Décision n°98-405 DC du 29-12-1998
A8751AC4
Référence
Publié au Journal officiel du 31 décembre 1998, p. 20138
Rec. p. 326
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 18 décembre 1998, par MM Jean-Louis Debré, José Rossi, Philippe Douste-Blazy, Philippe Séguin, Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Mme Michèle Alliot-Marie, MM René André, André Angot, Philippe Auberger, Jean Auclair, Mme Martine Aurillac, MM Jean Bardet, François Baroin, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Franck Borotra, Michel Bouvard, Philippe Briand, Christian Cabal, Gilles Carrez, Mme Nicole Catala, MM Richard Cazenave, Henry Chabert, Jean-Paul Charié, Jean-Marc Chavanne, Olivier de Chazeaux, Alain Cousin, Charles Cova, Henri Cuq, Lucien Degauchy, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Marc Dumoulin, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Michel Ferrand, François Fillon, Roland Francisci, Yves Fromion, Robert Galley, Henri de Gastines, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Michel Giraud, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Christian Jacob, Didier Julia, Jacques Kossowski, Robert Lamy, Pierre Lellouche, Jean-Claude Lemoine, Jacques Limouzy, Lionnel Luca, Alain Marleix, Patrice Martin-Lalande, Jacques Masdeu-Arus, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM Gilbert Meyer, Charles Miossec, Jacques Myard, Jean-Marc Nudant, Mme Françoise de Panafieu, MM Robert Pandraud, Jacques Pélissard, Michel Péricard, Etienne Pinte, Serge Poignant, Bernard Pons, Robert Poujade, Didier Quentin, Jean-Bernard Raimond, Nicolas Sarkozy, André Schneider, Bernard Schreiner, Michel Terrot, Jean-Claude Thomas, Jean Tiberi, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Jean Valleix, François Vannson, Roland Vuillaume, Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, M Alain Madelin, Mme Nicole Ameline, M François d'Aubert, Mme Sylvia Bassot, MM Jacques Blanc, Roland Blum, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Antoine Carré, Pascal Clément, Georges Colombier, Francis Delattre, Franck Dhersin, Laurent Dominati, Dominique Dord, Charles Ehrmann, Nicolas Forissier, Gilbert Gantier, Claude Gatignol, Claude Goasguen, François Goulard, Pierre Hellier, Michel Herbillon, Philippe Houillon, Denis Jacquat, Aimé Kerguéris, Marc Laffineur, Jean-Claude Lenoir, Pierre Lequiller, Jean-François Mattei, Michel Meylan, Alain Moyne-Bressand, Yves Nicolin, Paul Patriarche, Bernard Perrut, Jean Proriol, Jean Rigaud, Jean Roatta, Joël Sarlot, Guy Teissier, Philippe Vasseur, Gérard Voisin, François Bayrou, Pierre Albertini, Pierre-Christophe Baguet, Dominique Baudis, Jean-Louis Bernard, Claude Birraux, Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Christine Boutin, MM Loïc Bouvard, Jean Briane, Dominique Caillaud, René Couanau, Charles de Courson, Yves Coussain, Léonce Deprez, Renaud Donnedieu de Vabres, Renaud Dutreil, Alain Ferry, Jean-Pierre Foucher, Claude Gaillard, Germain Gengenwin, Hubert Grimault, Pierre Hériaud, Mme Anne-Marie Idrac, MM Jean-Jacques Jégou, Christian Kert, Edouard Landrain, Jean Leonetti, François Léotard, Maurice Leroy, Roger Lestas, Maurice Ligot, François Loos, Christian Martin, Pierre Méhaignerie, Pierre Micaux, Mme Louise Moreau, MM Arthur Paecht, Dominique Paillé, Henri Plagnol, Jean-Luc Préel, Gilles de Robien, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Michel Voisin, Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer, députés,
et le 21 décembre 1998 par MM Josselin de Rohan, Nicolas About, Louis Althapé, Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Denis Badré, René Ballayer, Mme Janine Bardou, MM Michel Barnier, Bernard Barraux, Jean-Paul Bataille, Jacques Baudot, Michel Bécot, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Paul Blanc, André Bohl, James Bordas, Joël Bourdin, Jean Boyer, Louis Boyer, Gérard Braun, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Claude Carle, Gérard César, Jean Chérioux, Jean Clouet, Gérard Cornu, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Xavier Darcos, Jean Delaneau, Jean-Paul Delevoye, Robert Del Picchia, Marcel Deneux, Gérard Deriot, Charles Descours, Michel Doublet, Xavier Dugoin, André Dulait, Ambroise Dupont, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emin, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Jean Faure, Hilaire Flandre, Bernard Fournier, Philippe François, Yves Fréville, Yann Gaillard, René Garrec, Philippe de Gaulle, Patrice Gélard, François Gerbaud, Francis