Jurisprudence : CA Grenoble, 22-09-2022, n° 21/02808, Confirmation

CA Grenoble, 22-09-2022, n° 21/02808, Confirmation

A28118LP

Référence

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N° RG 21/02808 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K53L


C4


Minute :


Copie exécutoire

délivrée le :


la SCP SCP JOUANNEAU-PALACCI


Me Dominique FLEURIOT


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE GRENOBLE


CHAMBRE COMMERCIALE


ARRÊT DU JEUDI 22 SEPTEMBRE 2022


Appel d'une décision (N° RG 2019J323)

rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 09 juin 2021

suivant déclaration d'appel du 24 juin 2021



APPELANTE :


CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHONE ALPES, Société Coopérative de Crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 402121958, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 5]


représentée par Me Séverine JOUANNEAU de la SCP JOUANNEAU-PALACCI, avocat au barreau de VALENCE


INTIMÉ :


M. [B] [T]

né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]


représenté par Me Dominique FLEURIOT, avocat au barreau de VALENCE



COMPOSITION DE LA COUR :


LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,


DÉBATS :


A l'audience publique du 02 juin 2022, M. Lionel BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile🏛. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.



FAITS ET PROCÉDURE :


1.La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes a consenti, suivant acte sous seing privé en date du 4 juillet 2016, à la société Sud Est Charpentes, une ligne de trésorerie de 100.000 euros, garantie par une cession de factures à 100%. Le 20 décembre 2018, le plafond et la garantie consentie ont été modifiés, le plafond étant porté à 130.000 euros alors que le montant de la cession de factures a été porté à 130.000 euros, la cession de factures devant désormais être notifiée.


2.Dans ce cadre, la créance détenue par la société Sud Est Charpentes sur la société Dumez Côte d'Azur a été cédée le 15 janvier 2019, pour un montant de 47.615,28 euros, au titre de la facture n° 190104. De la même façon, la créance détenue sur la société Regain a été cédée le 21 janvier 2019, à échéance au 31 mars 2019, pour un montant de 35.149,96 euros au titre de la facture n° 190107.


3.La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes a également consenti à la société Sud Est Charpentes un prêt n°00001736170 pour la somme de 80.000 euros. Un billet à ordre en date du 30 janvier 2019, à échéance au 28 février 2019, a été émis pour la même somme, avec la signature de [B] [T], gérant de l'emprunteur.


4.Le 20 février 2019, la société Sud Est Charpentes a été placée en redressement judiciaire. Cette société ne respectant pas ses engagements envers l'établissement bancaire, les débiteurs cédés ont été mis en demeure le 9 mai 2019 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes de lui régler les sommes dues au titre des factures cédées.


5.La société Dumez a indiqué, par courrier du 20 juin 2019, avoir effectué par erreur le virement de 47.615,80 euros au crédit du compte de la société Sud Est Charpentes. Suite au placement de la société en redressement judiciaire, elle a demandé à l'administrateur le remboursement de cette somme, afin de régler la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes. La société Regain n'a apporté aucune réponse à la demande de la banque, et a procédé au règlement auprès de la société Sud Est Charpentes, de la somme de 35.149,96 euros, par chèque le 6 mars 2019, encaissé le 7 mars 2019.


6.Par jugement du 20 juin 2019, la procédure de la société Sud Est Charpentes a été convertie en liquidation judiciaire. Le 5 juin 2019, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes a déclaré sa créance au passif de la procédure. Elle a également assigné en paiement la société Dumez Côte d'Azur, la société Regain ainsi que [B] [T], gérant de la société Sud Est Charpentes, devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère.


7.Par jugement du 9 juin 2021, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a':


- constaté le désistement d'instance et d'action de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes à l'encontre de la société Dumez Côte d'Azur';

- condamné la société Regain à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes la somme de 35.149,96 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 mai 2019 et jusqu'à parfait paiement';

- dit que la société Regain pourra s'acquitter de sa dette en 24 versements mensuels égaux, le premier devant intervenir dans le mois suivant la signification de la décision, les suivants à cette date anniversaire';

- dit qu'à défaut de règlement d'une seule échéance à bonne date, le solde de la créance deviendra immédiatement et intégralement exigible, sans mise en demeure';

- rejeté la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes en paiement à l'encontre de [B] [T]';

- rejeté la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 comme insuffisamment justifiée':

- ordonné l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution';

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires';

- liquidé et mis les dépens à la charge de la société Regain.



