Jurisprudence : CA Paris, 6, 8, 15-09-2022, n° 20/06408, Infirmation


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8


ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022


(n° , 1 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/06408 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCOBX


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 11/11315, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 7 novembre 2017, cassé partiellement par un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 10 juillet 2019.



DEMANDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION


Monsieur [S] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]


assisté par Me Pierre MAIRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0252 substitué par Me Léa DOMINIQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120


DÉFENDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION


E.P.I.C. UNIVERSCIENCE (Palais de la Découverte et de la cité des Sciences et de l'Industrie - EPPDCSI)

[Adresse 6]

[Localité 3]


représentée par Me Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Virginie AUDET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168


PARTIE INTERVENANTE


SYNDICAT NATIONAL CFTC SPECTACLES-COMMUNICATION-SPORTS ET LOISIRS

[Adresse 1]

[Localité 5]


représentée par Me Pierre MAIRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0252 substitué par Me Léa DOMINIQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport et Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée


Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU


ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



EXPOSÉ DU LITIGE


M. [S] [H] (le salarié) a été engagé dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée du 1er décembre 2001 en qualité d'ingénieur maintenance industrielle et ingénieur en froid et climatisation par la Cité des Sciences et de l'Industrie aux droits de laquelle se présente aujourd'hui l'établissement public du palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'Industrie, dénommé Universcience.


Le 29 mars 2004, la relation salariale s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée au poste de chef de projet confirmé spécialisé.


La relation de travail est régie par l'accord de substitution Universcience.


Le 15 septembre 2009, M. [Aa] a été victime d'un accident de travail et placé en arrêt de travail jusqu'au 29 novembre 2009.


Concomitamment le Comité d'Hygiène de sécurité et des Conditions de travail de l'établissement (le CHSCT), a voté un droit d'alerte sur l'ambiance de travail.


Le 26 janvier 2010, le salarié était de nouveau placé en arrêt de travail jusqu'au 20 octobre 2010 sa reprise du 21 octobre suivant s'opérant dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique.


Juste avant la reprise à temps plein prévue le 4 juillet 2011, l'intéressé était de nouveau placé en arrêt de travail dans le cadre d'une rechute de l'accident de travail du 30 juin précédent.


Estimant avoir été victime de harcèlement moral il a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 23 août 2011 pour faire valoir ses droits.


Avant que la juridiction se prononce, le salarié a été désigné en qualité de représentant syndical de la CFTC au CHSCT le 19 juillet 2013, et représentant syndical au comité d'entreprise le 13 janvier 2014.


Le 11 septembre 2014, l'employeur a prononcé une mise à pied disciplinaire à l'encontre de M. [H] .


Par jugement du 17 février 2015, notifié aux parties le 20 février suivant, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire du Syndicat National CFTC spectacles ' communications sports et loisirs ;

- débouté M. [H] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté le Syndicat National CFTC spectacles ' communications sports et loisirs de sa demande ;

- débouté l'établissement public du palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie, dit Universcience de sa demande d'indemnité ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ; - laissé les dépens à la charge de M. [Aa].


Par déclaration du 4 mars 2015, le salarié a interjeté appel.


Placé de nouveau en arrêt de travail du 17 février au 20 avril 2015, il a repris son travail mais a été victime le 19 novembre 2015, d'un accident de travail générant un arrêt de travail prolongé jusqu'à ce jour.


Le 7 décembre 2015, Universcience a convoqué le salarié à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 22 décembre suivant.


Aucune suite n'a été donnée à cette procédure.


Par arrêt du 7 novembre 2017, la chambre 4 du pôle 6 de la cour d'appel de Paris a :

- déclaré recevable l'appel interjeté par M [H],

- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné M [H] aux dépens de l'appel.



Par arrêt du 10 juillet 2019 (n°1153 F-D, pourvoi n° R 18-10.137⚖️), la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 7 novembre 2017 et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.


La cour d'appel de renvoi a été saisie le 6 octobre 2020.


Dans ses dernières conclusions déposées au greffe de la cour, et soutenues à l'audience du 2 juin 2022,

M [H] demande à la cour:

- d'infirmer le jugement rendu le 17 février 2015 par le conseil de prud'hommes de Paris.

- de dire et juger que les faits constitutifs du harcèlement moral sont caractérisés à son encontre,

- de condamner l'Etablissement Public Universcience à lui payer 130 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral.

A titre subsidiaire :

-de dire et juger que l'Etablissement Public Universcience a violé son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, .