Giraud, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Hubert Haenel, Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean Huchon, Jean-Paul Hugot, Jean-François Humbert, Claude Huriet, Pierre Jarlier, Charles Jolibois, Jean-Philippe Lachenaud, Alain Lambert, Lucien Lanier, Jacques Larché, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Guy Lemaire, Serge Lepeltier, Jean-Louis Lorrain, Roland du Luart, Jacques Machet, Kléber Malécot, André Maman, Philippe Marini, Paul Masson, Serge Mathieu, Louis Mercier, Michel Mercier, Jean-Luc Miraux, Louis Moinard, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM Guy Poirieux, Paul d'Ornano, Joseph Ostermann, Michel Pelchat, Jean Pépin, Alain Peyrefitte, Ladislas Poniatowski, Jean Puech, Henri de Raincourt, Jean-Pierre Raffarin, Philippe Richert, Yves Rispat, Jean-Pierre Schosteck, Michel Souplet, Louis Souvet, Henri Torre, René Trégouët, François Trucy, Jacques Valade, Xavier de Villepin, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1999 ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'Etat dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs ;
Vu la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995), et notamment son article 110 ;
Vu la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997) ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 97-395 DC du 30 décembre 1997 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 1998 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les députés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1999, et notamment le 2° du I de l'article 2, les articles 7, 13, 18, 19, 23, 24, 29, 38, 44 et 107 ;
que les sénateurs contestent pour leur part les articles 15, 38, 41, 51, 52, 64, 77, 99, 107 et 136 ;
Sur la sincérité de la présentation budgétaire :
Considérant que les députés requérants soutiennent que, contrairement aux dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée et aux motifs énoncés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 décembre 1997 susvisée, des recettes, de caractère fiscal, demeurent rattachées par voie de fonds de concours au budget des services financiers alors qu'elles auraient dû être réintégrées dans le budget général de l'Etat dans le projet de loi de finances pour 1999 ;
qu'il s'ensuivrait une altération du calcul du taux des prélèvements obligatoires de nature à porter atteinte à la sincérité de la loi de finances ;
qu'en outre, en méconnaissance de l'article 110 de la loi de finances pour 1996 susvisée, " des fonds extrabudgétaires gérés sur les comptes de tiers 451 et 466-171 n'ont pas été intégrés au budget général " ;
que cette pratique, sur laquelle la commission des finances de l'Assemblée nationale n'aurait pu obtenir les précisions nécessaires, porterait manifestement atteinte aux droits d'information et de contrôle du Parlement ;
qu'enfin certaines dépenses de l'Etat, correspondant à la compensation d'exonérations, de réductions ou de plafonnements d'impôts locaux, ont été présentées à tort comme des prélèvements sur recettes ;
Considérant que les sénateurs requérants font valoir que l'article 43, compte tenu des évaluations de recettes mentionnées à l'état A, ainsi que l'article 77 relatif aux ouvertures de crédits des comptes d'affectation spéciale sont entachés d'insincérité budgétaire et contreviendraient au principe d'universalité budgétaire ;
que, selon eux, les estimations de recettes et de charges du compte de cessions de titres publics sont délibérément sous-évaluées en ignorant l'impact budgétaire de la cession prochaine d'une fraction du capital de l'entreprise Aérospatiale et en ne prenant pas en compte les produits de la cession du Crédit lyonnais et l'emploi qui sera fait de ces ressources ;
Considérant, en premier lieu, que les prélèvements effectués en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 49-1034 du 31 juillet 1949 portant aménagement de la taxe locale additionnelle aux taxes sur le chiffre d'affaires, antérieurement rattachés, en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, au budget des services financiers par voie de fonds de concours, sont inscrits, à compter de 1999, à la ligne 309 des recettes non fiscales de l'Etat ;
que la qualification ainsi donnée à ces recettes est sans incidence sur l'évaluation du déficit prévisionnel en loi de finances initiale et, partant, sur la sincérité budgétaire, puisque les crédits qu'elles permettaient d'ouvrir en cours d'année sont désormais retracés dans les dépenses du budget général ;
