Jurisprudence : TA Rennes, du 06-09-2022, n° 2204126

TA Rennes, du 06-09-2022, n° 2204126

A19898H7

Référence

TA Rennes, du 06-09-2022, n° 2204126. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88077167-ta-rennes-du-06092022-n-2204126
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Références

Tribunal Administratif de Rennes

N° 2204126


lecture du 06 septembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2022, M. G F et M. I U, M. C K, M. D K, M. H et Mme L T, Mme S Q, M. M et Mme P J et M. B et Mme E R, représentés par Me Ménard, demandent au juge des référés :

1°) de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛, l'exécution de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 1er décembre 2021 portant délivrance à la SAS Agri Bioénergies du permis de construire n° PC 035 033 21 W0026, pour la construction d'une unité de méthanisation sur un terrain situé route départementale n° 48, à Bourg-des-Comptes (35890) ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛, ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable : elle a été enregistrée dans le délai de recours contentieux et est assortie d'une requête en annulation ; ils justifient de leur intérêt à agir, eu égard à la proximité du terrain d'assiette du projet avec leurs propriétés respectives ; le projet, eu égard à son ampleur et ses caractéristiques, va considérablement affecter les conditions de jouissance et d'occupation de leurs biens ; l'ouvrage projeté va dévaloriser leurs biens, générer des problèmes de circulation, générer des nuisances olfactives et visuelles et créer des risques d'accidents et d'explosion ; les formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme🏛 ont été respectées ;

- la condition tenant à l'urgence est satisfaite, dès lors que les travaux projetés, qui ont commencé, présentent une ampleur telle qu'ils sont irréversibles ; les travaux en cours ont au demeurant d'ores et déjà suscité des incidents, notamment une rupture de canalisation d'eau le long de la route départementale n° 48, et sont réalisés sans aucun respect des exigences de sécurité ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en litige, dès lors que :

* il est entaché d'incompétence ;

* le dossier de demande est entaché d'incomplétude :

* il ne comporte notamment aucune étude de sécurité, alors que l'exploitation se situe dans le périmètre d'une canalisation de gaz à haute pression, d'une faille géologique et d'un pipeline ;

* le dossier est entaché de contradictions, s'agissant notamment de la superficie de l'unité foncière d'assiette ainsi que de la superficie totale des bâtiments créés ;

* la rubrique n° 8 du formulaire n'est pas renseignée et n'indique pas que l'ouvrage créé constitue une installation classée pour la protection de l'environnement ;

* la rubrique n° 4 n'est pas renseignée non plus, s'agissant des aménagements projetés ;

* le dossier comporte de multiples informations erronées : les aménagements imposés par le gestionnaire de voirie réduisent la superficie de l'unité foncière d'assiette, de sorte que la superficie déclarée est erronée ; les plans mentionnent des surfaces différentes pour un même bâtiment ;

* la parcelle supporte deux chênes et un seul figure sur les plans, révélant donc l'abattage de l'un des deux arbres, sans mention dans le dossier et sans mesure compensatoire prévue ;

* de nombreuses différences apparaissent de la comparaison des plans communiqués au service public d'assainissement non collectif avec ceux produits à l'appui du dossier de demande ;

* le projet architectural ne respecte pas les exigences des dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme🏛 ; les plans occultent des éléments substantiels du projet, ne permettant pas l'évaluation de son insertion dans son environnement bâti et paysager et de son impact visuel ; les plans ne respectent pas les échelles ; le panneau d'affichage mentionne une hauteur maximale de 12 mètres ; certains plans sont illisibles ; le plan de masse PC2.1 notamment est trop petit pour être intelligible ; l'échelle de 1:500 indiquée ne correspond pas aux cotes mentionnées sur le document ;

* le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme🏛, dès lors que le pétitionnaire ne justifie pas avoir la maîtrise foncière des parcelles supportant le projet, cadastrées section ZB n° 99 et B nos 908, 900 et 910 ; il incombait au préfet d'exiger la communication d'une pièce justifiant cette maîtrise foncière et la qualité pour déposer une demande d'autorisation d'urbanisme ;

