CIV.3 FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 12 juin 2013
Rejet
M. TERRIER, président
Arrêt no 699 FS-D
Pourvoi no N 12-19.103
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Aviva assurances IARD, dont le siège est Bois-Colombes cedex,
contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2012 par la cour d'appel de Douai (chambre 1 - section 2), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Marcel Y, domicilié Tremblay-en-France,
2o/ à la société Eco logis, société anonyme, dont le siège est Saint-Raphaël,
3o/ à M. Jérôme W, domicilié Marcq-en-Baroeul, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Eco logis,
4o/ à M. Michel V, domicilié Colembert,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 avril 2013, où étaient présents M. Terrier, président, M. Maunand, conseiller rapporteur, M. Mas, conseiller doyen, MM. Pronier, Jardel, Nivôse, Roche, Bureau, conseillers, Mmes Vérité, Abgrall, Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, M. Charpenel, premier avocat général, M. Dupont, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Maunand, conseiller, les observations de la SCP Vincent et Ohl, avocat de la société Aviva assurances IARD, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. Y, l'avis de M. Charpenel, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Aviva assurances du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. V ;
Constate la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Eco logis et M. W, pris en sa qualité de liquidateur de cette société ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 janvier 2012), que M. Y a confié à la société Eco logis, aujourd'hui en liquidation judiciaire, la construction d'une maison individuelle ; que les travaux de raccordement des eaux usées à l'égout ont été confiés à M. V ; qu'après le refus du certificat de conformité et l'établissement d'un procès-verbal d'infractions, motivés par la mauvaise implantation de la construction et sa surélévation, M. Y, alléguant la nécessité de démolir et de reconstruire la maison, a assigné, après expertise, la société Eco logis, son assureur, la société Aviva assurances, et M. V en réparation de ses préjudices ;
Attendu que la société Aviva assurances fait grief à l'arrêt, après avoir déclaré la société Eco logis responsable du désordre relatif à l'erreur d'implantation sur le fondement de l'article 1792 du code civil, de la condamner à payer à M. Y des sommes au titre du coût de la démolition et de la reconstruction de l'ouvrage, outre indexation et intérêts au taux légal, alors, selon le moyen
1o/ qu'en affirmant qu'il serait ressorti des écritures de la société Aviva que celle-ci n'entendait pas dénier sa garantie au titre de l'assurance responsabilité civile décennale souscrite par la société Eco logis, cependant que dans ses conclusions signifiées le 17 octobre 2011, la société Aviva faisait expressément valoir que les conditions de mise en jeu de la garantie décennale ne se trouvaient pas en l'espèce réunies et demandait qu'il fût dit et jugé que les réclamations de M. Y ne relevaient pas des garanties de la police souscrite par la société Eco logis, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige par dénaturation des écritures de la société Aviva, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2o/ qu'en toute hypothèse, qu'en statuant comme elle a fait sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en l'absence de prescription administrative ou d'assignation de tiers enjoignant à M. Y de démolir son immeuble, l'absence de preuve par celui-ci d'un désordre certain de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination n'excluait pas la possibilité de mobiliser la garantie décennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que l'erreur d'implantation ne pouvait pas être régularisée et aboutissait à la démolition de l'ouvrage, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, que le désordre était de nature décennale et que la société Aviva assurances devait sa garantie ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aviva assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aviva assurances à payer à M. Y la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Aviva assurances ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour la société Aviva assurances IARD.
En ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir déclaré la société Eco Logis responsable du désordre relatif à l'erreur d'implantation sur le fondement de l'article 1792 du code civil, a condamné la société Aviva assurances à payer à Monsieur Y la somme de 29.963,39 euros TTC au titre du coût de la "déconstruction" de l'immeuble, et celle de 155.454,17 euros au titre des frais de reconstruction de l'immeuble, ces sommes étant indexées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise et le jugement déféré, et assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement déféré
Aux motifs que Monsieur Y a fait construire sur une parcelle sise à Wimereux, Route d'Aubengue une maison individuelle par la société Eco Logis. Le 28 juillet 2005, à l'issue d'une réunion contradictoire entre Monsieur Y assisté d'un expert désigné par l'assureur protection juridique du maître d'ouvrage et la société Eco Logis était établi un protocole d'accord listant un certain nombre de réserves, qui constitue le procès-verbal de réception ; Il était notamment mentionné "Mauvaise implantation du logement", et il était précisé que cette réserve était maintenue jusqu'à obtention du certificat de conformité ; Or Monsieur Y justifie d'un refus de certificat de conformité en date du 20 mars 2006 pour notamment non respect des côtes du plan de masse ; Suivant courrier du 22 octobre 2007 régulièrement versé aux débats, les voisins de Monsieur Y se plaignaient auprès de la Direction Départementale de l'Équipement d'une implantation de l'immeuble Dumesnil trop proche de leur propriété et de sa hauteur ; Monsieur Y était informé par courrier du 25 octobre 2007 que suite à un contrôle de la Direction Départementale de l'Équipement, il était relevé les infractions suivantes à l'encontre de la construction litigieuse - mauvaise implantation de la construction par rapport aux limites et au recul obligatoire,
- surélévation de la construction d'I,20 m,
Il lui était laissé un délai de trois semaines pour répondre avant transmission du dossier au Procureur de la République. Le conseil de Monsieur Y, par une lettre du 15 novembre 2007, demandait à l'administration de surseoir à la transmission du dossier au Parquet en raison de l'existence d'une mesure d'expertise sur le problème d'implantation et sollicitait des éléments d'information sur la détermination d'une surélévation de l'immeuble ; Quant au défaut d'altimétrie, cette non-conformité contractuelle qui s'explique par le fait que les plans du permis de construire avaient été établis avec l'hypothèse d'un terrain naturel plat alors qu'il est en déclivité existait à la réception et était apparente, Monsieur Y étant assisté d'un expert ;
Or aucune réserve n'a été faite sur ce point ; Au cours de l'expertise confiée à Monsieur ..., la société Eco Logis proposait au maître d'ouvrage un plan modificatif avec la réalisation d'une extension venant en limite séparative qui devait être encore soumis aux autorités administratives ; Or Monsieur Y qui avait déposé le permis modificatif proposé par la société Eco Logis produit un arrêté du 20 janvier 2011 refusant un permis de construire modificatif ;
Certes les délais écoulés depuis la déclaration d'achèvement imposaient au maître d'ouvrage de déposer une nouvelle demande de permis mais surtout, l'erreur d'implantation par rapport aux limites séparatives ne pouvait être rectifiée par l'adjonction d'un local à vélo qui correspond "à un artifice architectural" en prolongement d'une construction déjà implantée avec un recul non réglementaire et qui ne peut être assimilé à la règle ; II s'ensuit que l'erreur d'implantation ne peut être régularisée et aboutit à la démolition de l'ouvrage, constituant un désordre de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; Monsieur Y en émettant une réserve sur ce défaut de conformité mais en ne la maintenant que jusqu'à obtention du certificat de conformité ne pouvait envisager que ce problème ne pourrait être résolu ; En conséquence la gravité du désordre ne s'est révélée dans toute son ampleur au maître d'ouvrage que postérieurement à la réception ; Il doit donc être considéré comme un désordre non apparent engageant la responsabilité de la SARL Eco Logis sur le fondement de l'article 1792 du code civil, et justifiant à lui seul la démolition et la reconstruction de l'immeuble ; La société Eco Logis a souscrit auprès de la compagnie Aviva une assurance construction comprenant la garantie Responsabilité civile décennale ; Il ressort du libellé des écritures de la société Aviva devant la Cour qu'elle n'entend pas dénier sa garantie au titre de l'assurance responsabilité civile décennale souscrite par la société Eco Logis ; Par ailleurs elle invoque la garantie erreur d'implantation prévue dans le cadre de la garantie responsabilité exploitation et après livraison des travaux, qui n'est pas applicable en l'espèce ; Enfin s'agissant de la garantie décennale obligatoire, elle ne peut opposer des limites de garantie ; En conséquence l'estimation des travaux de démolition et de reconstruction réalisée par l'expert n'étant pas critiquée, il convient de retenir les sommes de 29 963,39 euros pour les travaux de déconstruction et 155 454,17 euros pour la reconstruction le tout avec indexation et de condamner la société Aviva au paiement de ces sommes tandis que la créance de Monsieur Y sur le passif de la liquidation judiciaire de la société Eco Logis sera fixée à ces montants (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;
1o/ Alors, d'une part, qu'en affirmant qu'il serait ressorti des écritures de la société Aviva que celle-ci n'entendait pas dénier sa garantie au titre de l'assurance responsabilité civile décennale souscrite par la société Eco Logis, cependant que dans ses conclusions signifiées le 17 octobre 2011 (p. 7, 8 et 11), la société Aviva faisait expressément valoir que les conditions de mise en jeu de la garantie décennale ne se trouvaient pas en l'espèce réunies et demandait qu'il fût dit et jugé que les réclamations de Monsieur Marcel Y ne relevaient pas des garanties de la police souscrite par la société Eco Logis, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige par dénaturation des écritures de la société Aviva, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2o/ Et alors, d'autre part et en toute hypothèse, qu'en statuant comme elle a fait sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en l'absence de prescription administrative ou d'assignation de tiers enjoignant à Monsieur Y de démolir son immeuble, l'absence de preuve par celui-ci d'un désordre certain de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination n'excluait pas la possibilité de mobiliser la garantie décennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.