Jurisprudence : TA Rennes, du 14-09-2022, n° 2001533

TA Rennes, du 14-09-2022, n° 2001533

A10818IU

Référence

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Références

Tribunal Administratif de Rennes

N° 2001533

2ème Chambre
lecture du 14 septembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 27 mars 2020 et 13 décembre 2021, Mme C B, représentée par Me Meleuc, demande au tribunal :

1°) de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2016 pour un montant de 547 524 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- il y a lieu de faire application de la décision n° 402479 du ⚖️Conseil d'État du⚖️ 11 mai 2017 dont il faut conclure que les droits de donation payés par un usufruitier augmentent la valeur d'acquisition des titres cédés par le nu-propriétaire alors même que le redevable de l'impôt de plus-value n'est pas l'usufruitier mais le nu-propriétaire ;

- il ne faut pas déduire de l'article 150-0 D du code général des impôts🏛 que seuls les frais effectivement supportés par le contribuable peuvent être pris en compte dans le calcul de sa plus-value imposable ; sa lecture de cet article, corroborée par les travaux parlementaires préparatoires de l'article 94 de la loi n° 99-1172 de finances pour 2000 et la jurisprudence, ne limite pas la prise en compte des frais de mutation aux dépenses effectivement payées par le contribuable ;

- le prix effectif d'acquisition, pour le calcul de la plus-value de cession, doit s'entendre du montant de l'ensemble des contreparties effectivement mises à la charge de l'acquéreur à raison de l'acquisition, quelles que soient les modalités selon lesquelles il s'acquitte de ces obligations ; sur le plan civil, la prise en charge des frais et droits par le donateur constitue une donation indirecte rapportable à la succession ; si la donation indirecte à hauteur des droits de mutation à titre gratuit ne représente pas un coût immédiat pour le nu-propriétaire, à terme, elle peut en devenir un dans l'hypothèse du décès de l'usufruitier dans les 15 ans de la donation ; ainsi, la prise en charge des droits de donation par le donateur constitue une des contreparties à prendre en considération même si elle ne donne pas lieu à un décaissement immédiat de la part du donataire.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 juillet 2020 et 6 janvier 2022, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- et les conclusions de M. Fraboulet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux actes de donation du 22 décembre 2015, Mme B a reçu de ses parents la nue-propriété de 5 222 titres de la société anonyme D Automobiles, ses parents s'étant réservé l'usufruit de ces titres. Les droits dus sur ces donations ont été acquittés par les donateurs ainsi que le permettent les dispositions de l'article 1712 du code général des impôts🏛. Le 29 février 2016, Mme B a cédé conjointement avec ses parents la pleine propriété des titres en cause. Le prix de cession a été remployé dans l'investissement au capital des sociétés Aninvest et Aninvest2 avec report du démembrement sur les parts sociales émises. À la suite de cette cession, Mme B a cependant estimé que les droits et frais de donation de la nue-propriété de ces titres devaient être intégrés dans le calcul de la plus-value de cession alors même que le montant de ces droits de donation avait été acquitté par les donateurs. Dès lors, elle a estimé que le montant de la plus-value taxable devait être de 1 084 937 euros au lieu des 1 933 812 euros indiqués sur sa déclaration des plus ou moins-values réalisées en 2016 et a formé, le 11 octobre 2017, une réclamation à cette fin, qui a été rejetée le 27 janvier 2020. Par la présente requête, Mme B demande au tribunal de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2016 pour un montant de 547 524 euros.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts🏛 : " I. 1. () les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux () sont soumis à l'impôt sur le revenu () ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code🏛 : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, nets des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci () ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation () ". Il résulte expressément de ces dispositions que les frais de donation ne peuvent pas être admis en déduction pour le calcul de la plus-value lorsque ceux-ci n'ont pas été pris en charge par le donataire.

3. Mme B soutient que les droits de donation doivent venir en déduction de la plus-value de cession imposable dès lors que ces droits acquittés par ses parents usufruitiers augmentent la valeur d'acquisition des titres cédés par le nu-propriétaire. Toutefois, ayant été pris en charge par les donateurs, M. B et Mme D, et non par la donataire, ces droits ne constituent pas des frais acquittés par la cédante, susceptibles de venir en déduction du prix de cession, en application des dispositions précitées de l'article 150-0 D du code général des impôts🏛. De même, n'ayant pas été inclus dans la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation, ils ne peuvent augmenter le prix d'acquisition. La circonstance que les actions ont été cédées globalement en pleine propriété par les usufruitiers et la nue propriétaire agissant conjointement et que cette dernière supporte la totalité de l'impôt sur la plus-value n'est pas de nature à faire obstacle à l'application des règles légales rappelées ci-dessus, relatives à la détermination du montant du gain net imposable. Par suite, les droits de donation acquittés par ses parents ne peuvent venir en déduction de la plus-value de cession imposable, sans que Mme B ne puisse faire valoir que la prise en charge des droits de donation par le donateur constituerait un coût potentiel indirect pour elle dans l'hypothèse du décès des usufruitiers dans les 15 ans suivant la donation et donc une des contreparties à prendre en considération.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à demander la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2016.

Sur les frais liés au litige :

5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme C B et au directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 31 août 2022, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président,

M. Albouy, premier conseiller,

Mme Tourre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2022.

La rapporteure,

signé

L. ALe président,

signé

F. Etienvre

La greffière,

signé

S. Guillou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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