SUR QUOI, LA COUR,
Aux termes de l'
article 445 du code de procédure civile🏛, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
La cour n'ayant pas préalablement autorisé le dépôt de note en délibéré, la note adressée par l'intimée après la clôture des débats doit être déclarée irrecevable.
I - Sur l'éligibilité des supports investis au titre du contrat d'assurance-vie
A- Sur recevabilité des demandes
L'appelante soutient que le manquement à l'obligation légale de protection suffisante de l'épargne investie ne pourrait avoir pour sanction que la nullité du contrat en violation de l'obligation de laquelle il aurait été souscrit, qui ne peut plus être exercée du fait du rachat total opéré ; que la demande de l'intimée, même si elle ne tend pas à la nullité, est soumise à la prescription biennale prévue à l'
article L.114-1 du code des assurances🏛 ; que l'assurée disposait de l'ensemble des informations pertinentes pour remettre en cause sa demande d'arbitrage dès la demande d'adhésion en novembre 2006, de sorte que l'action découlant de la prétendue inéligibilité du support dérive du contrat d'assurance-vie et se trouvait prescrite en novembre 2008 ; qu'il en est de même pour l'EMTN « Ae Ad » souscrit à l'occasion d'un arbitrage réalisé en février 2010, de sorte que l'action était prescrite en février 2012 ; qu'à supposer que la prescription biennale ne serait pas opposable à Mme [Ab], celle-ci serait prescrite en vertu de la prescription quinquennale de droit commun ; qu'en application de la
loi du 17 juin 2008🏛, le délai de prescription quinquennal a expiré le 19 juin 2013, avant délivrance de l'assignation ; qu'il ne saurait être soutenu que la prescription aurait commencé à courir à compter de la date à laquelle l'adhérente aurait eu connaissance du caractère inéligible de l'unité de compte au contrat d'assurance-vie, dès lors que l'assurée était informée de l'absence de garantie suffisante de l'épargne investie dès l'adhésion ou l'arbitrage réalisé sur le support litigieux ; qu'admettre que le délai de prescription courrait à compter du moment où le demandeur aurait réalisé son exposition à un prétendu dommage reviendrait à introduire une condition potestative dans la prescription puisque cela reviendrait à faire courir la prescription à compter d'une date qui dépendrait de la seule volonté de l'adhérente, au détriment de la sécurité juridique ; qu'il ne peut être considéré que la date à laquelle l'adhérente aurait eu connaissance des pertes serait nécessairement liée à celle du rachat total du contrat, dès lors qu'elle a réalisé un arbitrage antérieurement qui a cristallisé les pertes.
L'intimée réplique que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ; que la demande au titre de l'inéligibilité des unités de comptes ne relève que de la prescription de droit commun, dès lors que manquements à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil ne dérivent pas du contrat d'assurance vie ; que la prescription biennale de l'
article L.114-1 du code des assurances🏛 lui est inopposable, car la police d'assurance n'est pas conforme aux dispositions de l'
article R. 112-1 du code des assurances🏛, dès lors qu'elle ne rappelle pas les causes d'interruption de la prescription ; que le délai de prescription de droit commun ne peut commencer à courir avant la manifestation du dommage et sa révélation au titulaire de l'action ; qu'elle a souscrit deux EMTN en 2006 et 2010, sans avoir reçu une information valable et un conseil adapté, pour une durée de dix ans avant l'expiration de laquelle il n'était pas possible de connaître la valorisation finale du produit financier souscrit ; que le dommage subi ne lui a été révélé qu'au moment de son rachat total dix ans après la souscription de son contrat, de sorte que l'action introduite le 28 juillet 2016 n'est pas prescrite.
La prescription biennale de l'
article L. 114-1 du code des assurances🏛 s'applique au contrat d'assurance vie, ainsi que l'a jugé la
Cour de cassation (2e Civ., 30 juin 2004, pourvoi n° 03-14.614⚖️), et en particulier à l'action en responsabilité contractuelle d'un assuré contre l'assureur (1re
Civ., 6 décembre 1994, pourvoi n° 91-19.072⚖️).
