Jurisprudence : Décision n°86-209 DC du 03-07-1986

Décision n°86-209 DC du 03-07-1986

A8136ACC

Référence

Décision n°86-209 DC du 03-07-1986. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/895196-decision-n-86209-dc-du-03071986
Copier
CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°86-209 DC du 03-07-1986


Publié au Journal officiel du 4 juillet 1986
Rec. p. 86

Loi de finances rectificative pour 1986


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 25 juin 1986, par MM Pierre Joxe, Lionel Jospin, Pierre Mauroy, Henri Emmanuelli, Philippe Bassinet, Michel Sapin, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Pierre Michel, Michel Cartelet, Jean Grimont, André Lejeune, Jean-Jacques Leonetti, Jacques Siffre, Maurice Janetti, Augustin Bonrepaux, Georges Le Baill, Jean-Claude Chupin, Gérard Fuchs, Alain Chénard, Joseph Franceschi, Alain Brune, Jean Anciant, Mme Ginette Leroux, MM Gilbert Bonnemaison, Jean Le Garrec, Michel Charzat, Jean Oehler, Robert Le Foll, Jacques Fleury, Jean Beaufils, François Loncle, André Clert, Bernard Derosier, Jacques Santrot, Mme Marie Jacq, M Job Durupt, Mmes Catherine Lalumière, Jacqueline Osselin, MM Philippe Marchand, Jean-Hugues Colonna, Noël Ravassard, Guy-Michel Chauveau, Michel Coffineau, André Billardon, Jacques Roger-Machart, Michel Delebarre, Jack Lang, Claude Evin, Philippe Puaud, Jean Lacombe, Michel Hervé, Gérard Welzer, Jean-Marie Bockel, Roger-Gérard Schwartzenberg, Yves Tavernier, Jean-Michel Boucheron (Ille-et-Vilaine), André Bellon, André Laignel, Jean-Pierre Destrade, Christian Laurissergues, Paul Quilès, Mme Georgina Dufoix, MM Raymond Douyère, René Souchon, Joseph Menga, René Drouin, Louis Mexandeau, Jacques Badet, Olivier Stirn, Jean Proveux, Roland Carraz, Gérard Bapt, Jean Laurain, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances rectificative pour 1986 ;

Le Conseil constitutionnel, Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n° 71-474 du 22 juin 1971 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les députés auteurs de la saisine contestent la conformité à la Constitution de la loi de finances rectificative pour 1986 en raison du contenu de certaines de ses dispositions ;
qu'ils invitent également le Conseil constitutionnel à apprécier si la procédure d'examen par le Parlement de ladite loi a satisfait aux exigences de l'article 47 de la Constitution ;

En ce qui concerne la procédure législative :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47 de la Constitution :
"Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique." ;
que, selon le deuxième alinéa du même article :
"Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisi le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45." ;
qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 47 :
"Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance." ;
Considérant que les règles de procédure ainsi posées sont applicables, non seulement à la loi de finances de l'année qui, conformément au deuxième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 susvisée, "prévoit et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat", mais également aux lois de finances dites "rectificatives" qui, aux termes du quatrième alinéa de l'article 2, "peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année" ;
e, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année" Considérant que les délais fixés par les alinéas 2 et 3 de l'article 47 de la Constitution, dont le point de départ et le mode de computation sont précisés par les articles 38 et 39 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959, par leur durée et leur agencement aussi bien que par les sanctions attachées à leur inobservation, ont pour objet de permettre qu'interviennent en temps utile et plus spécialement avant le début d'un exercice les mesures d'ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ;
Considérant que l'expiration du délai de quarante jours imparti à l'Assemblée nationale pour se prononcer en première lecture sur un projet de loi de finances rectificative doit conduire le Gouvernement, comme le prescrit le troisième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance n° 59-2, à saisir "le Sénat du projet qu'il a initialement présenté, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui" ;
que le fait pour le Gouvernement de ne pas déférer immédiatement à ces prescriptions et de laisser ainsi l'Assemblée nationale statuer sur un projet dont elle n'a pas été dessaisie ne constitue cependant une irrégularité de nature à vicier la procédure législative que s'il a pour conséquence de réduire le délai dont dispose le Sénat en vertu du deuxième alinéa de l'article 47 de la Constitution, pour statuer en première lecture ;
Considérant que le projet de loi de finances rectificative pour 1986 a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 18 avril 1986 ;
que cette assemblée, qui n'avait pas achevé l'examen du projet en première lecture le 28 mai 1986, date à laquelle expirait le délai de quarante jours qui lui était imparti par l'article 47 de la Constitution, n'en a pas moins, avec l'assentiment du Gouvernement, poursuivi ses travaux et adopté le projet en première lecture le 2 juin 1986 ;
que, toutefois, le dépassement du délai de quarante jours n'a pas eu pour conséquence de réduire le délai d'examen constitutionnellement imparti au Sénat, lequel, ayant été saisi du projet le 2 juin 1986, s'est prononcé en première lecture sur l'ensemble du texte le 17 juin 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la loi de finances rectificative pour 1986 n'a pas été adoptée par le Parlement dans des conditions de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie pour son examen ;

