PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il met hors de cause l'Unedic délégation AGS-CGEA de Fort de France, condamne la société Bois debout à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de salaires (Smic) et de rappel sur absences exceptionnelles, et les congés payés afférents, des rappels de prime de 13e mois et congés payés afférents, des rappels sur bonus de vie chère et congés payés afférents et de lui ordonner de remettre à chaque salarié un bulletin de salaire conforme ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi des chefs de condamnation de la société Bois debout à payer aux salariés des rappels de salaires au titre du Smic et sur absences exceptionnelles outre les congés payés afférents et des rappels de prime de 13e mois et de bonus de vie chère ;
FIXE au passif de la procédure collective de la société Bois debout les sommes allouées aux salariés en paiement de rappels de salaire au titre du Smic, outre les congés payés afférents, de rappels sur absences exceptionnelles outre les congés payés afférents, de rappels sur prime de 13è mois et de bonus de vie chère ;
DIT que l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de Fort-de-France doit sa garantie ;
DÉBOUTE les salariés de leurs demandes en paiement d'un rappel de congés payés sur la prime de vie chère ;
Remet, sur le point restant en litige relatif au rappel de congés payés sur la prime de 13e mois, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;
Condamne les salariés, le syndicat Union générale des travailleurs de la Guadeloupe et le syndicat Confédération générale du travail de la Guadeloupe aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Ah et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Bois debout, [NC], la société AJ associés
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR mis hors de cause l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Fort de France ainsi que Me [NC] et Me [DT] intervenus ès qualités d'organes de la procédure de redressement judiciaire de la société Bois Debout et d'AVOIR en conséquence, par confirmation du jugement entrepris, condamné la société Bois Debout à verser aux salariés diverses sommes à titre de rappel de salaires (SMIC) et de rappel sur absences exceptionnelles, et les congés payés afférents, des rappels de prime de 13ème mois et congés payés afférents, des rappels sur bonus vie chère et congés payés afférents, d'AVOIR ordonné à la société Bois Debout de remettre à chaque salarié un bulletin de salaire conforme, condamné la société Bois Debout à verser au syndicat CGTG des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession, d'AVOIR condamné la société Bois Debout à verser au syndicat UGTG des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession et de l'AVOIR condamnée aux dépens
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la mise hors de cause de l'Unedic Délégation AGS CGEA de Fort de France, de Me [NC] et Me [DT] Il n'est pas contesté que la société Bois Debout est aujourd'hui in bonis. Il convient donc de mettre hors de cause les organes de la procédure de redressement judiciaire ainsi que l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Fort de France »
ET AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES reproduits aux 2ème, 3ème et 4ème moyens
1/ ALORS QUE l'assurance des salariés contre le risque de non-paiement, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de toute procédurederedressement ou de liquidation judiciaire ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les rappels de salaires, de 13ème mois et de prime de vie chère étaient dus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Bois Debout du 18 aout 2017 ; qu'en décidant la mise hors de cause de l'AGS aux motifs que la société Bois Debout, qui bénéficie d'un plan de continuation, est redevenue in bonis, la cour d'appel a violé l'
article L. 3253-8 du code du travail🏛 ;
2/ ALORS QUE les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective ; qu'en mettant hors de cause les organes de la procédure et l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Fort de France et en condamnant la société Bois Debout au paiement de diverses sommes dues antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire prononcé le 18 aout 2017, lorsqu'elle ne pouvait que déterminer le montant des sommes à inscrire au passif de la société sans pouvoir condamner le débiteur à payer celles-ci, la cour d'appel a violé les
articles L. 622-22 et L. 625-3 du code de commerce🏛🏛.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par confirmation du jugement entrepris, condamné la société Bois Debout à verser aux salariés diverses sommes à titre de rappel de salaires (SMIC) et de rappel sur absences exceptionnelles, et les congés payés afférents, ordonné à la société Bois Debout de remettre à chaque salarié un bulletin de salaire conforme, condamné la société Bois Debout à verser au syndicat CGTG des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession, d'AVOIR condamné la société Bois Debout à verser au syndicat UGTG des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession et de l'AVOIR condamnée aux dépens
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Il convient de rappeler ici qu'en vertu de l'
article 472 du code de procédure civile🏛, même si certains intimés n'ont pas jugé utile de comparaître, il ne peut être fait droit aux prétentions et moyens de l'appelante que dans la mesure où elles sont régulières, recevables et bien fondées.
A / S'agissant des rappels de salaire en application de la mensualisation et du SMIC La généralisation de la mensualisation initiée par un accord national interprofessionnel (ANI) du 10 décembre 1977, étendu à l'ensemble des professions non agricoles par la
loi n°78-49 du 19 janvier 1978🏛, puis aux professions agricoles par la
loi n°88-1202 du 30 décembre 1988🏛, fait du paiement au mois l'élément premier du statut minimum des salariés.
La société Bois Debout reconnaît aujourd'hui que faute de contrats de travail écrits, tous ses ouvriers agricoles sont présumés embauchés à durée indéterminée et à temps plein ; qu'en vertu de l'
article L.3231-1 du Code du travail🏛, le SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance) s'applique à tout salarié quelles que soient les stipulations de son contrat de travail.
Or, comme l'a retenu le jugement entrepris, les salariés intimés n'ont pas tous perçu l'équivalent du SMIC mensuel tous les mois car l'employeur a opéré des retenues illicites sur salaire, intitulées 'compléments salaire tâche'.
