CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 septembre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 851 F-B
Pourvoi n° K 21-12.030
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 SEPTEMBRE 2022
La société Pieral, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-12.030 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2020 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant à l'Association laïque de gestion d'établissements pour l'éducation et l'insertion (ALGEEI), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Pieral, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'Association laïque de gestion d'établissements pour l'éducation et l'insertion, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 14 décembre 2020), par acte notarié du 9 août 2016, la société Pieral a consenti à l'Association laïque de gestion d'établissements pour l'éducation et l'insertion (l'ALGEEI) un bail commercial d'une durée de neuf ans portant sur des locaux à usage de bureaux.
2. Invoquant de multiples désordres, l'ALGEEI a saisi un juge des référés qui, par ordonnance du 13 février 2018, a ordonné une expertise et désigné un expert.
3. A la suite du dépôt du rapport d'expertise, l'ALGEEI a assigné à jour fixe la société Pieral en résiliation du bail et en paiement de dommages-intérêts. La société Pieral a reconventionnellement demandé l'annulation du rapport d'expertise.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société Pieral fait grief à l'arrêt d'infirmer les dispositions du jugement annulant le rapport d'expertise et condamnant l'ALGEEI aux dépens de la procédure de référé, y compris les frais d'expertise, d'homologuer le rapport d'expertise, de dire que les dépens comprendraient les frais d'expertise judiciaire, de confirmer les dispositions du jugement prononçant la résiliation du bail au torts du bailleur et de condamner la société Pieral au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu'à la somme de 3 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et aux dépens, alors :
« 1°/ que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire établi par M. [D], sur lequel la cour d'appel s'est fondée pour dire que les désordres allégués par l'ALGEEI étaient de nature à justifier la résiliation du bail aux torts du bailleur, que l'expert judiciaire missionné pour apprécier les désordres d'infiltrations d'eaux pluviales ne s'est pas personnellement rendu sur le toit du bâtiment lors de l'unique accédit et s'est fondé, pour cette partie, sur les photographies d'un rapport amiable établi plusieurs mois auparavant et non-contradictoirement par un expert missionné par l'ALGEEI ; qu'en se bornant à juger que « le seul fait que l'expert judiciaire ait eu recours aux éléments d'une autre expertise ne saurait à lui seul entraîner la nullité du rapport », tandis cet emprunt à un rapport d'expertise privée, non contradictoire, dépourvu d'impartialité et sur un point essentiel de l'expertise puisqu'il s'agissait d'apprécier la nature, l'étendue, la gravité et l'origine des désordres, ne pouvait pallier le défaut d'une constatation personnelle par l'expert judiciaire des dégâts allégués, la cour d'appel a violé l'
article 233 du code de procédure civile🏛 ;
2°/ qu'en affirmant, pour refuser d'annuler le rapport de l'expert judiciaire, que « dans son dire du 28 mai 2018, la SCI Pieral n'a pas contesté la réalité des désordres, se contentant de soutenir qu'ils pouvaient avoir une autre origine que celle retenue par l'expert, ce à quoi ce dernier a répondu », et que « le fait que l'expert judiciaire ait eu recours aux éléments d'une autre expertise ne saurait à soi seul entraîner la nullité du rapport, dès lors que M. [D] a respecté le principe de la contradiction en examinant lesdits éléments avec les parties », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, violant ainsi l'
article 233 du code de procédure civile🏛. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, aux termes de l'
article 233 du code de procédure civile🏛, le technicien investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée.
6. En second lieu, les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise, en ce comprises celles résultant d'un manquement à l'
article 233 du code de procédure civile🏛, sont sanctionnées selon les dispositions de l'
article 175 du code de procédure civile🏛 qui renvoient aux règles régissant la nullité des actes de procédure, et notamment aux irrégularités de forme de l'
article 114 du code de procédure civile🏛, dont l'inobservation ne peut être sanctionnée par la nullité qu'à charge de prouver un grief.
7. Ayant relevé, d'abord, que, lors de la réunion d'expertise sur les lieux, il n'avait pas été possible de monter sur le toit en raison de la météorologie et que l'expert avait examiné, avec les parties, les documents photographiques annexés au rapport d'expertise amiable, et retenu, ensuite, que la société Pieral n'avait pas contesté, dans son dire du 28 mai 2018, la réalité des désordres, mais qu'elle avait soutenu qu'ils pouvaient avoir une autre origine que celle retenue par l'expert, ce à quoi ce dernier avait répondu, faisant ressortir que la société Pieral n'avait pas subi de grief, la cour d'appel a pu rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise.
8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pieral aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Pieral et la condamne à payer à l'Association laïque de gestion d'établissements pour l'éducation et l'insertion la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Pieral
La société Pieral fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé les dispositions du jugement annulant le rapport d'expertise de M. [D] et condamnant l'ALGEEI aux dépens de la procédure de référé, y compris les frais d'expertise, d'avoir homologué le rapport d'expertise de M. [D], d'avoir dit que les dépens comprendraient les frais d'expertise judiciaire, d'avoir confirmé les dispositions du jugement prononçant la résiliation du bail au torts du bailleur et d'avoir condamné la société Pieral au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à la somme de 3.000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et aux dépens ;
1°) Alors que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire établi par M. [D], sur lequel la cour d'appel s'est fondée pour dire que les désordres allégués par l'ALGEEI étaient de nature à justifier la résiliation du bail aux torts du bailleur, que l'expert judiciaire missionné pour apprécier les désordres d'infiltrations d'eaux pluviales ne s'est pas personnellement rendu sur le toit du bâtiment lors de l'unique accédit et s'est fondé, pour cette partie, sur les photographies d'un rapport amiable établi plusieurs mois auparavant et non-contradictoirement par un expert missionné par l'ALGEEI ; qu'en se bornant à juger que « le seul fait que l'expert judiciaire ait eu recours aux éléments d'une autre expertise ne saurait à lui seul entraîner la nullité du rapport », tandis cet emprunt à un rapport d'expertise privée, non contradictoire, dépourvu d'impartialité et sur un point essentiel de l'expertise puisqu'il s'agissait d'apprécier la nature, l'étendue, la gravité et l'origine des désordres, ne pouvait pallier le défaut d'une constatation personnelle par l'expert judiciaire des dégâts allégués, la cour d'appel a violé l'
article 233 du code de procédure civile🏛 ;
2°) Alors qu' en affirmant, pour refuser d'annuler le rapport de l'expert judiciaire, que « dans son dire du 28 mai 2018, la SCI Pieral n'a pas contesté la réalité des désordres, se contentant de soutenir qu'ils pouvaient avoir une autre origine que celle retenue par l'expert, ce à quoi ce dernier a répondu », et que « le fait que l'expert judiciaire ait eu recours aux éléments d'une autre expertise ne saurait à soi seul entraîner la nullité du rapport, dès lors que M. [D] a respecté le principe de la contradiction en examinant lesdits éléments avec les parties », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, violant ainsi l'
article 233 du code de procédure civile🏛.