Décision n°90-285 DC du 28-12-1990
A8228ACQ
Référence
Publié au Journal officiel du 30 décembre 1990
Rec. p. 95
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 20 décembre 1990, par MM Edouard Balladur, Bernard Pons, Jacques Chirac, Jean-Louis Goasduff, Mme Roselyne Bachelot, MM Michel Giraud, Richard Cazenave, Dominique Perben, Robert Poujade, Georges Gorse, Nicolas Sarkozy, Gérard Léonard, Robert Pandraud, Jean Tiberi, Jean-Pierre Delalande, Robert-André Vivien, Bruno Bourg-Broc, Mmes Michèle Alliot-Marie, Christiane Papon, MM Philippe Auberger, Jean Charroppin, Pierre-Rémy Houssin, Bernard Schreiner, Jean-Paul de Rocca-Serra, Claude-Gérard Marcus, Alain Cousin, Pierre Pasquini, François Fillon, Etienne Pinte, Pierre Mazeaud, Eric Dolige, Jean-Paul Charié, Alain Jonemann, Jacques Masdeu-Arus, Roland Nungesser, Jean-Louis Masson, Patrick Ollier, Jean-Louis Debré, Olivier Dassault, Guy Drut, Jacques Toubon, Jean-Claude Mignon, Jean Ueberschlag, Pierre Raynal, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Lucien Guichon, Christian Cabal, Jean Besson, Arnaud Lepercq, Jean-Claude Thomas, Jean Falala, Christian Estrosi, Bernard Debré, Jean-Michel Couve, Mme Nicole Catala, MM Henri Cuq, Michel Péricard, Charles Millon, Pascal Clément, André Rossinot, Mme Louise Moreau, MM Philippe Mestre, Jean Brocard, Marc Laffineur, Raymond Marcellin, François d'Aubert, Pierre Lequiller, Francis Delattre, Alain Griotteray, Arthur Paecht, Hubert Falco, Philippe Vasseur, Claude Wolff, Charles Ehrmann, Gérard Longuet, José Rossi, Daniel Colin, Denis Jacquat, Gilles de Robien, Willy Diméglio, Mme Yann Piat, MM François-Michel Gonnot, Jacques Blanc, Ladislas Poniatowski, Jean Desanlis, Jean-François Deniau, Gilbert Gantier, députés, et, le 22 décembre 1990, par MM Etienne Dailly, Jacques Bimbenet, Ernest Cartigny, Henri Collard, Jean François-Poncet, Paul Girod, Pierre Laffitte, Max Lejeune, Charles-Edmond Lenglet, Raymond Soucaret, Jean-Pierre Fourcade, José Balarello, Louis Boyer, Jean Dumont, André Bohl, Auguste Chupin, Marcel Daunay, Rémi Herment, Jean Huchon, René Monory, Jacques Moutet, Jean Pourchet, Guy Robert, Pierre Vallon, Xavier de Villepin, Jean Amelin, Honoré Bailet, Henri Belcour, Roger Besse, Amédée Bouquerel, Jacques Braconnier, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Mme Marie-Fanny Gournay, MM Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Jean Chérioux, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Marcel Fortier, Philippe François, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginesy, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jacques de Menou, Paul Moreau, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Sosefo Makapé Papilio, Roger Romani, Jean Simonin, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, Serge Vinçon, Désiré Debavelaere, Lucien Lanier, Michel Rufin, Claude Prouvoyeur, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1991 ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 relative à la protection sociale commune à tous les Français et instituant une compensation entre régimes de base de sécurité sociale obligatoire ;
Vu le mémoire ampliatif présenté par les députés auteurs de la première saisine, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 20 décembre 1990 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les auteurs des saisines contestent la conformité à la Constitution des dispositions des articles 127 à 135 de la loi de finances pour 1991 soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
qu'ils critiquent aussi bien la procédure suivie pour l'adoption de ces articles que leur contenu ;
Sur la procédure d'adoption des articles 127 à 135 relatifs à la " contribution sociale généralisée " :
Considérant que la régularité de la procédure d'adoption des articles de la loi déférée relatifs à la " contribution sociale généralisée " est critiquée par les députés auteurs de la première saisine sur un double plan ;
qu'il est soutenu, à titre principal, que les articles de la loi, qui instaurent un " prélèvement social ", ne pouvaient être introduits dans un projet de loi par voie de lettre rectificative et qu'ils n'ont pas, au demeurant, leur place dans un texte ayant le caractère de loi de finances ;
que, subsidiairement, les auteurs de la première saisine estiment que les conditions d'introduction dans le texte de la loi de finances pour 1991 de la " contribution sociale généralisée " ont contrevenu aux prescriptions tant de l'article 38 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 qu'à celles de ses articles 31 et 40 ;
que cette dernière argumentation est reprise par les sénateurs auteurs de la seconde saisine qui soutiennent, en outre, que le Parlement n'a pas bénéficié d'une information suffisante pour se prononcer, en particulier au regard des exigences posées par l'article 32 de la même ordonnance ;
