SOC. ELECTIONS CB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 juin 2013
Cassation sans renvoi
M. LACABARATS, président
Arrêt no 1248 FS-P+B
Pourvoi no X 11-25.456
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ le Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel (SNPCA) CFE-CGC, dont le siège est France Paris cedex 15,
2o/ M. X'alaele Polutele, domicilié Wallis et Futuna,
contre le jugement rendu le 29 septembre 2011 par le tribunal d'instance de Paris 15e (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant
1o/ à la société France télévisions, dont le siège est France Paris cedex 15,
2o/ au syndicat CGT, dont le siège est France Paris cedex 15,
3o/ au syndicat CFDT médias, dont le siège est France Paris,
4o/ au syndicat UNSA-CFTC, dont le siège est Boulogne cedex,
5o/ au syndicat Force ouvrière, dont le siège est France Paris cedex 16,
6o/ au syndicat Sud médias télévisions, dont le siège est France Paris,
7o/ au syndicat SNJ, dont le siège est Paris,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 mai 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Huglo, conseiller rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, M. Béraud, Mme Lambremon, M. Struillou, conseillers, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller référendaire, M. Lalande, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC et de M. ..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société France télévisions, l'avis de M. Lalande, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche Vu l'article R. 2324-24 du code du travail ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que, par lettre du 7 juin 2011, la société France télévisions avisait le Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel (SNPCA) CFE-CGC que, n'ayant pas obtenu au moins 10 % des suffrages au premier tour des élections professionnelles ayant eu lieu dans les établissements de la société situés en métropole et dans les départements d'outre-mer, il n'était plus représentatif ; que le syndicat a désigné le 14 juin 2011 MM. ..., ... et ... en qualité de délégués syndicaux centraux ; que la société France télévisions a saisi le tribunal d'une demande d'annulation de ces désignations, lequel a statué par jugement du 10 août 2011 ; que, par ailleurs, le syndicat a désigné par lettre recommandée du 11 juillet 2011 notifiée le 12 juillet M. ... en qualité de représentant syndical au comité central d'entreprise ; que, le 26 août 2011, la société France télévisions a saisi le tribunal d'une contestation de cette désignation ;
Attendu que, pour dire recevable la contestation de la société France télévisions quant à la désignation de M. ..., le jugement retient que la société invoque le prononcé du jugement par le tribunal, le 10 août 2011, qui a dénié à l'organisation syndicale désignataire toute représentativité au sein de l'entreprise, que ce jugement constitue un fait nouveau qui est de nature à remettre en cause la désignation, par le syndicat concerné, d'un de ses représentants au comité central d'entreprise, dès lors que le syndicat ne remplit plus la condition exigée par l'article L. 2327-6 du code du travail et que cette décision ouvre à l'employeur un nouveau délai de quinze jours, pour contester la désignation, à partir de la connaissance qu'il en a eu, lors de la notification du jugement le 12 août 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement statuant sur la représentativité du syndicat, à l'occasion d'une contestation de la désignation par lui de délégués syndicaux centraux, ne constituait pas un fait nouveau susceptible de remettre en cause la désignation d'un autre salarié en qualité de représentant syndical au comité central d'entreprise, le tribunal a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 septembre 2011, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris 15e ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable la demande de la société France télévisions ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société France télévisions à payer au syndicat SNPCA CFE-CGC et à M. ... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC et M. ...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir déclaré recevable la contestation de la société France TELEVISIONS et annulé la désignation de Monsieur ... en qualité de représentant syndical auprès du comité central d'entreprise de la société FRANCE TELEVISIONS effectuée par le syndicat SNPCA CFE-CGC, le 12 juillet 2011,