8.La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes a interjeté appel de cette décision le 24 juin 2021, en ce qu'elle a':


- rejeté sa demande en paiement formée à l'encontre de monsieur [T]';

- rejeté sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


L'instruction de cette procédure a été clôturée le 5 mai 2022.


Prétentions et moyens de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes :


9.Selon ses conclusions remises le 21 décembre 2021, elle demande à la cour, au visa des articles L313-23 et suivants du code monétaire et financier🏛, L511-21 et suivants du code de commerce🏛, 1134 et suivants du code civil':


- d'infirmer le jugement déféré, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande visant à voir monsieur [T] condamné à lui payer la somme de 81.590,44 euros outre intérêts au taux de 2% l'an à compter du 6 novembre 2019 et jusqu'à parfait paiement au titre de l'aval souscrit';

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel';

- statuant à nouveau, de déclarer régulier l'aval souscrit par l'intimé';

- de le condamner à lui payer la somme de 81.590,44 euros outre intérêts au taux de 2% l'an à compter du 6 novembre 2019 et jusqu'à parfait paiement';

- de le condamner à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.


Elle expose':


10.- que le billet à ordre a été avalisé par l'intimé, gérant et associé unique de la société Sud Est Charpentes pour 80.000 euros'; que les engagements pris par cette société n'ont pas été respectés, alors qu'elle a fait l'objet d'une liquidation judiciaire'; que la concluante a déclaré sa créance le 5 juillet 2019, alors que l'avaliste a été mis en demeure'; que la créance représente le principal, outre les intérêts au taux de 2'% pour la période courant du 20 juin 2019 au 20 février 2019';


11.- que la régularité de l'aval n'a pas été contestée par l'intimé, qui n'a pas comparu en première instance, alors que le tribunal a estimé qu'il était irrégulier car ne permettant pas de vérifier l'existence d'un engagement personnel exprimé de façon clair et non ambiguë ; que le tribunal a violé l'article 16 du code de procédure civile🏛, puisque ce moyen relevé d'office n'a pas été débattu contradictoirement';


12.- que selon l'article L512-1 du code de commerce🏛, l'aval doit être signé par celui qui a donné sa garantie'; qu'il peut résulter de la simple signature apposé au recto'; que l'intimé s'est engagé personnellement en qualité d'avaliste en apposant sa signature dans la partie du billet à ordre réservé à cette qualité, sur le tampon de la société débitrice.


Prétentions et moyens de [B] [T]':


13. Selon ses conclusions remises le 2 décembre 2021, il demande à la cour':


- de déclarer irrecevable et mal fondé l'appel de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes';

- de confirmer le jugement déféré';

- de condamner l'appelante à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 en cause d'appel';

- de la condamner aux dépens distraits au profit de maître Fleuriot, avocat.


Il indique':


14.- que si le billet à ordre litigieux porte la signature du concluant sur le tampon de sa société à deux reprises, dans la partie souscripteur et dans la partie aval, et que l'appelante en tire la conclusion que la signature dans la partie aval est suffisante pour engager le concluant à titre personnel et non ès-qualités de représentant, encore faut-il pour admettre cette thèse que les mentions soient non équivoques'; qu'il en est ainsi lorsque le signataire a porté la mention complémentaire « bon pour aval » ou équivalent, de même lorsque le signataire a seulement apposé sa signature dans le cadre réservé à l'aval sur la partie gauche sans autre signe ni mention comme un tampon par exemple';


15.- que tel n'est pas le cas en l'occurrence, puisque le concluant a porté sa signature sur le tampon ou inversement a apposé le tampon sur sa signature'; que ce tampon est le cachet de la société Sud Est Charpentes, de sorte que l'on ne peut retenir que la signature était donnée à titre personnel, indépendamment et en sus de la signature du dirigeant, ce qu'a relevé à juste titre le tribunal de commerce';


16.que lorsque la mention « bon pour aval » a été signée par le dirigeant au dessus d'un cachet mentionnant cette qualité, on doit considérer que l'aval a été donné par le dirigeant en qualité de représentant légal de la société et non à titre personnel.


*****


17.Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile🏛 de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.