En ce qui concerne l'argumentation présentée à titre principal par les auteurs de la première saisine :
Quant au recours à une lettre rectificative :
Considérant que les députés auteurs de la première saisine relèvent qu'ont été introduits dans le projet de loi de finances pour 1991 des articles additionnels 92 à 98 relatifs à la " contribution sociale généralisée ", sous forme de " lettre rectificative signée du seul Premier ministre alors que le projet de loi est contresigné " ;
Considérant que l'article 39 de la Constitution dispose, dans son premier alinéa, que " l'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement " ;
qu'aux termes du second alinéa du même article " les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées. Les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale " ;
Considérant que, sous l'empire de la Constitution de 1958, une lettre rectificative signée du Premier ministre constitue non un amendement apporté par le Gouvernement à un projet de loi sur le fondement de l'article 44, alinéa 1, de la Constitution, mais la mise en uvre du pouvoir d'initiative des lois que le Premier ministre tient du premier alinéa de l'article 39 de la Constitution ;
Considérant que le dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 4 octobre 1990, d'une lettre rectificative au projet de loi de finances pour 1991 relative à la " contribution sociale généralisée " a été précédé de la consultation du Conseil d'Etat et de la délibération du conseil des ministres ;
qu'il a été ainsi satisfait aux exigences posées par le deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution ;
que le fait que la lettre rectificative n'ait pas été contresignée n'en affecte pas la régularité dès lors que ce document comporte par lui-même toutes les dispositions nécessaires à la production des ses effets juridiques au regard du premier alinéa de l'article 39 de la Constitution ;
Quant à la nature juridique de la " contribution sociale généralisée " et à ses incidences sur le plan de la procédure :
Considérant que, selon les députés auteurs de la première saisine, la " contribution sociale généralisée " n'a pas sa place dans un texte ayant le caractère de loi de finances, dans la mesure où elle constitue un " prélèvement social " ;
Considérant que sous l'intitulé " Institution d'une contribution sociale généralisée " la loi crée, par son article 127, une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement, par son article 132, une contribution sociale sur les revenus du patrimoine et, par son article 133, une contribution sociale sur les produits de placement ;
Considérant que ces contributions nouvelles entrent dans la catégorie des " impositions de toutes natures " visées à l'article 34 de la Constitution, dont il appartient au législateur de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement ;
que, dès lors, les dispositions des articles 127 à 134 sont au nombre de celles qui peuvent figurer dans un texte de loi de finances en vertu du troisième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Considérant que l'article 135 de la loi ressortit également au domaine d'intervention d'une loi de finances, car la présentation au Parlement, conformément à cet article, d'un rapport indiquant notamment " l'assiette et le produit de la contribution sociale généralisée " constitue une mesure destinée à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques au sens du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la violation des articles 38 et 32 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 :
Quant à l'application de l'article 38 de l'ordonnance n° 59-2 :
Considérant que les députés auteurs de la première saisine soulignent que la lettre rectificative au projet de loi de finances pour 1991 a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le jeudi 4 octobre 1990 ;
qu'ils en déduisent qu'il y a eu violation des dispositions de l'article 38 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, en vertu desquelles le projet de loi de finances de l'année est déposé et distribué au plus tard le premier mardi d'octobre de l'année qui précède l'exécution du budget ;
que ce texte imposait le dépôt de l'intégralité du projet au plus tard le mardi 2 octobre 1990 :
Considérant que les dispositions de l'article 38 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 doivent être interprétées à la lumière tant de l'article 47 de la Constitution, en ses alinéas 2 et 3, que de l'article 39 de l'ordonnance précitée qui fixent les délais d'examen par l'Assemblée nationale et par le Sénat des projets de loi de finances et prévoient que ceux-ci peuvent être mis en vigueur par ordonnance si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours ;