que les éventuelles conséquences de la qualification donnée à ces recettes sur le calcul d'un " taux des prélèvements obligatoires " sont, en tout état de cause, sans incidence sur la sincérité de la loi de finances ;
Considérant, en deuxième lieu, que les comptes de tiers 451 et 466-171 constituent l'essentiel du reliquat d'un effort engagé depuis 1996, et qui devra être mené à terme, en vue de régulariser diverses procédures d'affectation non conformes à l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ;
que le montant des sommes en cause est par ailleurs limité par rapport aux masses budgétaires ;
que, dans ces conditions, le grief ne peut être accueilli ;
Considérant, en troisième lieu, que si, en principe, les concours apportés par l'Etat aux collectivités locales en compensation d'exonérations, de réductions ou de plafonnements d'impôts locaux constituent bien des dépenses de l'Etat, et devraient figurer au budget général en application de l'article 18 de l'ordonnance précitée, de tels concours peuvent néanmoins, sans méconnaître les principes d'universalité et de sincérité budgétaires, donner lieu à un mécanisme de prélèvement sur recettes, dès lors que celui-ci est, dans son montant et sa destination, défini de façon distincte et précise dans la loi de finances, et qu'il est assorti, tout comme les chapitres budgétaires, de justifications appropriées ;
que tel est le cas des compensations mentionnées par les députés requérants, qui sont intégrées dans les prélèvements retracés et évalués à l'état A annexé à la loi de finances, auquel renvoie l'article 64 de la loi déférée ;
que le moyen doit par suite être rejeté ;
Considérant qu'en application de la loi susvisée du 28 novembre 1995 les recettes tirées du transfert au secteur privé de la majorité du capital du Crédit lyonnais seront affectées à l'établissement public de financement et de réalisation créé par ladite loi ;
que le moyen invoqué manque en fait ;
Considérant que l'autre opération à laquelle font référence les sénateurs requérants présente un caractère aléatoire ;
que, dès lors, les exigences d'universalité et de sincérité budgétaires n'ont pas été méconnues ;
Sur le 2° du I de l'article 2 :
Considérant que cet article, qui détermine le barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques pour l'année 1999, modifie le I de l'article 197 du code général des impôts afin d'abaisser de 16 380 F à 11 000 F le montant de l'avantage maximal d'impôt par demi-part résultant de l'application du mécanisme du quotient familial ;
Considérant que les députés requérants soutiennent que cette disposition méconnaît tant les exigences de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que celles du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et du paragraphe 3 de l'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en créant, entre foyers fiscaux, des inégalités non justifiées par un motif d'intérêt général, et en pénalisant doublement le revenu de certaines familles, du fait de son cumul avec la suppression des allocations familiales ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :
" Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés " ;
qu'en vertu du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 " la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " ;
qu'en outre, aux termes du onzième alinéa de ce même texte, la nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence " ;
Considérant que l'exigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 implique la mise en uvre d'une politique de solidarité nationale en faveur de la famille ;
qu'il est cependant loisible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités d'aide aux familles qui lui paraissent appropriées ;
qu'outre les prestations familiales directement servies par les organismes de sécurité sociale ces aides sont susceptibles de revêtir la forme de prestations, générales ou spécifiques, directes ou indirectes, apportées aux familles tant par les organismes de sécurité sociale que par les collectivités publiques ;
que ces aides comprennent notamment le mécanisme fiscal du quotient familial ;
Considérant qu'en abaissant de 16 380 F à 11 000 F le montant de l'avantage maximal d'impôt par demi-part, résultant de l'application du mécanisme du quotient familial, le législateur n'a pas, compte tenu des autres aides aux familles, maintenues ou rétablies, remis en cause les exigences des dixième et onzième alinéas du Préambule de 1946 ;
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