En l'espèce, l'intimée sollicite la mise en œuvre de la responsabilité de l'assureur pour avoir proposé à la souscription une unité de compte qui ne remplit pas les conditions posées par les dispositions de l'
article L.131-1 du code des assurances🏛. Cette demande dérive donc du contrat d'assurance de sorte que la prescription biennale prévue à l'
article L.114-1 du code des assurances🏛 a vocation à s'appliquer.
L'
article L.114-2 du code des assurances🏛, dans sa version applicable lors de la souscription du contrat, dispose que « La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ».
L'
article R.112-1 du code des assurances🏛, dans sa version alors, dispose que la police d'assurance doit rappeler les dispositions des titres I et II du
livre I de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.
L'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'
article L. 114-1 du code des assurances🏛, les causes d'interruption de la prescription biennale prévue à l'
article L.114-2 du même code🏛, ainsi que les causes ordinaires d'interruption de la prescription, ainsi que l'a jugé la
Cour de cassation (2e Civ., 18 avril 2013, pourvoi n° 12-19.519⚖️ ;
2e Civ., 4 février 2016, pourvoi n° 15-14.649⚖️).
En l'espèce, les conditions générales valant note d'information du contrat souscrit par Mme [Ab] stipulent en son article 12 relatif au délai de prescription :
« [...] Conformément à l'
article L114-2 du code des assurances🏛, ce délai est de deux ans à compter de la survenance de l'évènement susceptible de donner naissance à cette action en justice. Lorsque le bénéficiaire de l'adhésion est une personne distincte de l'adhérent, il est porté à dix ans.
La prescription est interrompue dans les conditions prévues à l'
article L 114-2 du code des assurances🏛 et, notamment, par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception.
Elle est également suspendue durant la procédure de médiation décrite à l'article 11 susvisé ».
La police d'assurance ne mentionne donc pas toutes les causes d'interruption de la prescription de sorte que le délai de prescription biennal prévu à l'
article L.114-1 du code des assurances🏛 est inopposable à l'adhérente.
Par ailleurs, l'assureur qui, n'ayant pas respecté les dispositions de l'
article R. 112-1 du code des assurances🏛, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun, ainsi que l'a jugé la
Cour de cassation (3e Civ., 21 mars 2019, pourvoi n° 17-28.021⚖️).
En conséquence, l'appelante est mal fondée à se prévaloir de la prescription de droit commun en raison de la violation des dispositions de l'
article R.112-1 du code des assurances🏛. La demande de l'intimée portant sur l'éligibilité des supports investis au titre du contrat d'assurance-vie sera donc déclarée recevable.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré les demandes de Mme [Ab] au titre de l'éligibilité des supports investis au titre du contrat d'assurance-vie recevables.
B- Sur le bien-fondé des demandes de MAbe [U]
L'appelante soutient que l'EMTN est, en soi, éligible comme unité de compte d'un contrat collectif d'assurance-vie dès lors qu'il constitue une obligation négociée sur un marché reconnu ; que les B Ac Ad constituent des obligations au
sens des dispositions de l'
article L.213-5 du code monétaire et financier🏛, dès lors qu'elles sont des titres de créances, négociables, qui, émis dans le cadre d'un emprunt global, confèrent aux porteurs les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale ; que l'intimée se prévaut de documents non normatifs ne permettant pas d'exclure la qualification d'obligations ; que l'
article R.332-2 A, 2°, du code des assurances🏛, impose que les obligations susceptibles d'être constitutives de supports d'unités de compte soient « négociées sur un marché reconnu » ; que Ac Ad est un EMTN coté en Bourse de Luxembourg qui est une Bourse européenne réglementée et donc un marché reconnu et cette qualification ne peut être remise en cause par le juge national dès lors que l'autorité compétente a contrôlé le respect des conditions d'admission des instruments financiers admis à la négociation ; que par définition, même admis aux négociations sur un marché réglementé, les obligations admises en représentation de contrats d'assurance-vie en unités de compte ont peu de chance de voir un marché large et liquide se développer et en l'espèce l'engagement de liquidité pris par la Société Générale permet de suppléer l'éventuelle illiquidité dénoncée par l'intimée ; que d'ailleurs lorsque Mme [Ab] a sollicité que ses avoirs soient arbitrés, en février 2010, sa demande a pu être immédiatement prise en compte et son épargne a été désinvestie du support Ac Ad pour être entièrement réinvestie sur le support Ae Ad.
