Jurisprudence : CE 5/6 ch.-r., 17-10-2022, n° 459219, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 5/6 ch.-r., 17-10-2022, n° 459219, mentionné aux tables du recueil Lebon

A68168P7

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:459219.20221017

Identifiant Legifrance : CETATEXT000046441443

Référence

CE 5/6 ch.-r., 17-10-2022, n° 459219, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/89030362-ce-56-chr-17102022-n-459219-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

17-05 1) a) Si, par l’effet du 5° de l’article R. 311-2 du code de justice administrative (CJA), la cour administrative d’appel (CAA) de Paris est compétente en premier et dernier ressort pour connaître, par dérogation aux règles générales fixées par le code de justice administrative quant à la compétence de premier ressort des juridictions administratives de droit commun, de l’ensemble des litiges relatifs aux opérations d'urbanisme et d'aménagement, aux opérations foncières et immobilières et aux opérations de construction d’infrastructures, d’équipements et de voiries menées en vue des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, c’est à la condition que ces opérations puissent être regardées, au vu notamment du dossier de candidature de Paris pour ces Jeux, comme étant nécessaires, même pour partie, à la préparation, à l’organisation ou au déroulement de cet événement. ...b) Projet de création de la ligne 17 Nord, qui fait partie du projet d’ensemble du réseau de transports en commun Grand Paris Express, ayant été conçu afin de contribuer à l’aménagement du Nord de l’Ile-France, d’améliorer la couverture de territoires insuffisamment desservis, de permettre aux populations concernées d’accéder plus aisément aux bassins d’emploi et de réduire la circulation automobile dans la région. Projet ayant été envisagé dès 2009 et ayant été déclaré d’utilité publique par décret du 14 février 2017, soit après la présentation officielle, le 23 juin 2015, de la candidature de la ville de Paris pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 mais avant que cette candidature ne soit retenue par le Comité international olympique le 13 septembre 2017. Pièces du dossier d’instruction de la demande de déclaration d’utilité publique, dont la plupart sont postérieures à la présentation officielle de la candidature, et arrêté litigieux du 24 octobre 2018 ne comportant pas de référence aux Jeux Olympiques et Paralympiques, et n’établissant pas de lien entre le projet et la tenue de cet événement. ...Si l’existence du projet de la ligne 17 Nord a été mentionnée dans le dossier de candidature, au titre des éléments de contexte relatifs à l’attractivité de Paris, à l’instar d’autres projets d’infrastructures de transports publics, il ne ressort pas de ce dossier de candidature que les autorités françaises se seraient spécifiquement engagées à réaliser cette infrastructure pour les besoins de l’organisation des Jeux. Au surplus, si la livraison de la gare Le Bourget Aéroport aurait pu être utile à la desserte du secteur olympique du Bourget ou si la ligne 17 Nord aurait pu contribuer à la desserte de sites de compétitions sportives ou du village des médias des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, ces travaux ne seront pas achevés en 2024. Dans ces conditions, les opérations faisant l’objet des actes attaqués ne peuvent être regardées comme étant nécessaires, même partiellement, à la préparation, à l’organisation ou au déroulement des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024....2) En vertu des dispositions de l’article R. 351-9 du CJA, la compétence de la juridiction à laquelle une affaire a été transmise en application de l’article R. 351-3, dès lors que cette juridiction n’a pas mis en œuvre les dispositions de l’article R. 351-6 en renvoyant l’affaire au motif de son incompétence au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat dans un délai de trois mois, ne peut plus être remise en cause, sauf à opposer l’incompétence de la juridiction administrative.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 459219

Séance du 19 septembre 2022

Lecture du 17 octobre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 5ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Les associations France Nature Environnement Ile-de-France, le Collectif pour le Triangle de Gonesse, les Amis de la Confédération paysanne, les Amis de la Terre Val-d'Oise, le Mouvement national de lutte pour l'environnement, Val-d'Oise environnement, la Fédération Des Terres pas d'hypers !, Environnement 93, le Réseau associations pour le maintien d'une agriculture paysanne en Ile-de-France et Vivre mieux ensemble à Aulnay-sous-Bois ont demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté des préfets de la Seine-Saint-Denis, de la Seine-et-Marne et du Val-d'Oise du 24 octobre 2018 autorisant la création et l'exploitation de la ligne 17 Nord du réseau de transports du Grand Paris Express entre le Bourget et le Mesnil-Amelot.

