COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac 80C
6ème chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 JUILLET 2013
R.G. N° 13/00946
AFFAIRE
Daniel Z
C/
SAS MAGUIN
Décision déférée à la cour Jugement rendu le 22 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DREUX
Section Encadrement
N° RG F12/00041
Copies exécutoires délivrées à
SCP NOMBLOT LEROY ROMEUF
SCP VACCARO ET ASSOCIÉS
Copies certifiées conformes délivrées à
Daniel Z
SAS MAGUIN
le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF JUILLET DEUX MILLE TREIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre
Monsieur Daniel Z
FRETIGNY
Comparant
Assisté de Me Sylvie LEROY membre de la SCP NOMBLOT LEROY ROMEUF, avocats au barreau de CHARTRES
APPELANT
****************
SAS MAGUIN
CHARMES
Comparante en la personne de M. Pierre ..., directeur des ressources humaines, en vertu d'un pouvoir de M. Jérôme ..., président, en date du 15 mai 2013
Assistée de Me François VACCARO membre de la SCP VACCARO ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de TOURS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Mariella LUXARDO, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de
Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, président,
Madame Mariella LUXARDO, conseiller,
Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,
Greffier, lors des débats Madame Sabine MARÉVILLE,
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement rendu le 22 janvier 2013, dans un litige opposant Monsieur Z et la société MAGUIN, le conseil de prud'hommes de DREUX a
DIT que le licenciement de Monsieur Z repose sur une faute grave,
En conséquence,
REJETÉ l'intégralité de ses demandes afférentes à la rupture du contrat,
REJETÉ la demande en rappel sur commissions,
S'EST DÉCLARÉ incompétent sur la demande reconventionnelle de la SAS MAGUIN pour détention d'informations confidentielles par Monsieur Z et sur les dommages intérêts à raison de cet acte considéré déloyal et fautif et invite l'entreprise à saisir la juridiction compétente,
CONDAMNÉ Monsieur Z aux éventuels dépens de l'instance.
La cour est régulièrement saisie d'un appel formé par Monsieur Z contre cette décision.
Monsieur Z a été embauché par la société MAGUIN à compter du 12 décembre 2005 en qualité de responsable technico-commercial.
La société MAGUIN qui emploie plus de 11 salariés, exerce une activité de fabrication d'équipements lourds dans l'agro-alimentaire. La convention collective applicable est celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Monsieur Z qui était chargé de prospecter les marchés pour vendre du matériel mécanique de fabrication d'engrais, a été convoqué avec mise à pied conservatoire par lettre du 18 janvier 2012, à un entretien préalable tenu le 30 janvier, et licencié pour faute grave le 2 février 2012.
Il n'est pas contesté que le salaire moyen s'établissait au moment de la rupture à 5.668 euros. Monsieur Z âgé de 58 ans, s'est inscrit à Pôle Emploi avant de créer sa société en avril 2012.
Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, Monsieur Z demande à la cour de
INFIRMER le jugement du 22 janvier 2013,
ANNULER la sanction du 21 juillet 2011 et déclarer nul le protocole du 21 juillet 2011,
JUGER que le licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
CONDAMNER la société MAGUIN à lui verser les sommes suivantes
* 17.005,29 euros à titre d'indemnité de préavis
* 1.700,50 euros au titre des congés payés afférents
* 6.965,83 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 136.042,32 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1.620,52 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
* 162,05 euros au titre des congés payés afférents
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour attitude vexatoire
* 3.000,00 euros à titre de rappel de commissions
* 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ORDONNER la remise des bulletins de salaires, certificat de travail et attestation POLE EMPLOI à rectifier sous astreinte,
REJETER la demande reconventionnelle de la société MAGUIN.
Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, la société MAGUIN demande à la cour de
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a dit retenu la validité du licenciement prononcé contre Monsieur Z,
FAISANT DROIT à l'appel incident de la société MAGUIN seulement sur sa demande reconventionnelle,
Statuant à nouveau,
CONDAMNER Monsieur Z sous astreinte, à détruire les fichiers copiés visés dans la sommation interpellative du 9 février 2012, en présence d'un huissier, choisi et rémunéré par lui, et après qu'ait été appelée aux opérations de destruction la société MAGUIN et son représentant,
CONDAMNER Monsieur Z au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
En droit, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; l'employeur doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute grave, après l'avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige.