* le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme🏛, à tout le moins en tant qu'il n'est assorti d'aucune prescription spéciale ; le terrain d'assiette du projet se situe à proximité de canalisation de gaz à haute pression, d'une faille géologique et d'un pipeline, que l'unité de méthanisation ne prend pas en considération ; les servitudes existantes ne sont pas respectées ; le projet va générer un accroissement de circulation dangereux, qui aurait dû obliger le préfet à prescrire un recul des constructions d'au moins 50 mètres par rapport à l'axe de la route départementale n° 48 ;

* le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article A.1.1 du règlement du plan local d'urbanisme ;

* il méconnaît les dispositions de son article A.3.2.1, relatives au recul par rapport à la voie publique ; la distance de recul a été fixée à 30 mètres, au lieu des 50 mètres fixés par ces dispositions ; les plans révèlent même une implantation réelle à 28,50 mètres ;

* il méconnaît les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme🏛 et celles de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime🏛, dès lors qu'il n'est pas établi que l'unité de méthanisation sera exploitée par un exploitant agricole ou qu'elle sera détenue par une structure elle-même majoritairement détenue par des exploitants agricoles ;

* il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme🏛 et celles de l'article A.4.1.1 du règlement du plan local d'urbanisme ; le projet ne s'insère pas dans son environnement bâti et paysager.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2022, la société Agri Bioénergies, représentée par Me Gandet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable : les requérants ne démontrent pas leur intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige, outre que certains d'entre eux ne justifient pas de leur qualité d'occupant titré ; la réalité des atteintes alléguées aux conditions d'occupation et de jouissance de leurs biens n'est pas établie ; l'ouvrage ne sera pas visible des propriétés des requérants, dont elles sont séparées par un espace boisé ; eu égard à ses caractéristiques, il ne générera pas de nuisances olfactives ou sonores ;

- les requérants ne soulèvent aucun moyen propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté en litige ; en particulier :

* le signataire de l'arrêté bénéficie d'une délégation de signature régulière ;

* le dossier de demande de permis de construire est complet et suffisamment précis pour avoir mis en mesure le service instructeur d'apprécier les caractéristiques du projet et sa conformité avec les règles d'urbanisme applicables : aucune étude de sécurité n'était exigée ; les éventuelles mentions erronées du panneau d'affichage sont sans incidence sur la complétude du dossier de demande ainsi que sur la légalité de l'arrêté en litige ; la superficie de l'unité foncière, ainsi que la surface de plancher et l'emprise au sol des bâtiments et ouvrages projetés sont précisées et ne présentent pas d'incohérence ; l'information relative à la soumission du projet à la législation ICPE est renseignée ; la rubrique n° 4 du formulaire Cerfa n'avait pas à être renseignée, le projet ne portant pas sur un projet d'aménagement ; le projet n'implique pas l'abattage d'un arbre ; la différence alléguée entre les plans assortissant le dossier de demande et ceux transmis au service public d'assainissement non collectif n'est pas étayée ni démontrée ; le projet architectural est complet et les plans ne présentent aucune incohérence ni imprécision ;

* elle a attesté de sa qualité pour déposer la demande de permis de construire et les services instructeurs n'avaient pas à exiger de preuve complémentaire ;

* les risques à la sécurité et à la salubrité publiques ont été pris en considération dans la conception du projet ; en tout état de cause, la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme🏛 ne peut procéder que de la construction et non des activités exercées dans ces constructions ; le moyen est ainsi inopérant ; une étude des dangers a été réalisée, qui conclut à des risques très faibles ; l'arrêté est assorti d'une prescription reprenant l'avis du gestionnaire de réseau GRTgaz, relatif aux aménagements dans la bande de servitude d'implantation de l'ouvrage ; le projet ne crée pas de risques en terme de sécurité routière et le gestionnaire de voirie a donné un avis favorable, après reconfiguration de l'accès ouest ; une étude de trafic démontre que le projet ne générera qu'une très faible hausse du trafic routier ;

* l'ouvrage projeté, relevant de la catégorie des exploitations agricoles et des équipements d'intérêt collectif, n'est pas interdit par les dispositions des articles A.1.1 et A.2 du règlement du plan local d'urbanisme ;

* les marges de recul prescrites par les dispositions de l'article A.3.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme sont respectées : aucun ouvrage n'est implanté en deçà de la marge de 30 mètres ; en tout état de cause, le règlement du plan local d'urbanisme précise que les marges de recul ne s'appliquent pas aux exploitations agricoles ;

* le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 111-4 du code de l'urbanisme🏛 et L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime🏛 manque en fait ; il est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de l'autorisation d'urbanisme ;

* les requérants ne démontrent pas l'intérêt et la qualité du site dans lequel le projet s'insère ; l'ouvrage n'y porte pas atteinte ;

- la condition tenant à l'urgence n'est pas satisfaite : l'intérêt public commande le maintien de l'exécution de l'autorisation en litige, eu égard à l'objectif poursuivi par le projet, d'intérêt environnemental et énergétique, tant national que local ; les atteintes alléguées à l'environnement ne sont pas établies ; les allégations relatives aux conditions d'exécution du permis de construire sont inopérantes ; une suspension de son exécution préjudicierait de manière grave et immédiate à l'équilibre économique du projet, lequel doit être mis en service au plus tard le 30 décembre 2022.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable : les requérants ne démontrent pas leur intérêt à agir à l'encontre du permis de construire en litige ; la réalité des atteintes alléguées aux conditions d'occupation et de jouissance de leurs biens n'est pas établie ; la seule proximité très relative de leurs propriétés avec le terrain d'assiette du projet ne saurait suffire, outre que l'ouvrage en cause ne sera pas visible, compte tenu de la configuration de lieux, boisés ;

- les requérants ne soulèvent aucun moyen propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté en litige ; en particulier :

* le moyen tiré de l'incompétence manque en fait ;

* le dossier de demande ne présentait aucune incomplétude ni insuffisance : l'étude de sécurité n'était pas requise ; les mentions éventuellement erronées du panneau d'affichage sont sans incidence ; le formulaire Cerfa est correctement renseigné, s'agissant notamment de la soumission à la législation ICPE et des aménagements projetés ; les informations relatives aux surfaces et superficies sont complètes et précises ; les plans ne présentent aucune incohérence ni omission ; le projet architectural est complet et suffisamment précis ;

* le pétitionnaire a attesté de sa qualité pour demander le permis de construire ce qui suffit pour établir le respect des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme🏛 ;

* le projet pouvait légalement être autorisé sans autres prescriptions spéciales que celles assortissant l'arrêté, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme🏛 ;

* la marge de recul de 30 mètres est respectée ;

* les dispositions de l'article A.1.1 du règlement du plan local d'urbanisme n'interdisent pas la réalisation du projet ;

* l'activité de méthanisation répond aux critères énoncés à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime🏛, de sorte qu'elle a bien le statut d'activité agricole ; les dispositions du 2° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme🏛 sont ainsi respectées ;

* le site d'implantation ne présente aucun caractère remarquable ou particulier, et le projet n'y porte pas d'atteinte significative, eu égard à l'effort d'insertion réalisé par le porteur du projet.

Vu :

- la requête au fond n° 2202894, enregistrée le 6 juin 2022 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Thielen, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 26 août 2022 :

- le rapport de Mme O ;

- les observations de Me Ménard, représentant les requérants, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens, et précise notamment que :

* le permis de construire en litige fait suite au troisième dossier de demande déposée pour le même projet, profondément remanié par la société pétitionnaire suite au premier refus opposé puis au recours contentieux introduit à l'encontre de la première autorisation délivrée ;

* l'intérêt à agir des requérants est caractérisé, eu égard à la proximité de leurs propriétés respectives avec l'ouvrage projeté ; la configuration des lieux et les boisements existants ne permettront pas de supprimer les nuisances olfactives, sonores et visuelles générées par l'ouvrage ;