Par un jugement n° 1902037 du 15 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a sursis à statuer sur la demande jusqu'à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la notification du jugement pour permettre la régularisation de l'arrêté du 24 octobre 2018, suspendu partiellement l'exécution de cet arrêté, en tant qu'il autorise les travaux menés à proximité du périmètre de la ZAC du Triangle de Gonesse et ceux relatifs aux ouvrages 3503P et 3505P à Gonesse, à l'emprise extérieure autour de la gare du parc des expositions de Villepinte, à l'ouvrage 3701P à Tremblay-en-France, à l'emprise extérieure à Tremblay-en-France et à la gare du Mesnil-Amelot et réservé jusqu'à la fin de l'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'avait pas été expressément statué par le jugement.

Par un arrêt n° 20VE00338 du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles, saisie d'un appel de la Société du Grand Paris, a annulé le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 15 novembre 2019 et a transmis l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 20PA03478 du 7 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la demande de l'association France Nature Environnement et autres contre l'arrêté du 24 octobre 2018.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2021 et 7 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations France Nature Environnement Ile-de-France et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 ;

- le décret n° 2017-186 du 14 février 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de l'association France Nature Environnement Ile-de-France et autres et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société du Grand Paris ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 septembre 2022, présentée par l'association France Nature Environnement Ile-de-France et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 octobre 2018, les préfets de la Seine-Saint-Denis, du Val-d'Oise et de la Seine-et-Marne ont accordé à la société du Grand Paris une autorisation environnementale pour la création et l'exploitation de la ligne 17 Nord du réseau de transports du Grand Paris Express entre le Bourget (Seine-Saint-Denis) et le Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). Saisi par l'association France Nature Environnement Ile-de-France et plusieurs autres associations, le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 15 novembre 2019, jugé que cet arrêté était entaché d'un vice résultant de l'insuffisance de l'étude d'impact quant à l'analyse des incidences cumulées du projet avec celui de la zone d'aménagement concerté du Triangle de Gonesse et d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de la suffisance des mesures de compensation prévues pour permettre le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces protégées auxquelles il est porté atteinte et a décidé de suspendre partiellement l'exécution de l'arrêté litigieux. Par un arrêt du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement du tribunal administratif de Montreuil en retenant que le litige relevait de la compétence de premier ressort de la cour administrative d'appel de Paris et a transmis l'affaire à cette cour. L'association France Nature Environnement Ile-de-France et autres se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 7 octobre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2018 et de l'arrêté du 4 mars 2021 le complétant.

Sur la compétence de la cour administrative d'appel de Paris :

2. En vertu du 5° de l'article R. 311-2 du code de justice administrative, la cour administrative d'appel de Paris est compétente, à compter du 1er janvier 2019, pour connaître en premier et dernier ressort " des litiges, y compris pécuniaires, relatifs à l'ensemble des actes, autres que ceux prévus aux 1°, 2° et 6° de l'article R. 311-1, afférents : - aux opérations d'urbanisme et d'aménagement, aux opérations foncières et immobilières, aux infrastructures et équipements ainsi qu'aux voiries dès lors qu'ils sont, même pour partie seulement, nécessaires à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ; / - aux documents de toute nature, notamment les documents d'urbanisme et d'aménagement, en tant qu'ils conditionnent la réalisation des opérations, infrastructures, équipements et voiries mentionnés à l'alinéa précédent ; / - aux constructions et opérations d'aménagement figurant sur la liste fixée par le décret prévu au dernier alinéa de l'article 12 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ".

3. Si, par l'effet de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Paris est compétente en premier et dernier ressort pour connaître, par dérogation aux règles générales fixées par le code de justice administrative quant à la compétence de premier ressort des juridictions administratives de droit commun, de l'ensemble des litiges relatifs aux opérations d'urbanisme et d'aménagement, aux opérations foncières et immobilières et aux opérations de construction d'infrastructures, d'équipements et de voiries menées en vue des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, c'est à la condition que ces opérations puissent être regardées, au vu notamment du dossier de candidature de Paris pour ces Jeux, comme étant nécessaires, même pour partie, à la préparation, à l'organisation ou au déroulement de cet événement.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet de création de la ligne 17 Nord, qui fait partie du projet d'ensemble du réseau de transports en commun Grand Paris Express, a été conçu afin de contribuer à l'aménagement du Nord de l'Ile-France, d'améliorer la couverture de territoires insuffisamment desservis, de permettre aux populations concernées d'accéder plus aisément aux bassins d'emploi et de réduire la circulation automobile dans la région. Il a été envisagé dès 2009 et a été déclaré d'utilité publique par décret du 14 février 2017, soit après la présentation officielle, le 23 juin 2015, de la candidature de la ville de Paris pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 mais avant que cette candidature ne soit retenue par le Comité international olympique le 13 septembre 2017. Ni les pièces du dossier d'instruction de la demande de déclaration d'utilité publique, dont la plupart sont postérieures à la présentation officielle de la candidature, ni l'arrêté litigieux du 24 octobre 2018 ne comportent de référence aux Jeux Olympiques et Paralympiques, ni n'établissent de lien entre le projet et la tenue de cet événement. Si l'existence du projet de la ligne 17 Nord a été mentionnée dans le dossier de candidature, au titre des éléments de contexte relatifs à l'attractivité de Paris, à l'instar d'autres projets d'infrastructures de transports publics, il ne ressort pas de ce dossier de candidature que les autorités françaises se seraient spécifiquement engagées à réaliser cette infrastructure pour les besoins de l'organisation des Jeux. Au surplus, si la livraison de la gare Le Bourget Aéroport aurait pu être utile à la desserte du secteur olympique du Bourget ou si la ligne 17 Nord aurait pu contribuer à la desserte de sites de compétitions sportives ou du village des médias des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, ces travaux ne seront pas achevés en 2024. Dans ces conditions, les opérations faisant l'objet des actes attaqués ne peuvent être regardées comme étant nécessaires, même partiellement, à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

5. Toutefois, aux termes du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'État, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 351-6 du même code : " Lorsque le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif, auquel un dossier a été transmis en application du premier alinéa ou de la seconde phrase du second alinéa" de l'article R. 351-3, estime que cette juridiction n'est pas compétente, il transmet le dossier, dans le délai de trois mois suivant la réception de celui-ci, au président de la section du contentieux du Conseil d'État, qui règle la question de compétence et attribue le jugement de tout ou partie de l'affaire à la juridiction qu'il déclare compétente ". Enfin, aux termes de l'article R. 351-9 de ce code : " Lorsqu'une juridiction à laquelle une affaire a été transmise en application du premier alinéa de l'article R. 351-3 n'a pas eu recours aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 351-6 ou lorsqu'elle a été déclarée compétente par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sa compétence ne peut plus être remise en cause ni par elle-même, ni par les parties, ni d'office par le juge d'appel ou de cassation, sauf à soulever l'incompétence de la juridiction administrative ".

6. En vertu des dispositions de l'article R. 351-9 du code de justice administrative qui viennent d'être citées, la compétence de la juridiction à laquelle une affaire a été transmise en application de l'article R. 351-3, dès lors que cette juridiction n'a pas mis en œuvre les dispositions de l'article R. 351-6 en renvoyant l'affaire au motif de son incompétence au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de trois mois, ne peut plus être remise en cause, sauf à opposer l'incompétence de la juridiction administrative.

7. En l'espèce, la cour administrative d'appel de Versailles a, par arrêt du 19 novembre 2020, transmis le dossier de l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, après avoir annulé pour incompétence le jugement rendu en premier ressort par le tribunal administratif de Montreuil. La cour administrative d'appel de Paris n'ayant pas eu recours aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 351-6, la compétence de cette cour pour statuer en qualité de juge de premier ressort sur la demande initialement présentée au tribunal administratif de Montreuil ne peut plus être remise en cause. Dès lors, ainsi que le fait valoir le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le moyen du pourvoi mettant en cause la compétence de la cour administrative d'appel de Paris ne peut qu'être écarté.

