SOC. PRUD'HOMMES CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 juin 2013
Rejet
M. LACABARATS, président
Arrêt no 1205 FS-D
Pourvoi no C 12-16.564
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Mickaël Z, domicilié Contamine-sur-Arve,
contre l'arrêt rendu le 2 février 2012 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Distribution Casino France, société par actions simplifiée, dont le siège est Saint-Etienne,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 mai 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, Mme Lambremon, conseiller rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, M. Béraud, Mme Geerssen, M. Frouin, Mme Deurbergue, M. Chauvet, Mme Terrier-Mareuil, MM. Huglo, Struillou, Maron, conseillers, Mmes Pécaut-Rivolier, Sommé, M. Contamine, Mmes Corbel, Salomon, Depelley, Duvallet, conseillers référendaires, Mme Lesueur de Givry, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lambremon, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. Z, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Distribution Casino France, l'avis de Mme Lesueur de Givry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 2 février 2012) que le 7 septembre 2009, à l'issue de sa journée de travail, M. Z, employé en qualité d'ouvrier professionnel au rayon boucherie de l'hypermarché Géant d'Annemasse de la société Distribution Casino France, s'est rendu en tenue de travail au guichet billetterie du magasin situé dans la galerie marchande ; qu'il s'est approprié un téléphone portable oublié par une cliente à ce guichet et a quitté le magasin, sans procéder à l'achat envisagé ; qu'identifié par l'agent de sécurité au moyen de la bande d'enregistrement du système de vidéo-surveillance installé dans le magasin, il a restitué le téléphone le lendemain à la demande de son supérieur hiérarchique ; que le 25 septembre 2009, il a été licencié pour faute grave ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement repose sur une faute grave et de le débouter en conséquence de ses demandes, alors, selon le moyen
1o/ que l'enregistrement d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite lorsqu'il a été obtenu grâce à un système de vidéo-surveillance mis en place par l'employeur en vue de contrôler la clientèle et, incidemment, les salariés, sans information et consultation préalables du comité d'entreprise ; qu'en considérant qu'il n'y avait pas lieu de rechercher si le comité d'entreprise avait été informé et consulté préalablement à la mise en place du système de vidéo-surveillance cependant qu'elle constatait que ce dispositif avait été utilisé comme mode de preuve dans le cadre d'une procédure disciplinaire ayant conduit au licenciement du salarié et que les faits reprochés s'étaient déroulés dans l'enceinte du magasin dans lequel travaillait le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 2323-32 du code du travail ;
2o/ que l'employeur ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle des salariés qui n'a pas été préalablement porté à leur connaissance avec les mentions de la finalité du système, de la personne destinataire et du droit d'accès et de rectification ; qu'en se bornant à relever, pour retenir que l'enregistrement vidéo constituait un mode de preuve licite, qu'en sa qualité de client, M. Z était parfaitement informé du système de vidéo surveillance, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce salarié avait été régulièrement informé par l'employeur de la présence du dispositif de vidéo surveillance visant à assurer la sécurité générale du magasin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 32 de la loi no 78-17 du 6 juillet 1978 ;
3o/ qu'un fait de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de celui-ci à une obligation découlant de son contrat de travail ; qu'en considérant que le licenciement de M. Z reposait sur une faute grave cependant qu'il ressortait de ses constatations que le fait reproché au salarié relevait de sa vie personnelle et ne constituait pas un manquement à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1331-1 du code du travail ;
4o/ que la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que ne constitue pas une telle faute le fait pour un salarié comptant cinq ans d'ancienneté sans avoir fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire, de s'être approprié un objet égaré dès lors qu'il l'avait restitué dès le lendemain et que ce fait était isolé ; qu'en considérant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu d'abord, que la cour d'appel qui a constaté que le système de vidéo-surveillance avait été installé pour assurer la sécurité du magasin et n'avait pas été utilisé pour contrôler le salarié dans l'exercice de ses fonctions, a exactement retenu que celui-ci ne pouvait invoquer les dispositions du code du travail relatives aux conditions de mise en oeuvre, dans une entreprise, des moyens et techniques de contrôle de l'activité des salariés ;