En ce qui concerne l'article 5 :
Considérant que l'article 5 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel dispose :
"L'inscription aux concours de recrutement des fonctionnaires de l'Etat donne lieu à la perception au profit de l'Etat d'un droit de timbre de 150 F. Sont exemptés du droit de timbre les candidats bénéficiaires des revenus de remplacement prévus par l'article L 351-2 du code du travail. Sont également exemptés les candidats à charge de personnes ne disposant pas d'autres revenus que ceux prévus par l'article L 351-2 précité." ;
Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que les dispositions de cet article sont contraires, d'une part, au principe d'égal accès aux emplois publics exprimé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en son article 6, et, d'autre part, au principe d'égalité des citoyens devant la loi car elles introduisent une discrimination entre la fonction publique d'Etat et la fonction publique territoriale ;
Considérant que, si l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen proclame l'égale admissibilité de tous les citoyens aux emplois publics, selon leur capacité et "sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents", ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'inscription à un concours administratif soit subordonnée au paiement d'un droit de timbre dès lors qu'un tel droit ne constitue pas une entrave au libre accès aux emplois publics ;
qu'en raison, tant de son montant, qui n'a pas un caractère excessif, que des exonérations prévues au profit de personnes sans emploi, le droit de timbre institué par l'article 5 de la loi ne méconnaît pas le principe d'égal accès aux emplois publics ;
Considérant que, si la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires a fixé des règles statutaires communes aux fonctionnaires de l'Etat et à ceux des collectivités territoriales, aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle ne s'oppose à l'institution d'un droit de timbre pour l'inscription aux concours de recrutement des fonctionnaires de l'Etat alors qu'une mesure analogue ne serait pas appliquée, dans le même temps, à la fonction publique territoriale ;

En ce qui concerne l'article 7 :
Considérant que cet article est ainsi rédigé :
"La caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales apportera en 1986, à titre exceptionnel, une contribution de deux milliards de francs au financement des dépenses de l'Etat." ;
Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que la mesure prévue par cet article serait inconstitutionnelle car elle entraînerait une rupture d'égalité entre collectivités territoriales selon que celles-ci ont contracté des emprunts auprès de la caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales ou auprès d'un autre organisme ;
Considérant que cette argumentation ne saurait être accueillie ;
qu'en effet l'article 7 de la loi se borne à obliger un établissement public de l'Etat à verser, au budget de l'Etat, sur ses fonds propres une contribution financière ;
que cette mesure qui, par elle-même, n'opère aucune discrimination entre les collectivités territoriales n'est pas contraire au principe d'égalité ;

En ce qui concerne l'article 11 :
Considérant que l'article 11 de la loi dispose :
"Les avoirs irrégulièrement détenus à l'étranger qui auront été rapatriés en France avant le 1er janvier 1987 seront considérés comme étant en situation régulière au regard de la réglementation des changes et ne pourront faire l'objet d'aucune réclamation au titre des impôts, droits et taxes dont le fait générateur est antérieur à la date d'entrée en vigueur de la présente loi. La contre-valeur en francs de ces avoirs, calculée le jour de leur rapatriement, sera soumise de manière anonyme à une taxe spéciale de 10 p 100 libératoire du paiement de tous impôts, droits et taxes. Cette taxe sera acquittée dans le mois qui suit le rapatriement auprès des comptables du Trésor sur présentation des pièces justificatives du transfert établies par un intermédiaire agréé. Ces pièces justificatives ainsi que les écritures correspondantes de l'intermédiaire agréé sont couvertes par l'anonymat et les administrations fiscales et douanières ne peuvent user de leur droit de communication à leur égard. Les comptables du Trésor délivrent un certificat anonyme qui atteste du paiement de la taxe et qui, en cas de contrôle ultérieur, est opposable aux administrations fiscales ou douanières. Le bénéfice de cette mesure est réservé aux résidents français à l'encontre desquels aucune procédure administrative ou judiciaire n'a été engagée avant la date de régularisation au sujet des mêmes sommes." ;
Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que ces dispositions, qui vont bien au-delà d'une simple loi d'amnistie, ont pour conséquence de porter atteinte au principe d'égalité devant l'impôt ;
qu'en effet, en fixant uniformément à 10 p 100 le montant de la taxe spéciale perçue sur les avoirs détenus à l'étranger qui sont rapatriés, la loi soumet à des règles différentes d'assiette, de taux et de modalités de recouvrement des revenus qui sont identiques à ceux qu'aurait perçus un contribuable en France ;
que le texte de l'article 11, en tant qu'il dispose pour l'avenir, permet même à certains contribuables d'échapper aux impositions normales au titre de 1986 ;
qu'au surplus, la différence de traitement qui résulte du texte a pour objet et pour effet "de privilégier les fraudeurs au détriment des contribuables consciencieux" ;
Considérant que, dans l'intention du législateur, les dispositions de l'article 11 visent à éviter qu'un contribuable qui n'a pas acquitté l'impôt persévère dans un comportement irrégulier ;
qu'elles tendent, en outre, à susciter le rapatriement des avoirs détenus à l'étranger afin de faire bénéficier l'économie nationale d'un apport de ressources financières nouvelles ;
que, s'il est ainsi dans la nature du texte de porter atteinte au principe d'égalité devant l'impôt, pour des motifs d'intérêt général qu'il appartient au législateur d'apprécier, une telle atteinte ne peut, cependant, être admise qu'à la condition que les personnes bénéficiaires de l'amnistie soient définies de manière objective et que les modalités retenues limitent les effets de cette mesure à l'apurement des irrégularités antérieures à son entrée en vigueur ;
Considérant que l'amnistie décidée par l'article 11 de la loi s'applique uniquement aux résidents français qui détiennent des avoirs irréguliers à l'étranger et à l'encontre desquels aucune procédure administrative ou judiciaire n'a été engagée avant la date de régularisation de leur situation au sujet des mêmes sommes ;
que l'article 11 subordonne le bénéfice de ses dispositions au rapatriement avant le 1er janvier 1987 des avoirs dont il s'agit ;
que de plus, la mesure édictée ne concerne que "les impôts dont le fait générateur est antérieur à la date d'entrée en vigueur" de la loi ;
que, dans ces conditions, l'article 11 de la loi présentement examinée n'est pas contraire à la Constitution ;

En ce qui concerne l'article 16 :
Considérant que l'article 16 est ainsi rédigé :
"Sur les crédits ouverts au ministre des départements et territoires d'outre-mer par la loi de finances pour 1986, n° 85-1403 du 30 décembre 1985, au titre des dépenses ordinaires du budget des départements et territoires d'outre-mer sont annulés des autorisations de programme de 17000000 F et des crédits de paiement de 10000000 F." ;
Considérant que, selon les auteurs de la saisine, cet article, dès lors qu'il se borne à indiquer le ministère faisant l'objet de la mesure d'annulation de crédits, sans préciser les titres sur lesquels portent les décisions, méconnaît, par là même, les dispositions de l'article 41 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 qui impliquent que le Parlement vote les dépenses par titre et par ministère ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 41 de l'ordonnance n° 59-2 :
"Les dépenses du budget général font l'objet d'un vote unique en ce qui concerne les services votés, d'un vote par titre et par ministère, en ce qui concerne les autorisations nouvelles" ;
qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation d'un vote par titre et par ministère ne s'impose que pour les seules mesures nouvelles ;
que, si tel est le cas des crédits supplémentaires ouverts par une loi de finances rectificative, il n'en va pas de même s'agissant d'annulations de crédits ouverts par la loi de finances initiale au titre des services votés et des mesures nouvelles ;

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus