ARRÊT N°
BP/DB
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 03 JUILLET 2013
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
SECTION A
Contradictoire
Audience publique
du 05 juin 2013
N° de rôle 12/01263
S/appel d'une décision
du tribunal de grande instance de LONS-LE-SAUNIER
en date du 04 avril 2012 [RG N° 10/00439]
Code affaire 63B
Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice
Dominique RUEZ C/ SCP BECHERET THIERRY SENECHAL GORRIAS
Mots-clés Responsabilité civile extra-contractuelle - Epoux commun en biens - Liquidation judiciaire - Immeuble commun - Vente de gré à gré - Absence de versement de l'intégralité au liquidateur - Notaire - Faute
PARTIES EN CAUSE
Monsieur Dominique Z
demeurant CHAUSSIN
APPELANT
Représenté par Me Nadine LUTZ-ALBER (avocat au barreau de LONS-LE-SAUNIER) et Me Benjamin X (avocat au barreau de BESANCON)
ET
SCP BECHERET THIERRY SENECHAL GORRIAS
dont le siège est CHALON SUR SAONE
agissant en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur Gilles W
INTIMÉE
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER (avocat au barreau de BESANCON)
et Me Jean-Paul V (avocat au barreau de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats
PRÉSIDENT Monsieur B. POLLET, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.
ASSESSEURS Madame V. ..., et Monsieur J. ..., Conseillers.
GREFFIER Madame D. BOROWSKI, Greffier.
lors du délibéré
PRÉSIDENT Monsieur B. POLLET, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.
ASSESSEURS Madame V. ..., et Monsieur J. ..., Conseillers
L'affaire, plaidée à l'audience du 05 juin 2013 a été mise en délibéré au 03 juillet 2013. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. W a été déclaré en liquidation judiciaire le 25 juillet 2001 et la SCP Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias (la SCP BTSG) a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 9 novembre 2005 a été prononcé le divorce du débiteur. Maître Z, notaire, a ultérieurement été commis pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la communauté de biens ayant existé entre les époux.
Par ordonnance du juge-commissaire en date du 21 novembre 2007, la SCP BTSG a été autorisée à vendre de gré à gré un immeuble commun à M. W et à son ex-épouse.
L'acte de vente a été reçu le 28 décembre 2007 par Maître Z. Sur le prix net vendeur, d'un montant de 156 907,01 euros, le notaire a versé 98 573,36 euros au liquidateur de M. W, somme correspondant au montant estimé du passif.
La SCP BTSG ayant ultérieurement demandé au notaire de lui verser le solde du prix, celui-ci s'y est refusé et a versé 58 000 euros aux ex-époux.
Par jugement en date du 4 avril 2012, le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier a
- déclaré Maître Z seul et entièrement responsable du préjudice subi par la SCP BTSG à l'occasion de la vente de l'immeuble de Peseux ayant appartenu aux époux ...,
- condamné Maître Z à lui payer une provision de 58 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, somme qui produira intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2008,
- dit qu'il appartiendra au liquidateur, lorsqu'il disposera de son compte définitif approuvé par le juge-commissaire, d'en adresser une copie à Maître Z et de lui restituer l'éventuel trop-perçu,
- condamné Maître Z à payer au liquidateur la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Maître Z aux dépens dont distraction au profit de Maître ..., avocat.
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Maître Z a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 1er juin 2012.
Il demande à la cour, à titre principal, de débouter la SCP BTSG, et, à titre subsidiaire, de limiter sa condamnation à la somme de 14 602,43 euros.
Maître Z conteste avoir commis une faute, faisant valoir que c'est conformément aux instructions de la SCP BTSG qu'il lui a adressé la somme de 98 573,36 euros, que le liquidateur a accepté ce versement le 7 janvier 2008, et qu'il a attendu le 2 décembre 2008 pour réclamer le solde du prix. Il ajoute que, le bien vendu étant commun aux deux époux, le liquidateur du mari ne pouvait appréhender que la moitié du prix.
Subsidiairement, Maître Z soutient que c'est grâce à son intervention que l'immeuble a pu être vendu pour 156 907,01 euros et que, sinon, le prix n'aurait pas excédé 110 000 euros. Il en déduit que le préjudice se limite à la somme qu'il a versée à M. W, soit 14 602,43 euros.
L'appelant réclame une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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La SCP BTSG conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelant à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés pour assurer sa défense en cause d'appel.
