Jurisprudence : CA Douai, 27-06-2013, n° 12/03435, Confirmation

CA Douai, 27-06-2013, n° 12/03435, Confirmation

A0214KIR

Référence

CA Douai, 27-06-2013, n° 12/03435, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8885390-ca-douai-27062013-n-1203435-confirmation
Copier

Abstract

L'alinéa 1er de l'article L. 243-5 du Code de la Sécurité sociale, dans sa version antérieure à la loi du, ne vise pas le cas des personnes physiques exerçant une profession libérale, mais en vertu de la portée qu'il convient de conférer à ce texte, à la lumière de la décision du 11 février 2011 du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2010-101 QPC, du 11 février 2011 ; lire), il apparaît qu'en étendant l'application des procédures collectives à l'ensemble des membres des professions libérales par la loi du 26 juillet 2005, le législateur a entendu leur permettre de bénéficier d'un régime de traitement des dettes en cas de difficultés financières, de sorte que les dispositions de l'alinéa 1er de l'article L. 243-5 ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, exclure les membres des professions libérales exerçant à titre individuel du bénéfice de la remise de plein droit des pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus aux organismes de sécurité sociale.



République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2 ARRÊT DU 27/06/2013
***
N° de MINUTE 13/
N° RG 12/03435
Ordonnance (N° 10/00445)
rendue le 07 Juin 2012
par le Juge commissaire de VALENCIENNES
REF SB/KH
Admission des créances

APPELANTE
Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales Caisse Autonome de retraite et de Prévoyance des Infirmiers, Masseurs-Kinésithérapeutes, Pédicures-Podologues, Orthophonistes et Orthoptistes - CARPIMKO
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES
Représentée par Me Eric LAFORCE (avocat au barreau de DOUAI)
INTIMÉS
Maître Dominique Z ès qualités de commissaire à l'éxécution du plan de Monsieur Olivier Y
ayant son siège social DOUAI CEDEX
Assigné le 8 octobre 2012 à personne habilitée (avec copie de la déclaration d'appel et dénonciation des conclusions de l'appelante), et le 2 mai 2013 à domicile (avec copie des dernières conclusions de l'appelante)
N'ayant pas constitué d'avocat
Monsieur Olivier Y né le ..... à NANTES de nationalité lrançaise
demeurant
VALENCIENNES
Assigné le 7 août 2012 à personne (avec copie de la déclaration d'appel), le 26 septembre 2012 à personne (avec dénonciation des conclusions de l'appelante), et le 15 mai 2013 à personne (avec dénonciation des dernières conclusions de l'appelante)
N'ayant pas constitué d'avocat

DÉBATS à l'audience publique du 07 Mai 2013 tenue par Stéphanie ... magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS Marguerite-Marie HAINAUT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Patrick BIROLLEAU, Président de chambre
Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller
Stéphanie BARBOT, Conseiller
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 7 mai 2013
***
Olivier Y exerce la profession de masseur-kinésithérapeute à titre libéral depuis le 1er janvier 2006. Par jugement en date du 21 avril 2010, il a été placé en redressement judiciaire, Maître Dominique Z étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Le 17 mai 2010, la CARPIMKO a procédé à la déclaration de sa créance à hauteur de la somme de 23.589,44 euros.

Maître Z ayant contesté cette déclaration, par ordonnance du 7 juin 2012, le juge-commissaire du tribunal de grande instance de VALENCIENNES a
- dit que la créance de la CARPIMKO à l'encontre de Monsieur Y déclarée pour un montant total de 20.294,58 euros ne serait admise qu'à hauteur de 18.009,11 euros,
- débouté la CARPIMKO de sa demande de paiement sur les premières rentrées de fonds des cotisations de l'année 2010.
La CARPIMKO a interjeté appel de ladite ordonnance par déclaration reçue le 14 juin 2012.
Entre temps, Olivier Y a bénéficié d'un plan de redressement arrêté le 25 mai 2011, Maître Dominique Z étant nommé commissaire à l'exécution du plan.

PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées au greffe le 24 avril 2013 et signifiées à Maître Z et à Olivier Y par actes d'huissier délivrés les 2 et 15 mai 2013, la CARPIMKO demande à la cour de
* infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise;
* en conséquence, admettre la créance de la CARPIMKO dans son intégralité, soit pour la somme de 18.659,21 euros à titre privilégié,
* ordonner le paiement prioritaire de la somme de 4.510 euros due au titre des cotisations de l'année 2010 sur les premières rentrées de fonds,
* statuer ce que de droit quant aux dépens.
Elle demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a estimé qu'étaient remis de plein droit l'ensemble des majorations de retard incluses dans sa créance, faisant valoir qu'il convient de distinguer entre les cotisations privilégiées et les autres ; qu'en effet, l'article L243-5 du Code de la Sécurité sociale prévoit l'annulation des majorations de plein droit uniquement concernant les cotisations bénéficiant du privilège institué par l'article L243-4 dudit Code ' ce privilège étant la contrepartie de l'annulation imposée ; qu'au contraire, les majorations et frais sont maintenus concernant les créances non privilégiées, sauf si la Commission compétente, dûment saisie, décide d'une remise ; que les articles L. 243-5 du Code de la sécurité sociale et L. 626-6 et suivants du Code de commerce ont un champ d'application différent ; qu'ainsi, les majorations de retard appelées au titre des cotisations privilégiées doivent être annulées, tandis qu'il convient d'appliquer les dispositions du Code de commerce s'agissant des créances non privilégiées ; que sauf à rompre l'égalité entre les créanciers, les majorations de retard ne peuvent donc faire l'objet d'une annulation dans leur intégralité.
En second lieu, la CARPIMKO demande l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande de paiement des cotisations 2010 sur les premières rentrées de fonds ; qu'en effet, ces cotisations bénéficient d'un paiement prioritaire en vertu des dispositions de l'article L. 243-4 du Code de la Sécurité sociale, lequel renvoie à l'article L.625-8 du Code de commerce ; que ce paiement privilégié est justifié compte tenu de la nature de ces cotisations, il ne fait pas obstacle à la mise en place d'un plan, ni ne compromet les capacités de redressement du débiteur ; qu'aucune rupture dans l'égalité des créanciers ne peut être invoquée, dans la mesure où l'existence de privilèges placent les créanciers sur des rangs différents, et où, dès l'origine, les organismes de sécurité sociale ne sont pas soumis aux mêmes règles.
***
Assigné à personne le 7 août 2012 (avec copie de la déclaration d'appel), le 26 septembre 2012 et le 15 mai 2003, à Olivier Y n'a pas constitué avocat.
Assigné le 8 octobre 2012 à personne habilitée (avec copie de la déclaration d'appel) et le 2 mai 2013 à domicile (avec dénonciation des dernières conclusions de l'appelante), Maître Z, commissaire à l'exécution du plan du premier, n'a pas non plus constitué avocat.
En application de l'article 474 du Code civil, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.

SUR CE,
Sur le montant de la créance de la CARPIMKO
Attendu que pour statuer comme il l'a fait et fixer la créance de la CARPIMKO à la somme de 18 009,11 euros, le juge commissaire a estimé qu'Olivier Y bénéficiait de plein droit de la remise des pénalités, majorations et frais de poursuite, sur la totalité de la créance déclarée, sans distinction suivant que la créance est privilégiée ou non, et ce en application de l'article L.243-5 du Code de la Sécurité sociale ;
Attendu que la CARPIMKO se prévaut d'une créance d'un montant total de 18 659,21 euros, correspondant à des cotisations des régimes de base impayées au titre des années 2007 à 2010, calculées comme suit
Années
Cotisations
Majorations de retard sur mise en demeure, arrêtées au
Majorations de retard arrêtées au
Frais de procédure
2007
3 651 euros
01/04/2009 182,55 euros
175,25 euros

2008
2 8 2 5, 6 3
euros
01/01/2009 472,35 euros
290,56 euros
24,49 euros
2009
6 855 euros
01/04/2009 472,35 euros
453,46 euros
71,85 euros
2010
4 510 euros


71,14 euros

Que le montant des cotisations elles-mêmes n'a jamais été contesté en première instance et ne l'est pas davantage à hauteur d'appel, en l'absence de comparution des intimés ;
Attendu que selon l'article L.243-4, alinéa 1er, entré en vigueur le 1er janvier 2000
Le paiement des cotisations et des majorations et pénalités de retard est garanti pendant un an à compter de leur date d'exigibilité, par un privilège sur les biens meubles du débiteur, lequel privilège prend rang concurremment avec celui des gens de service et celui des salariés établis respectivement par l'article 2331 du code civil et les articles L. 625-7 et L. 625-8 du code de commerce.
Que dans ses conclusions la CARPIMKO cite l'article. L.243-5, 1eralinéa, dans sa rédaction actuellement en vigueur laquelle résulte de l'article 90 de la loi du 17 mai 2011, publiée au journal officiel du 18 mai ; que néanmoins, cette loi étant entrée en vigueur postérieurement au jugement ouvrant la procédure collective litigieuse (21 avril 2010), cette version n'est pas applicable en l'espèce ;
Que dans sa version applicable à la cause, l'article. L.243-5, 1eralinéa dispose que
Dès lors qu'elles dépassent un montant fixé par décret, les créances privilégiées en application du premier alinéa de l'article L. 243-4, dues par un commerçant, un artisan ou une personne morale de droit privé même non commerçante, doivent être inscrites à un registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance dans le délai de neuf mois suivant leur date limite de paiement ou, le cas échéant, la date de notification de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, lorsque la créance est constatée lors d'un contrôle organisé en application des dispositions de l'article L. 243-7. Le montant mentionné au présent alinéa est fixé en fonction de la catégorie à laquelle appartient le cotisant et de l'effectif de son entreprise. (')
[alinéa 7] En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus par le redevable à la date du jugement d'ouverture sont remis.
Que certes, l'alinéa 1erde ce texte ne vise pas le cas des personnes physiques exerçant une profession libérale, mais en vertu de la portée qu'il convient de conférer à ce texte, à la lumière de la décision du 11 février 2011 du Conseil constitutionnel (2010-101 QPC), il apparaît qu'en étendant l'application des procédures collectives à l'ensemble des membres des professions libérales par la loi du 26 juillet 2005, le législateur a entendu leur permettre de bénéficier d'un régime de traitement des dettes en cas de difficultés financières, de sorte que les dispositions de l'alinéa 1er de l'article L 243-5 précité ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, exclure les membres des professions libérales exerçant à titre individuel du bénéfice de la remise de plein droit des pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus aux organismes de sécurité sociale ;
Attendu que la remise de plein droit des pénalités, majorations de retard et frais de poursuite dus par le redevable de cotisations sociales à la date du jugement ouvrant sa procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires, en vertu de l'alinéa 7 de l'article L243-5 sus visé, s'applique sans distinction suivant le caractère privilégié ou chirographaire de la créance de majorations et frais ;
Que contrairement à ce que la CARPIMKO laisse entendre dans ses dernières conclusions, l'arrêt rendu en ce sens par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 16 octobre 2012 n'est pas le fruit d'une erreur mais d'une volonté délibérée que certains auteurs avaient au demeurant déjà pressentie dans de précédents arrêts rendus par cette chambre ; qu'en outre, contrairement à ce qu'affirme la CARPIMKO, cette décision ne fait pas l'objet, de la part du Professeur ..., de critiques tirées de l'histoire législative du texte dont s'agit, puisque cet auteur a au contraire indiqué qu'il n'est pas certain que le parlement ait entendu limiter la portée de l'alinéa 7 de l'article L243-5 aux créances privilégiées, et conclu, à juste titre, que seule importe la rédaction définitive du texte, laquelle est trop générale pour qu'on puisse y introduire une restriction tenant à la nature, privilégiée ou non, de la créance ;
Qu'en conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a fixé la créance de la CARPIMKO à la somme de 18 009,11 euros, déduction faite de toutes les majorations et frais au titre des cotisations échues et impayées, privilégiées et non privilégiées, existant à la date d'ouverture du jugement ouvrant le redressement judiciaire d'Olivier Y ; que l'ordonnance entreprise mérite donc confirmation de ce chef ;
Sur la demande de paiement prioritaire des cotisations de l'année 2010
Attendu qu'en l'espèce, il est établi que sur la totalité de la créance de la CARPIMKO, la somme de 4 510 euros correspondant aux cotisations de l'année 2010, bénéficie du privilège institué par l'article L.243-4 sus visé ;
Que la question de l'inscription de la créance privilégiée ne se pose pas en l'occurrence, compte tenu de son montant, situé au dessous du seuil à partir duquel l'inscription est imposée par l'article L.243-5 dans sa rédaction applicable ;
Attendu que pour débouter la CARPIMKO de sa demande tendant à ce que ces cotisations de l'année 2010 soient payées en priorité, le premier juge a tenu compte de l'effet du plan de redressement arrêté au profit d'Olivier Y le 25 mai 2011 et prévoyant, s'agissant de la CARPIMKO - dûment consultée et ayant accepté le plan ' le paiement de la totalité de sa créance en 10 ans ;
Que la CARPIMKI, partie à ce plan de redressement, ne discute pas son caractère définitif ;
Que faire droit à la demande présentée par la CARPIMKO, créancier au titre de dettes antérieures au jugement d'ouverture, aboutirait de facto à contrevenir aux dispositions du plan de redressement, alors que le jugement l'arrêtant est opposable erga omnesen vertu de l'article L 626-11 du Code de commerce, qu'il s'impose donc à tous les créanciers autres que les créanciers postérieurs - dont la CARPIMKO - et interdit tout paiement reçu en contrariété avec les dispositions du plan ;
Qu'ainsi, l'ordonnance entreprise mérite également confirmation en ce qu'elle a rejeté la demande de la CARPIMKO tendant à être payée prioritairement, sur les premières rentrées de fonds, au titre de sa créance privilégiée de l'année 2010 ;
Qu'en revanche, il conviendra de préciser que sur la totalité de la créance admise, la somme de 4 510 euros l'est à titre privilégiée, le surplus à titre chirographaire ;
Sur les dépens
Attendu que, succombant en son recours, la CARPIMKO sera condamnée aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
- CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, sauf à préciser que la créance de la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PRÉVOYANCE DES INFIRMIERS, MASSEURS-KINESITHERAPEUTES, PEDICURES-PODOLOGUES, ORTHOPHONISTES ET ORTHOPEDISTES LIBERALES (la CARPIMKO)admise à hauteur de 18.009,11 euros au passif de la procédure collective d'Olivier Y l'est à titre privilégié sur la somme de 4.510 euros, et à titre chirographaire sur le surplus ;
- CONDAMNE la CARPIMKO aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M.M. HAINAUT P. ...

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus