CIV.3 IK
COUR DE CASSATION
Audience publique du 3 juillet 2013
Rejet
M. TERRIER, président
Arrêt no 815 FS-P+B
Pourvoi no N 12-21.541
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Mohamed Z, domicilié Dunkerque,
contre l'arrêt rendu le 11 avril 2012 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant à M. Franckie Y, domicilié Dunkerque,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 mai 2013, où étaient présents M. Terrier, président, M. Parneix, conseiller rapporteur,
Mmes Fossaert, Feydeau, Masson-Daum, M. Echappé, Mmes Andrich, Salvat, conseillers, Mmes Proust, Pic, M. Crevel, Mmes Meano, Collomp, conseillers référendaires, M. ... thalin, avocat général, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. Z, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. Y, l'avis de M. Laurent-Atthalin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 avril 2012), que M. Y, propriétaire d'un local commercial donné à bail à M. Z, a délivré à celui-ci, après la date d'expiration du bail, un congé pour motif grave et légitime avec refus de renouvellement sans offre d'une indemnité d'éviction ; que M. Z l'a assigné en annulation du congé et en constatation de la poursuite du bail ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt de déclarer le congé valable alors, selon le moyen
1o/ que la loi nouvelle, même d'ordre public, ne peut, en l'absence de dispositions spéciales, régir les effets à venir des contrats conclus antérieurement ; qu'en retenant que les dispositions de l'article L. 145-9 alinéa 1 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 sont d'application immédiate, y compris aux contrats en cours, dès lors qu'elles modifient les dispositions d'un droit statutaire d'ordre public, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;
2o/ qu'en s'abstenant de caractériser les raisons d'une application immédiate de l'article L. 145-9 alinéa 1 du code de commerce dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008, que sa nature d'ordre public ne pouvait à elle seule justifier, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble la disposition précitée du code de commerce ;
Mais attendu que les effets légaux d'un contrat étant régis par la loi en vigueur à la date où ils se produisent, la cour d'appel qui a exactement retenu que la loi du 4 août 2008, modifiant l'article L. 145-9 du code de commerce et imposant de délivrer congé pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance, était applicable aux contrats en cours et qui a relevé que le congé avait été donné le 30 mars 2009 pour le 30 septembre 2009, en a déduit, à bon droit, que le congé était valable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé
Attendu qu'ayant relevé que le loyer de la période 2008-2009 avait fait l'objet d'une mise en demeure le 15 mai 2008 et que son paiement effectif n'était intervenu que le 3 juillet 2008 et exactement retenu que le défaut allégué de délivrance des quittances n'était pas de nature à justifier le défaut de paiement des loyers, la cour d'appel en a souverainement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que le manquement commis par M. Z constituait un motif grave et légitime de refus de paiement d'une indemnité d'éviction et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z à payer à M. Y la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. Z ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR validé le congé du 30 mars 2009 et d'avoir, en conséquence, débouté monsieur Z de sa demande d'annulation de ce congé, de sa demande tendant à lui voir reconnaître le droit au maintien dans les lieux conformément au bail du 7 mars 2000, et de sa demande subsidiaire en paiement d'une indemnité d'éviction ;
AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article L. 145-9 alinéa 1 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 sont d'application immédiate, y compris aux contrats en cours, dès lors qu'elles modifient les dispositions d'un droit statutaire d'ordre public ; qu'au regard de ces dispositions, le congé donné le 3 mars 2009 pour le 30 septembre 2009 est régulier, les dispositions précitées prescrivant que le congé doit être donné " pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance " ; que la contestation soulevée à ce titre doit donc être écartée ;
1o) ALORS QUE la loi nouvelle, même d'ordre public, ne peut, en l'absence de dispositions spéciales, régir les effets à venir des contrats conclus antérieurement ; qu'en retenant que les dispositions de l'article L. 145-9 alinéa 1 du code de commerce, dans leur rédaction résultant de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 sont d'application immédiate, y compris aux contrats en cours, dès lors qu'elles modifient les dispositions d'un droit statutaire d'ordre public, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil ;
2o) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU' en s'abstenant de caractériser les raisons d'une application immédiate de l'article L. 145-9 alinéa 1 du code de commerce dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008, que sa nature d'ordre public ne pouvait à elle seule justifier, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble la disposition précitée du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR validé le congé du 30 mars 2009 et d'avoir, en conséquence, débouté monsieur Z de sa demande d'annulation de ce congé, de sa demande tendant à lui voir reconnaître le droit au maintien dans les lieux conformément au bail du 7 mars 2000, et de sa demande subsidiaire en paiement d'une indemnité d'éviction ;
AUX MOTIFS QUE le bail conclu entre les parties stipule que le loyer est exigible en un seul versement le 1er mai de chaque année ; qu'il résulte de l'ensemble des documents produits par les parties, et notamment par monsieur Z lui-même, que le loyer et les charges afférentes sont payés, de façon systématique, avec retard ; que le loyer de la période 2005-2006 et de la période 2006-2007 n'a été payé qu'après délivrance d'un commandement le 12 juin 2006 et au-delà du délai d'un mois visé dans le commandement, le juge des référés ayant toutefois suspendu les effets de la clause résolutoire visée dans le commandement ; que le loyer de la période 2007-2008 a fait l'objet d'un règlement partiel le 1er juin 2007 ; que le loyer de la période 2008-2009 a fait l'objet d'une mise en demeure le 15 mai 2008 ; que si monsieur Z soutient qu'il avait tenté de remettre en mains propres le montant du loyer à M. Y, il apparaît, à la lecture des termes non contestés de la lettre de celui-ci au conseil de monsieur Z en date du 15 juillet 2008, que cette tentative de remise en mains propres s'est faite le 28 mai, " à l'improviste " soit largement après la date d'exigibilité du loyer ; que le paiement effectif n'est intervenu que le 3 juillet 2008 à la suite de l'envoi par monsieur Z d'un chèque par lettre recommandée avec avis de réception ; que le loyer de la période 2009-2010, exigible au 1er mai 2009, a été payé en octobre 2009 ; qu'il apparaît également que les factures de consommation d'eau ont fait l'objet de mises en demeure répétées et ont été payées avec un retard constant ; que si monsieur Z établit avoir fait procéder à des offres de paiement par voie d'huissier, il n'établit en aucun cas que, au titre des retards ci-dessus relevés, il ait, en temps utile au regard de la date d'exigibilité du loyer, tenté de procéder à un paiement amiable ; que le défaut de délivrance de quittance par le bailleur, allégué par monsieur Z, n'était pas de nature à le dispenser de procéder au paiement du loyer et des charges ; que les retards de paiement, à caractère répété et systématique, des loyers et des charges constituent un manquement grave aux obligations du preneur et s'analysent en un motif grave et légitime au sens de l'article L. 145-17 du code de commerce, en vertu duquel le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité ;
1o) ALORS QUE l'inexécution par le preneur d'une de ses obligations ne peut être invoquée comme motif grave et légitime de refus de renouvellement du bail que si l'infraction s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après une mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser ; qu'en s'abstenant de constater, à l'exception du loyer relatif à la période 2008-2009, l'existence d'une mise en demeure du bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.145-17 du code de commerce ;
2o) ALORS QU' en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de monsieur Z du 11 janvier 2012 (p. 7, in fine), s'il n'avait pas été statué définitivement sur les loyers de la période 2005-2006 et de la période 2006-2007 par un arrêt de la cour d'appel de Douai du 15 mai 2007, versé aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil et de l'article L.145-17 du code de commerce ;
3o) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QU' en retenant, au titre du motif grave et légitime, des retards de loyers afférents à la période 2005-2006 et à la période 2006-2007, tout en constatant que le juge des référés avait suspendu les effets de la clause résolutoire visés dans le commandement du 12 juin 2006, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article L.145-17 du code de commerce ;
4o) ALORS QUE le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'en retenant, s'agissant du loyer de la période 2008-2009, qu'il apparaissait, à la lecture des termes non contestés de la lettre de celui-ci au conseil de monsieur Z en date du 15 juillet 2008, que cette tentative de remise en mains propres s'est faite le 28 mai, " à l'improviste " soit largement après la date d'exigibilité du loyer, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 alinéa 1er du code civil ;
5o) ALORS QU' en retenant que les factures de consommation d'eau avaient fait l'objet de mises en demeure répétées et avaient été payées avec un retard constant, sans préciser leur date d'exigibilité ni les dates de paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.145-17 du code de commerce ;
6o) ALORS QUE l'inexécution de ses obligations par une partie à un contrat synallagmatique permet à l'autre d'opposer l'exception d'inexécution ; qu'en retenant que le défaut de délivrance de quittance par le bailleur, allégué par monsieur Z, n'était pas de nature à le dispenser de procéder au paiement du loyer et des charges, quand le manquement du bailleur à ses obligations permettait au preneur de lui opposer l'exception d'inexécution de ses propres obligations, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.