Le mécanisme en est décrit dans un rapport d'analyse rédigé par le cabinet d'expertise CGE à la demande du comité d'entreprise de la société Bois Debout, sur la base des livres de paies des années 2010 à 2012 et de bulletins de salaire de 2007 à 2012, dans les termes suivants : « la rubrique « complément de salaire tâche » est utilisée par la Direction pour « ajuster» le salaire de base mensuel du SMIC par rapport au nombre de jours travaillés dans le mois. ( ...) Ainsi, les mois comportant 20 et 21 jours (de journée potentielle de travail) sont systématiquement rémunérés en dessous du SMIC mensuel. La rubrique complément salaire tâche est, de fait, d'une valeur négative (...) Nous comprenons donc que les mois comptant moins de 21 jours ouvrés de travail ne permettent pas à l'ouvrier d'avoir un salaire au moins égal au SMIC, ce qui est illégal ».
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de rappels de salaires au regard du SMIC et de congés payés afférents.
B / S'agissant des retenues sur salaire intitulées «absencesexceptionnelles»
Il est de jurisprudence constante que le salaire constitue une obligation essentielle de l'employeur.
Il s'en déduit, par application de l'
article 1315 devenu 1353 du code civil🏛, qu'en cas de litige relatif au paiement des salaires, il appartient à l'employeur de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.
En l'espèce, la société Bois Debout invoque l'existence d'un usage au sein de l'entreprise selon lequel les salariés étaient libres de venir travailler quand ils le souhaitaient, ce qui leur permettait notamment d'occuper d'autres emplois en parallèle ; qu'elle a produit un procèsverbal d'huissier en date du 22 juin 2017, détaillant avec précision les outils de suivi des jours de travail pour l'ensemble des ouvriers et mentionnant une multitude de « cahiers du jour » relevant le nom des salariés présents et des salariés absents ' étant entendu que la mention « absences exceptionnelles» figurant sur les fiches de paie correspond à toutes les absences hors les absences automatiques et collectives telles que les absences pour congés-payés et jours fériés sur lesquelles il n'existe aucun litige.
Force est cependant de constater que les éléments produits par la société Bois Debout, à savoir le procès-verbal de constat d'huissier susvisé et les cahiers de suivi journalier qu'elle a déposés au greffe, sont insuffisants à établir que les absences exceptionnelles correspondraient au choix des salariés concernés, alors que cette hypothèse est contredite par un rapport d'expertise déposé par la société Indigo le 17 janvier 2014 à la demande du CHSCT de la société Bois Debout concernant les conditions de travail au sein de cette société, qui relève notamment que certains encadrants peuvent menacer l'ouvrier de ne pas lui payer sa journée « C'est de la malpropreté, je ne paie pas ça » ou encore de ne pas lui donner du travail le lendemain « Demain, tu iras chercher un autre travail à faire » ; que des ouvriers se voient affectés à des tâches plus pénibles ou qui les isolent géographiquement et « Certains ouvriers, dans ces conditions, peuvent aller jusqu'à abandonner leur poste, rentrer chez eux en sachant que de ce fait, ils ne percevront pas leur journée. (...) ». Ayant connaissance de ces pratiques, la majorité des ouvriers reconnaissent faire profil bas comme en témoignent bien les verbatim suivants : « ici, il faut faire ce qu'on te demande sans rien dire », « si tu fais une remarque, on te dit c'est pas moi qui suis venu demander du travail, alors tu te tais ! » .
Les cahiers de programmation analysés par l'huissier mentionnent des remplacements de salariés dont les noms ont été barrés ; cependant, ces mentions ne permettent pas de connaître la raison des remplacements et ne démontrent pas que les salariés ont délibérément omis de se présenter.
Quant aux carnets d'absence, aucun élément ne permet de vérifier à quel moment les noms y ont été portés ; au surplus, certains noms y sont barrés sans que l'on sache pourquoi.
Surtout, l'affirmation de l'employeur selon laquelle les absences qualifiées d'exceptionnelles correspondent à des jours pendant lesquels les salariés n'ont pas souhaité venir travailler, est contredite par un grand nombre d'attestations émanant de salariés, dont certains sont tiers à la procédure, ainsi :
- M. [BI] [VL] atteste que lorsque l'ouvrier arrivait en retard, on lui demandait de revenir le lendemain, lorsqu'il pleuvait on lui disait de rentrer chez lui et il perdait sa journée, lorsqu'il était absent un jour sans avertir le patron, on ne lui donnait pas de travail le lendemain 'et parfois tu prenais même 2 ou 3 jours de suspension' ;
- M. [GP] [GX] atteste que lorsqu'il ne pouvait pas venir travailler le lundi et qu'il arrivait le mardi, le directeur refusait de lui donner du travail, lui disait de rentrer chez lui et de ne pas revenir de toute la semaine ; qu'une fois, le directeur l'a appelé pour lui demander de venir travailler alors qu'il était en congé, qu'il a refusé lui indiquant qu'il était en congé ; que lorsqu'il a repris, le directeur lui a donné 15 jours de mise à pied en lui disant 'lorsque je t'appellerai, tu reprendras le travail' et aucun salaire ne lui a été versé sur cette période ;
- M. [BJ] [M] atteste : « dès que j'arrivais au travail avec une minute de retard, le patron refusait de me donner du travail, il me renvoyait chez moi et la journée de travail était prélevée sur mon salaire (...) Et ça s'est produit à plusieurs reprises » ;
- M. [W] [HE] atteste : « En qualité de transporteur de bananes, j'ai été prié de rentrer chez moi parce que j'ai simplement demandé au patron de me dispenser de transporter de la banane ce jour-là compte tenu que j'avais la grippe et qu'il pleuvait fortement, suite à cela j'ai perdu 3 jours de travail. Faisant aussi partie de l'équipe d'épandage d'engrais, quand il pleuvait je perdais ma journée de travail, il nous était jamais proposé de remplacer les journées perdues » - M. [IB] [PS] atteste : « Plusieurs fois, le géreur m'a dit à mon arrivée au travail 'il n'y a pas de bananes, rentre chez toi. Et ces journées étaient prélevées sur mon salaire ».