MOTIFS':


18.Pour débouter l'appelante de sa demande en paiement dirigée contre monsieur [Aa], le tribunal de commerce a retenu que quand le donneur d'aval, en l'absence de tout élément accompagnant sa signature, est en même temps le représentant d'une société, il est engagé personnellement en tant qu'avaliste, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a agi en qualité de mandataire. Il en a déduit que lorsque le dirigeant d'une entreprise donne son aval sans mention, il engage sa responsabilité personnelle et non celle de la société dont il est le dirigeant, alors qu'en l'espèce, monsieur [Aa] a apposé sa signature sur le tampon de la société en qualité de dirigeant. Faute d'un engagement personnel exprimé de façon clair et non ambiguë, le tribunal a considéré que le billet à ordre n'est pas valablement avalisé, et il a rejeté la demande en paiement de l'appelante formée contre monsieur [T] en sa qualité d'avaliste.


19.La cour constate qu'afin de garantir les cessions des créances détenues contre les sociétés Dumez et Regain, deux billets à ordre ont été émis les 15 et 21 janvier 2019 par la société Sud Est Charpentes, avec la signature de monsieur [T] sur la partie du billet destinée à l'apposition de la signature du souscripteur. Il n'est pas contesté que seule la société Sud Est Charpentes a été engagée au titre de ses deux billets, et aucune action en paiement n'a été engagée à l'encontre de l'intimé à ce titre.


20.Le billet à ordre de 80.000 euros émis le 30 janvier 2019 se présente différemment, puisqu'à côté de la signature apposée par l'intimé sur le cachet de la société Sud Est Charpentes en sa qualité de représentant légal de cette société souscripteur de ce billet, comme pour les deux billets précédemment émis 15 jours auparavant, il a également apposé sa signature sur le cachet de la même société dans la partie concernant l'aval.


21.Selon les dispositions de l'article L511-21 du code de commerce🏛, rendues applicables au billet à ordre par l'effet de l'article L512-4, le paiement d'un billet à ordre peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval. Cette garantie est fournie par un tiers ou même par un signataire du billet. L'aval est donné soit sur le billet ou sur une allonge, soit par un acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu. Il est exprimé par les mots " bon pour aval " ou par toute autre formule équivalente. Il est signé par le donneur d'aval. Il est considéré comme résultant de la seule signature du donneur d'aval apposée au recto du billet, sauf quand il s'agit de la signature du tireur. L'aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur.


22.En l'espèce, la signature et le tampon apposés dans le billet à ordre, dont il s'avère qu'il s'agit d'un formulaire normalisé, sont identiques dans la partie réservée au souscripteur et à l'avaliste. La mention «'bon pour aval'» est préimprimée, et aucune mention manuscrite n'a été apposée par l'intimé confirmant sa volonté de se porter garant de l'obligation souscrite par la société dont il était le dirigeant. Aucune inscription n'a été apposée au verso de ce formulaire.


23.Selon l'article L511-21 précité, l'aval est considéré comme résultant de la seule signature du donneur d'aval apposée au recto du billet, sauf quand il s'agit de la signature du tireur. Tel est le cas en l'espèce, puisque le tampon de la société Sud Est Charpentes et la signature de son représentant légal figurent à la fois au titre de la dénomination et de la signature du tireur et de l'avaliste. Le fait que l'intimé ait déjà signé deux billets antérieurement en sa qualité de dirigeant de la société Sud Est Charpentes ne permet pas d'établir, sans aucun doute, qu'en apposant sa signature et le tampon de sa société dans la partie réservée à l'aval, il se soit engagé à titre personnel.


24.Ainsi que retenu par le tribunal de commerce, il ne résulte pas de ce billet que l'intimé se soit engagé personnellement de façon clair et non ambiguë en qualité d'avaliste. Les premiers juges ont ainsi justement considéré que le billet à ordre n'est pas valablement avalisé, et ils ont exactement rejeté la demande en paiement de l'appelante formée contre monsieur [T] en sa qualité d'avaliste. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions, le contradictoire ayant été rétabli dans le cadre de la procédure suivie devant la cour.


25.Succombant en son appel, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes sera condamnée à payer à monsieur [T] la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile🏛. Elle sera également condamnée aux dépens.



PAR CES MOTIFS :


La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛, après en avoir délibéré conformément à la loi,


Vu les articles L512-4 et L511-21 du code de commerce🏛';


Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;


y ajoutant';


Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes à payer à [B] [T] la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile🏛';


Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône-Alpes aux dépens, avec distraction au profit de maître Fleuriot, avocat';


SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


La Greffière La Présidente

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