Sur les autres moyens du pourvoi :

8. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des ufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces () ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : () / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; () ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

10. Pour apprécier si le projet litigieux répondait à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions précédemment citées du code de l'environnement, la cour administrative d'appel a retenu, d'une part, que le projet de ligne 17 Nord, qui avait été déclaré d'utilité publique par un décret du 14 février 2017, fait partie du réseau du Grand Paris Express qui vise à présenter une alternative à la voiture pour les déplacements de banlieue à banlieue, décongestionner les lignes de transport en commun traversant la zone centrale de l'agglomération parisienne par le développement de l'offre de transport, favoriser l'égalité entre les territoires de la région, soutenir son développement économique, faciliter l'accès au réseau ferroviaire à grande vitesse et aux aéroports et contribuer à préserver l'environnement en favorisant l'utilisation des transports en commun et en limitant l'étalement urbain, d'autre part, que le projet de ligne 17 Nord a plus particulièrement vocation à améliorer l'attractivité de territoires défavorisés et faciliter l'accès à l'emploi de la population de territoires dans lesquels le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale, puis elle a estimé que les différentes circonstances de fait nouvelles et les incertitudes en résultant, invoquées par les associations requérantes, ne remettaient pas en cause l'intérêt du projet. En jugeant ainsi que le projet répondait à une raison impérative d'intérêt public majeur, la cour administrative d'appel a exactement qualifié les faits de l'espèce.

11. Pour juger, ensuite, qu'il n'existait pas d'autre solution satisfaisante, la cour a relevé que les choix réalisés au stade du dossier de déclaration d'utilité publique, lequel avait exposé les différents scénarios envisagés pour le tracé de la ligne 17 Nord, avaient tenu compte des principaux enjeux liés au milieu naturel et que cette prise en compte avait permis l'évitement total des sites Natura 2000 et des zones d'inventaire du milieu naturel. Elle a également relevé que, si le trajet est majoritairement souterrain, le choix d'un tracé aérien entre le Triangle de Gonesse et Tremblay-en-France s'explique par la volonté de limiter les pompages d'eaux souterraines susceptibles d'affecter la nappe souterraine. Elle a retenu enfin que le choix d'un positionnement déporté des emprises nécessaires au chantier au sein d'une zone naturelle à proximité de la commune du Mesnil-Amelot est dicté par la densité importante et les contraintes d'activité du site de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle qui ne permettent pas d'y installer ces emprises. En jugeant, au vu de ces éléments, que les auteurs des arrêtés litigieux n'avaient pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il n'existait pas d'autre solution satisfaisante, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce qui est exempte de dénaturation.

12. Enfin, pour juger satisfaite la condition tenant à ce que le projet ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, la cour a jugé suffisantes, d'une part, les mesures prévues d'évitement des zones abritant des espèces protégées concernant la friche industrielle située au sud-ouest du Triangle de Gonesse qui a été exclue de l'emprise des travaux, ainsi qu'une friche et une partie des fourrés situées respectivement à Gonesse et au Mesnil-Amelot qui ont été préservées par le choix, pour la première, d'un parcours souterrain, pour les secondes, d'une implantation plus au nord, d'autre part, les mesures de compensation prévues par l'arrêté du 24 octobre 2018 et consistant en l'amélioration de la gestion des prairies et en la mise en place de mesures de protection, de restauration et de gestion de plusieurs surfaces situées à proximité du tracé de la ligne 17 Nord, ainsi que par l'arrêté complémentaire du 4 mars 2021 et consistant notamment en la création d'un boisement de la plaine de Pierrelaye d'une superficie d'au moins 32,94 hectares. En statuant ainsi, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, sans les dénaturer.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'association France Nature Environnement Ile-de-France et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'association France Nature Environnement Ile-de-France et autres une somme à verser à la société du Grand Paris au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de l'association France Nature Environnement Ile-de-France et autres est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de la société du Grand Paris présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association France Nature Environnement Ile-de-France, première dénommée pour l'ensemble des associations requérantes, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société du Grand Paris.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 septembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 17 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Catherine Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain

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