Jurisprudence : Décision n°98-404 DC du 18-12-1998

Décision n°98-404 DC du 18-12-1998

A8750AC3

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°98-404 DC du 18-12-1998


Publié au Journal officiel du 27 décembre 1998, p. 19663
Rec. p. 315

Loi de financement de la sécurité sociale pour 1999


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 4 décembre 1998, par MM José Rossi, Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy, Alain Madelin, Mme Nicole Ameline, M François d'Aubert, Mme Sylvia Bassot, MM Jacques Blanc, Roland Blum, Dominique Bussereau, Pierre Cardo, Antoine Carré, Pascal Clément, Georges Colombier, Francis Delattre, Franck Dhersin, Laurent Dominati, Dominique Dord, Charles Ehrmann, Nicolas Forissier, Gilbert Gantier, Claude Gatignol, Claude Goasguen, François Goulard, Pierre Hellier, Michel Herbillon, Philippe Houillon, Aimé Kergueris, Marc Laffineur, Jean-Claude Lenoir, Pierre Lequiller, Jean-François Mattei, Michel Meylan, Alain Moyne-Bressand, Yves Nicolin, Paul Patriarche, Bernard Perrut, Jean Proriol, Jean Roatta, Jean Rigaud, Joël Sarlot, Guy Tessier, Philippe Vasseur, Gérard Voisin, Philippe Seguin, Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Mme Michèle Alliot-Marie, MM René André, André Angot, Mme Martine Aurillac, MM François Baroin, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Franck Borotra, Michel Bouvard, Philippe Briand, Christian Cabal, Mme Nicole Catala, MM Richard Cazenave, Henry Chabert, Jean-Marc Chavanne, Olivier de Chazeaux, Charles Cova, Henri Cuq, Lucien Degauchy, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Marc Dumoulin, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Michel Ferrand, François Fillon, Yves Fromion, Henri de Gastines, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Christian Jacob, Didier Julia, Jacques Kossowski, Pierre Lellouche, Jean-Claude Lemoine, Jacques Limouzy, Lionnel Luca, Patrice Martin-Lalande, Jacques Masdeu-Arus, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM Gilbert Meyer, Charles Miossec, Jacques Myard, Jean-Marc Nudant, Mme Françoise de Panafieu, MM Robert Pandraud, Etienne Pinte, Serge Poignant, Bernard Pons, Robert Poujade, Didier Quentin, Jean-Bernard Raimond, Nicolas Sarkozy, André Schneider, Bernard Schreiner, Michel Terrot, Jean-Claude Thomas, Jean Tiberi, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, François Vannson, Roland Vuillaume, Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, MM Yves Bur, Jean-Pierre Foucher, Germain Gengenwin, Jean-Jacques Jegou, Edouard Landrain, Henri Plagnol, Jean-Luc Préel, André Santini et Jean-Jacques Weber, députés, et le 7 décembre 1998, par MM Charles Descours, Nicolas About, Jean-Paul Amoudry, Philippe Arnaud, Jean Arthuis, Denis Badré, Mme Janine Bardou, MM Michel Barnier, Bernard Barraux, Jean-Paul Bataille, Jacques Baudot, Michel Bécot, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM André Bohl, James Bordas, Jean Boyer, Jean-Guy Branger, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM Louis de Broissia, Michel Caldaguès, Jean-Pierre Cantegrit, Auguste Cazalet, Jean Chérioux, Jean Clouet, Gérard Cornu, Henri de Cossé-Brissac, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean Delaneau, Robert del Picchia, Christian Demuynck, Gérard Deriot, André Diligent, André Dulait, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emorine, Michel Esneu, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, Philippe François, Yves Fréville, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, Francis Giraud, Paul Girod, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Mme Anne Heinis, MM Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean-Paul Hugot, Claude Huriet, Jean-Jacques Hyest, Charles Jolibois, André Jourdain, Jean-Philippe Lachenaud, Christian de La Malène, Alain Lambert, Lucien Lanier, Robert Laufoaulu, Henri Le Breton,
Dominique Leclerc, Jean-François Le Grand, Serge Lepeltier, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Philippe Nachbar, Jacques Machet, André Maman, Philippe Marini, René Marquès, Pierre Martin, Paul Masson, Serge Mathieu, Louis Mercier, Michel Mercier, Jean-Luc Miraux, Paul Natali, Lucien Neuwirth, Louis Moinard, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM Paul d'Ornano, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Jean Pépin, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Bernard Plaisait, Jean-Marie Poirier, André Pourny, Jean Puech, Victor Reux, Charles Revet, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Michel Rufin, Jean-Pierre Schosteck, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, François Trucy, Alain Vasselle, Xavier de Villepin, Serge Vinçon et Guy Vissac, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à la sécurité sociale, et notamment son article 4, modifié par l'article 5 de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins ;