-de condamner l'Etablissement Public Universcience à lui payer 130 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité prévue à l'article L. 4121-1 du Code du travail🏛.

En tout état de cause :

- de débouter l'Établissement Public Universcience de ses demandes, fins et conclusions.

- d'ordonner à l'Etablissement Public Universcience de fixer son indice salarial à hauteur de 660 points à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir.

- de condamner l'Etablissement Public Universcience à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile🏛.

-de condamner l'Etablissement Public Universcience aux entiers dépens.


Dans ses dernières conclusions, déposées et soutenues à l'audience du 2 juin 2022, Universcience demande à la Cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 17 février 2015,

En conséquence,

-de débouter M.  [H] de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause :

-de condamner M. [H] à verser à Universcience la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- de le condamner aux entiers dépens,

- de dire la CFTC irrecevable à agir volontairement en cause d'appel et donc,

- de la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

- de condamner la CFTC à payer à Universcience 3 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Dans ses dernières conclusions, déposées et soutenues à l'audience du 2 juin 2022, le Syndicat CFTC Spectacles, communications, sports et loisirs demande à la Cour :

- de dire le Syndicat National CFTC Spectacles, communications, sports et loisirs recevable et bien fondé en sa demande d'intervention volontaire sur le fondement de l'article L. 2132-3 du Code du travail🏛.

En conséquence,

- de condamner l'Etablissement Public du Palais de la Découverte, de la Cité des Sciences et de l'Industrie à payer au CFTC Spectacles, communications, sports et loisirs la somme de :

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts

- 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile🏛

- de condamner l'Etablissement Public du Palais de la Découverte, de la Cité des Sciences et de l'Industrie aux entiers dépens.


Au dernier état de son emploi, la rémunération mensuelle brute du salarié est de 3 642,78 euros.



MOTIFS


I-sur le harcèlement moral,


Aux termes de l'article 1154-1 du Code du Travail🏛, dans sa rédaction applicable à l'espèce, lorsque survient un litige au cours duquel le salarié évoque une situation de harcèlement moral, celui-ci doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, l'employeur devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.


Par ailleurs, le harcèlement moral s'entend aux termes de l'article L 1152-1 du Code du Travail🏛, d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.


Après avoir allégué de nombreux faits qui se sont déroulés selon lui à compter de 2004 après son intervention dans le cadre d'un marché relatif au renouvellement d'une centrale thermo-frigorifique et à l'occasion duquel il aurait subi des pressions de sa hiérarchie pour omettre des projets qui lui étaient soumis les malfaçons ou les non conformités qu'il y décelait, Aa. [H] établit par les pièces visées, les faits suivants :

1°- accident du travail du 15 septembre 2009, signalement de ce fait au A et enquête de cet organe, (pièce N° 29 du salarié),

2° - postérieurement à cet accident et à l'arrêt de travail afférent résultant d'une altercation avec un responsable d'achat M. [U], qui avait sous entendu qu'il avait donné des renseignements à une entreprise en lice pour un marché public, il a été demandé par le chef de service de Aa. [H] (M. [V], ), à un chargé d'affaire d'une entreprise extérieure habituellement partenaire, M. [M], (pièce N° 44 du salarié), de ne plus travailler avec lui,

3°- du 1er juillet 2012 au 20 novembre 2015, malgré les demandes répétées qu'il formule auprès de son supérieur hiérarchique, M. [V] précité, notamment par courriers électroniques de juillet et septembre 2012, il ne lui est confié que des tâches de surveillance de chantiers déjà avalisés (pièces N° 62 à 65), M.[V], lui rappelant le 11 septembre 20012 qu'il lui confiait une mission d'assistance , que le projet en cause était assez avancé et que pour ne pas perturber l'avancement du chantier dit stratégique il continuerai lui même d'agir sur ce marché,

4°- même grief concernant des tâches de maintenance que le salarié dit avoir accepté de réaliser mais qui ne relèvent pas de ses compétences, ce qu'il a signalé à M. [Ab] à l'occasion de l'échange de courriels du 8 octobre 2012 (pièce N° 66), se plaignant auprès de M. [R], son N+2, de cette mise à l'écart 'des vrais projets',

5°- aggravation de sa mise à l'écart à compter de sa désignation en qualité de membre du CHSCT en avril 2014, dès lors que désigné pour être l'interlocuteur d'un projet dit 'de quatrième travée', il adresse des courriers électroniques à son chef de service le 20 février 2013 puis le 13 mai 2014, constatant qu'il est exclu des la distribution des plannings de travaux,

