Jurisprudence : Décision n°97-395 DC du 30-12-1997

Décision n°97-395 DC du 30-12-1997

A8445ACR

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°97-395 DC du 30-12-1997


Publié au Journal officiel du 31 décembre 1997, p. 19313
Rec. p. 333

LOI DE FINANCES POUR 1998


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 19 décembre 1997, par MM Jean-Louis Debré, François Bayrou, Philippe Séguin, Alain Juppé, Jean Charroppin, Jean-Claude Lemoine, Yves Deniaud, Louis de Broissia, Mme Roselyne Bachelot, MM Jean-Jacques Guillet, Jean de Gaulle, Christian Bergelin, Charles Miossec, Bernard Schreiner, Gilbert Meyer, Christian Cabal, Georges Tron, Jean-Claude Mignon, André Angot, Richard Cazenave, Robert Galley, Jacques Kossowski, Michel Terrot, Serge Poignant, Jacques Godfrain, Philippe Chaulet, Charles Cova, Mme Martine Aurillac, MM Jean Auclair, Patrick Delnatte, François Baroin, Jean-Claude Etienne, Robert Pandraud, Pierre Lasbordes, Jean-Pierre Delalande, Robert Poujade, Jean-Paul Charié, Patrick Ollier, Christian Estrosi, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Giran, Léon Vachet, Jean-Michel Ferrand, Jean-Michel Couve, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Philippe Auberger, François Cornut-Gentille, Mme Françoise de Panafieu, MM Philippe Briand, Etienne Pinte, Roland Vuillaume, Jean Ueberschlag, Robert Lamy, Christian Jacob, Henry Chabert, Thierry Lazaro, Patrice Martin-Lalande, Bruno Bourg-Broc, Jean Marsaudon, Jacques Pélissard, Alain Cousin, Jean-Bernard Raimond, Victor Brial, Frantz Taittinger, Lucien Guichon, Eric Doligé, Jean Tiberi, André Schneider, Didier Julia, Patrick Devedjian, Edouard Balladur, Yves Fromion, Bernard Pons, Olivier de Chazeaux, Renaud Muselier, Louis Guédon, Pierre Albertini, Claude Goasguen, Jean-Jacques Weber, Henri Plagnol, Philippe Vasseur, Hervé de Charette, Laurent Dominati, Pierre-André Wiltzer, Jean-Louis Bernard, Jean-Claude Lenoir, Charles Ehrmann, René Couanau, Edouard Landrain, Roger Lestas, Pierre Micaux, Michel Meylan, Maurice Ligot, Dominique Baudis, Pascal Clément, Alain Madelin, Pierre-Christophe Baguet, Mme Christine Boutin, MM Renaud Donnedieu de Vabres, André Santini, Antoine Carré, Loïc Bouvard, Arthur Paecht, José Rossi, Dominique Bussereau, Pierre Méhaignerie, Renaud Dutreil, Jean-Jacques Jégou, Yves Nicolin, Pierre Hériaud, Charles de Courson, Paul Patriarche, François Goulard, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM Dominique Paillé, Gilbert Gantier, François d'Aubert, François Loos, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1998 ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;

Vu la loi n° 48-1268 du 17 août 1948 modifiée relative au redressement financier, notamment son article 5 ;

Vu la loi n° 49-1034 du 31 juillet 1949 modifiée portant aménagement de la taxe locale additionnelle aux taxes sur le chiffre d'affaires, notamment son article 6, ensemble l'article 29 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 et l'article 37 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 ;

Vu la loi de finances pour 1993 (n° 93-1376 du 30 décembre 1992) ;

Vu la loi de finances pour 1995 (n° 94-1162 du 29 décembre 1994) ;

Vu la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995) ;

Vu la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996) ;

Vu la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code rural ;

Vu les observations complémentaires présentées par les auteurs de la saisine, enregistrées le 22 décembre 1997 ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 1997 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1998 en mettant en cause sa procédure d'adoption, la sincérité de sa présentation et de son équilibre financier et plus particulièrement, en tout ou partie, ses articles 12, 19, 41, 80, 85, 111 et 119 ;

Sur la procédure législative :
Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que la loi de finances pour 1998 a été adoptée selon une procédure non conforme aux exigences constitutionnelles, au motif que le délai prévu à l'article 38 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, relatif au dépôt du projet de loi et des annexes qui doivent l'accompagner, n'aurait pas été respecté ;

