N° W 22-80.515 FS-B
N° 01082
ECF
13 SEPTEMBRE 2022
REJET
M. BONNAL conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 SEPTEMBRE 2022
M. [K] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 14 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, des chefs d'association de malfaiteurs et blanchiment, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance en date du 21 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat de M. [K] [C], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents M. Bonnal, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Violeau, conseiller rapporteur, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, MM. Seys, Dary, Mme Thomas, conseillers de la chambre, M. Michon, conseiller référendaire, M. Aldebert, avocat général, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 24 décembre 2020 à 8 heures 45, trois agents de la police municipale de [Localité 1] se sont enquis de la présence de deux personnes, dont M. [K] [C], après avoir remarqué le stationnement inhabituel de deux véhicules, dont l'un de marque Renault, modèle Clio.
3. Le conducteur de ce véhicule s'est enfui en courant, après qu'un des agents eut signalé la présence de liasses de billets sur la banquette arrière.
4. Les gendarmes, avisés par les agents de police municipale, sont arrivés sur les lieux à 9 heures 20, ont placé en garde à vue M. [C] pour non-justification de ressources, avec effet rétroactif à 9 heures, et lui ont notifié ses droits à 10 heures, heure à laquelle ils ont avisé le procureur de la République de cette mesure.
5. Les gendarmes ont requis deux des trois agents de police municipale pour procéder à la visite du véhicule Renault Clio et à la saisie des nombreuses liasses de billets, pour une somme totale de 83 000 euros, découvertes à l'extérieur et à l'intérieur de ce véhicule.
6. Après ouverture d'une information judiciaire, M. [C] a été mis en examen, le 26 décembre 2020, notamment des chefs susvisés.
7. Le 22 juin 2021, son avocat a déposé au greffe de la chambre de l'instruction une requête en annulation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par M. [C] et a, en conséquence, renvoyé le dossier au magistrat instructeur pour poursuite de l'information, alors :
« 1°/ qu'en leur qualité d'agents de police judiciaire adjoints, tenus de seconder les officiers de police judiciaire dans l'exercice de leurs fonctions, et relevant ainsi de leur autorité administrative, les agents de police municipale ne peuvent être requis pour assister, en tant que témoins, à une perquisition ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tendant à l'annulation de la perquisition du véhicule Renault Clio, que les deux agents de police municipale avaient pu régulièrement assister à cette perquisition, en qualité de témoins requis par l'officier de police judiciaire, cependant qu'en leur qualité d'agents de police judiciaire adjoints, ceux-ci ne pouvaient valablement être requis pour assister, en tant que témoins, à la perquisition litigieuse, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire, 21, 21-2 et 57 du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que porte atteinte au caractère équitable de la procédure le fait que les deux témoins requis pour assister à une perquisition aient été à l'origine de la mesure ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tendant à l'annulation de la perquisition du véhicule Renault Clio, que le fait que les deux agents de police municipale aient « procédé à une interpellation et à une tentative d'interpellation comme tous citoyens en cas d'infractions flagrantes, [aient] été entendus comme témoins et [ne soient] pas intervenus comme agents de police adjoints sous l'autorité de l'officier de police judiciaire » ne portait pas atteinte au caractère équitable de la procédure, cependant que ces deux agents étaient ainsi à l'origine de l'arrestation de M. [C] et de la perquisition en cause, de sorte qu'ils ne pouvaient être requis pour assister, en tant que témoins, à ladite perquisition, la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire et 57 du code de procédure pénale, et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
9. Selon l'
article 57 du code de procédure pénale🏛, pris en son deuxième alinéa, lorsque la mesure de saisie ne peut avoir lieu en présence de l'occupant des lieux ou de l'un de ses représentants, l'officier de police judiciaire doit procéder à cette mesure en présence de deux témoins requis à cet effet par lui, en dehors des personnes relevant de son autorité administrative.
10. Une telle obligation a pour finalité de garantir le caractère contradictoire du déroulement des opérations de saisie ainsi que d'authentifier la présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis.
11. D'une part, il en résulte que toute partie qui y a intérêt a qualité pour invoquer la nullité tirée de la méconnaissance de ces dispositions.
12. D'autre part, ces dispositions excluent qu'un officier de police judiciaire requière des agents de police municipale agissant dans l'exercice de leurs fonctions, dès lors qu'il résulte de l'
article 21 du code de procédure pénale🏛 que de tels agents sont agents de police judiciaire adjoints et ont pour mission de seconder les officiers de police judiciaire.
13. C'est à tort que les juges, pour écarter le moyen de nullité notamment des saisies opérées à l'extérieur et à l'intérieur du véhicule Renault Clio, ont jugé que l'officier de police judiciaire pouvait requérir MM. [F] et [G], agents de police municipale agissant dans l'exercice de leurs fonctions, pour assister à ces mesures.
14. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que le requérant n'a ni justifié ni même allégué l'existence d'un grief devant la chambre de l'instruction.
15. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité formée par M. [C] et a, en conséquence, renvoyé le dossier au magistrat instructeur pour poursuite de l'information, alors :
« 1°/ qu'il résulte des
articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale🏛 que, dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République du placement de la personne en garde à vue et informe cette dernière de ses droits, tout retard dans cette information et cette notification portant nécessairement atteinte aux droits de l'intéressé ; qu'en retenant, pour écarter le moyen tendant à l'annulation de la garde à vue de M. [C], que ne présentait pas un caractère tardif le délai de 40 minutes écoulé entre, d'une part, l'arrivée à 9 heures 20 de l'officier de police judiciaire sur les lieux et, d'autre part, la notification de ses droits à M. [C] et l'information donnée au procureur de la République, à 10 heures, la chambre de l'instruction a violé les
articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale🏛 ;
2°/ que seules des circonstances insurmontables peuvent justifier un retard dans l'information du procureur de la République et la notification, à la personne gardée à vue, de ses droits ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter le moyen tendant à l'annulation de la garde à vue de M. [C], que « la notification des droits intervenue 40 minutes après l'arrivée de l'officier de police judiciaire ne présent[ait] pas un caractère tardif compte tenu des circonstances de l'interpellation de la zone dans laquelle elle a[vait] eu lieu, de la fuite de l'un des deux individus, des constatations effectuées sur place et des délais de transport », cependant que de tels motifs, généraux et abstraits, s'ils pouvaient éventuellement justifier l'arrivée de l'officier de police judiciaire vingt minutes après l'interpellation de M. [C], à 9 heures, ne caractérisaient aucune circonstance insurmontable susceptible de justifier le retard de 40 minutes pris par celui-ci dans la notification des droits et l'information du procureur de la République, à 10 heures, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision, au regard des
articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale🏛. »
Réponse de la Cour
17. Pour écarter le moyen de nullité pris de la tardiveté de la notification des droits et de l'avis au procureur de la République, l'arrêt attaqué énonce qu'une notification verbale des droits a été faite par l'officier de police judiciaire à la personne placée en garde à vue après son arrivée sur les lieux à 9 heures 20.
18. Les juges ajoutent que l'avis au procureur et la notification écrite des droits, intervenus quarante minutes après cette arrivée de l'officier de police judiciaire, ne présentent pas un caractère tardif compte tenu des circonstances de l'interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu, de la fuite d'un des deux individus, des constatations effectuées sur place et des délais de transport.
19. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées.
20. Dès lors, le moyen doit être écarté.
21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize septembre deux mille vingt-deux.