* à supposer que certains requérants ne justifient pas de leur qualité d'occupant titré, il suffit qu'un des requérants soit recevable pour que la requête le soit ;

* l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme🏛 ; le pétitionnaire ne justifie pas de sa maîtrise foncière du terrain ;

* les dispositions relatives à la marge de recul ne sont pas respectées ; l'ouvrage est implanté à 28,5 mètres, selon le plan de masse ;

* le projet porte création d'une voie longitudinale parallèle à la canalisation de gaz, dans l'emprise de la servitude prohibant ces aménagements ; une prescription aurait dû être édictée sur ce point ;

* le projet ne s'insère pas dans son environnement ; les plantations projetées sont des arbustes, lierres grimpants ou couvre-sols, qui ne permettront pas de masquer les constructions en litige, s'élevant à 12 mètres de haut ;

- les observations de Mme N, représentant le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et arguments, et fait notamment valoir que :

* l'intérêt à agir des requérants n'est pas établi ; les nuisances alléguées ne procèdent que de la mise en exploitation de l'ouvrage, permettant de contester l'autorisation ICPE, mais non l'autorisation d'urbanisme ; elles ne sont en tout état de cause ni étayées, ni circonstanciées ;

* la procédure de demande de permis de construire est purement déclarative : les allégations relatives aux erreurs que contiendrait le dossier de demande sont inopérantes ou sans fondement ;

* la qualité du milieu environnant n'est aucunement établie ; le projet comporte des éléments d'insertion paysagère ;

- les observations de Me Delmotte, représentant la SAS Agri Bioénergies, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et arguments, et fait notamment valoir que :

* le pétitionnaire a entamé des démarches pour systématiquement améliorer son projet ;

* l'intérêt à agir des requérants n'est pas établi ; les nuisances sonores et olfactives alléguées ne sont pas établies, et ne permettent en tout état de cause pas de contester l'autorisation d'urbanisme ;

* la société justifie de sa qualité pour déposer une demande de permis de construire ;

* la marge de recul est respectée ; le plan de masse prévoit une implantation avec un recul de 30 mètres et aucun élément ne permet de remettre en cause cette donnée ; le non-respect de la marge de recul relèverait d'un problème d'exécution du permis ;

* en tout état de cause, le moyen est inopérant dès lors que le règlement du plan local d'urbanisme ne fixe pas de marge de recul pour les exploitations agricoles ;

* la servitude attachée à la canalisation de gaz interdit tout aménagement au-dessus de la canalisation ; la voie créée ne se situe pas au-dessus de cette canalisation ;

* le projet s'insère dans son environnement, notamment par ses teintes, rappelant celles des bâtiments de la zone d'activité existante à proximité ;

* le projet répond à un intérêt public majeur.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Deux notes en délibéré ont été présentées pour la société Agri Bioénergies, enregistrées les 26 et 29 août 2022.

Une note en délibéré a été présentée pour les requérants, enregistrée le 28 août 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 1er décembre 2021🏛, le préfet d'Ille-et-Vilaine a délivré à la SAS Agri Bioénergies le permis de construire n° PC 035 033 21 W0026 pour la construction d'une unité de méthanisation, sur un terrain situé route départementale n° 48 à Bourg-des-Comptes (35890), constitué des parcelles cadastrées section ZB n° 99 et section B nos 908, 900 et 1910. M. F et M. U, les consorts K, M. et Mme T, A Q, M. et Mme J et M. et Mme R ont saisi le tribunal d'un recours en annulation contre cet arrêté et, dans l'attente du jugement au fond, demandent au juge des référés d'en suspendre l'exécution.

Sur les conclusions aux fins de suspension :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ".

En ce qui concerne la recevabilité de la requête :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme🏛 : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement () ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 600-4 du même code : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation🏛, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant ".

5. Une requête collective personnelle tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un permis de construire est recevable lorsqu'au moins un requérant est recevable pour introduire une telle action.

