SOC. PRUD'HOMMES FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 juin 2013
Rejet
M. BÉRAUD, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt no 1178 F-D
Pourvoi no C 11-28.336
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Generali assurances IARD, dont le siège est Paris,
contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2011 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à M. Jean-François Y, domicilié Saint-Maur des Fossés,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 mai 2013, où étaient présents M. Béraud, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Lambremon, M. Struillou, conseillers, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Béraud, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Generali assurances IARD, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. Y, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2011), que M. Y, engagé en septembre 1984 en qualité d'attaché de direction par la compagnie d'assurances La Concorde aux droits de laquelle vient la société Generali a sollicité le bénéfice de ses droits à la retraite en juin 2010 ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société Generali fait grief à l'arrêt de dire que, lors de son départ en retraite, M. Y doit bénéficier du régime de retraite mis en place au 1er janvier 1993 et d'ordonner à la société de lui délivrer les titres de rente conformes à cet engagement sur la base d'un montant initial de 11 208,77 euros pour le dernier trimestre 2010, dans le respect des modalités de revalorisation et réversion telles que décrites dans l'engagement, et ce, dans le délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, alors, selon le moyen
1o/ qu'il n'existe aucun droit acquis à bénéficier d'un régime de retraite supplémentaire à cotisations patronales et à prestations définies mais non garanties, résultant de l'engagement unilatéral de l'employeur ; qu'ayant expressément constaté que le régime de retraite en cause avait été institué par décision unilatérale de la société La Concorde, qu'il s'agit d'un régime de retraite supplémentaire à prestations définies mais non garanties, financé exclusivement par la société, et que, courant 2005, l'employeur avait décidé de modifier le règlement du régime afin notamment d'uniformiser les différents régimes en vigueur au sein des sociétés du groupe, la cour d'appel qui retient que la modification intervenue par simple décision unilatérale n'est pas opposable à M. Y qui est en droit de prétendre à la liquidation de ses droits selon les modalités de l'accord initial, a violé les articles 1134 du code civil et L. 911-1 du code de la sécurité sociale ;
2o/ qu'un régime complémentaire de retraite créé non par voie d'accord collectif ou à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'une proposition de l'employeur, mais par une décision unilatérale du chef d'entreprise, peut être modifié ou révisé dans les formes mêmes dans lesquelles il a été créé et ne nécessite donc pas un accord collectif ou ratifié ; qu'en retenant qu'il résulte des articles L. 911-1 et L. 911-5 du code de la sécurité sociale que l'engagement unilatéral instaurant un régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
3o/ qu'ayant expressément constaté que, courant 2005, l'employeur avait simplement modifié le règlement du régime de retraite supplémentaire à prestations définies mais non garanties, financé exclusivement par la société, afin notamment d'uniformiser les différents régimes en vigueur au sein des sociétés du Groupe, sans aucunement dénoncer ledit régime à l'égard de M. Y, la cour d'appel qui, pour retenir que la modification intervenue par simple décision unilatérale n'est pas opposable au salarié, relève que l'engagement unilatéral instaurant le régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié et qu'il n'est pas contesté qu'il n'a pas même été procédé à une information des instances représentatives du personnel dans un délai suffisant pour permettre d'éventuelles négociations, a violé les dispositions de l'article 1134 du code civil, ensemble, et par fausse application, les règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le régime de retraite supplémentaire à cotisations patronales et à prestations définies mais non garanties résultait d'un engagement unilatéral de l'employeur et que ce dernier l'avait modifié au détriment des salariés sans avoir procédé à une information des instances représentatives du personnel dans un délai suffisant pour permettre d'éventuelles négociations, la cour d'appel, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, a décidé à bon droit que la modification intervenue n'était pas opposable au salarié ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Generali assurance IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Generali assurance IARD et condamne cette dernière à payer à M. Y la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Generali assurances IARD.