que ces diverses dispositions ont pour objet de permettre qu'interviennent en temps utile et plus spécialement avant le début d'un exercice les mesures d'ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale, tout en garantissant à chaque assemblée, en première lecture, des délais d'examen fixés par l'article 47 de la Constitution, à quarante jours pour l'Assemblée nationale et à quinze jours pour le Sénat ;
Considérant que le dépôt le jeudi 4 octobre et non le mardi 2 octobre de la lettre rectificative au projet de loi de finances pour 1991 n'a pas eu pour conséquence de réduire le délai dont dispose chaque assemblée pour statuer, en première lecture, sur l'ensemble des dispositions constituant le projet de loi de finances pour 1991 ;
qu'ainsi le retard relevé par les auteurs de la première saisine n'a pas été de nature à affecter la régularité de la procédure législative ;
Quant à l'application de l'article 32 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 :
Considérant que les auteurs de la seconde saisine invoquent la méconnaissance des dispositions de l'article 32 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 qui prescrivent que le projet de loi de finances de l'année comporte des " annexes générales destinées à l'information et au contrôle du Parlement " ;
qu'ils font valoir que les assemblées n'ont pas disposé de l'état annuel retraçant l'effort social de la nation prévu par l'article 8 de la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 ;
que, plus généralement, le Parlement n'aurait pas bénéficié d'une information suffisante ;
Considérant que la mise à la disposition des membres du Parlement des documents annexés au projet de loi de finances a pour objet d'assurer leur information en temps utile pour leur permettre de se prononcer sur le projet de loi de finances dans les délais prévus à l'article 47 de la Constitution ;
Considérant que, même si l'état retraçant l'effort social de la nation n'a pas été transmis au Parlement, les assemblées ont disposé, comme l'attestent les rapports des commissions saisies au fond ou pour avis, d'éléments d'information approfondis sur l'institution d'une " contribution sociale généralisée " ;
que, par suite, le moyen invoqué ne saurait être retenu ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la violation des articles 31 et 40 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 :
Considérant que, selon les auteurs des saisines, les dispositions relatives à la " contribution sociale généralisée " auraient dû figurer, par application de l'article 31 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, dans la première partie de la loi de finances et non dans la seconde ;
qu'il en résulterait une violation corrélative de la disposition de l'article 40 de la même ordonnance suivant laquelle " la seconde partie de la loi de finances de l'année ne peut être mise en discussion devant une assemblée avant le vote de la première partie " ;
Considérant qu'en vertu de l'article 31 de l'ordonnance n° 59-2, la première partie du projet de loi de finances de l'année a pour objet d'autoriser et évaluer les recettes, fixer les plafonds des grandes catégories de dépenses et d'arrêter les données générales de l'équilibre financier pour l'exercice à venir ;
que, pour la détermination de cet équilibre, doivent notamment figurer dans la première partie du projet de loi de finances, outre l'autorisation de percevoir les impôts existants affectés aux collectivités et aux établissements publics, les dispositions instituant un impôt si celui-ci est destiné à procurer des ressources à l'Etat dès le nouvel exercice budgétaire ;
Considérant que le produit des contributions sociales visées aux articles 127 à 133 de la loi doit, conformément à l'article 134-II, être versé à la Caisse nationale des allocations familiales et non à l'Etat ;
que, de plus, ces contributions sociales seront par elles-mêmes sans effet sur les ressources de l'Etat pour le nouvel exercice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la violation des articles 31 et 40 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ne sauraient être accueillis ;
Sur le contenu des articles relatifs à la " contribution sociale généralisée " :
Considérant que les auteurs de la première saisine estiment que, prise en tant que " prélèvement social ", la " contribution sociale généralisée " est contraire au principe d'égalité ;
que, même en admettant qu'elle constitue une imposition, elle est inconstitutionnelle à plusieurs titres ;
que l'affectation de son produit va à l'encontre des dispositions de l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
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