6. Il résulte en l'espèce de l'instruction que Mme Q et M. et Mme J sont propriétaires de terrains bâtis situés à respectivement 350 et 300 mètres du terrain d'assiette de l'unité de méthanisation projetée, installation classée pour la protection de l'environnement dont capacité de traitement projetée s'élève à 24 735 tonnes d'intrants, dont ils ne seront séparés que par des parcelles agricoles exploitées bordées de haies, dont il n'est pas établi qu'elles feront obstacle à la visibilité des bâtiments construits. Les intéressés font également état d'un risque de nuisances olfactives, utilement invocables nonobstant la circonstance qu'elles résultent de l'exploitation de l'installation projetée, et dont la plausibilité n'est pas sérieusement contestée par les défendeurs, qui se bornent à invoquer le sens des vents dominants, sans établir que les propriétés en cause ne pourront en aucun cas subir lesdites nuisances, alors même qu'il est constant que les fumiers et lisiers qui seront acheminés vers l'unité de méthanisation et le digestat qui y sera produit dégagent des odeurs, quand bien même la conception du site et les prescriptions applicables à son fonctionnement seraient de nature à limiter les nuisances qui en découlent. Dans ces circonstances, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à agir des autres requérants, Mme Q et M. et Mme J justifient d'un intérêt suffisant pour contester le permis de construire en litige.

7. Par suite, dès lors que l'un au moins des requérants justifie de son intérêt à agir contre les arrêtés en litige, les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées.

En ce qui concerne l'urgence :

8. D'une part, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme🏛 : " Un recours dirigé contre () un permis de construire, () ne peut être assorti d'une requête en référé suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. / La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 est présumée satisfaite ".

10. Le recours dirigé contre l'arrêté en litige ayant été assorti d'une requête en référé suspension déposée avant l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le tribunal, la condition d'urgence est présumée satisfaite.

11. Il résulte par ailleurs de l'instruction que si, à la date de la présente ordonnance, les travaux autorisés par le permis de construire en litige ont débuté, les travaux en cause ne sont pour autant pas encore achevés. Dans ces circonstances, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction des ouvrages projetés, l'intérêt qui peut s'attacher à la réalisation d'une unité de méthanisation, d'une manière générale comme au plan strictement local, ne saurait suffire pour renverser la présomption d'urgence posée par les dispositions législatives précitées. Par ailleurs, si le porteur du projet fait également valoir que la suspension de l'exécution de l'autorisation d'urbanisme en litige serait de nature à affecter significativement l'équilibre financier de l'opération, indiquant notamment que le contrat d'achat de bio-méthane doit démarrer au plus tard le 30 décembre 2022, à peine de réduction de sa durée d'exécution au prorata, et qu'un retard de douze mois dans la mise en service engendrerait une perte de résultat à hauteur d'environ 212 000 euros, cette seule circonstance n'apparaît pas suffisante, dans les circonstances de l'espèce, pour renverser la présomption légale d'urgence, alors même, au demeurant, que le retard qu'a pris le projet dans sa réalisation apparaît également imputable à un premier refus de permis de construire, puis au retrait d'une précédente autorisation, à la demande du pétitionnaire. Par suite, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de la décision :