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité de la contestation, en application des dispositions des articles L.2143-8 et R.2143-5 du Code du travail, le tribunal d'instance est saisi, par déclaration au greffe, des contestations portant sur la désignation des délégués syndicaux, dans les quinze jours suivant la connaissance donnée à l'employeur ; que la société FRANCE TELEVISIONS soutient qu'elle n'a pas été destinataire de la lettre recommandée avec accusé de réception, portant désignation de Ma'alaele POLUTELE, que le syndicat indique lui avoir adressé le 11 juillet 2011 ; que toutefois le syndicat SNPCA-CFE-CGC, à qui incombe la preuve de l'information donnée à l'employeur, produit
- la lettre du 11 juillet 2011, adressée au président de FRANCE TELEVISIONS visant un bordereau d'accusé de réception no2C 053 121 5920 0,
- l'accusé de réception no2C 053 121 5920 0, signé le 12 juillet 2011, par la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi de PARIS (pièce no2),
- un suivi courrier de LA POSTE attestant du dépôt à PARIS BONVIN PPDC d'une lettre recommandée avec accusé de réception no 2C 053 121 5519 4, arrivée au bureau distributeur de PARIS 15ème (pièce 2-2),
- un bordereau du service courrier de FRANCE TELEVISIONS, attestant de l'entrée le 12 juillet 2011, d'une lettre recommandée avec accusé de réception no 2C 053 121 5519 4, réceptionnée par le secrétaire général de la société ;
Qu'il se déduit de toutes ces pièces que le syndicat a envoyé deux lettres recommandées le 11 juillet 2011, l'une à l'Inspection du travail et l'autre à la société FRANCE TELEVISIONS, portant désignation de Ma'alaele POLUTELE en qualité de délégué syndical ; que ces courriers portent une interversion par erreur des numéros de bordereaux de recommandé ; que cependant, la société FRANCE TELEVISIONS a réceptionné le 12 juillet 2011 une lettre recommandée no 2C 053 121 5519 4 (peu important d'ailleurs que l'accusé de réception ne mentionne pas l'identité de son signataire ni sa qualité, ce qui ne saurait être opposé au syndicat), tout comme l'Inspection du travail (no2C 053 121 5920 0) ; que s'agissant des seules adressées par le syndicat, et alors par ailleurs que l'employeur ne produit pas la lettre étrangère au litige qu'elle aurait réceptionnée le 12 juillet 2011, il est établi que la société FRANCE TELEVISIONS a eu connaissance par le syndicat, le 12 juillet 2011, de la désignation contestée ; que le délai pour agir expirait donc le 27 juillet 2011 à minuit ; Que cependant, la société FRANCE TELEVISIONS invoque le prononcé du jugement par ce tribunal, le 11 août 2011, qui a dénié à l'organisation syndicale désignataire toute représentativité au sein de l'entreprise ; que ce jugement constitue un fait nouveau qui est de nature à remettre en cause la désignation, par le syndicat concerné, d'un de ses représentants au CCE, dès lors que le syndicat ne remplit plus la condition exigée par l'article L.2327-6 du Code du travail ; que cette décision ouvre à l'employeur une nouveau délai de quinze jours, pour contester la désignation, à partir de la connaissance qu'il en a eu, lors de la notification du jugement le 12 août 2011 ; que la contestation de la société FRANCE TELEVISIONS est donc recevable ;
ET QUE, sur le fond, le syndicat SNPCA CFE-CGC a obtenu au premier tour des élections aux comités d'établissement organisés sur l'ensemble des établissements métropolitains et des DOM, 7,4% des suffrages exprimés et son audience est donc inférieure au seul de 10% fixé par la loi ; que le syndicat SNPCA n'est donc pas représentatif au sein de l'entreprise et la désignation de Ma'alaele POLUTELE à laquelle il a procédé doit par conséquent être annulée ;