L'intimée explique que les supports Ac Ad et Ae Ad ne remplissent aucune des deux conditions mentionnées à l'
article L. 131-1 du code des assurances🏛 et n'étaient donc pas éligibles en qualité d'unité de compte au contrat d'assurance-vie ; que ces produits ne figurent pas parmi les produits financiers éligibles en unité de compte figurant à l'
article R. 131-1 du code des assurances🏛, et ne sont pas des obligations ; qu'il s'agit de produits structurés tel que présentés dans la documentation qui lui a été remise ; que les produits Ac Ad et Ae Ad ne remplissent pas les critères de négociation sur un marché reconnu ; que le droit français est fondé à exclure certains produits de la qualification d'obligation, peu important qu'une autorité étrangère ait validé celle-ci ; qu'aux termes d'un rapport de l'AMF sur l'harmonisation des règles de commercialisation applicables aux produits substituables, établi en octobre 2008, la qualification juridique d'obligations doit être écartée pour les produits structurés puisque cette qualification implique par principe un remboursement effectif par l'émetteur du montant de l'obligation à l'échéance convenue qui n'est pas garanti dans le cadre des produits d'investissement structurés ; que selon les dispositions combinées des
articles R.131-1-1° et R.332-2-2° du code des assurances🏛, les produits peuvent être proposés comme unités de compte dans un contrat d'assurance-vie dès lors qu'ils sont négociés sur un marché reconnu ; que tel n'est pas le cas des parts des fonds Ac Ad et Ae Ad puisque leur cours de bourse ne repose sur aucune transaction, mais sur des formules mathématiques, et que seules des opérations de vente sont possibles sur le marché secondaire ; que ces supports ne sont pas suffisamment liquides pour être utilement négociés ; que la condition de protection suffisante de l'épargne investie n'est pas établie et l'assureur ne peut arguer de ce que ses produits offraient une liquidité suffisante au seul motif qu'un rachat partiel ou total du contrat d'assurance-vie est possible à tout moment.
L'
article L.131-1 du code des assurances🏛, dans sa version résultant de la
loi n° 92-665 du 16 juillet 1992🏛, applicable au litige, dispose :
« En matière d'assurance sur la vie et d'assurance contre les accidents atteignant les personnes, les sommes assurées sont fixées par le contrat.
En matière d'assurance sur la vie ou d'opération de capitalisation, le capital ou la rente garantis peuvent être exprimés en unités de compte constituées de valeurs mobilières ou d'actifs offrant une protection suffisante de l'épargne investie et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d'État ».
L'
article R.131-1 du code des assurances🏛, prévoit en ses deux premiers alinéas dont la version est inchangée entre la souscription au contrat et l'arbitrage de février 2010 :
« Les unités de comptes visées à l'article L. 131-1 sont :
1° Les actifs énumérés aux 1°, 2°, 2° bis, 2° ter, 3°, 4°, 5° et 8° de l'article R. 332-2 ».
L'
article R. 332-2 du code des assurances🏛, dans ses versions applicables au litige, dispose que les entreprises d'assurance peuvent acquérir en représentation de leurs engagements des obligations, négociées sur un marché reconnu.
Les
articles L.213-5 du code monétaire et financier🏛 et
L.228-38 du code de commerce🏛 disposent que « les obligations sont des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale ».