12. En premier lieu, aux termes de l'article A - 1.1 du règlement du plan local d'urbanisme : " Destinations et sous-destinations des constructions : / Sont interdites les constructions non mentionnées à l'article 2 ". Aux termes de son article A - 2.2. : " Sont admises sans condition les constructions présentant les destinations et sous-destinations suivantes : / en zone A (hors secteur Ab). 1.1. Exploitation agricole (hors logement de fonction agricole et activités de diversification de l'activité agricole. () ". Aux termes de son article A - 2.3. : " Sont admis sous conditions les constructions présentant les destinations et sous-destinations suivantes : En zone A (tous secteurs). 1. Equipements d'intérêt collectif et services publics. / Uniquement l'aménagement de locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés sous réserve (conditions cumulatives) : ' Qu'ils ne soient pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où ils sont implantés ; / ' Qu'ils ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. / () ". Aux termes du lexique de ce même règlement : " Locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés : Cette sous-destination recouvre les constructions des équipements collectifs de nature technique ou industrielle. Cette sous-destination comprend notamment les constructions techniques nécessaires au fonctionnement des services publics, les constructions techniques conçues spécialement pour le fonctionnement de réseaux ou de services urbains, les constructions industrielles concourant à la production d'énergie. / () / Exploitation agricole et forestière : Cette destination prévue par le code de l'urbanisme comprend les sous-destinations exploitation agricole et exploitation forestière. Les bâtiments d'exploitation agricole et forestière comprennent tout bâtiment lié et nécessaire au fonctionnement de l'exploitation agricole ou forestière. / Exploitation agricole : Cette sous-destination recouvre les constructions destinées à l'exercice d'une activité agricole ou pastorale et notamment les constructions destinées au logement du matériel, des animaux et des récoltes. Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. Les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle, sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent ceux qui les pratiquent. / () ".

13. La circonstance que la méthanisation puisse être assimilée à une activité agricole au sens des dispositions des articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime🏛 est sans incidence sur la légalité du permis de construire attaqué, dès lors que ces dispositions ne sont pas au nombre de celles que peut prendre en compte l'autorité administrative lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme.

14. Par suite, si le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, combinées avec celles de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme🏛, est inopérant, ces dernières dispositions étant en tout état de cause inapplicables dès lors que la commune de Bourg-des-Comptes est dotée d'un plan local d'urbanisme, la SAS Agri Bioénergies ne peut davantage utilement faire valoir que l'activité de méthanisation relève de la catégorie des activités agricoles au seul motif qu'elle est définie comme telle par les dispositions pertinentes du code rural et de la pêche maritime.

15. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que l'unité de méthanisation projetée soit, d'un point de vue fonctionnel, directement nécessaire aux besoins de l'exercice d'une activité agricole ni, par suite, qu'elle puisse être regardée comme constituant un bâtiment lié et nécessaire au fonctionnement de l'exploitation agricole, au sens des dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que cette unité de méthanisation puisse être regardée comme relevant de la diversification de l'activité agricole, n'étant précisément pas rattachée au fonctionnement ni à la structure d'une seule exploitation agricole. Elle doit toutefois, eu égard à ses caractéristiques et à la finalité que poursuit le processus de méthanisation, basé sur la dégradation par des micro-organismes de matières organiques en vue d'obtenir un digestat, produit humide riche en matières organiques destiné à retourner au sol, ainsi que du biogaz, énergie renouvelable produisant de l'électricité ou du carburant, être qualifiée d'équipement d'intérêt collectif au sens des dispositions de l'article A - 2.3 du règlement du plan local d'urbanisme.

16. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles A. 1.1 et A.2 du règlement du plan local d'urbanisme n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté en litige.

17. En second lieu, en revanche, aux termes de l'article 3.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme : " Recul par rapport aux voies et emprises publiques. / En-dehors des secteurs situés en agglomération, les bâtiments nouveaux doivent respecter une marge de recul de : / () / ' RD 48 : 100 mètres minimum par rapport à l'axe de la voie pour les constructions d'habitations ; 50 m pour les autres usages. / () / Ces reculs ne s'appliquent pas : - Aux constructions ou installations liées ou nécessaires aux infrastructures routières, / - Aux services publics exigeant la proximité des infrastructures routières / - Aux réseaux d'intérêt public, / - A l'adaptation, la réfection, l'extension des constructions existantes et au changement de destination sous réserve de ne pas réduire le recul actuel, / - Aux bâtiments d'exploitation agricole et à la mise aux normes d'exploitations agricole existantes ".