6°- faiblesse de son activité en 2015 telle qu'elle résulte de son tableau de comparaison avec l'activité de 2005 (pièce N° 130 du salarié),

7°- courrier d'alerte de la CFTC adressé à l'employeur pour stigmatiser la placardisation dont il a fait l'objet depuis juin 2014, sa désignation pour la mission de 'rénovation des CTA' en octobre 2015 faisant suite immédiate à cette alerte,

8°- conclusions du rapport d'enquête établi à la demande du CHSCT en octobre 2018 réalisé par le cabinet AXIUM et stigmatisant notamment le retrait de certaine tâches à des salariés ou la mise à l'écart de représentants du personnel, (pièce N° 128 du salarié),

9°- faiblesse de ses taux d'usage des bons de délégation telle qu'elle résulte des tableaux établis 2014 et 2015 (48% et 51,6%) , la faiblesse des missions professionnelles qui lui étaient confiées étant révélée par l'inutilité pour lui de recourir aux bons de délégation pour accomplir ses tâches syndicales,

10°- signalement de propos racistes tenus à son encontre auprès du responsable des ressources humaines (pièce N° 16), auquel il n'a été donné aucune suite,

11°- courrier du 29 mai 2006 adressé à son chef de département, stigmatisant des résultats qui ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés et la réponse (pièce N° 17) qu'il y a apportée justifiant de l'ensemble de son action, réponse que son chef de service direct (M. [R]), a selon lui avalisée en apposant son paraphe à côté de son nom.

12°- proposition d'un avancement qui n'a pas été accepté,

13°- bonnes appréciations en 2007 qui n'ont pas généré l'avancement espéré, la carrière étant demeurée linéaire à partir de 2008, et sa progression salariale gelée à partir de cette même date, puisqu'il n'a depuis cette date sur une période treize ans bénéficié que de 17 points seulement de progression contre 135 entre mars 2002 et décembre 2004.

14°- absence d'entretien d'évaluation tel que relevé par son supérieur hiérarchique dans l'entretien de 2007,

15°- pas de réponse à sa demande de formation du 8 octobre 2013 à l'habilitation électrique, sa dernière formation remontant à 2008,

16°- altercation du 25 juin 2014 à l'occasion de laquelle l'un des collègues de Aa. [H] atteste avoir entendu des éclats de voix du directeur adjoint (M. [U]) , auquel le salarié sur un ton élevé a répondu ' vous n'avez pas le droit de m'influencer en tant qu'élu du CHSCT, je me rendrai au CHSCT') le témoin certifiant l'absence de menacé proférée par M.[H] 'à l'encontre de qui que ce soit',

17°- altercation avec M.[K] le 29 novembre 2015 ( pièce N° 97) dont un salarié dit avoir été témoin et au cours de laquelle M. [H] a été 'agressé verbalement relativement à des propos tenus lors d'une réunion du CHSCT',

18°- signalement de cet incident au CHSCT et enquête par cet organe aboutissant à un signalement de danger grave et imminent pour, indépendamment de la personne même deAaM. [H], le secrétaire du CHSCT (PV du 8 décembre 2015),

19°- reconnaissance de l'incident en cause au titre d'un accident professionnel,

20°- convocation du salarié dans le cadre disciplinaire dans les suites de cet incident,

21°- rapport du 9 février 2016 de l'inspection du travail dénonçant au sein de l'établissement un climat social particulièrement tendu , des faits anciens ayant généré deux rapports d'expertise à l'initiative du CHSCT de l'établissement (l'un de mars 2011 et l'autre de novembre 2012), mais aussi des signalement de danger grave et imminent les 18 et 19 novembre 2015, (pièce N° 125 du salarié),

22°- la dégradation grave de son état de santé psychique telle qu'elle résulte des différents rapports d'enquête précités, mais encore de la crainte d'un passage à l'acte funeste exprimée par la direction de l'établissement en décembre 2009, (pièce N° 33 du salarié), l'envoi le 23 décembre 2015 à divers membres de la direction d'un courrier électronique intitulé 'mon suicide imminent' faisant état d'un passage à l'acte envisagé à raison de l'acharnement dont M. [H] s'estime victime et sa profonde souffrance, le tout corroboré par les accidents du travail et les longs arrêts de travail afférents, maintes fois renouvelés, pour syndrome d'épuisement professionnel ou burn out (pièces N° 103).


Ces faits, établis par les pièces visées, et répétés tout au long des années de présence de M. [H] au sein de l'établissement, pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article 1152-1 susvisé.