Au regard de ce texte, la qualification d'obligation n'est pas subordonnée à la garantie de remboursement du nominal du titre, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation au sujet d'un produit obligataire non garanti en capital à échéance et dont les actifs concernés sont admis sur le marché officiel de la Bourse de Luxembourg (
2e Civ., 23 novembre 2017, pourvoi n° 16-22.620⚖️).
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que les supports B Ac Ad et Ae Ad sont des titres de créances émis par des sociétés permettant d'emprunter sur les marchés financiers sur une durée de 10 ans, dont le remboursement est indexé sur un panier d'actions. Il s'agit de titres négociables en bourse, conférant aux porteurs, pour chaque émission des droits de créance identiques.
Les EMTN litigieux sont donc des obligations structurées autour d'un panier sous-jacent d'actions elles-mêmes éligibles en tant qu'unités de compte d'un contrat d'assurance-vie et les dispositions précitées n'excluent pas que de telles obligations puissent être éligibles à l'assurance-vie.
Aux termes de l'
article R.332-2 A du code des assurances🏛, « les marchés reconnus mentionnés aux 2°, 2° bis, 2° ter et 4° du présent article sont les marchés réglementés des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou les marchés de pays tiers membres de l'OCDE en fonctionnement régulier. Les autorités compétentes de ces pays doivent avoir défini les conditions de fonctionnement du marché, d'accès à ce marché et d'admission aux négociations, et imposé le respect d'obligations de déclaration et de transparence ».
Il est établi que les produits Ac Ad et Ae Ad ont été admis à la Bourse du Luxembourg, État partie à l'accord sur l'Espace économique européen dont la Bourse bénéficie d'un agrément au titre d'un marché réglementé en application de la Directive 2004/39/CE qui précise en son article 40 que les États membres exigent que les marchés réglementés établissent des règles claires et transparentes concernant l'admission des instruments financiers à la négociation qui « garantissent que tout instrument financier admis à la négociation sur un marché réglementé est susceptible de faire l'objet d'une négociation équitable, ordonnée et efficace et, dans le cas des valeurs mobilières, d'être négocié librement ».
Il n'est ni allégué ni justifié que l'agrément de marché réglementé accordé à la Bourse du Luxembourg ne serait pas conforme à la Directive 2004/39/CE et aux règles de transposition nationales et que l'État du Luxembourg n'aurait pas établi de règles claires et transparentes concernant l'admission des instruments financiers à la négociation telles que visées par la directive.
En conséquence, il est établi que la Bourse de Luxembourg est un marché reconnu au sens de l'
article R.332-2 du code des assurances🏛. Les produits Ac Ad et Ae Ad admis sur ce marché réglementé répondent donc aux exigences de liquidité et de négociabilité sur un marché reconnu.
Il résulte des dispositions de l'
article L.131-1 du code des assurances🏛, interprétées à la lumière des travaux préparatoires de la
loi du 16 juillet 1992🏛, que les valeurs mobilières et actifs visés par l'
article R. 131-1 du code des assurances🏛 remplissent la condition de protection suffisante de l'épargne prévue par ce texte, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (
2e Civ., 16 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.922⚖️).
Les supports Ac Ad et Ae Ad étant des actifs énumérés aux
articles R.131-1 et R. 332-2 du code des assurances🏛, il est établi qu'ils offraient une protection suffisante de l'épargne investie.
La demande indemnitaire de Mme [Ab] au titre du caractère prétendument inéligibles des supports investis au titre du contrat d'assurance-vie sera donc rejetée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.