Attendu ensuite qu'ayant relevé que M. Z, qui venait de quitter son poste encore revêtu de sa tenue de travail, s'était emparé du téléphone qu'une cliente avait oublié au guichet billetterie du magasin, la cour d'appel a pu décider que ce comportement, qui affectait l'obligation de l'employeur d'assurer la sécurité des clients et de leurs biens, se rattachait à la vie de l'entreprise et, étant de nature ày rendre impossible le maintien de l'intéressé, constituait une faute grave ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, irrecevable dans sa quatrième branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement reposait sur une faute grave et de L'AVOIR, en conséquence, débouté de l'intégralité de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE les faits reprochés à M. Z relèvent de la vie personnelle dès lors qu'ils ont été commis en dehors de son temps de travail et en un lieu éloigné de son poste de travail et que c'est en qualité de client qu'il s'est présenté au guichet billetterie ; qu'en cette qualité, il était parfaitement informé du système de vidéo-surveillance qui équipait le magasin, à des fins générales de sécurité, système exploité lors de la réclamation d'une autre cliente dont le téléphone avait " disparu " ; qu'il ne peut donc pas soutenir que la preuve des faits fondant son licenciement est illicite au regard des dispositions de l'alinéa 3 de l'article L. 2323-32 du code du travail relatives aux conditions de mise en oeuvre dans une entreprise des moyens et techniques de contrôle de l'activité des salariés puisqu'en l'espèce, le système en cause n'a pas été installé à cette fin et n'a pas été utilisé à cet effet ; qu'un fait de la vie personnel ne peut fonder un licenciement disciplinaire que s'il constitue un manquement du salarié à ses obligations contractuelles ou se rattache à l'exécution du contrat et met en cause l'employeur ou l'entreprise ; que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi motivée " ... vous avez volontairement commis une indélicatesse au préjudice de l'une de nos clientes. Ces faits, totalement anormaux, constituent une atteinte à l'image de marque de notre magasin et à la confiance que notre clientèle nous porte, et rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail même pendant la durée de votre préavis " ; qu'il n'est donc pas reproché à M. Z d'avoir manqué à l'une de ses obligations contractuelles ; que les faits qu'il a commis sont rattachés à l'exécution de son contrat dans la mesure où ils se sont produits dans l'enceinte du magasin alors qu'il était revêtu de son vêtement de travail l'identifiant comme salarié de ce magasin, dont il restait, nonobstant les circonstances de temps, l'une des incarnations aux yeux des clients, parmi lesquels la propriétaire du téléphone volé ; que dès lors, ils mettent nécessairement en cause son employeur, les clients qui fréquentent ses lieux de vente escomptant qu'il assure leur sécurité et celle de leurs biens, notamment en recrutant des personnes honnêtes à leur égard ; que quelle que soit la valeur de l'objet dérobé, la faute commise a été légitimement qualifiée de grave eu égard - à l'usage notoire et de bon sens selon lequel celui qui, dans un magasin trouve un objet égaré doit le remettre au service accueil de ce magasin, usage connu de M. Z d'autant plus aisé à respecter en l'espèce que ce service était contigu au guichet billetterie, - et à la nature délictueuse des faits ;
ALORS, 1o), QUE l'enregistrement d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite lorsqu'il a été obtenu grâce à un système de vidéo surveillance mis en place par l'employeur en vue de contrôler la clientèle et, incidemment, les salariés, sans information et consultation préalables du comité d'entreprise ; qu'en considérant qu'il n'y avait pas lieu de rechercher si le comité d'entreprise avait été informé et consulté préalablement à la mise en place du système de vidéo-surveillance cependant qu'elle constatait que ce dispositif avait été utilisé comme mode de preuve dans le cadre d'une procédure disciplinaire ayant conduit au licenciement du salarié et que les faits reprochés s'étaient déroulés dans l'enceinte du magasin dans lequel travaillait le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 2323-32 du code du travail ;
ALORS, 2o), QUE l'employeur ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle des salariés qui n'a pas été préalablement porté à leur connaissance avec les mentions de la finalité du système, de la personne destinataire et du droit d'accès et de rectification ; qu'en se bornant à relever, pour retenir que l'enregistrement vidéo constituait un mode de preuve licite, qu'en sa qualité de client, M. Z était parfaitement informé du système de vidéo surveillance, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce salarié avait été régulièrement informé par l'employeur de la présence du dispositif de vidéo surveillance visant à assurer la sécurité générale du magasin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1224-1 du code du travail, ensemble l'article 32 de la loi no 78-17 du 6 juillet 1978 ;
ALORS, 3o), QU'un fait de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de celui-ci à une obligation découlant de son contrat de travail ; qu'en considérant que le licenciement de M. Z reposait sur une faute grave cependant qu'il ressortait de ses constatations que le fait reproché au salarié relevait de sa vie personnelle et ne constituait pas un manquement à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1331-1 du code du travail ;
ALORS, 4o), QU'en tout état de cause, la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que ne constitue pas une telle faute le fait pour un salarié comptant cinq ans d'ancienneté sans avoir fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire, de s'être approprié un objet égaré dès lors qu'il l'avait restitué dès le lendemain et que ce fait était isolé ; qu'en considérant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.