18. Il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette de l'unité de méthanisation projetée jouxte la route départementale n° 48. Il s'ensuit que les bâtiments en cause, qui ne relèvent pas, ainsi qu'il a été dit au point 15, des bâtiments d'exploitation agricole, sont soumis aux marges de recul fixées par les dispositions précitées et plus précisément, en l'espèce, à une marge de recul de 50 mètres par rapport à l'axe de la route départementale n° 48, dont il est constant qu'elle n'est pas respectée.

19. Si, à cet égard, le préfet d'Ille-et-Vilaine et la SAS Agri Bioénergie font valoir qu'une marge dérogatoire, fixée à 30 mètres par rapport à l'axe de la voie, est respectée, ils ne justifient pas du fondement juridique de cette dérogation, dont l'existence n'est pas prévue par les dispositions pertinentes du règlement du plan local d'urbanisme et qui ne saurait résulter du seul avis du gestionnaire de voirie du 25 novembre 2021, outre, au demeurant, que si le plan de masse joint au dossier de demande de permis de construire matérialise une ligne de recul indiquée comme se situant à 30 mètres de l'axe de la voie départementale, il résulte de l'instruction que la distance entre cet axe et le bâtiment situé le plus au sud du terrain d'assiette, soit le bâtiment " Stock digestat solide B ", est légèrement inférieure à 30 mètres.

20. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3.2.1 du règlement du plan local d'urbanisme apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté en litige.

21. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme🏛, aucun des autres moyens invoqués par les requérants et analysés ci-dessus n'est propre, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté en litige.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander que l'exécution de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 1er décembre 2021, portant délivrance à la SAS Agri Bioénergies du permis de construire n° PC 035 033 21 W0026 pour la construction d'une unité de méthanisation, sur un terrain situé route départementale n° 48 à Bourg-des-Comptes (35890), soit suspendue, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité par une formation collégiale du tribunal.

Sur les frais liés au litige :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chaque partie les frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 1er décembre 2021, portant délivrance à la SAS Agri Bioénergies du permis de construire n° PC 035 033 21 W0026 pour la construction d'une unité de méthanisation, sur un terrain situé route départementale n° 48 à Bourg-des-Comptes (35890), est suspendue, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité par une formation collégiale du tribunal.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SAS Agri Bioénergies au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. G F, premier dénommé pour l'ensemble des requérants en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative🏛, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et à la SAS Agri Bioénergies.

Copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Fait à Rennes, le 6 septembre 2022.

Le juge des référés,

signé

O. OLa greffière d'audience,

signé

A. Gauthier

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

Article, L261-15, CCH Article, L311-1, C. rur. Article, R111-2, C. urb. Article, L600-3, C. urb. Article, D311-18, C. rur. Article, R600-1, C. urb. Article, R431-8, C. urb. Article, R431-10, C. urb. Article, L521-1, CJA Article, L600-4-1, C. urb. Article, R751-3, CJA Article, L111-4, C. urb. Article, R423-1, C. urb. Article, L600-1-2, C. urb. Article, R111-27, C. urb. Travaux projetés Canalisation de gaz Unité foncière Mesures compensatoires Services publics d'assainissement Projet architectural Panneau d'affichage Hauteur maximale Demande d'autorisation d'urbanisme Servitude Voie publique Espaces verts Nuisances sonores Moyens propres Service instructeur Surface de plancher Emprise au sol Projet d'aménagement Abattages d'arbres Dossier de demande d'autorisation Permis de construire Salubrité publiques Moyen inopérant Avis favorable Trafic routier Exploitant agricole Intérêt public Équilibre économique Site d'implantation Société pétitionnaire Autorisation délivrée Plan de masse Exploitation de l'ouvrage Décision relative à l'occupation Contrat de bail Bâtiment construit Risques de nuisances Exploitation des installations Suspension d'un acte administratif Urgence Expiration du délai Travaux autorisés par le permis de construire Travaux achevés Renversement d'une présomption Durée d'exécution Présomption légale Refus de permis Construction interdite Équipement collectif Exploitation forestière Bâtiment d'exploitation Activités pastorales Plan local Plans d'urbanisme Nouveau bâtiment Constructions existantes Fondement juridique

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