Considérant que, en prévoyant que le projet de loi de finances et les documents qui lui sont annexés doivent être mis à la disposition des membres du Parlement au plus tard le premier mardi d'octobre, l'article 38 de l'ordonnance précitée a pour objet d'assurer leur information en temps utile pour leur permettre de se prononcer sur le projet de loi de finances dans les délais prévus à l'article 47 de la Constitution ;

Considérant que le projet de loi de finances a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 24 septembre 1997 ;
que, si le dépôt officiel des annexes explicatives accompagnant le projet de loi de finances est intervenu le 11 octobre 1997, soit quatre jours après le délai fixé par l'article 38 de l'ordonnance, il est constant que l'ensemble des documents mentionnés au premier alinéa de cet article était à la disposition des parlementaires avant le premier mardi d'octobre ;

Considérant que le retard invoqué n'a donc pu avoir pour effet de priver le Parlement de l'information à laquelle il a droit pendant toute la durée du délai dont il dispose pour l'examen de la loi de finances ;
que, dès lors, le moyen ne saurait être retenu ;

Sur les moyens tirés du caractère insincère de la loi de finances :
Considérant que les députés requérants font, en premier lieu, valoir que la loi de finances aurait dû tirer les conséquences, conformément à la volonté du constituant, des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, dans la mesure où elles auraient une incidence sur la détermination du revenu imposable, sur le calcul de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, sur le niveau de l'épargne et sur celui des prélèvements obligatoires ;
que les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 dont il n'aurait pas été tenu compte comprendraient la substitution de la contribution sociale généralisée aux cotisations d'assurance maladie, l'augmentation des taux de cette contribution sur les produits de l'épargne, la mise sous condition de ressources des allocations familiales et la diminution du montant de certaines prestations familiales ;
qu'il résulterait en particulier de ce défaut de prise en compte que le rapport économique et financier, annexé au projet de loi de finances, comporterait des indications chiffrées inexactes en ce qui concerne le montant des prélèvements obligatoires ;
que la sincérité de la présentation de la loi de finances s'en trouverait affectée ;

Considérant que, s'il n'incombe pas nécessairement à la loi de finances de l'année de prendre en compte des dispositions provenant de textes de loi dont l'adoption n'est pas définitive, il résulte toutefois des termes mêmes des articles LO 111-6 et LO 111-7 du code de la sécurité sociale, qui ont fixé les dates et délais d'examen de la loi de financement de la sécurité sociale, que le législateur organique a entendu mettre le Parlement en mesure de tenir compte, au cours de l'examen du projet de loi de finances, des incidences économiques et fiscales des mesures figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale ;
que les documents annexés au projet de loi de finances, notamment le rapport économique et financier, doivent ainsi permettre aux parlementaires de discuter et de voter la loi de finances en disposant des informations nécessaires à l'exercice du pouvoir législatif ;

Considérant, toutefois, qu'en l'espèce, il résulte des documents mis à la disposition du Parlement, comme des travaux parlementaires, que les conséquences de la loi de financement de la sécurité sociale sur le budget de l'Etat ont été prises en compte soit dans la préparation et la présentation du projet de loi de finances, soit au cours de son examen et dans le texte définitivement adopté ;
que, dès lors, le grief doit être écarté ;

Considérant que les députés requérants allèguent, en second lieu, que certaines dépenses ne figurent pas dans le budget général, en méconnaissance de l'article 6 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ;
qu'ainsi sont comptabilisées, au sein du compte d'affectation spéciale du produit des privatisations, des dotations en capital destinées à des organismes publics qui n'ont pas vocation à être privatisés, alors qu'elles devraient être inscrites au budget général ;
que le rôle du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables a été élargi en méconnaissance de ses missions d'origine ;
que des crédits devant abonder certains chapitres budgétaires du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, au titre de fonds de concours, ont en réalité un caractère fiscal et devraient figurer dans le budget général ;


ère fiscal et devraient figurer dans le budget général ;

En ce qui concerne les comptes d'affectation spéciale :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 25 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée :
" Les comptes d'affectation spéciale retracent des opérations qui, par suite d'une disposition de loi de finances prise sur l'initiative du Gouvernement, sont financées au moyen de ressources particulières. Une subvention inscrite au budget général de l'Etat ne peut compléter les ressources d'un compte spécial que si elle est au plus égale à 20 % du total des prévisions de dépenses. " ;

