Jurisprudence : CAA Lyon, 4e, 09-06-2011, n° 09LY02354



N° 09LY02354

Mme Marie-Pierre A

M. du BESSET, président

Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL, rapporteur

Mme VINET, rapporteur public

Lecture du 9 juin 2011

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d'appel de Lyon

4ème chambre


Vu la requête, enregistrée le 7 octobre 2009, présentée pour Mme Marie-Pierre A, cabinet MPC avocats, dont le siège est 11 rue Saint Lazare à Paris (75009) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703640 du 10 septembre 2009 en tant que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne à lui verser la somme de 91 200 euros en réparation des conséquences dommageables de son éviction du marché de conseil et de représentation juridique ;

2°) de condamner l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne à lui verser la somme de 91 435,20 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est irrégulier faute de répondre aux moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision de rejet et à celui tiré du défaut de communication de l'offre de l'attributaire ainsi qu'aux moyens de fond soulevés à l'encontre des décisions ; que le Tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit en considérant, après avoir constaté l'illégalité de la procédure d'appel d'offres, qu'elle ne serait pas fondée à demander une indemnisation au titre de son éviction illégale ; que le cabinet avait non seulement des chances de succès, mais aussi de sérieuses chances d'obtenir le marché ; que n'étant pas dépourvue de toute chance de remporter le marché, elle a droit à être indemnisée des frais de présentation de son offre ; qu'on ne peut considérer que seul le candidat classé premier avait des chances sérieuses ; que l'attribution de la note au titre du critère de la valeur technique est sujette à caution ou opaque ; qu'il y aurait lieu d'obtenir la production de l'offre de l'attributaire afin de vérifier le respect des principes déontologiques ; que son éviction est susceptible de résulter de l'appartenance commune de la collectivité et de l'attributaire à une association visant à favoriser la connaissance mutuelle de ses membres ; que les besoins étaient très mal décrits et présentés tandis que d'autres critères non prévus ont été manifestement utilisés ; que la rupture d'égalité des candidats est certaine ; que le classement qui a été attribué à son cabinet est très contestable au regard de ses mérites ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2010, présenté pour l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne qui conclut au rejet de la requête par les motifs qu'elle est irrecevable faute d'être formée par la même personne que le requérant de première instance ; que dans le cas où le demandeur obtient satisfaction, le juge peut se borner à statuer sur le vu d'un seul moyen ; que l'office n'a pas commis de fautes en attribuant le marché au cabinet Prévot et en écartant celle du cabinet MPC qui était en deuxième place concernant le prix et en dernière s'agissant de la qualité de l'offre comme ne justifiant pas d'une connaissance particulière du milieu HLM, ni en matière de gestion locative et ne présentant que des connaissances générales en matière de ressources humaines ; que l'illégalité de la lettre rejetant son offre pour incompétence du signataire est un vice propre de ce courrier, indépendant de la légalité du marché public signé ; la requérante ne démontre pas qu'elle disposait d'une chance sérieuse d'obtenir le marché ; que le montant du préjudice ne repose sur aucune base sérieuse de calcul ;

Vu, enregistré le 19 avril 2011, le mémoire présenté pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que sa requête et en outre à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'OPAC au titre des frais irrépétibles de première instance, par les mêmes moyens et par les moyens, en outre, que le marché viole les règles déontologiques exigées en matière de rémunération des avocats par la directive 2004/18/CE ; que le droit à un procès équitable exige la communication de l'offre de l'attributaire ; que c'est à tort que le Tribunal ne l'a pas fait bénéficier de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la partie perdante en première instance et condamnée au paiement des frais irrépétibles peut non seulement en demander le remboursement en appel mais encore demander aux juges d'appel l'allocation d'une somme au titre des frais exposés en première instance ;

Vu enregistré le 21 avril 2011 le mémoire par lequel l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et par les moyens, en outre, que le bordereau des prix unitaires annexé à l'acte d'engagement permettait aux prestataires de fixer leurs honoraires conformément aux règles déontologiques ;

Vu, enregistré le 12 mai 2011, le mémoire présenté pour Mme A qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2011 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- les observations de Me Ducher, représentant l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne ;

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Ducher ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en appel :

Considérant que par avis publié le 20 novembre 2006, l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne a lancé, selon la procédure adaptée, un appel public à la concurrence en vue de la passation d'un marché, à bons de commande, de services juridiques ; que Mme Marie-Pierre A, avocat sous l'enseigne cabinet MPC Avocats, a présenté une offre ; que par courriers du 22 décembre 2006 et du 5 janvier 2007, le directeur développement et patrimoine de l'office l'a successivement informée du rejet de son offre et du nom de l'attributaire du marché ; que saisi par Mme A, le Tribunal administratif de Lyon, par jugement du 10 septembre 2009, a annulé la décision portant rejet de l'offre du cabinet MPC Avocats et celle portant attribution du marché au cabinet Prévot, en raison de l'incompétence de leur signataire ; que Mme A fait appel de ce jugement seulement en tant qu'il a, par ailleurs, rejeté les conclusions indemnitaires qu'elle avait formulées à l'encontre de l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne sur le fondement de son éviction dudit marché ; que l'office se borne, de son côté à conclure au rejet de la requête d'appel ;

Considérant qu'ayant obtenu en première instance l'annulation des deux décisions qu'elle contestait, Mme A est sans intérêt à contester la régularité du jugement en tant qu'il statue sur la légalité de ces deux décisions ;

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;

Considérant que si la requérante fait valoir que la compétence de son cabinet justifiait qu'il soit retenu au terme de la consultation, il résulte de l'instruction qu'à l'issue de l'examen des trois offres reçues par l'office, le cabinet MPC avocats se situait en deuxième place concernant le critère du prix, qui comptait pour 30 % dans l'appréciation des offres, mais était classé en dernière position sur l'autre critère, prépondérant, tiré de la qualité de l'offre, appréciée à partir des expériences et des capacités professionnelles dans le milieu HLM, dans le domaine de la gestion locative et des ressources humaines ; qu'en particulier le cabinet MPC avocats ne faisait état d'aucune connaissance très spécifique du milieu HLM, ni de compétence en matière de gestion locative ; que, dans ces conditions, le cabinet MPC avocats étant dépourvu de toute chance de remporter le marché, Mme A ne peut prétendre à aucune indemnité en raison de son éviction ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions indemnitaires de sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la première instance :

Considérant que, dès lors que Mme A n'a pas sollicité en appel l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande formulée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ses conclusions présentées en cours d'instance devant la Cour tendant à l'allocation d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de l'instance d'appel :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne tendant à ce que soit mis à la charge de Mme A le paiement de la somme qu'elle demande au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Marie-Pierre A, à l'office public d'aménagement et de construction de Villeurbanne et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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