ALORS D'UNE PART QUE le délai de contestation de la désignation d'un représentant syndical au comité d'entreprise prévu par l'article R.2324-24 du Code du travail est un délai de forclusion qui ne souffre, hors le cas de fraude, ni suspension ni interruption, sauf survenance d'un fait nouveau porté postérieurement à la connaissance de l'employeur de nature à remettre en cause la validité de la désignation et servant de base à la contestation et que ne constitue pas un fait nouveau le jugement statuant sur la représentativité d'un syndicat à l'occasion d'un litige portant sur des désignations antérieures de délégués syndicaux ; que le Tribunal d'instance, qui après avoir constaté que le délai pour contester la désignation de Monsieur ... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise de la société France TELEVISIONS, effectuée le 12 juillet 2011, expirait le 27 juillet 2011 à minuit et que l'employeur ne l'avait saisi d'une demande en annulation de cette désignation que le 26 août 2011, a néanmoins déclaré cette contestation recevable en considération de la survenance du jugement rendu le 11 août 2011 déniant au syndicat SNPCA CFE-CGC un caractère représentatif au niveau de l'entreprise, a violé l'article L.2324-23 et R.2324-24 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le syndicat SNPCA CFE-CGC et Monsieur ... avaient fait valoir devant le Tribunal d'instance que dès le 7 juin 2011, la société France TELEVISIONS avait remis en cause, par différents courriers, le caractère représentatif du syndicat au niveau de l'entreprise en en déduisant que l'employeur ne pouvait donc prétendre avoir découvert l'absence de représentativité du syndicat SNPCA CFE-CGC à l'occasion du jugement du Tribunal d'instance du 11 août 2011 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, le Tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir annulé la désignation de Monsieur ... en qualité de représentant syndical auprès du comité central d'entreprise de la société FRANCE TELEVISIONS effectuée par le syndicat SNPCA CFE-CGC, le 12 juillet 2011 ;
AUX MOTIFS QUE, sur le fond, le syndicat SNPCA CFE-CGC a obtenu au premier tour des élections aux comités d'établissement organisés sur l'ensemble des établissements métropolitains et des DOM, 7,4% des suffrages exprimés et son audience est donc inférieure au seul de 10% fixé par la loi ; que le syndicat SNPCA n'est donc pas représentatif au sein de l'entreprise et la désignation de Ma'alaele POLUTELE à laquelle il a procédé doit par conséquent être annulée ;
ALORS D'UNE PART QUE aux termes de l'article L.2327-6 du Code du travail, " chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise désigne un représentant au comité central d'entreprise choisi parmi les représentants de cette organisation aux comités d'établissement, soit parmi les membres élus de ces comités " et que selon l'article L.2122-1 du même code, " sont représentatives dans l'entreprise ou l'établissement les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l'article L.2121-1 et qui ont recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections de titulaires au comité d'entreprise ... quel que soit le nombre de votants " ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables à toutes les entreprises à établissements multiples dont le siège social est situé en métropole, que l'ensemble des résultats des élections se déroulant dans les établissements distincts, y compris ceux situés dans les collectivités d'outre-mer auxquels ne sont pas applicables les dispositions de la loi du 20 août 2008, doivent être pris en compte pour déterminer la représentativité des organisations syndicales au niveau de l'entreprise permettant à ces dernières de désigner un représentant syndical au comité central d'entreprise ; qu'en retenant que l'audience électorale du syndicat SNPCA CFE-CGC, évaluée en fonction des résultats obtenus au premier tour des élections aux comités d'établissement organisées sur les seuls établissements métropolitains et des départements d'outremer de la société France TELEVISIONS, était inférieure au seuil de 10% prévu par la loi, le Tribunal d'instance a violé l'article L.2327-6 et l'article L.2122-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le droit pour tout travailleur de participer par l'intermédiaire de ses délégués à la détermination des conditions de travail revêt une valeur constitutionnelle et suppose le respect de l'égalité de traitement entre les salariés de l'entreprise pour la mise en place des institutions représentatives du personnel ; qu'en décidant de ne retenir, pour apprécier la représentativité du syndicat SNPCA CFE-CGC au niveau de l'entreprise, que les suffrages obtenus par ce dernier dans les établissements de métropole et des départements d'outremer de la société France TELEVISIONS, le Tribunal d'instance a violé l'article 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ensemble les article L.2327-6 et L.2122-1 du Code du travail.