Vu l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 11 décembre 1998 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les auteurs des saisines demandent au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;
que les députés requérants contestent les articles 10, 22, 24, 26, 27, 28, 30, 31 et 38 ;
que, pour leur part, les sénateurs requérants contestent les articles 10, 22, 26, 27, 30, 31, 32 et 34 ;

Sur l'article 10 :
Considérant que cet article modifie le mode de calcul d'une contribution exceptionnelle mise à la charge des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques, au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, par le III de l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 susvisée relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;
qu'en vertu de cette disposition, l'assiette de la contribution, définie comme le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France, au titre des spécialités remboursables, par les entreprises redevables, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995, pouvait être minorée des charges comptabilisées au cours de la même période au titre des dépenses de recherche réalisées en France ;

Considérant que l'article 10 a pour objet de supprimer cette possibilité de déduction ;
qu'en conséquence de l'élargissement de l'assiette de la contribution qui en résulte, son taux est abaissé à 1,47 % ;
que les sommes dues par les entreprises en application de ce dispositif seront imputées sur les sommes acquittées en 1996, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale étant chargée, selon le cas, de recouvrer ou de reverser le solde résultant du nouveau mode de calcul de la contribution ;

Considérant que les auteurs des deux requêtes critiquent le caractère rétroactif de cet article, qui, selon les députés, " va bien au-delà des textes habituels en matière de rétroactivité fiscale ", puisqu'il " modifie l'assiette d'un impôt déjà versé par les sociétés, et bouleverse une situation déjà soldée " ;
que cette disposition méconnaîtrait les exigences constitutionnelles relatives aux validations législatives et à la rétroactivité des lois fiscales ;
qu'elle serait contraire aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime garantis selon eux par les articles 2 et 16 de la Déclaration de 1789, au principe de consentement à l'impôt garanti par l'article 14 de la même Déclaration, ainsi qu'au principe d'annualité de la loi de financement de la sécurité sociale ;
que les sénateurs ajoutent que " l'importance des conséquences financières de l'article 10, pour de nombreux laboratoires français, évaluée à 66 millions de francs, n'apparaît pas proportionnée par rapport au risque d'annulation contentieuse de l'ordonnance " du 24 janvier 1996 ;
qu'il est également fait grief à cet article d'être entaché d'incompétence négative ;
que l'article 10 violerait en outre le principe d'égalité devant les charges publiques en raison des modifications intervenues depuis 1996 dans l'industrie pharmaceutique, certaines entreprises ayant pu disparaître, notamment par l'effet de fusions ou d'absorptions ;

Considérant que le principe de non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière répressive ;
que, néanmoins, si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

Considérant que la disposition critiquée aurait pour conséquence de majorer, pour un nombre significatif d'entreprises, une contribution qui n'était due qu'au titre de l'exercice 1995 et a été recouvrée au cours de l'exercice 1996 ;

Considérant que le souci de prévenir les conséquences financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d'intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement l'assiette, le taux et les modalités de versement d'une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel, qu'elle a été recouvrée depuis deux ans et qu'il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier auxdites conséquences ;
que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs, l'article 10 doit être déclaré contraire à la Constitution ;