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait débouté Monsieur Y de ses demandes au titre du régime de retraite et des rémunérations variables et, statuant à nouveau de ces chefs, D'AVOIR dit que, lors de son départ en retraite, Monsieur Y doit bénéficier du régime de retraite mis en place au 1er janvier 1993 et ordonné à la société exposante de lui délivrer les titres de rente conformes à cet engagement sur la base d'un montant initial de 11.208,77 euros pour le dernier trimestre 2010, dans le respect des modalités de revalorisation et réversion telles que décrites dans l'engagement, et ce, dans le délai de deux mois suivant la signification de son arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Y soutient qu'il doit bénéficier du régime de retraite mis en place par la société le 1er janvier 1993 et décrit dans l'avenant du 4 mai 2000 faute d'une modification régulière qui lui soit opposable ; que, dans un deuxième temps, il se livre au calcul du montant de la retraite dans le dispositif de 1993 pour voir fixer le montant annuel de retraite ; qu'enfin, au motif qu'en raison de son départ anticipé, il n'obtient pas la retraite maximale à laquelle il aurait pu se prétendre avec un déficit de euros à 10.403 euros par an selon les quatre calculs effectués, alors que s'il avait pu rester dix-huit mois de plus, il aurait disposé d'une retraite pleine, il demande réparation de ce préjudice ; que la société GENERALI réplique que la société LA CONCORDE avait décidé d'instaurer à compter du 1er janvier 1993 un régime de retraite complémentaire " maison ", non par suite d'un accord collectif mais par décision unilatérale, sans aucun rapport direct avec une quelconque disposition de la convention collective des sociétés d'assurance et que l'évolution de ce régime de retraite à prestations définies a été régulière et est opposable à Monsieur Y ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que le régime de retraite en cause a été fixé par un règlement intitulé " Retraite maison des cadres de direction ", à effet du 1er janvier 1992, signé entre le président directeur général de LA CONCORDE et le représentant de GENERALI FRANCE aux termes duquel LA CONCORDE a souscrit auprès de GENERALI FRANCE un contrat d'assurances au bénéfice de " tous les cadres de direction ayant à cette époque au moins dix ans d'activité au sein du Groupe GENERALI en France, c'est-à-dire relevant de la convention collective de travail de cadres de direction des sociétés d'assurances Accords du 15 février 1978 puis de l'Accord du 3 mars 1993 " et prévoyant une retraite annuelle égale au produit des années validables par 2 % du salaire de référence venant en complément au cumul de retraites de la sécurité sociale, l'AGIRC, l'UNIRS, la CREPPSA et/ou régime organisé par les instances professionnelles, sans que le cumul puisse excéder, à la date de liquidation de la retraire, 95 % du salaire de référence ; que le règlement a été diffusé aux salariés concernés par circulaire du 19 janvier 1993 signée du président directeur général de LA CONCORDE rappelant que l'application du règlement avait été approuvée par le Conseil d'administration au cours de sa séance du 15 décembre 1992 ; qu'ainsi, le dispositif a été institué par décision unilatérale de l'employeur ; qu'il s'agit d'un régime de retraite supplémentaire à prestations définies mais non garanties, financé exclusivement par la société ; qu'il est acquis que, courant 2005, l'employeur a décidé, d'une part, de procéder à la fermeture des régimes de retraite maison tout en conservant son bénéfice éventuel aux salariés de GENERALI en poste au 31 décembre 2004, d'autre part, de modifier le règlement du régime afin notamment d'uniformiser les différents régimes en vigueur au sein des sociétés du groupe ; que le régime de substitution a été adopté par décision unilatérale prenant la forme d'un règlement en date du 21 décembre 2005 applicable à partir du 1er janvier 2006 dont Monsieur Y a eu notification par lettre individuelle du 23 janvier 2006 ; que la lettre en date du 4 mai 2000 contenant avenant au contrat signé par Monsieur Y dans laquelle l'employeur confirme son souhait de " formaliser davantage les relations contractuelles " et qui rappelle que Monsieur Y bénéficie d'un régime de retraite complémentaire institué dans le cadre de l'article 39 du Code général des impôts, n'est pas de nature à modifier la nature de l'engagement unilatéral et ne peut avoir pour effet de contractualiser l'ensemble du régime complémentaire initial ; que, cependant, il résulte des articles L.911-1 et L.911-5 du Code de la sécurité sociale que l'engagement unilatéral instaurant un régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'il n'a pas même été procédé à une information des instances représentatives du personnel dans un délai suffisant pour permettre d'éventuelles négociations ; que la modification intervenue par simple décision unilatérale n'est donc pas opposable à Monsieur Y qui est en droit de prétendre à la liquidation de ses droits selon les modalités de l'accord initial ; qu'au vu des calculs fournis par Monsieur Y qui ne sont pas utilement contestés par la société GENERALI, la demande sera accueillie sur la base d'un salaire de référence au montant de 11.208,77 euros pour le dernier trimestre 2010 comme il est dit au dispositif ;
ALORS D'UNE PART QU'il n'existe aucun droit acquis à bénéficier d'un régime de retraite supplémentaire à cotisations patronales et à prestations définies mais non garanties, résultant de l'engagement unilatéral de l'employeur ; qu'ayant expressément constaté que le régime de retraite en cause avait été institué par décision unilatérale de la société LA CONCORDE, qu'il s'agit d'un régime de retraite supplémentaire à prestations définies mais non garanties, financé exclusivement par la société, et que,
courant 2005, l'employeur avait décidé de modifier le règlement du régime afin notamment d'uniformiser les différents régimes en vigueur au sein des sociétés du groupe, la Cour d'appel qui retient que la modification intervenue par simple décision unilatérale n'est pas opposable à Monsieur Y qui est en droit de prétendre à la liquidation de ses droits selon les modalités de l'accord initial, a violé les articles 1134 du Code civil et L.911-1 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS D'AUTRE PART QU'un régime complémentaire de retraite créé non par voie d'accord collectif ou à la suite de la ratification par la majorité des intéressés d'une proposition de l'employeur, mais par une décision unilatérale du chef d'entreprise, peut être modifié ou révisé dans les formes mêmes dans lesquelles il a été créé et ne nécessite donc pas un accord collectif ou ratifié ; qu'en retenant qu'il résulte des articles L.911-1 et L.911-5 du Code de la sécurité sociale que l'engagement unilatéral instaurant un régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
ALORS DE TROISIÈME PART QU'ayant expressément constaté que, courant 2005, l'employeur avait simplement modifié le règlement du régime de retraite supplémentaire à prestations définies mais non garanties, financé exclusivement par la société, afin notamment d'uniformiser les différents régimes en vigueur au sein des sociétés du Groupe, sans aucunement dénoncer ledit régime à l'égard de Monsieur Y, la Cour d'appel qui, pour retenir que la modification intervenue par simple décision unilatérale n'est pas opposable au salarié, relève que l'engagement unilatéral instaurant le régime additif de retraite ne peut être modifié que par accord collectif ou ratifié et qu'il n'est pas contesté qu'il n'a pas même été procédé à une information des instances représentatives du personnel dans un délai suffisant pour permettre d'éventuelles négociations, a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble, et par fausse application, les règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux ;
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR condamné la société exposante à payer à Monsieur Y la somme de 73.385,36 euros à titre de rappels de rémunération variable ;
AUX MOTIFS QUE sur les rémunérations variables ; que Monsieur Y réclame un solde de rémunérations variables de 73.385,36 euros au titre des exercices 2005 à 2010 en se fondant sur les dispositions de la lettre avenant du mai 2000 qui a introduit la part variable et sur l'avenant du 25 avril 2001, dernier accord contractuel intervenu sur ce point ; que s'il est vrai, comme le fait valoir la société GENERALI, qu'il a été proposé à Monsieur Y d'adhérer à un dispositif de rémunération variable harmonisé par lettre du 22 mai 2006, et si le salarié a signé cette lettre tout en notant que le courrier contenait des indications erronées, il apparaît que Monsieur Y n'a jamais signé l'avenant visé, formalité nécessaire à l'application d'un nouveau dispositif comme il est précisé dans la lettre ; que, par suite, le calcul des rémunération variables a été fait par l'employeur selon des critères erronés durant la période considérée ; que le calcul établi par Monsieur Y à partir des dispositions de l'avenant signé le 21 avril 2001, non utilement contesté par la société GENERALI, détermine un total de rémunérations variables éludée y compris l'incidence sur l'indemnité de départ à la retraite d'un montant de 73.385,36 euros ; qu'il convient, par dispositions infirmatives, de condamner la société GENERALI à payer cette somme à Monsieur Y ;
ALORS QUE si l'accord du salarié à la modification d'un élément de son contrat de travail doit être exprès, un tel accord peut être valablement donné indépendamment de toute formalité impérative consistant en la signature d'un avenant au contrat de travail ; qu'ayant expressément constaté que le salarié avait effectivement signé la lettre du 22 mai 2006 par laquelle la société employeur lui proposait d'adhérer à un dispositif de rémunération variable harmonisé, la Cour d'appel qui, pour refuser de faire application de ce nouveau dispositif de rémunération variable, retient que le salarié n'avait jamais signé d'avenant, " formalité nécessaire à l'application du nouveau dispositif ", a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L.1221-1 du Code du travail.