En l'espèce, la lettre de licenciement pour faute grave, en date du 2 février 2012, est fondée sur les griefs suivants
- comportement inacceptable qui avait donné lieu en juillet 2011 à une mise à pied disciplinaire de 3 jours ;
- envoi d'un mail le 13 janvier 2012 à Monsieur Dimitri ..., responsable des Services Clients, avec copie au Directeur Général, au Directeur Industriel et au Directeur des Ventes Séchage, remettant en cause ses compétences, attaques renouvelées par écrit le 14 janvier, ce comportement ayant fragilisé psychologiquement ce salarié qui avait été récemment embauché, avec une ancienneté de moins de 6 mois.
A l'appui de son appel, Monsieur Z fait valoir que son licenciement est disproportionné et injustifié alors qu'il a toujours fait preuve d'une grande loyauté à l'égard de la société ; que les échanges de mails qui lui sont reprochés, ne comportent pas de propos excessifs et ont été utilisés pour l'évincer.
En réplique, la société MAGUIN expose qu'un licenciement disciplinaire était justifié à l'encontre du salarié qui avait remis en cause les compétences du Directeur Général, ce qui lui avait valu la sanction du 21 juillet 2011, et avait réitéré son comportement à l'égard de Monsieur ..., en l'agressant verbalement.
S'agissant en premier lieu de la sanction du 21 juillet 2011, il convient de constater l'irrégularité de la procédure appliquée par la société MAGUIN qui a prononcé une mise à pied de 3 jours à l'encontre du salarié, lui faisant signer un protocole d'accord par lequel Monsieur Z déclarait accepter la sanction alors que s'agissant d'une procédure disciplinaire ayant eu un effet sur la rémunération, il convenait d'organiser un entretien préalable avec information sur la possibilité de se faire assister, la signature d'un protocole d'accord étant également contraire au prononcé d'une sanction qui est l'expression du pouvoir disciplinaire de l'employeur.
En outre, il convient de relever la contrariété entre la lettre de mise à pied qui constate la dénégation des faits par Monsieur Z et le protocole d'accord constatant la reconnaissance des faits, qui sur le fond, ne sont pas établis, les griefs étant répertoriés en 5 catégories, alors que la société ne verse aux débats que des éléments de preuve visant à caractériser un dénigrement de l'entreprise, par des propos dont la teneur reste imprécise, de sorte que la mise à pied de 3 jours n'apparaît pas légitime.
L'annulation de la sanction et du protocole du 21 juillet 2011, se trouve donc justifiée.
S'agissant ensuite des échanges de mails des 13 et 14 janvier 2012 avec Monsieur Dimitri ..., il ressort des messages versés aux débats que Monsieur Z a tenu des propos excessifs puisque, ayant été informé par celui-ci, qui ne faisait que se conformer à une directive prise par la direction générale de ne plus envoyer de personnel au Pakistan, Monsieur Z a pris l'initiative de lui faire une réponse avec copie au Directeur Général et à ses supérieurs directs, dans les termes suivants '... avec seulement trois mois d'ancienneté et une méconnaissance totale des tubes tournants, j'aurais souhaité que vous me consultiez. C'est la troisième bévue à ma connaissance de votre exercice. J'espère qu'il ny en aura pas d'autre.'
Puis, le 14 janvier, Monsieur Z a adressé un long message à Monsieur ... énonçant notamment 'Je ne suis pas en charge de vérifier votre travail mais je constate que vous avez pris des initiatives seul, sans connaissance particulière du client, du matériel et du marché et ces actions vont a rencontre des intérêts de MAGUIN ... Il semblerait que vos relations avec les personnes de votre équipe ne soient pas idéales. Nous allons voir Olivier ... et moi lundi matin comment nous pouvons 'rattraper' le coup ...'
Ce message s'apparente à un rappel à l'ordre alors que Monsieur Z ne disposait pas d'un pouvoir hiérarchique sur Monsieur ... qui au contraire, en qualité de responsable des Services Clients (au sein de la direction industrielle) se situe au même niveau que le supérieur hiérarchique de Monsieur Z, Monsieur ... (au sein de la direction commerciale).
Ces échanges ont été de nature à fragiliser les relations au sein de l'entreprise, ce qui nuit à son bon fonctionnement, et tel que l'a confirmé le courrier que Monsieur ... a adressé à la direction des ressources humaines le 16 janvier, posant la question de la poursuite de son contrat de travail.
Ces éléments permettent de légitimer la décision de l'employeur de mettre un terme au contrat de Monsieur Z, alors que ses entretiens d'évaluation montrent qu'il était connu pour son tempérament impulsif. Toutefois, la faute grave privative du préavis n'est pas caractérisée en l'absence de nécessité de mettre un terme immédiat au contrat de travail.
En conséquence, il convient de considérer que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse, et de prononcer une requalification dans ce sens, ouvrant droit au versement des indemnités de préavis et de licenciement. En revanche, la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire n'est pas justifiée.
Sur le rappel de la commission
Monsieur Z réclame le paiement d'une commission de 3.000 euros afférente à une commande Victoria Group, la société MAGUIN s'y opposant au motif que le contrat a été signé le 2 janvier 2012 par Monsieur ... et que Monsieur Z avait été déchargé de la relation clients depuis juillet 2011.
Or, le droit au paiement de la commission résulte du contrat de travail de Monsieur Z en sa qualité de commercial, la société ne pouvant pas lui retirer la part de la rémunération variable expressément fixée par ce contrat.
Il convient par suite de faire droit à cette demande qui n'est pas contestée dans son montant. Sur la remise des documents conformes
Il convient d'enjoindre à la société MAGUIN de remettre à Monsieur Z les documents de travail (bulletins de paie, attestation Pôle Emploi, certificat de travail) conformes au présent arrêt, sans astreinte laquelle n'apparaît pas nécessaire à ce stade.
Sur la demande reconventionnelle
La demande reconventionnelle qui vise à la destruction des fichiers copiés par Monsieur Z sur le disque dur de son ordinateur, est accessoire au litige existant avec l'employeur. Le conseil de prud'hommes de DREUX a donc considéré à tort qu'il n'était pas compétent pour statuer sur cette demande.
Sur le bien-fondé de la demande, les pièces produites par la société MAGUIN ne permettent pas de retenir qu'il existe un risque d'utilisation des documents à des fins commerciales. En effet, la copie du disque dur en une seule opération, établit que cette copie était directement liée aux conditions de la rupture, sans que soient produits d'éléments laissant supposer une autre utilisation que celle qui a été faite dans la procédure prud'homale.
Par suite, cette demande n'est pas justifiée.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Au vu de la solution du litige, il convient de mettre à la charge de la société MAGUIN, la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur Z.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME le jugement du 22 janvier 2013 en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement vexatoire,
L'INFIRME pour le surplus,
PRONONCE la nullité de la sanction et du protocole du 21 juillet 2011,
DIT que le licenciement de Monsieur Z par la société MAGUIN est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur la faute grave,
CONDAMNE la société MAGUIN à lui verser les sommes suivantes
* 17.005,29 euros (DIX SEPT MILLE CINQ EUROS ET VINGT NEUF CENTIMES) à titre d'indemnité de préavis
* 1.700,50 euros (MILLE SEPT CENT EUROS ET CINQUANTE CENTIMES) au titre des congés payés afférents
* 6.965,83 euros (SIX MILLE NEUF CENT SOIXANTE CINQ EUROS ET QUATRE VINGT TROIS CENTIMES) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 1.620,52 euros (MILLE SIX CENT VINGT EUROS ET CINQUANTE DEUX CENTIMES) à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire
* 162,05 euros (CENT SOIXANTE DEUX EUROS ET CINQ CENTIMES) au titre des congés payés afférents
* 3.000,00 euros (TROIS MILLE EUROS) à titre de rappel de commissions
DIT que ces sommes produisent des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,
ORDONNE la remise des bulletins de salaires, certificat de travail et attestation POLE EMPLOI conformes à cet arrêt, sans astreinte,
REJETTE la demande reconventionnelle de la société MAGUIN,
CONDAMNE la société MAGUIN à payer à Monsieur Z la somme de 3.000 euros (TROIS MILLE EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Marie-Paule ..., président, et par Sabine ..., greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,