Considérant, d'une part, que les comptes d'affectation spéciale constituent une procédure d'affectation de certaines recettes à certaines dépenses, conformément aux dispositions des articles 18, 23 et 25 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée et qu'ils n'ont ni pour objet, ni pour effet, de faire échapper des recettes et des dépenses de l'Etat à l'approbation du Parlement dans le cadre de la loi de finances ;

Considérant, d'autre part, que le financement, par le compte d'affectation " produits de cession de titres, parts et droits de sociétés ", des dotations et apports à l'ensemble des entreprises publiques et établissements publics est conforme aux prévisions de l'article 71 de la loi de finances pour 1993, modifié par l'article 62 de la loi de finances pour 1997, qui a institué ce compte ;
que le financement éventuel, par le compte d'affectation spéciale " fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables ", des investissements et gros entretien du réseau routier national et, d'une part, des dépenses entrant dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, dans le domaine des transports, ne contrevient pas aux missions assignées à ce fonds par l'article 47 de la loi de finances pour 1995 qui l'a institué ;
que les moyens invoqués doivent par suite être rejetés ;

En ce qui concerne les fonds de concours :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 19 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée :
" Les fonds versés par des personnes morales ou physiques pour concourir avec ceux de l'Etat à des dépenses d'intérêt public, ainsi que les produits de legs et donations attribués à l'état ou à diverses administrations publiques, sont directement portés en recettes au budget. Un crédit supplémentaire de même montant est ouvert par arrêté du ministre des finances au ministre intéressé. L'emploi des fonds doit être conforme à l'intention de la partie versante ou du donateur. Des décrets pris sur le rapport du ministre des finances peuvent assimiler le produit de certaines recettes de caractère non fiscal à des fonds de concours pour dépenses d'intérêt public " ;

Considérant que des crédits correspondant au prélèvement institué par le dernier alinéa de l'article 5 de la loi du 17 août 1948 susvisée relative au redressement financier, ainsi qu'aux prélèvements effectués en application des dispositions de l'article 6 de la loi du 31 juillet 1949 susvisée portant aménagement de la taxe locale additionnelle aux taxes sur le chiffre d'affaires, ont été depuis lors rattachés au budget des services financiers en application de ces lois ;
que le maintien de ce rattachement par voie de fonds de concours, après l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, n'est pas conforme aux dispositions précitées de son article 19, dès lors que les recettes de ces fonds sont en majorité de caractère fiscal ;
que le maintien de ce rattachement affecte en outre la prévision de dépenses du budget général ;
que, toutefois, les dépenses en cause sont intégralement retracées dans les comptes définitifs de l'exercice soumis au Parlement dans le cadre de la loi de règlement, en application de l'article 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;
que, par ailleurs, le Parlement a pu être informé des caractéristiques de ces fonds de concours, tant à travers l'annexe qui en dresse, conformément à l'article 111 de la loi de finances pour 1996, l'état récapitulatif, qu'à l'occasion des travaux de ses commissions des finances ;
que, si la procédure de rattachement par voie de fonds de concours, pour ceux de ces crédits qui sont compris dans les recettes du budget général, conduit à affecter l'évaluation du déficit prévisionnel en loi de finances initiale, l'atteinte ainsi portée à la sincérité de la loi de finances ne conduit pas pour autant, en l'espèce, à déclarer la loi déférée contraire à la Constitution ;
que les crédits relatifs aux fonds de concours visés par la présente requête seront dûment réintégrés, suivant les prescriptions de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959, dans le budget général de l'Etat " dès le projet de loi de finances pour 1999 " ;
que, dans ces conditions, le grief invoqué ne peut être accueilli ;

Sur l'article 12 :
Considérant que cet article abaisse de 90 000 F à 45 000 F le plafond de dépenses retenues pour le calcul de la réduction d'impôt accordée au titre des sommes versées pour l'emploi d'un salarié à domicile ;
qu'il le maintient toutefois à 90 000 F pour les contribuables invalides dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne ou ayant à leur charge une telle personne ou un enfant ouvrant droit au complément d'allocation d'éducation spéciale ;

Considérant que les requérants soutiennent que cet article est entaché d'une rétroactivité inconstitutionnelle ;

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