d'une cotisation lorsque leurs ressources dépassent un plafond fixé par décret, révisé chaque année pour tenir compte de l'évolution des prix " ;
que, par ailleurs, l'article 20 de la loi place dans le chapitre 1er du nouveau titre VI du livre VIII du code de la sécurité sociale, intitulé " Protection complémentaire en matière de santé ", un article L 861-1 dont le premier paragraphe dispose :
" Les personnes résidant en France dans les conditions prévues par l'article L 380-1, dont les ressources sont inférieures à un plafond déterminé par décret, révisé chaque année pour tenir compte de l'évolution des prix, ont droit à une couverture complémentaire dans les conditions définies à l'article L 861-3 Ce plafond varie selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge " ;
que l'article L 861-3 énumère les dépenses de santé qui seront prises en charge " sans contrepartie contributive " au titre de la protection complémentaire ainsi instituée ;
Considérant que les requérants font grief à ces dispositions d'instituer de " graves inégalités entre assurés sociaux ", en méconnaissance de l'article 2 de la Constitution, de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du " droit constitutionnel à l'égalité d'accès aux soins " qui découle du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
qu'ils font valoir que ce dispositif institue " un seuil couperet " excluant du bénéfice de la couverture maladie universelle les personnes dont les revenus sont à peine supérieurs au plafond, alors même que celles-ci disposent d'un niveau de ressources voisin de celui de ses bénéficiaires ;
qu'aucun dispositif n'est prévu par la loi pour tempérer les conséquences néfastes de cet " effet de seuil " pour de nombreuses personnes défavorisées ;
qu'en outre, le montant de 3 500 F de revenus mensuels envisagé pour une personne seule se situe en dessous des minima sociaux ainsi que du seuil de pauvreté ;
que, par ailleurs, ce dispositif ne permet pas de résoudre les difficultés résultant des disparités existant entre les différents régimes de sécurité sociale, certaines personnes devant continuer à cotiser pour un régime de base, alors que leurs revenus sont inférieurs au seuil d'accès à la couverture maladie universelle ;
Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 :
" La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " ;
que, selon son onzième alinéa :
" Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs " ;
Considérant qu'il incombe au législateur, comme à l'autorité réglementaire, conformément à leurs compétences respectives, de déterminer, dans le respect des principes posés par ces dispositions, les modalités concrètes de leur mise en uvre ;
Considérant, en particulier, qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité ;
que, cependant, l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
Considérant que le grief tiré de l'existence d'un " effet de seuil " n'a pas la même portée selon qu'il s'agit de la couverture de base ou de la couverture complémentaire ;
Considérant, en premier lieu, que l'article L 380-2 du code de la sécurité sociale se borne à exonérer de cotisations, s'agissant de la couverture de base attribuée sur critère de résidence en application de l'article L 380-1 du même code, les personnes affiliées au régime général du fait de leur résidence en France lorsque leurs revenus sont inférieurs à un plafond fixé par décret ;
que les cotisations dues par les personnes dont les ressources excèdent ce plafond sont proportionnelles à la part de leurs ressources dépassant ledit plafond ;
que, par suite, le moyen tiré de l'existence d'un " effet de seuil " manque en fait s'agissant de la couverture de base ;
Considérant, par ailleurs, que le législateur s'est fixé pour objectif, selon les termes de l'article L 380-1 précité, d'offrir une couverture de base aux personnes n'ayant " droit à aucun autre titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie et maternité " ;
que le principe d'égalité ne saurait imposer au législateur, lorsqu'il s'efforce, comme en l'espèce, de réduire les disparités de traitement en matière de protection sociale, de remédier concomitamment à l'ensemble des disparités existantes ;
que la différence de traitement dénoncée par les requérants entre les nouveaux bénéficiaires de la couverture maladie universelle et les personnes qui, déjà assujetties à un régime d'assurance maladie, restent obligées, à revenu équivalent, de verser des cotisations est inhérente aux modalités selon lesquelles s'est progressivement développée l'assurance maladie en France ainsi qu'à la diversité corrélative des régimes, que la loi déférée ne remet pas en cause ;
Considérant, en second lieu, s'agissant de la couverture complémentaire sur critère de ressources prévue par l'article L 861-1 du code de la sécurité sociale, que le législateur a choisi d'instituer au profit de ses bénéficiaires, compte tenu de la faiblesse de leurs ressources et de la situation de précarité qui en résulte, une prise en charge intégrale des dépenses de santé et une dispense d'avance de frais, l'organisme prestataire bénéficiant d'une compensation financière de la part d'un établissement public créé à cet effet par l'article 27 de la loi ;
que le choix d'un plafond de ressources, pour déterminer les bénéficiaires d'un tel régime, est en rapport avec l'objet de la loi ;
qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées ;
qu'en l'espèce, en raison tout à la fois des options prises, du fait que la protection instituée par la loi porte sur des prestations en nature et non en espèces, du fait que ces prestations ont un caractère non contributif, et eu égard aux difficultés auxquelles se heurterait en conséquence l'institution d'un mécanisme de lissage des effets de seuil, le législateur ne peut être regardé comme ayant méconnu le principe d'égalité ;
Considérant, toutefois, qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire de fixer le montant des plafonds de ressources prévus par les articles L 380-2 et L 861-1 du code de la sécurité sociale, ainsi que les modalités de leur révision annuelle, de façon à respecter les dispositions précitées du Préambule de la Constitution de 1946 ;
que, sous cette réserve, le grief doit être écarté ;
En ce qui concerne l'égalité entre les organismes d'assurance maladie et les organismes de protection sociale complémentaire :
Considérant qu'en vertu de l'article L 861-4, inséré dans le code de la sécurité sociale par l'article 20 de la loi déférée, les personnes en droit de bénéficier de la couverture complémentaire prévue à l'article L 861-1 obtiennent le bénéfice des prestations qui leur sont dues, à leur choix, soit auprès des organismes d'assurance maladie, gestionnaires de ces prestations pour le compte de l'Etat, soit par adhésion à une mutuelle, ou par souscription d'un contrat auprès d'une institution de prévoyance ou d'une société d'assurance ;
que le " Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie " créé par l'article L 862-1, inséré dans le code de la sécurité sociale par l'article 27 de la loi déférée, versera en contrepartie aux organismes d'assurance maladie une somme égale aux dépenses engagées ;
que la compensation prévue par l'article L 862-4 du même code pour les mutuelles, les institutions de prévoyance et les sociétés d'assurance est une somme trimestrielle forfaitaire de 375 F par personne prise en charge s'imputant sur la contribution spéciale à laquelle ces organismes sont assujettis en vertu du même article ;
Considérant que, selon les requérants, les modalités ainsi retenues instituent une " concurrence déloyale entre des organismes placés dans la même situation et cela sans qu'un motif d'intérêt général le justifie " ;
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