AFFAIRE : N° RG 21/01356 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FS6N
Code Aff. :
ARRÊT N° AL
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de saint-denis en date du 09 Juillet 2021, rg n° 20/00020
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2022
APPELANTE :
S.A. SERVAIR
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Ronan BERNARD MENORET, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion
INTIMÉ :
Monsieur [X] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me François AVRIL, avocat au barreau de Saint Denis de la Réunion
Clôture :2 mai 2022
DÉBATS : En application des dispositions des
articles 805 et 905 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 28 Juin 2022 en audience publique, devant Alain Lacour, président de chambre chargé d'instruire l'affaire, assisté de Nadia Hanafi, greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 octobre 2022 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président :Alain Lacour
Conseiller:Laurent Calbo
Conseiller :Aurélie Police
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 06 octobre 2022
Greffier lors des débats : Mme Nadia Hanafi,
Greffier lors du prononcé par mise à disposition : Mme Delphine Grondin
* *
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LA COUR :
Exposé du litige :
M. [F] a été embauché en qualité de chauffeur handling par la SA Servair (la société) selon contrat à durée indéterminée daté du 26 octobre 1998. Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 18 octobre 2017.
Saisi par M. [F], qui concluait à la nullité de son licenciement et sollicitait l'indemnisation des préjudices qu'il invoquait, le conseil de prud'hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion, par jugement rendu le 9 juillet 2021, a constaté la nullité du licenciement de M. [F], ordonné sa réintégration dans la société dans des conditions identiques à la date du licenciement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, condamné la société à payer à M. [F] les salaires dus depuis le premier jour de la rupture du contrat de travail à la date de reprise effective dans la société, débouté M. [F] de ses autres demandes, débouté la société de l'ensemble de ses demandes et condamné celle-ci à payer à M. [F] 1 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
La société a interjeté appel de cette décision le 22 juillet 2021.
Vu les conclusions notifiées par la société le 20 septembre 2021 ;
Vu les conclusions notifiées par M. [F] le 14 avril 2022 ;
Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, aux conclusions susvisées et aux développements infra.
Sur ce :
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Vu les
articles 2224 du code civil🏛 et
L. 1471-1 du code du travail🏛 ;
Attendu que, se prévalant de ce que son licenciement est fondé sur les faits de harcèlement moral qu'il avait précédemment dénoncés à son employeur, M. [F] soutient que son action tendant au prononcé de la nullité dudit licenciement est recevable comme ayant été intentée dans le délai de cinq ans qui lui était ouvert à cet effet par l'article 2224 susvisé ;
Attendu que la société conclut à l'irrecevabilité de l'action de M. [F] en objectant que son licenciement n'est pas fondé sur la dénonciation par lui du harcèlement moral dont il prétend avoir été victime mais sur son insubordination et sur les menaces qu'il a proférées ;
Attendu que la lettre de licenciement est ainsi rédigée : « ['] Nous vous rappelons par la présente les faits reprochés et précisés lors de cet entretien ainsi que les circonstances dans lesquelles la direction a pris connaissance de ces faits.
Par lettre en date du 8 septembre 2016 vous nous avez informés que vous vous estimiez être victime de faits constitutifs de harcèlement moral de la part de vos responsables de service.
C'est dans ce cadre que la direction a décidé d'engager une enquête interne lors de votre retour dans l'entreprise le 1er août 2017 (vous étiez absent depuis le 1er août 2016) afin de déterminer ou non l'existence d'une situation de harcèlement.
Conformément aux dispositions légales en vigueur, la direction a diligenté l'enquête en collaboration avec le CHSCT de l'établissement Servair Réunion. À cet effet, l'instance a été invitée à se réunir le 8 août 2017 afin d'informer les membres sur l'ouverture d'une enquête.
Lors de cette réunion, la direction a précisé que des mesures devaient être prises au titre de la préservation de la santé et de la sécurité des salariés de l'établissement. C'est dans cet objectif et afin de vous assurer un retour serein et apaisé dans l'entreprise que nous vous avons proposé un repositionnement exceptionnel et temporaire au "service production" avec maintien de votre rémunération ; proposition que vous avez acceptée.
Il a également été précisé lors de la réunion CHSCT que la direction recevrait individuellement les salariés concernés par les faits que vous nous avez rapportés afin de recueillir les positions de chacun.
C'est dans le cadre de ces auditions que nous avons pris connaissance des faits qui vous sont reprochés et qui vous ont été précisés lors de l'entretien du 4 octobre 2017.
Lors des auditions avec les salariés, nous avons eu connaissance de votre comportement agressif au travail à l'égard de vos collègues. En effet, nous avons appris que vous aviez, à plusieurs reprises insulté vos collègues ("Allé fait bourre à ou" notamment) et proféré des menaces à leur égard.
Votre attitude agressive a engendré de graves répercussions sur la santé mentale des salariés et a dégradé les conditions et l'atmosphère de travail de vos collègues. En raison de votre comportement, vos collègues ont un sentiment d'insécurité et d'intimidation.
En outre vous avez, de manière réitérée refusé d'exécuter votre prestation de travail. En effet, vous avez fait preuve d'insubordination à l'égard de votre responsable hiérarchique en refusant d'exercer les missions qui vous étaient confiées et d'appliquer les consignes données. Or, vous n'êtes pas sans savoir que vous êtes tenu d'exécuter les instructions qui vous sont données. Nous vous rappelons que vos obligations contractuelles vous contraignent à exécuter le travail prévu par votre contrat de travail, et à respecter les règles et consignes applicables à votre service.
Les faits tels qu'énoncées précédemment sont inacceptables. Ils sont d'autant plus graves que vous ne pouvez ignorer que votre activité professionnelle (conduite des camions poids-lourd - travail en hauteur) nécessite l'exercice de vos missions en équipe, en collaboration avec les salariés de votre service. En effet, votre attitude et les faits qui vous sont reprochés contreviennent à vos obligations contractuelles, aux règles de la collectivité, aux dispositions du règlement intérieur de l'établissement, et sont ainsi incompatibles avec le bon fonctionnement de l'entreprise et la garantie d'assurer la sécurité et la santé de chacun. Nous ne pouvons tolérer de tels agissements dans notre entreprise.
En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les motifs suivants : refus de tâches, insubordination et comportement agressif. ['] » ;
Attendu qu'il en résulte que le licenciement de M. [F] a été prononcé pour refus d'accomplir les tâches qui lui étaient confiées, insubordination et comportement agressif mais pas, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, pour dénonciation d'un harcèlement moral, le simple rappel, dans les quatrième et cinquième paragraphes de la lettre de licenciement, du fait que M. [F] avait informé son employeur de ce qu'il estimait être victime de faits constitutifs d'un harcèlement moral n'érigeant pas cette circonstance en grief invoqué par la société pour justifier le licenciement de M. [F] ; qu'il suit de là que ce licenciement n'était pas fondé sur la dénonciation d'un harcèlement moral en sorte que M. [F] disposait d'un délai de 12 mois pour contester son licenciement, prononcé le 18 octobre 2017 ;
Or, attendu qu'il a saisi le conseil de prud'hommes par requête enregistrée le 29 janvier 2020 ; que son action est donc irrecevable comme prescrite et que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 juillet 2021 par le conseil de prud'hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion ;
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables comme prescrites les demandes de M. [F] ;
Vu l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
Condamne M. [F] à payer à la SA Servair la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité pour frais non répétibles d'instance ;
Condamne M. [F] aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le président