Sur l'article 22 :
Considérant que cet article, qui modifie l'article L 162-5 du code de la sécurité sociale, prévoit que les conventions nationales conclues entre les organismes d'assurance maladie et les organisations syndicales représentatives des médecins pourront notamment déterminer de nouvelles conditions d'exercice destinées " à favoriser la coordination des soins par un médecin généraliste choisi par le patient ", ainsi que " la prise en charge globale des patients dans le cadre de réseaux de soins " ;
que les parties à ces conventions pourront déterminer " les modes de paiement, autres que le paiement à l'acte " afférents à ces formes nouvelles d'exercice de la médecine libérale ou aux " activités non curatives des médecins ", telles, par exemple, les activités " de prévention, d'éducation pour la santé, de formation, d'évaluation, d'études de santé publique, de veille sanitaire " ;

Considérant que les députés, auteurs de la première requête, comme les sénateurs, auteurs de la seconde requête, font grief à cette disposition d'être entachée d'incompétence négative ;
qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il revient à la loi de déterminer les principes fondamentaux de la sécurité sociale ;
qu'en confiant aux parties à la convention la possibilité de déroger aux " principes fondamentaux de la médecine libérale ", tels le " libre choix du médecin par le malade ", " le paiement direct des honoraires " ou encore " l'indépendance professionnelle des médecins ", le législateur aurait méconnu sa propre compétence ;
qu'au surplus les sénateurs font valoir que cette disposition n'entre pas dans le champ d'application des lois de financement de la sécurité sociale, tel que défini par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ;

Considérant, en premier lieu, qu'en raison même de leur objet, qui est d'engager des réformes structurelles dans les modes d'exercice de la médecine libérale s'accompagnant de nouvelles modalités de rémunération des médecins et des effets financiers attendus de telles innovations, la disposition en cause est de nature à dégager des économies ayant une incidence significative sur les conditions générales de l'équilibre financier des comptes de l'assurance maladie ;
que, dès lors, elle est au nombre de celles qui, en vertu du III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'avant-dernier alinéa de l'article 22 de la loi que les seules dérogations autorisées aux dispositions législatives du code de la sécurité sociale, dans le cadre des nouveaux modes d'exercice de la médecine prévus par les 12° et 13° nouveaux de l'article L 162-5 du même code, sont celles " mentionnées au II de l'article L 162-31-1 " de ce code ;
qu'il s'agit des règles relatives aux tarifs, honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux médecins par les assurés sociaux édictées par les articles L 162-5 et L 162-5-2, du principe du paiement direct des honoraires par le malade édicté par l'article L 162-2, du champ des frais couverts par l'assurance maladie tel qu'il résulte des articles L 321-1 et L 615-14 et des règles relatives à la participation de l'assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations prévues par les articles L 322-3 et L 615-16 ;
que les dérogations autorisées par la loi aux dispositions législatives du code de la sécurité sociale sont ainsi limitativement énumérées et définies de façon suffisamment précise ;
que, par suite, le moyen tiré de ce que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence manque en fait ;

Sur l'article 24 :
Considérant que l'article 24 modifie le mécanisme d'aide à la cessation anticipée d'activité des médecins libéraux mis en place par l'article 4 de la loi du 5 janvier 1988 susvisée relative à la sécurité sociale, lequel s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2004 ;
qu'il prévoit que l'allocation de remplacement pourra désormais " n'être attribuée que pour certaines zones géographiques d'exercice, qualifications de généraliste ou de spécialiste, ou spécialités compte tenu des besoins, appréciés par zone, qualification ou spécialité " ;
qu'elle pourra également être modulée selon les mêmes critères ;

Considérant que la saisine des députés fait grief à cette disposition de ne pas être suffisamment précise et de porter atteinte au principe d'égalité, " tous les médecins étant appelés à cotiser sur les mêmes bases alors que certains seront complètement exclus du droit aux prestations " ;

Considérant, d'une part, que, garantissant à son bénéficiaire un revenu de remplacement, financée par une cotisation et versée par un organisme de sécurité sociale, l'allocation instituée par l'article 4 de la loi du 5 janvier 1988 susvisée constitue une prestation de sécurité sociale ;

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