En outre, la société Bois Debout ne produit pas le moindre commencement de preuve de ce que les intimés exerceraient parallèlement d'autres activités professionnelles, comme elle le soutient.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que la société Bois Debout échoue à démontrer que les salariés intimés ont refusé d'exécuter leur travail ou ne se sont pas tenus à sa disposition, et qu'elle doit, en conséquence, leur payer les sommes qu'elle a retenues au titre d'absences exceptionnelles, lesquelles s'apparentent à des sanctions pécuniaires prohibées, ainsi que les congés payés afférents.
Le jugement entrepris est ainsi confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes sur ce point »
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « E / Sur la demande de dommages-intérêts du Syndicat CGTG
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes statuant en formation de départage a alloué au syndicat CGTG la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.
Il suffit de rappeler que les demandes des ouvriers agricoles de la société Bois Debout constituent des revendications anciennes du syndicat CGTG, signataire de l'accord collectif régional du 20 février 1976 posant le principe de la rémunération à l'heure de travail effective, du protocole d'accord du 25 octobre 2004 sur la rémunération des ouvriers agricoles de la banane à hauteur du SMIC, de l'accord Ai BK du 26 février 2009.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
F / Sur la remise aux salariés d'un bulletin de paie rectifié
Le jugement entrepris n'est pas utilement contesté en ce qu'il a fait droit à la demande, et sera donc confirmé sur ce point.
H / Sur les demandes de l'UGTG
1) S'agissant de la demande de dommages-intérêts
La violation des dispositions légales protectrices relatives à la mensualisation et au salaire minimum de croissance, de l'accord inter régional sur les salaires dit accord « Jacques Bino »
et du principe d'égalité de traitement des salariés, porte préjudice à l'intérêt collectif de la profession d'ouvrier agricole, que l'UGTG représente en appel.
En conséquence, il y a lieu de lui allouer une indemnité de 1000 euros à ce titre »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur les rappels de salaire en application de la mensualisation
La mensualisation a été imposée par un accord national interprofessionnel (ANI) du 10 décembre 1977, lequel a été étendu à l'ensemble des professions non agricoles par la loi n078-49 du 19 janvier 1978, puis aux professions agricoles par la
loi n°88-1202 du 30 décembre 1988🏛.
Il résulte des
articles L. 3232-1, L. 3232-3, L. 3232-4, L. 3242-1) L. 3423-5, L 3423-6 et L.3423-7 du code du travail🏛🏛🏛🏛🏛 combinés que tout salarié dont l'horaire de travail est au moins égal à la durée légale hebdomadaire, a droit, sauf les cas où la loi en dispose autrement, à une rémunération au moins égale au produit du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) par le nombre d'heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré.
La mensualisation consiste à verser au salarié une rémunération forfaitaire identique tous les mois indépendamment du nombre de jours que comporte ce mois. Le salaire ne peut être réduit pour une autre cause que la suspension ou la fin du contrat de travail. L'employeur qui verse certains mois une rémunération supérieure au minimum mensuel ne se libère pas pour autant de sa dette relative aux périodes pendant lesquelles une rémunération insuffisante a été acquittée.
Ces dispositions légales qui visent à protéger les salariés contre les réductions de durée du travail et à neutraliser les conséquences de la répartition inégale des jours entre les douze mois de l'année s'appliquent quels que soient les stipulations du contrat de travail et le mode de rémunération.
Si, comme le précise l'
article L. 3242-2 du code du travail🏛, la mensualisation n'exclut pas les différents modes de calcul du salaire, aux pièces, à la prime ou au rendement, un salarié a toutefois droit, quel que soit son mode de rémunération, à une rémunération au moins égale au SMIC.
Le salaire à la tâche est une combinaison du salaire au temps et du salaire aux pièces; il consiste à fixer à l'avance le prix de fabrication d'une pièce ou d'exécution d'une opération tandis qu'un salaire horaire est garanti.
La différence entre le salaire réel et le salaire horaire constitue le boni. Lorsque le temps relatif à chaque tâche n'est pas fixé, le salarié doit bénéficier au minimum du SMIC ou du salaire conventionnel.
Il ressort des pièces du dossier et des débats, et notamment du rapport en date du 17 janvier 2014 du Cabinet INDIGO ERGONOMIE portant sur l'analyse des conditions de travail au sein de l'entreprise que deux modalités d'organisation de travail sont pratiquées sur l'exploitation: «à la journée» ou « à la tâche ». Certaines tâches dites « à la journée », telles que l'oeilletonnage à pince et l'effeuillage sont à heures fixes, du lever du soleil à ] 2h30 / 13h compte tenu des exigences de qualité attendues. La grande majorité des autres postes relève du travail « à la tâche» : l'ouvrier embauche au lever du jour et s'arrête de travailler, selon la pratique du « finiparti », à une heure variable, lorsqu'il a atteint les objectifs quantitatifs et qualitatifs qui ont été fixés par la direction.
Il ressort également des pièces du dossier et des débats, et notamment de l'analyse des bulletins de paie et du rapport du cabinet d'expertise-comptable CGE de POINTE A PITRE remis au Comité d'Entreprise de la SA BOIS DEBOUT que la tâche correspond toujours à une journée de travail de 7 heures et que les variations du montant du salaire dépendent en réalité du nombre de jours ouvrés travaillés dans le mois, la variable d'ajustement « complément salaire tâche » étant positive ou négative selon le nombre de jours ouvrés dans le mois, supérieur ou inférieur à 22 jours. Ainsi, les ouvriers agricoles au sein de la SA BOIS DEBOUT sont rémunérés à la journée, voire à l'heure, des heures ponctuelles étant parfois déduites, et l'ajustement opéré génère certains mois un salaire inférieur au SMIC brut mensuel.
Le rapport du cabinet CGE conclut ainsi : « Nous invitons le CE à réclamer des explications écrites de la Direction sur les irrégularités suivantes et dans la mesure du possible des régularisations : ... pour les ouvriers agricoles : une rémunération prétendument à la tâche qui correspond en réalité à une rémunération mensualisée irrégulière avec en particulier des mois payés illégalement en dessous du SMIC mensuel, des inégalités pour un même travail effectué, des déductions d'absence sans solde non conformes à la règle d'une journée d'absence ... , le paiement aléatoire des jours fériés ... ».
Il ressort également des pièces du dossier et des débats que les salariés demandeurs ne disposent pas de contrat de travail écrit, à l'exception de Monsieur [XE] [E] dont le contrat stipule « Les conditions de travail de M. [E] seront les mêmes que celles des autres ouvriers de l'exploitation. Il devra par ailleurs respecter les horaires suivants: De 5 h 30 à 12 h 30 pour les journées longues et de 6 h à 13 h pour les journées courtes. Le travail à la lâche sera en fonction des « tâches» appliquées sur l'exploitation. La rémunéra/ion sera calculée sur la base du SMIC et proportionnelle à la durée du travail accompli. ».
A défaut de contrat écrit comportant les mentions légales exigées, il revient à l'employeur de rapporter la preuve de la durée exacte du travail convenue avec le salarié ainsi que le fait que le salarié n'était ni placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler, ni contraint de se tenir constamment à sa disposition.
La SA BOIS DEBOUT ne peut s'exonérer de la charge de la preuve en indiquant que les contrats sont conclus pour bon nombre de salariés depuis longtemps.
Le principe légal étant le travail à temps plein, en l'absence de contrat de travail écrit précisant la durée du travail et le mode de calcul de la rémunération, le fait que les ouvriers agricoles soient soumis à une durée du travail basée sur une équivalence dans le cadre du travail à la tâche n'exonère pas la SA BOIS DEBOUT de leur verser une rémunération égale au SMIC pour un temps complet.
Il est d'ailleurs à noter que le contrat de travail de Monsieur [XE] [E], seul contrat écrit produit aux débats, confirme l'embauche des salariés au sein de l'entreprise sur la base de 35 heures hebdomadaires et que les bulletins de paie des demandeurs, établis par l'employeur, mentionnent tous un horaire de 151 ,67 heures, soit un temps complet.
Déjà, l'arrêté du Préfet de la Guadeloupe en date du 1 er août 1949 définissait les tâches accomplies en agriculture, notamment aux plantations bananières, en raisonnant sur une notion de durée, les tâches étant fixées quantitativement dans « des conditions moyennes de travail correspondant à une journée de huit heures ».
Le fait que certains salariés puissent à la fois revendiquer le maintien du travail « à la tâche », ou plus exactement de la pratique « fini-parti », et négocier à la baisse les objectifs quantitatifs fixés, notamment afin d'améliorer les conditions de travail, diminuer la pénibilité et augmenter en qualité, n'est pas exclusif de la demande de paiement du salaire minimum imposé par la loi.
Cette demande n'est pas nouvelle. A l'issue d'une grève de deux mois des ouvriers agricoles de la banane pour l'application du SMIC, un protocole d'accord était signé le 25 octobre 2004 avec le syndicat CGTG, protocole aux termes duquel les employeurs adhérents des groupements de producteurs BL et BANAGUA s'engageaient à « rémunérer les salariés sur la base mensuelle de 151,67 heures, sans aggravation ni modification des conditions de travail d'ores et déjà établies, et ce jusqu'à la signature de la convention collective qui devra intervenir dans les délais les plus brefs ».
Selon procès-verbal de la réunion du CHSCT de la SA BOIS DEBOUT du 27 septembre 2013, Madame [Y], Inspectrice du travail, précise que « le travail à la tâche est toléré mais il faut que la durée du travail () soit respectée ».
Les
articles R. 713-40 et R. 713-41 du Code Rural et de la pêche maritime🏛🏛, invoqués par la SA BOIS DEBOUT, confirment, dans l'hypothèse d'un travail à la tâche, la nécessité de fixer par convention ou accord collectif de travail ou dans le contrat de travail individuel du salarié, les modalités de comptage et le salaire minimum. Par ailleurs, ces dispositions dérogatoires supposent que le salarié assume des responsabilités importantes ou travaille dans des conditions ne permettant pas à l'employeur de contrôler sa présence, ce qui n'est pas démontré en l'espèce par la SA BOIS DEBOUT.
