SOC.
OR
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 septembre 2022
Rejet
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1010 F-D
Pourvoi n° Y 20-14.453
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022
M. [T] [L], domicilié [… …], a formé le pourvoi n° Y 20-14.453 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MJ Associés, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de Mme [S] [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements Marcel Besson,
2°/ à la société Unédic Délégation AGS-CGEA de Chalon-sur-Saône, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [L], de la SCP Gaschignard, avocat de la société MJ Associés, Mme [E], ès qualités, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 16 janvier 2020), M. [L], engagé le 31 août 1992 en qualité d'ingénieur études et méthodes par la société Marcel Besson, aux droits de laquelle est venue la société Etablissements Marcel Besson (la société), a été nommé président de la société le 1er août 2012.
2. La société a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire le 4 avril 2017, avec autorisation du maintien de l'activité jusqu'au 2 mai 2017. La société [S] [E], devenue la société MJ Associés, a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
3. Le 16 mai 2017, le liquidateur judiciaire a procédé au licenciement de l'ensemble des salariés de l'entreprise, à l'exception de l'intéressé, estimant que faute, pour celui-ci, d'avoir la qualité de salarié, il n'y avait pas lieu de le licencier.
4. Le 14 juin 2017, l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale, invoquant la rupture de fait de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour obtenir des indemnités de rupture.
Examen du moyen
5. M. [L] fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que les juges du fond sont tenus de respecter le principe du contradictoire et ne peuvent soulever un moyen d'office sans provoquer les explications des parties et soutient que la cour d'appel qui a retenu que le mandat social de M. [L] était toujours en cours et que le contrat de travail était toujours en suspendu entre mai et septembre 2017, et qui a relevé d'office sans provoquer les explications des parties qu'il convenait d'en déduire qu'il n'y avait pas eu de rupture de fait de la relation de travail susceptible d'entraîner les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a violé l'
article 16 du code de procédure civile🏛 ;
2°/ que la fin ou le maintien d'un mandat social n'a aucun effet sur le contrat de travail du mandataire social qui peut être licencié indépendamment du maintien du mandat social ; qu'en cas de cessation d'activité d'une société en liquidation judiciaire, le liquidateur est tenu de licencier les salariés dans le délai de 15 jours de l'ouverture de la liquidation judiciaire ou au terme du maintien provisoire de l'activité ; que la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas établi que le contrat de travail de l'intéressé était fictif, et que le tribunal de commerce avait prononcé la liquidation judiciaire de la société Etablissements Marcel Besson le 4 avril 2017 et autorisé la poursuite de l'activité jusqu'au 2 mai 2017 ; qu'en décidant que dès lors que le mandat social de l'intéressé n'avait pas pris fin au terme du maintien provisoire de l'activité, le contrat de travail était resté suspendu, de sorte qu'il n'avait pas eu rupture de fait malgré la liquidation judiciaire et cessation d'activité de l'entreprise, la cour d'appel qui a fait dépendre la rupture du contrat de travail de la fin du mandat social a violé l'article L. 641-4 du code du travail et de l'
article L. 3253-8 du code du travail🏛 ensemble l'
article L. 1231-1 du code du travail🏛 ;
3°/ qu'en cas de suspension du contrat de travail, l'employeur qui veut mettre fin à ce contrat est tenu de licencier le salarié ; qu'en cas de cessation d'activité d'une société en liquidation judiciaire, le liquidateur est tenu de licencier les salariés dans le délai de 15 jours de l'ouverture de la liquidation judiciaire ou au terme du maintien provisoire de l'entreprise ; que la cour d'appel qui a constaté que la liquidation judiciaire avait été prononcée le 4 avril 2017, que la poursuite d'activité avait été autorisée jusqu'au 2 mai 2017, et que le contrat de travail du salarié n'était pas fictif, mais qui n'a pas recherché comme cela lui était demandé, si le contrat de travail de l'intéressé, n'aurait pas dû faire l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique comme les autres salariés, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 641-4 du code du travail et de l'
article L. 3253-8 du code du travail🏛 ensemble l'
article L. 1231-1 du code du travail🏛. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des
articles L. 641-9, II, du code de commerce🏛 et 1844-7 du code civil, dans sa rédaction issue de l'
ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014🏛, que l'ouverture de la liquidation judiciaire ne met pas fins aux fonctions des mandataires sociaux, seule la clôture de la liquidation ayant pour effet de faire disparaître la société et de mettre fin aux fonctions des dirigeants.
7. Ayant relevé que le jugement du 4 avril 2017 prononçant la liquidation judiciaire n'avait entraîné ni la dissolution de la société ni mis fin au mandat social de l'intéressé à la date de fin de poursuite d'activité, la cour d'appel en a exactement déduit que celui-ci était toujours en cours, en l'absence de révocation par l'assemblée générale des actionnaires, jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation et que le contrat de travail était toujours suspendu en l'absence de rupture de fait ou de licenciement par le liquidateur.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. [L]
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur [T] [L] de l'ensemble de ses demandes
Aux motifs que sauf novation ou convention contraire, le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin ; la délibération précitée du 1er août 2012 n'a pas porté atteinte à cette règles dont se prévaut lui-même Monsieur [L] puisque, loin d'opérer novation des relations entre les parties elle a expressément stipulé que M [L] continuerait à exercer, à côté de son mandat social de Président, des fonctions salariées de directeur technique ; qu'il n'est pas établi qu'il n'y a pas eu cumul du contrat de travail et du mandat social postérieur, que Monsieur [L] n'a pas réellement assumé ces fonctions de directeur technique ; que rien ne permet donc de considérer que le contrat de travail préexistant au mandat social soit devenu fictif alors qu'il a seulement été suspendu pendant le temps où Monsieur [L] a été mandataire ; que Monsieur [L] soutient qu'il aurait dû être licencié le 16 mai 2017 comme les autres salariés de l'entreprise et compte tenu du délai de préavis de 6 mois revendiqué en raison de son ancienneté et de son âge, se prévaut d'une date de rupture de la relation de travail qu'il fixe au 1er septembre 2017 ; que dans son décompte de créances, il prend en considération une suspension de son contrat de travail jusqu'au 2 mai 2017 ; que cependant en prononçant la liquidation judiciaire de la SAS Etablissements Marcel Besson, le tribunal de commerce de Dijon a, par son jugement du 4 avril 2017, non seulement autorisé la poursuite de l'activité jusqu'au 2 mai 2017, mais également ordonné le rappel de l'affaire à l'audience du 6 mars 2018 pour l'examen de la clôture de la liquidation conformément à l'
article L. 643-9 alinéa 1 du code de commerce🏛, et convoqué notamment le débiteur à cette audience ; que selon ce dernier texte, le tribunal statue sur la clôture de la procédure, le débiteur entendu ou dûment appelé ; qu'en vertu de l'
article 1844-7 du code civil🏛, dans sa rédaction issue de l'
article 100 de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014🏛, la société ne prend pas fin en cas de procédure collective que par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ; qu'il en découle que le jugement du 4 avril 2017, n'a ni entraîné la dissolution de la SAS Etablissements Marcel Besson, ni mis fin au mandat social de Monsieur [L] à la date de fin de poursuite de l'activité ; qu'il n'est par ailleurs pas prétendu que l'assemblée générale qui avait nommé Monsieur [L] président sans limitation de durée ait révoqué à un quelconque moment le mandat ainsi conféré ; que dès lors, Monsieur [L] n'est pas fondé à soutenir que son mandat social aurait pris fin le 2 mai 2017, de sorte que son contrat de travail aurait retrouvé tous ses effets à cette dernière date ; qu'au contraire, ce mandat social était toujours en cours et le contrat de travail toujours suspendu entre mai et septembre 2017, ce dont la Cour doit déduire qu'il n'y a alors pas eu rupture de fait de la relation de travail susceptible d'entrainer les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
1° Alors que les juges du fond sont tenus de respecter le principe du contradictoire et ne peuvent soulever un moyen d'office sans provoquer les explications des parties ; que la cour d'appel qui a retenu que le mandat social de Monsieur [L] était toujours en cours et que le contrat de travail était toujours en suspendu entre mai et septembre 2017, et qui a relevé d'office sans provoquer les explications des parties qu'il convenait d'en déduire qu'il n'y avait pas eu de rupture de fait de la relation de travail susceptible d'entraîner les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a violé l'
article 16 du code de procédure civile🏛 2° Alors que la fin ou le maintien d'un mandat social n'a aucun effet sur le contrat de travail du mandataire social qui peut être licencié indépendamment du maintien du mandat social ; qu'en cas de cessation d'activité d'une société en liquidation judiciaire, le liquidateur est tenu de licencier les salariés dans le délai de 15 jours de l'ouverture de la liquidation judiciaire ou au terme du maintien provisoire de l'activité ; que la Cour d'appel a constaté qu'il n'était pas établi que le contrat de travail de Monsieur [L] était fictif, et que le tribunal de commerce avait prononcé la liquidation judiciaire de la société Etablissements Marcel Besson le 4 avril 2017 et autorisé la poursuite de l'activité jusqu'au 2 mai 2017 ; qu'en décidant que dès lors que le mandat social de Monsieur [L] n'avait pas pris fin au terme du maintien provisoire de l'activité, le contrat de travail était resté suspendu, de sorte qu'il n'avait pas eu rupture de fait malgré la liquidation judiciaire et cessation d'activité de l'entreprise, la Cour d'appel qui a fait dépendre la rupture du contrat de travail de la fin du mandat social a violé l'article L. 641-4 du code du travail et de l'
article L. 3253-8 du code du travail🏛 ensemble l'
article L. 1231-1 du code du travail🏛 3° Alors qu'en tout état de cause, en cas de suspension du contrat de travail, l'employeur qui veut mettre fin à ce contrat est tenu de licencier le salarié ; qu'en cas de cessation d'activité d'une société en liquidation judiciaire, le liquidateur est tenu de licencier les salariés dans le délai de 15 jours de l'ouverture de la liquidation judiciaire ou au terme du maintien provisoire de l'entreprise ; que la Cour d'appel qui a constaté que la liquidation judiciaire avait été prononcée le 4 avril 2017, que la poursuite d'activité avait été autorisée jusqu'au 2 mai 2017, et que le contrat de travail du salarié n'était pas fictif, mais qui n'a pas recherché comme cela lui était demandé, si le contrat de travail de Monsieur [L], n'aurait pas dû faire l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique comme les autres salariés, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 641-4 du code du travail et de l'
article L. 3253-8 du code du travail🏛 ensemble l'
article L. 1231-1 du code du travail🏛