II ' Sur l'obligation d'information et de conseil de l'assureur
A- Sur recevabilité des demandes
L'appelante fait valoir que les demandes au titre du manquement à l'obligation de conseil et d'information sont irrecevables, car elles relèvent de la prescription de droit commun dont le délai a expiré le 19 juin 2013 ; que l'investissement sur le support en unités de compte Ac Ad a évolué défavorablement dès la première année, de sorte qu'au début de l'année 2008, à l'occasion du relevé annuel de situation pour l'année 2007, l'assurée avait connaissance du caractère risqué de son investissement puisqu'il extériorisait une perte significative ; qu'à défaut de mise en œuvre de la responsabilité de l'assureur dans le délai de prescription de droit commun, l'assurée est irrecevable en sa demande ; que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a appliqué la prescription biennale et non quinquennale sans distinguer le fondement des demandes de l'adhérente, et en ce qu'il a considéré que seule la date de rachat du contrat d'assurance-vie pouvait constituer le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité dirigée contre l'assureur.
L'intimée explique qu'il ne peut être fait application de la prescription biennale en ce qui concerne les manquements à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil, qui ne dérive pas du contrat d'assurance vie ; que le dommage subi n'a été révélé qu'au moment du rachat total du contrat dix ans après sa souscription, date à partir de laquelle le délai de prescription de droit commun a commencé à courir ; que son action n'est donc pas prescrite.
Mme [Ab] entend voir engager la responsabilité de l'assureur tant au titre de son obligation générale précontractuelle d'information qu'au titre de la violation des
articles L.132-5-2 et A.132-8 du code des assurances🏛.
La demande tendant à voir engager la responsabilité contractuelle de l'assureur pour manquement à son obligation contractuelle d'information et de conseil dérive du contrat d'assurance de sorte que la prescription biennale prévue à l'
article L.114-1 du code des assurances🏛 a vocation à s'appliquer.
Ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'assureur n'a pas respecté les dispositions de l'
article R. 112-1 du code des assurances🏛 de sorte qu'il ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré, ni prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
Les demandes fondées sur le manquement de l'assureur à son obligation d'information et de conseil sont donc recevables.
B- Sur le bien-fondé des demandes de MAbe [U]
L'intimée soutient que la société Inora Life n'a jamais fourni le moindre conseil ou mise en garde quant aux risques inhérents aux produits Ac Ad et Ae Ad, ce qui a eu pour conséquence d'exposer l'essentiel de son patrimoine financier sur un même support qui était complètement inadapté et inapproprié au regard de son profil d'investisseur ; que ce manquement est d'autant plus préjudiciable que les EMTN n'auraient pas dû être proposés à la souscription dans le cadre du contrat d'assurance-vie.
L'appelante indique que Mme [Ab] n'a traité que par l'entremise d'un courtier, qui seul pourrait être retenu pour responsable d'un manquement à une obligation d'information ou de conseil, dont il est surprenant qu'il n'ait pas été attrait à la procédure ; que les mentions figurant sur les documents remis à la souscriptrice, lui permettaient de connaître parfaitement les conditions d'investissement de son épargne sur les EMTN ; que Mme [Ab] était informée de ce que ce produit présentait des risques de fluctuation, à la hausse comme à la baisse, de ce que la valeur de rachat n'était aucunement garantie et était sujette à fluctuation dépendant de l'évolution des marchés financiers ; qu'elle connaissait par ailleurs la maturité de l'EMTN, à savoir dix années, de même que la garantie de 45 % du capital à la date d'échéance ; qu'enfin, le caractère risqué de ce produit était rappelé au travers de la circonstance que les investisseurs s'y intéressant étaient invités à prendre conseil auprès de spécialistes en tant que de besoin.
L'assureur est tenu à une obligation générale d'information et de conseil à l'égard de son client dont il ne peut se dispenser au motif que celui-ci a eu recours aux services d'un courtier. L'appelante est donc mal fondée à soutenir que seule la responsabilité du courtier d'assurance pourrait être engagée, alors que Mme [Ab] recherche sa responsabilité dans l'exécution du contrat d'assurance.