De même, l'accord collectif régional du 20 février 1976 signé par la COTO qui organise le travail à la tâche, sur lequel s'appuie la SA BOIS DEBOUT, pose le principe que le travail s'effectuera à l'heure de travail effective payée à un taux fixe et renvoie, pour les travaux autres que tous ceux rémunérés à l'heure effective, à des négociations au niveau de chaque propriété entre l'employeur et les salariés et à la saisine d'une commission de conciliation en cas de désaccord.
Or, la SA BOIS DEBOUT ne produit ni convention collective, ni accord d'entreprise, ni accord individuel permettant de justifier son mode de calcul de la rémunération.
A défaut, elle est donc tenue chaque mois au paiement à ses salariés d'une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance pour un temps plein.
Les
articles L. 3251-1 et suivants du code du travail🏛, sous réserve des exceptions qu'ils énoncent, ne s'opposent pas à une retenue sur salaire pour absence. Cependant, l'employeur doit justifier la réalité de ces absences et a l'obligation de fournir un travail à ses salariés.
En l'espèce, les déductions de salaire opérées sur les bulletins de paie sous les intitulés «absences exceptionnelles» ou « complément salaire tâche» sont contestées par les salariés demandeurs et ne sont pas justifiées par la SA BOIS DEBOUT.
Il est aussi à rappeler que l'acceptation sans protestation, ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir, de sa part, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire auquel il a droit. Employés pour une rémunération équivalente au SMIC et pour la durée légale hebdomadaire de travail, les demandeurs sont donc bien fondés à solliciter le paiement d'un salaire mensuel équivalent à 151,67 heures, correspondant à la durée mensuelle forfaitaire pour la durée légale du travail de 35 heures par semaine multipliées par le taux horaire brut du SMIC, même pour les mois où le nombre d'heures de travail effectif est inférieur.
Les demandeurs produisent, au soutien de leurs demandes, des tableaux de calcul, précis et détaillés, établis en reportant le nombre d'heures de travail figurant sur chaque bulletin de paie, avec un minimum de 151,67 heures, en le multipliant par le taux horaire en vigueur du SM1C à la date donnée, puis en faisant la différence entre le salaire perçu et le salaire dû.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient en conséquence de faire droit aux demandes de l'ensemble des salariés et de condamner la SA BOIS DEBOUT à leur payer les sommes qu'ils réclament au titre des rappels de salaires/SMIC, des rappels sur « absences exceptionnelles » et des congés payés y afférent »
1/ ALORS QUE tout jugement doit être motivé par référence aux circonstances particulières de chaque espèce ; que la société Bois Debout sollicitait l'infirmation du jugement entrepris qui aboutissait en toutes hypothèses et en toutes situations à allouer indifféremment aux 65 salariés présents dans la procédure le paiement de douze mensualités de 151, 67 heures chacune sur chaque année non couverte par la prescription, en faisant valoir qu'il devait au contraire être tenu compte de chaque situation individuelle présentant des absences de différentes natures justifiant des retenues sur salaires variant d'un salarié à l'autre (conclusions d'appel de l'exposante p 112-116); qu'elle avait produit autant de dossiers individuels que de salariés et proposé son propre décompte des sommes qui leur étaient dues ( V. pièces individuelles de chaque salarié) ; qu'en se bornant à affirmer que les salariés n'avaient pas tous perçu l' équivalent du SMIC chaque mois car l'employeur avait opéré des retenues qu'elle a jugées illicites, pour accorder aux 65 salariés strictement la même rémunération correspondant à 151,67 heures au taux horaire en vigueur du SM1C à la date donnée, sans procéder à l'examen d'aucun des dossiers individuels, la cour d'appel a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
2/ ALORS QUE le juge doit répondre aux conclusions des parties ; que la société Bois Debout faisait valoir que le non-paiement du SMIC mensuel était dû à différentes absences dont des absences pour arrêt maladie, dont elle justifiait, pour 49 des 65 salariés intimés, par la production de leurs arrêts de travail (V. ses conclusions d'appel p 112 et ses pièces d'appel n° 3 dans chaque dossier individuel) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen justifiant certaines retenues pratiquées par des absences pour maladie, la cour d'appel a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛 ;
3/ ALORS QUE le juge doit répondre aux conclusions des parties ; que la société Bois Debout faisait encore valoir que le non-paiement du SMIC mensuel était dû à des absences librement décidées par les salariés, permettant à certains d'exercer une autre activité professionnelle (ses conclusions d'appel p 114-115) ; que pour l'établir, elle offrait de prouver le caractère récurrent de leurs absences à certaines périodes qui figuraient sur la fiche individuelle des salariés concernés (ses pièces d'appel individuelles n° 1), elle rappelait le fait qu'aucun salarié n'avait jamais fait l'objet d'aucune sanction au titre de ces absences, ni n'avait contesté, avant la présente procédure, les retenues sur salaires figurant sur leurs bulletins de paie; qu'en affirmant péremptoirement que l'employeur ne démontrait pas que les salariés avaient refusé d'exécuter leur travail ou ne s'étaient pas tenus à sa disposition, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par confirmation du jugement entrepris, condamné la société Bois Debout à verser aux salariés des rappels de prime de 13ème mois et congés payés afférents, ordonné à la société Bois Debout de remettre à chaque salarié un bulletin de salaire conforme, condamné la société Bois Debout à verser au syndicat CGTG des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession, d'AVOIR condamné la société Bois Debout à verser au syndicat UGTG des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession et de l'AVOIR condamnée aux dépens
AUX MOTIFS PROPRES QUE « S'agissant des demandes relatives à la prime de 13ème mois
1) Sur le principe Ainsi que l'a justement rappelé le conseil de prud'hommes de Basse-Terre, l'employeur doit assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique.
Il s'en déduit, par application de l'
article 1315 devenu 1353 du code civil🏛, que s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter au juge la preuve de raisons objectives, réelles et pertinentes justifiant cette différence.
Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport adressé au Comité d'Entreprise de la SA Bois Debout par le cabinet d'expertise-comptable CGE de Pointe-à-Pitre après l'analyse des livres de paie des années 2010 à 2012 et des bulletins de salaire d'un échantillon de salariés ouvriers agricoles de l'entreprise de 2007 à 2012, que seuls les cadres et certains employés non cadres de la SA Bois Debout perçoivent une prime de 13ème mois, correspondant au salaire de base mensuel.
La société Bois Debout n'invoque, ni ne démontre, l'existence d'une convention collective ou d'un accord collectif d'entreprise qui aurait permis de présumer justifiée cette différence de traitement entre ouvriers, cadres et employés et de renverser la charge de la preuve.
Il est constant que la différence de catégorie professionnelle ne peut en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre salariés.
La société Bois Debout se contente d'indiquer, pour justifier cette différence de traitement, que les ouvriers agricoles, contrairement aux autres membres de l'entreprise, d'une part, décident librement de venir travailler ou non, et d'autre part, bénéficient de la pratique du 'fini, parti' leur permettant de quitter l'entreprise dès lors qu'ils ont accompli les tâches qui leur sont affectées quotidiennement.
Or, il a été démontré plus haut que, contrairement aux affirmations de l'employeur, les ouvriers agricoles ne sont pas totalement libres de décider de venir travailler ou non.
D'autre part, l'employeur ne prouve pas que les tâches confiées aux ouvriers agricoles moyennant une rémunération équivalente à 7 heures de travail/jour pourraient être accomplies en un temps moindre.
Il en résulte que les ouvriers agricoles de la société Bois Debout ne bénéficient d'aucun avantage établi, susceptible de contrebalancer l'absence de prime de 13ème mois.
Force est ainsi de constater que la société Bois Debout n'apporte aux débats aucun élément objectif, réel et pertinent, pour justifier l'absence de versement d'une prime de 13ème mois aux ouvriers agricoles au sein de l'entreprise.
Les demandes sont donc bien fondées en leur principe.
2) Sur la prime de 13ème mois de l'année 2016 La société Bois Debout soutient qu'en tout état de cause, le conseil de prud'hommes aurait prononcé des condamnations au titre de la prime de 13ème mois pour l'année 2016 sans être valablement saisi d'une demande de ce chef La cour relève que si tel était le cas, il appartenait à la société Bois Debout de saisir le conseil de prud'hommes en rectification de son jugement sur le fondement de l'
article 464 du code de procédure civile🏛, ce qu'elle n'a pas fait.
Le moyen est ainsi écarté
3) Sur la demande de minoration au prorata des « absences exceptionnelles »
Il n'y a pas lieu à minoration au prorata des « absences exceptionnelles » comme demandé subsidiairement par l'employeur, puisque le bien-fondé des retenues opérées au regard de cellesci n'est pas établi, ainsi qu'il a été démontré plus haut.
4) S'agissant des congés payés afférents Ils sont dus dès lors que la prime allouée correspond au montant du strict salaire de base mensuel ( congés payés non inclus).
Conclusion
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a fait intégralement droit aux demandes »
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « E / Sur la demande de dommages-intérêts du Syndicat CGTG
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes statuant en formation de départage a alloué au syndicat CGTG la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.
Il suffit de rappeler que les demandes des ouvriers agricoles de la société Bois Debout constituent des revendications anciennes du syndicat CGTG, signataire de l'accord collectif régional du 20 février 1976 posant le principe de la rémunération à l'heure de travail effective, du protocole d'accord du 25 octobre 2004 sur la rémunération des ouvriers agricoles de la banane à hauteur du SMIC, de l'accord Ai BK du 26 février 2009.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
F / Sur la remise aux salariés d'un bulletin de paie rectifié Le jugement entrepris n'est pas utilement contesté en ce qu'il a fait droit à la demande, et sera donc confirmé sur ce point.
H / Sur les demandes de l'UGTG
1) S'agissant de la demande de dommages-intérêts
La violation des dispositions légales protectrices relatives à la mensualisation et au salaire minimum de croissance, de l'accord inter régional sur les salaires dit accord « Jacques Bino »
et du principe d'égalité de traitement des salariés, porte préjudice à l'intérêt collectif de la profession d'ouvrier agricole, que l'UGTG représente en appel.
En conséquence, il y a lieu de lui allouer une indemnité de 1000 euros à ce titre »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « L'employeur doit assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique. Si l'employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placés dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé et que les règles déterminant l'octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables.
En application de l'
article 1315 du code civil🏛, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter au juge la preuve d'éléments objectifs et pertinents justifiant cette différence.
Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport adressé au Comité d'Entreprise de la SA BOIS DEBOUT par le cabinet d'expertise-comptable CGE de POINTE A PITRE après l'analyse des livres de paie des années 2010 à 2012 et des bulletins de salaire d'un échantillon de salariés ouvriers agricoles de l'entreprise de 2007 à 2012, que seuls les cadres et certains employés non cadres de la SA BOIS DEBOUT perçoivent une prime de 13ème mois, correspondant au salaire de base mensuel.
La SA BOIS DEBOUT se contente d'indiquer pour justifier cette différence de traitement que les ouvriers agricoles sont, contrairement aux autres membres de l'entreprise, soumis à une durée du travail basée sur une équivalence dans le cadre du travail à la tâche et que ce sont tous les ouvriers agricoles qui sont exclus du versement du 13ème mois.
Or, la seule-différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre salariés.
La SA BOIS DEBOUT n'invoque, ni ne démontre, l'existence d'une convention collective ou d'un accord collectif d'entreprise qui aurait permis de présumer justifiée cette différence de traitement entre ouvriers et cadres et employés et de renverser la charge de la preuve.
Par ailleurs, la SA BOIS DEBOUT s'appuie sur un mode de calcul de la rémunération des ouvriers agricoles à la tâche non conforme aux dispositions légales comme démontré ci-avant.
Enfin, il apparaît, à la lecture du rapport du cabinet CGE, qu'au sein de la SA BOIS DEBOUT, le versement d'une prime de fin d'année, dont bénéficie les ouvriers agricoles, n'est pas exclusif du versement d'un 13ème mois, les cadres et employés non cadres de l'entreprise cumulant les deux.
Force est de constater que la SA BOIS DEBOUT n'apporte aux débats aucun élément objectif, réel et pertinent, pour justifier l'absence de versement d'une prime de 13ème mois aux ouvriers agricoles au sein de l'entreprise.
il y a donc lieu de condamner la SA BOIS DEBOUT à payer aux salariés demandeurs les sommes qu'ils réclament au titre de la prime de 13ème mois et des congés payés y afférent »
1/ ALORS QUE pour confirmer le jugement entrepris ayant accordé aux salariés un rappel de prime de 13ème mois, la cour d'appel a relevé qu'il n'était pas établi, à titre de justification d'une différence de traitement avec les salariés cadres, que les ouvriers agricoles étaient libres de décider de venir travailler ou non, et qu'il n'y avait pas lieu à minoration au prorata des « absences exceptionnelles » puisque le bien-fondé des retenues opérées au regard de celles-ci n'était pas établi ; que dès lors la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société Bois Debout à verser aux salariés des rappels de salaires sur Smic et au titre des absences exceptionnelles entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif en application de l'
article 624 du code de procédure civile🏛 ;
2/ ALORS QUE l'effet dévolutif de l'appel confère à la cour d'appel le pouvoir de réparer les erreurs affectant le jugement déféré lorsque cela lui est demandé ; que la société Bois Debout faisait valoir que le jugement avait statué ultra petita en allouant aux salariés un rappel de prime de 13ème mois au titre de l'année 2016 (conclusions d'appel de l'exposante p 119) ; qu'en jugeant qu'il appartenait à la société Bois Debout de saisir le conseil de prud'hommes en rectification de son jugement sur le fondement de l'
article 464 du code de procédure civile🏛, la cour d'appel a violé les
articles 561 et 464 du code de procédure civile🏛🏛 ;
3/ ALORS QUE les primes allouées globalement pour l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, ne sont pas incluses dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés, leur montant n'étant par hypothèse pas affecté par le départ du salarié en congé ; que la société Bois Debout faisait valoir que la prime de 13ème mois allouée aux cadres n'était pas exclusivement la contrepartie du travail effectif, ce qui excluait qu'elle entre dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés (conclusions d'appel de l'exposante p 122) ; qu'en retenant que les congés payés étaient dus au motif inopérant que le montant de la prime allouée correspondait au montant du strict salaire de base mensuel, congés payés non inclus, sans à aucun moment rechercher, comme elle y était invitée, si la prime de 13ème mois n'était pas allouée globalement pour l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, de sorte que sa prise en compte dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés aboutissait à la faire payer, même pour partie, une seconde fois par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 3141-22 du code du travail🏛.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par confirmation du jugement entrepris, condamné la société Bois Debout à verser aux salariés des rappels sur bonus vie chère et congés payés afférents, ordonné à la société Bois Debout de remettre à chaque salarié un bulletin de salaire conforme, condamné la société Bois Debout à verser au syndicat CGTG des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession, d'AVOIR condamné la société Bois Debout à verser au syndicat UGTG des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession et de l'AVOIR condamnée aux dépens
AUX MOTIFS PROPRES QUE « D / Sur la demande au titre de l'accord « Jacques Bino »
L'accord régional interprofessionnel relatif aux salaires en Guadeloupe, dit accord « Jacques B.» signé le 26 février 2009 et étendu par arrêté du Ministre du travail du 03 avril 2009, prévoit que tous les salariés dont le salaire horaire de base (hors prime et accessoires de salaire) est égal au SMIC et jusqu'à 1,4 SMIC inclus voient leur revenu mensuel augmenter, à la charge de l'employeur, dans les entreprises de plus de 100 salariés, d'un bonus de 100 euros net.
La société Bois Debout ne conteste pas devoir appliquer cet accord mais procède à une minoration du montant du bonus en tenant compte des absences exceptionnelles du salarié dans le mois.
Or, l'accord « Jacques Bino », applicable en Guadeloupe, ne prévoit aucun critère de modulation du versement du bonus exceptionnel, hormis pour les salariés à temps partiel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En outre, le bien-fondé des retenues opérées au regard des absences exceptionnelles n'est pas établi, ainsi qu'il a été démontré plus haut.
S'agissant des congés payés afférents, ils sont également dus puisque la prime en cause constitue un élément de la rémunération versée en contrepartie d'un travail effectif.
Par conséquent, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Bois Debout à payer aux salariés les sommes réclamées au titre du reliquat du bonus de l'accord « Jacques Bino » et des congés payés afférents »
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « E / Sur la demande de dommages-intérêts du Syndicat CGTG
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes statuant en formation de départage a alloué au syndicat CGTG la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.
Il suffit de rappeler que les demandes des ouvriers agricoles de la société Bois Debout constituent des revendications anciennes du syndicat CGTG, signataire de l'accord collectif régional du 20 février 1976 posant le principe de la rémunération à l'heure de travail effective, du protocole d'accord du 25 octobre 2004 sur la rémunération des ouvriers agricoles de la banane à hauteur du SMIC, de l'accord Jacques B. du 26 février 2009.
Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
F / Sur la remise aux salariés d'un bulletin de paie rectifié Le jugement entrepris n'est pas utilement contesté en ce qu'il a fait droit à la demande, et sera donc confirmé sur ce point.
H / Sur les demandes de l'UGTG 1) S'agissant de la demande de dommages-intérêts
La violation des dispositions légales protectrices relatives à la mensualisation et au salaire minimum de croissance, de l'accord inter régional sur les salaires dit accord « Jacques B. » et du principe d'égalité de traitement des salariés, porte préjudice à l'intérêt collectif de la profession d'ouvrier agricole, que l'UGTG représente en appel.
En conséquence, il y a lieu de lui allouer une indemnité de 1000 euros à ce titre »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur la demande au titre de «l'Accord Ai BK»
L'accord régional interprofessionnel relatif aux salaires en Guadeloupe, dit « Accord Jacques BINO» signé le 26 février 2009 et étendu par arrêté du Ministre du travail du 03 avril 2009, prévoit que tous les salariés dont le salaire horaire de base (hors prime et accessoires de salaire) est égal au SMIC et jusqu'à 1,4 SMIC inclus voient leur revenu mensuel augmenter, à la charge de l'employeur, dans les entreprises de plus de 100 salariés, d'un bonus de 100,00 euros net.
L'analyse des bulletins de paie produits aux débats montre que la SA BOIS DEBOUT a mis en place une proratisation de ce bonus en fonction de la présence effective du salarié dans l'entreprise.
La SA BOIS DEBOUT se fonde sur la circulaire interministérielle n°DSS/5B/DéGéom/2009/282 du 10 septembre 2009 relative au bonus exceptionnel mentionné à l'
article 3 de la loi 2009-594 du 27 mai 2009🏛 pour le développement économique des outremer.
Cette circulaire précise, en sa page 4, que « La fixation du montant du bonus exceptionnel, et les conditions de sa modulation selon les salariés, est déterminée par l'accord régional interprofessionnel ou par l'accord de branche ou d'entreprise auquel il renvoie. »
Or, « l'Accord Jacques BINO », applicable en Guadeloupe, ne prévoit aucun critère de modulation du versement du bonus exceptionnel, hormis pour les salariés à temps partiel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par ailleurs, la circulaire précitée indique encore: « Cette modulation ne peut être effectuée qu'en fonction de l'un ou plusieurs des critères suivants: taille de l'entreprise, secteur d'activité, salaire du salarié dans l'entreprise, qualification du salarié dans l'entreprise, niveau de classification du salarié, ancienneté du salarié dans l'entreprise, durée de présence dans l'entreprise du salarié. » Le critère de la présence effective du salarié dans l'entreprise, retenu par la SA BOTS DEBOUT, n'est pas listé.
Par conséquent, il y a lieu de condamner la SA BOIS DEBOUT à payer aux salariés demandeurs les sommes qu'ils réclament au titre du reliquat du bonus de « l'Accord Ai BK» et des congés payés y afférent »
1/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que les parties ayant conclu s'accordaient sur le fait que la prime de « vie chère » prévu par l'accord Ai BK du 26 février 2009 n'était pas un élément de salaire versé en contrepartie du travail effectif mais une prime destinée à revaloriser leur pouvoir d'achat (conclusions d'appel de l'exposante p 124 ; conclusions d'appel du syndicat UGTG p 32) ; qu'en affirmant que cette prime constituait un élément de la rémunération versée en contrepartie d'un travail effectif, pour la faire entrer dans l'assiette de l'indemnité de congés payés, la cour d'appel a violé l'
article 4 du code de procédure civile🏛 ;
2/ ALORS QU'est exclue de l'assiette des congés payés, la prime destinée à revaloriser le pouvoir d'achat des salariés; que l'accord « Jacques Bino » du 26 février 2009 relatif aux salaires en Guadeloupe instaure une augmentation de salaire à charge pour moitié de l'employeur et pour moitié de l'Etat, de 200 euros nets par mois pour tous les salariés employés dans les entreprises de 100 salariés, dont le salaire horaire de base (hors prime et accessoires de salaire) est égal au SMIC et jusqu'à 1,4 SMIC inclus, au regard de la « nécessité d'une revalorisation substantielle du pouvoir d'achat » ; qu'en affirmant que cette prime constituait un élément de la rémunération versée en contrepartie d'un travail effectif, pour la faire entrer dans l'assiette de l'indemnité de congés payés, la cour d'appel a violé l'accord du 26 février 2009 sur les salaires en Guadeloupe, ensemble l'
article L. 3141-22 du code du travail🏛.