Or l'employeur n'en n'apporte pas pour tous une justification objective de nature à remettre en cause la présomption.


En effet, la réalité d'un contraste important entre les nombreux travaux confiés en 2005 et la faiblesse du nombre de ceux de 2014 telle qu'elle résulte du tableau de comparaison du salarié que l'employeur adopte sans le remettre en cause, n'est pas justifiée, aucune explication n'étant donnée sur les raisons pour lesquelles la réduction du nombre et de l'importance des chantiers confiés en 2014 est intervenue, alors que la situation de mi-temps thérapeutique alléguée pour le premier semestre 2011 est inopérante sur ce point.


Le fait que les missions qui lui étaient confiées correspondaient à sa compétence et ne justifiaient pas qu'il refuse de participer aux réunions afférentes n'est pas objectivement démontré, le seul renvoi à la fiche de poste étant insuffisant à caractériser la nature des missions effectivement confiées.


De même la réalité d'un dénigrement du travail de ses supérieurs hiérarchiques et de leurs compétences, dans des termes inappropriés, outre qu'elle ne saurait justifier une mise à l'écart du salarié ou la réduction progressive des tâches, n'est pas autrement démontrée, le constat de choses à reprendre ou d'une qualité de travaux vraiment légère opéré par l'intéressé dans divers échanges électroniques ne pouvant constituer l'objectivation d'une décision visant à réduire le nombre et l'étendue des chantiers confiés, et ce quand bien même une mésentente entre lui et son supérieur hiérarchique a-t-elle pu conduire la direction de l'établissement à interdire tout contact entre eux à compter de 2014.


Même si l'employeur a résilié le 4 avril 2012 le contrat qui le liait à la société SEDAS , il n'en résulte pas que puissent être écartées les déclarations écrites faites par l'un des salariés de cette dernière aux termes desquelles il lui avait été dit qu'il ne devait plus travailler avec M. [H], l'objectivation d'une telle interdiction n'étant pas autrement documentée.


La réalité de charges confiées en 2012, 2013 et 2014 telle qu'elle résulte de la liste qu'en dresse l'employeur et du tableau ainsi que des captures d'écran qu'il joint en pièce N° 117 ne met pas la cour en mesure de faire la comparaison entre les diverses périodes au cours desquelles le salarié relève une lente dégradation de sa situation professionnelle sur ce point, alors au demeurant que le tableau récapitulatif de 2014 précité démontre que l'employeur qui est en mesure de le faire pour cette année là, n'a pas versé aux débats de tableau du même ordre, à partir duquel il eût été possible d'établir pour chaque année et chaque salarié, le nombre et l'ampleur des chantiers confiés à l'un ou à l'autre et de faire une comparaison excluant une réduction anormale des tâches de Aa. [H] telle qu'il l'a établie.


Les propos racistes tenus par un de ses collègues contre le salarié ne sont pas contestés, peu important dès lors que ce dernier ait, comme le soutient l'employeur, provoqué lui même ces propos, l'absence de toute suite adéquate après l'incident apprécié dans sa globalité, n'étant pas démontrée .


De même l'origine de l'altercation du 15 septembre 2009 ayant généré une déclaration d'accident du travail par le salarié, est sans effet sur le constat fait par le médecin du travail de l'entreprise (p. 71 du rapport de l'expertise diligentée dans les suites de l'événement par la société Technologia, pièce N°31), aux termes duquel, est soulignée par le praticien 'l'omniprésence des tensions relationnelles'.


La remise en cause des compétences d'un salarié par son supérieur hiérarchique, y compris dans un courrier dans lequel il s'interroge sur les suites à donner à ce constat ne constitue pas, en dehors de tout excès, un fait caractérisant le harcèlement moral, dès lors cependant que sont objectivées les insuffisances du salarié.


Or en l'espèce l'employeur ne met pas la cour en mesure de vérifier les termes du courrier qu'il soutient avoir adressé à l'intéressé et qui stigmatise les faiblesses voire l'insuffisance professionnelle de ce dernier telles que relevées par le supérieur hiérarchique en mars 2006 (pièce N° 44 de l'employeur).