En réponse aux moyens invoqués par l'appelant, elle fait valoir qu'en application de l'article 140 du décret du 27 décembre 1985 (devenu article R. 643-3 du code de commerce), la totalité du prix de l'immeuble vendu de gré à gré devait lui être versée par le notaire, et qu'elle en avait informé Maître Z. Elle ajoute que la somme de 98 573,36 euros ne correspondait qu'à une estimation provisoire du passif déclaré, qu'elle n'a accepté de percevoir cette somme qu'à titre d'acompte, et que la dite somme est insuffisante pour couvrir les créances nées après ouverture de la procédure collective et les frais de cette procédure. Enfin, elle soutient que, contrairement à ce que prétend Maître Z, c'est bien la totalité du prix de vente, et non la moitié, qui devait être affectée au paiement du passif de la liquidation judiciaire de l'époux.
Quant au préjudice, la SCP BTSG affirme qu'il consiste en la somme de 58 000 euros que le notaire aurait dû lui verser et que, lorsque le passif aura été définitivement arrêté et payé, elle restituera au notaire le reliquat éventuel revenant aux ex-époux Gommeret, comme l'a prévu le tribunal.
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Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions des parties, transmises à la cour le 10 janvier 2013 pour l'appelant et déposées le 17 octobre 2012 pour l'intimée.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 15 mai 2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la faute du notaire
Attendu que, selon l'article 1413 du code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs ;
Attendu qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, le divorce des époux ... ayant été prononcé postérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire du mari commun en biens, l'immeuble commun était compris dans le périmètre de la liquidation judiciaire ;
Attendu que c'est donc bien la totalité du prix de vente de l'immeuble, et non pas seulement la moitié (comme cela eût été le cas si les époux avaient été séparés de biens), qui devait être affectée au règlement du passif de la liquidation judiciaire du mari ; qu'au demeurant, la somme de 98 573,36 euros versée par le notaire au liquidateur judiciaire était supérieure à la moitié du prix ;
Attendu par ailleurs que l'article R. 643-3 du code commerce énonce expressément qu'en cas de vente de gré à gré, le notaire chargé de la vente remet le prix, dès sa perception, au liquidateur ;
Attendu que cette règle avait été rappelée par la SCP BTSG à Maître Z par courriers du 23 octobre 2007 et du 23 novembre 2007, le liquidateur ayant bien indiqué 'qu'il lui appartiendrait de procéder à l'intégralité des répartitions' ;
Attendu que, s'il est peut-être regrettable que le liquidateur n'ait pas alerté le notaire sur le caractère provisoire de l'estimation du passif et qu'il n'ait formulé aucune réserve lorsque le notaire lui a versé la somme de 98 573,36 euros correspondant à cette estimation, il n'en demeure pas moins que le notaire, professionnel du droit, ne pouvait ignorer qu'il était tenu de verser la totalité du prix au liquidateur et qu'il a commis une faute en s'affranchissant de cette règle ;
Attendu que le notaire s'est par ailleurs montré pour le moins imprudent en déconsignant le solde du prix en faveur des ex-époux, sans l'accord du liquidateur judiciaire du mari, alors que la procédure de liquidation judiciaire n'était pas clôturée et qu'il n'avait pas été informé du montant définitif du passif ;
Attendu que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu la responsabilité de Maître Z ;
Sur le préjudice
Attendu que rien ne permet d'affirmer que, si l'immeuble avait été vendu aux enchères plutôt que de gré à gré par l'intermédiaire de Maître Z, le prix obtenu aurait été moins élevé ;
Attendu que le préjudice subi par la liquidation judiciaire de M. W consiste dans la somme qui aurait du être versée par le notaire au liquidateur et qui fait défaut pour payer la totalité du passif et des frais de justice ;
Attendu que cette somme n'étant pas encore connue puisque, selon le liquidateur, le passif n'a pas encore été définitivement arrêté, c'est avec raison que les premiers juges ont condamné le notaire à verser au liquidateur la somme de 58 000 euros correspondant au solde du prix de vente de l'immeuble qui devait revenir au liquidateur, à charge pour celui-ci de restituer l'éventuel trop-perçu lorsqu'il aura payé l'intégralité du passif de la liquidation judiciaire ;
Attendu que le jugement déféré doit donc être intégralement confirmé ; Sur les frais et dépens
Attendu que l'appelant, qui succombe en son recours, sera condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'intimée en cause d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l'appelant tendant à être indemnisé de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel de Maître Dominique Z recevable, mais non fondé ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 avril 2012 par le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier ;
Ajoutant au dit jugement,
CONDAMNE Maître Dominique Z à payer à la SCP Becheret- Thierry- Senechal-Gorrias, en qualité de liquidateur judiciaire de M. Gilles W, la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;
REJETTE la demande de Maître Dominique Z formée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Maître Dominique Z aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP d'avocats Dumont-Pauthier, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LEDIT ARRÊT a été signé par B. POLLET, conseiller, faisant fonction de président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par D. BOROWSKI, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE