Jurisprudence : Cass. crim., 04-10-2022, n° 21-85.594, F-B, Rejet

Cass. crim., 04-10-2022, n° 21-85.594, F-B, Rejet

A58888MZ

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:CR01182

Identifiant Legifrance : JURITEXT000046389206

Référence

Cass. crim., 04-10-2022, n° 21-85.594, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88677785-cass-crim-04102022-n-2185594-fb-rejet
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Abstract


N° W 21-85.594 F-B

N° 01182


ODVS
4 OCTOBRE 2022


REJET


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 OCTOBRE 2022



Mme [D] [I], épouse [W], la société [1] et la société [3] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 8 septembre 2021, qui a condamné les deux premières, pour exercice illégal de la profession d'expert comptable, respectivement, à 1 000 euros d'amende avec sursis et à 2 000 euros d'amende avec sursis, la troisième, pour complicité de ce même délit, à 30 000 euros d'amende avec sursis, a ordonné affichage et publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire commun aux demandeurs, un mémoire en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

Sur le rapport de M. Sottet, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [D] [I], épouse [W], la société [1], la société [3], les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Sottet, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,


la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [D] [I], épouse [W], en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de la société [1] ([2]), et la société [3] ont été citées devant le tribunal correctionnel par le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, pour avoir exercé illégalement la profession d'expert-comptable ou été complice de ce même délit.

3. Les juges du premier degré ont déclaré Mme [W] et la société [2] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert comptable, condamné celles-ci, respectivement, à 2 000 euros et à 4 000 euros d'amende, déclaré la société [3] coupable de complicité d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et condamné cette dernière à 30 000 euros d'amende.

4. Ils ont en outre ordonné des mesures d'affichage et de publication, et alloué au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables 6 000 euros de dommages et intérêts.

5. Mme [W], la société [2], la société [3], le ministère public et le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ont relevé appel de cette décision.

Examen de la recevabilité des mémoires personnels de Mme [W], de la société [2] et de la société [3]

6. Les mémoires personnels des demandeurs au pourvoi, non signés, ne sont pas recevables.

Examen des moyens

Sur les premier, pris en sa quatrième branche, et second moyens

7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛.


Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches


Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [W] et la société [2] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, alors :

« 1°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'aux termes de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée🏛, exerce illégalement la profession d'expert-comptable celui qui, sans être inscrit au tableau de l'ordre, exécute habituellement, en son propre nom et sous sa responsabilité, des travaux prévus par les deux premiers alinéas de l'article 2 de ladite ordonnance, ou qui assure la direction suivie de ces travaux, en intervenant directement dans la tenue, la vérification, l'appréciation ou le redressement des comptes ; que cette incrimination, en ce qu'elle vise l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », ne s'applique pas à celui qui n'intervient qu'en qualité de sous-traitant d'un expert-comptable, sous le contrôle et la responsabilité de celui-ci, et sans être lié contractuellement au client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société [1], prise en la personne de Mme [W], intervenait comme sous-traitant de la société [3], laquelle était inscrite au tableau de l'ordre des experts-comptables ; qu'en déclarant néanmoins Mme [W] et la société [1] coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, au motif erroné que les travaux relevant des deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée🏛 ne pourraient être sous-traités qu'à des personnes ayant elles-mêmes la qualité d'expert-comptable, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal🏛 et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée🏛 ;

2°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », en tant qu'élément constitutif du délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, suppose l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il suit de là que le sous-traitant, qui n'est engagé que par le sous-traité conclu avec l'expert-comptable et non par le contrat liant l'expert-comptable au client, ne saurait être regardé comme exerçant illégalement la profession d'expert-comptable ; que la cour d'appel, pour déclarer Mme [W] coupable de ce délit, a relevé, d'une part, que son nom figurait sur les ordres de mission qu'elle recevait de la société [3], d'autre part, que la société qu'elle dirigeait, Conseils et services du Léman, était contractuellement engagée, en tant que sous-traitant, à l'égard de la société [3], donneur d'ordre, « ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé » dans les droits de cette dernière ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser la réalisation, par Mme [W], de travaux de comptabilité exécutés « en son propre nom et sous sa responsabilité », au sens de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée🏛, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal🏛 et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée🏛 ;