Mme [Ab] a versé la somme de 150 000 euros sur le support Ac Ad le 9 novembre 2006, alors que la somme minimale devant être versée sur ce support était de 20 000 euros. Le même jour, l'assureur lui a fait remplir un bilan de situation patrimoniale dont il résultait que Mme [Ab], qui exerçait la profession de graphologue, disposait d'actifs financiers composés à 10 % de liquidités et à 90 % de produits de taux (obligations, OPCVM obligataires). La souscriptrice ne mentionnait détenir aucune assurance-vie que ce soit en fonds en euro ou en unités de comptes ni aucune action, et déclarait vouloir investir 35 % de ses actifs sur le support en question. Au
titre de la rubrique sur la connaissance du support, Mme [Ab] a répondu par la négative à la question « avez-vous déjà effectué des placements à risque et, plus particulièrement, êtes-vous familier des placements sur les marchés action ' ».
Le 25 octobre 2010, Mme [Ab] a signé une demande d'arbitrage consistant à désinvestir le support Ac Ad à 100 % pour investir pour la même quotité le support Ae Ad.
La fiche technique de l'EMTN Ac Ad communiquée à la souscriptrice mentionne la formule de calcul du remboursement à maturité à la date d'échéance de 10 ans suivante :
La fiche technique de l'EMTN Ae Ad communiquée à Mme [Ab] comporte également une formule complexe de calcul du remboursement des coupures à la date de maturité.
Il résulte des éléments portés à la connaissance de l'assureur que Mme [Ab] n'était pas un investisseur averti et n'avait aucune connaissance sur le marché des actions sur lesquelles la valeur des unités de compte était indexée suivant une formule dont la compréhension dépassait les compétences d'un investisseur profane, d'autant plus qu'elle n'était accompagnée d'aucun exemple concret susceptible d'appréhender le mécanisme d'évaluation des unités de compte.
Au regard de la somme investie, pour laquelle l'assureur ne justifie pas avoir vérifié qu'elle n'excédait pas la quotité de 35 % des avoirs que la souscriptrice déclarait vouloir investir dans le contrat, et de la nature complexe des deux EMTN, seuls supports susceptibles d'être investis, et du caractère profane de l'investisseur, l'assureur ne pouvait se limiter à remettre les documents prévus par le code des assurances pour satisfaire à son obligation d'information et de conseil.
L'assureur ne justifie pas avoir délivré des informations et des conseils adaptés à la situation financière et patrimoniale de Mme [Ab] au cours de l'exécution du contrat lors de l'investissement sur les supports EMTN.
Le manquement de l'assureur à son obligation d'informer le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie libellé en unités de comptes, à l'occasion d'un investissement sur un support ou d'un arbitrage sur un autre support, sur le risque de pertes présenté par un support d'investissement, ou à son obligation de le conseiller au regard d'un tel risque, prive ce souscripteur d'une chance d'éviter la réalisation de ces pertes.
Mme [Ab] ne sollicite que la réparation du préjudice matériel consistant en la perte de valeurs des titres Ac Ad et Ae Ad, et non la réparation de la perte de chance d'éviter la réalisation de ces moins-values, de sorte que cette demande d'indemnisation sera rejetée.
En revanche, l'intimée sollicite également la réparation de son préjudice moral causé par le fait que les produits souscrits étaient inadaptés et l'ont exposé à un risque important de perte en capital qu'elle ne souhaitait pas, outre le fait qu'elle reste affectée par le manque de sérieux, de rigueur et de professionnalisme de l'assureur qui lui a causé de nombreux soucis.
Le manquement de l'assureur à son obligation d'information et de conseil a effectivement causé à Mme [Ab] un préjudice moral à raison des désagréments causés par l'insuffisante compréhension des supports investis et de l'évolution défavorable de la valeur des unités de compte. Ce préjudice sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros à laquelle la société Monument Life Insurance venant aux droits d'Inora Life sera condamnée.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fixé le préjudice de Mme [Ab] à la somme de 68 090,82 euros et l'a débouté de sa demande de réparation du préjudice moral.
III- Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. Au regard de la solution donnée au litige, la société Monument Life Insurance sera condamnée aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Petit, et à payer à Mme [Ab] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Le présent arrêt étant prononcé contradictoirement et en dernier ressort, la demande d'exécution provisoire est sans objet.