L'absence de tout entretien professionnel entre 2005 et 2009 ne peut être justifiée par le fait que le salarié ait néanmoins bénéficié de points d'indice supplémentaires et s'agissant de l'absence d'entretien en 2012, par l'éventuelle absence de ce type d'entretien pour tout le personnel, au demeurant non autrement établie, alors que n'est pas contestée l'obligation de mise en oeuvre d'un tel entretien annuel, dont la nécessité apparaît d'autant plus grande que le salarié s'était plaint à de nombreuses reprises et auprès de différentes instances, des conditions dans lesquelles il était amené à travailler et de ses relations avec certains de ses collègues, supérieurs hiérarchiques ou non.( Par exemple courriers des 4 mai et 30 novembre 2006), les arrêts de travail répétés pour état anxio dépressif réactionnel à un harcèlement moral délivrés en 2009 dans les suites de la déclaration d'accident du travail à raison d'une altercation avec un collègue constituant un point d'attention dont l'employeur ne s'est pourtant pas emparé.


Le ralentissement confinant au blocage de la progression d'indice de Aa. [H] à compter de 2008 n'est pas autrement justifié alors que l'employeur fait référence soit à la situation de chefs de service soit à des salariés dont est contestée l'appartenance à la même filière fluide où l'équivalence de situation tout élément que les pièces versées par l'employeur, en particulier la réalité de filières différentes, ne permettent pas de remettre en cause.


En conclusions, la combinaison de l'ensemble de ces éléments conduit à retenir la réalité du harcèlement moral dont Aa. [H] a été victime dans le cadre de son emploi au sein de l'établissement Universcience.


Le salarié demande de ce chef l'allocation de 130 000 euros de dommages-intérêts, évoquant un préjudice physique et moral caractérisé par la grave altération de son état de santé que démontrent les nombreux arrêts de travail, les accidents du travail et la rechute et son admission à un statut d'invalide 2ème catégorie, dont il n'explicite pas les conséquences sur le plan professionnel.


Il fait également état sans plus de détail de son préjudice économique.


Sans autre élément de nature à déterminer l'existence d'un préjudice de plus grande ampleur, il y a lieu, au regard de la durée et de l'intensité des faits telles qu'elles résultent des éléments ci-dessus développés, d'allouer de ce chef la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.


II- sur la fixation de l'indice salarial à 660,


Sans référence à un fondement juridique tenant à l'absence de discrimination ou à l'égalité de traitement, M.[Aa] demande à ce que lui soit alloué l'indice 660 dont bénéficie un autre salarié de moindre ancienneté et de moindre diplôme, travaillant dans la même filière que lui.


L'employeur oppose à cette demande l'expérience de ce dernier salarié depuis 1985 dans la maintenance et l'exploitation d'installations techniques dans le service fluide ainsi que son intervention comme prestataire préalablement à son embauche.


Cependant ces assertions ne sont pas autrement justifiées, le fait qu'il ait été admis à l'indice 660 n'étant pas autrement contesté.


De ce fait, il doit être fait droit à la demande ainsi formée.


III- sur la demande du syndicat CFTC Spectacles Communication sports et loisirs,


En vertu de l'article L 2132-3 du code du travail🏛, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et ils peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.


Dès lors que le salarié a fondé ses demandes sur le harcèlement moral dont il s'est estimé victime à raison notamment d'une différence de traitement qui lui était réservée et d'une absence de fourniture de travail en rapport avec ses qualifications professionnelles, il y a lieu d'admettre qu'un préjudice direct ou indirect a été porté à l'intérêt collectif de la profession que la CFDT représente, ce syndicat étant dès lors recevable à en solliciter à ce titre l'indemnisation.


Sur ce point il résulte de ce qui précède que l'employeur n'a pu justifier de mesures prises à l'encontre de son salarié dont l'appartenance au CHSCT n'a pas été contestée.


Au regard des faits commis, de leur récurrence, de leur durée et de leur intensité, il y a lieu de condamner l'établissement Universcience à verser à ce titre la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.


IV- sur les autres demandes,


En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à M. [H] et au syndicat CFTC Spectacles Communication sports et loisirs, unis d'intérêts, une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.



PAR CES MOTIFS


La cour,


INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,


statuant à nouveau,


CONDAMNE l'établissement public du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l'Industrie, dénommé Universcience à verser à M. [H] 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,


CONDAMNE l'établissement public du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l'Industrie, dénommé Universcience à verser au syndicat CFTC Spectacles Communication sports et loisirs, 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession,


CONDAMNE l'établissement public du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l'Industrie, dénommé Universcience à verser à M. [H] et au syndicat CFTC Spectacles Communication sports et loisirs, unis d'intérêts 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,


CONDAMNE l'établissement public du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l'Industrie, dénommé Universcience aux dépens de première instance et d'appel.


REJETTE l'ensemble des autres demandes.


LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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