3°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'exécution de travaux « en son propre nom et sous sa responsabilité », en tant qu'élément constitutif du délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, suppose l'existence d'un lien contractuel direct avec le client au profit duquel les travaux sont effectués ; qu'il suit de là que le sous-traitant, qui n'est engagé que par le sous-traité conclu avec l'expert-comptable et non par le contrat liant l'expert-comptable au client, ne saurait être regardé comme se livrant à un exercice illégal de la profession d'expert-comptable ; que la cour d'appel, pour déclarer la société [1] coupable de ce délit, a relevé que cette société, d'une part, facturait en son propre nom à la société [3] les prestations que celle-ci lui sous-traitait, d'autre part, était contractuellement engagée, en tant que sous-traitant, à l'égard de la société [3], donneur d'ordre, « ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé » dans les droits de cette dernière ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser la réalisation, par la société [1], de travaux de comptabilité exécutés « en son propre nom et sous sa responsabilité », au sens de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée🏛, la cour d'appel a violé les articles 2 et 20 de cette ordonnance, ensemble les articles 111-4 du code pénal🏛 et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée🏛. »


Réponse de la Cour

9. Pour déclarer les deux prévenues coupables d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte du contrat de sous-traitance passé entre la société [3], cabinet d'expertise comptable, et la société [2], dont Mme [W] est la représentante, que la première, qualifiée de donneur d'ordre, a confié mission à la seconde, qualifiée de sous-traitant, d'exercer pour son compte des prestations comptables, telles que saisie de comptabilité et établissement des déclarations fiscales.

10. Les juges ajoutent, d'une part, que les intéressées ont effectué dans ce cadre, sous leur signature et donc en leur nom propre, des travaux relevant de l'exercice de la profession d'expert-comptable, d'autre part, que ces mêmes travaux ont été effectués sous leur responsabilité, toutes deux étant engagées contractuellement à l'égard du donneur d'ordre ou de tout tiers qui viendrait à être subrogé dans les droits de celui-ci.

11. Ils précisent que la société [3], donneur d'ordre, n'a délégué aucun expert-comptable, même par intermittence, au sein de la société sous-traitante, pour veiller au respect des dispositions légales relatives aux conditions d'exercice de cette profession.

12. Ils concluent que la situation de sous-traitance alléguée par les deux prévenues, pour justifier l'exécution habituelle de travaux relevant des deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945🏛 en dépit de leur absence de qualité d'expert-comptable, est sans incidence sur la caractérisation de l'infraction.

13. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision pour les raisons suivantes.

14. En premier lieu, si les travaux définis par l'article 20 de l'ordonnance susmentionnée comme relevant du monopole des experts-comptables doivent être exécutés par leur auteur en son nom propre et sous sa responsabilité, cette exigence s'attache, non pas au rapport entre ces travaux et le client au profit duquel ils sont effectués, mais à la qualité de leur auteur direct.

15. En deuxième lieu, le sous-traitant effectue ses travaux sous sa responsabilité propre à l'égard de l'entrepreneur principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

16. En troisième lieu, la sous-traitance de travaux de comptabilité, qui n'implique pas la complète subordination du sous-traitant à l'expert-comptable, ne permet pas de garantir la transparence financière ni la bonne exécution des obligations fiscales, sociales et administratives des acteurs économiques, alors que ces objectifs justifient la prérogative exclusive d'exercice de l'expert-comptable, professionnel titulaire du diplôme afférent, qui prête serment lors de son inscription au tableau de l'ordre, se soumet à un code de déontologie et à des normes professionnelles, et qui, objet de contrôles réguliers de son activité, est en outre soumis à une obligation d'assurance civile professionnelle.

17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que les demanderesses au pourvoi devront payer au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre octobre deux mille vingt-deux.

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