Jurisprudence : TA Lyon, du 26-08-2022, n° 2206150


Références

Tribunal Administratif de Lyon

N° 2206150


lecture du 26 août 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 et 25 août 2022, la SASU Arc-en-Ciel Rhône-Alpes, représentée par la SELARL Clairance Avocats, demande au juge des référés :

1°) à titre principal :

- annuler les contrats passés par l'université Jean Monnet de Saint-Etienne relatifs aux lots n° 1, n° 2, n° 3 et n° 5 du marché d'entretien des locaux de cette université ou suspendre l'exécution de ces contrats ;

- d'annuler la décision du 13 juillet 2022 par laquelle l'université Jean Monnet de Saint Etienne a rejeté ses offres présentées pour ces lots ;

2°) à défaut, de résilier ces contrats et réduire leurs durées ;

3°) en toute hypothèse :

- de prononcer une pénalité financière à l'encontre de l'université Jean Monnet de Saint Etienne ;

- d'ordonner la production des rapports d'analyse des candidatures et des offres par la commission d'appel d'offres ;

4°) de mettre à la charge de l'université Jean Monnet de Saint Etienne le paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- les contrats ont été signés en méconnaissance des délais fixés par l'article R. 2182-1 du code de la commande publique🏛 et l'article L. 551-4 du code de justice administrative🏛 ; sa requête est dès lors recevable ;

- l'université n'a pas respecté les délais de standstill et de suspension de la signature des contrats en raison de l'introduction d'un référé précontractuel ;

- l'université a également méconnu les règles de mise en concurrence, dès lors en effet que l'annexe n° 4 ne devait être remplie que dans l'hypothèse dans laquelle la fréquence des passages est inférieure à cinq fois par semaine ; par suite, quand cette annexe n'est pas remplie, la fréquence des passages est égale ou supérieure à cinq fois par semaine ; par ailleurs, l'annexe n° 3, relative aux tableaux des sols et vitrages, impose des périodicité de passages par semaine ; dans ces conditions, et alors qu'elle a produit pour chacun des lots un mémoire technique précisant notamment la périodicité des passages pour la réalisation des prestations, l'université ne pouvait rejeter ses offres au motif que l'annexe n° 4 n'était pas complétée ;

- aucun motif impérieux d'intérêt général ne fait obstacle à l'annulation des contrats.

Par un mémoire, enregistré le 23 août 2022, l'université Jean Monnet de Saint-Etienne, représentée par la SELARL Paillat Conti et Bory, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au prononcé d'une sanction de substitution n'affectant pas les contrats et, enfin, à titre infiniment subsidiairement, à l'annulation des contrats avec un effet différé.

Elle soutient que :

- les contrats ont été signés avant qu'elle soit informée de l'introduction d'un référé précontractuel ; le délai de suspension prévu par l'article L. 551-4 du code de justice administrative🏛 n'a donc pas été méconnu ;

- l'annexe n° 4, qui constitue un document obligatoire, n'a pas été renseigné par la société Arc-en-ciel Rhône-Alpes ; celle-ci n'ayant pas respecté le règlement de la consultation, ses offres pouvaient être rejetées comme irrégulières ; contrairement à ce que soutient cette société, l'annexe n° 4 n'est pas dépourvue d'utilité et les informations devant y figurer ne peuvent être trouvées dans d'autres parties de ses offres ;

- si le délai de standstill n'a pas été respecté, elle n'a toutefois pas méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence ; par suite, les conditions posées par l'article L. 551-18 du code de justice administrative🏛 ne sont pas réunies ; elle ne pourra être condamnée qu'au seul versement d'une pénalité financière, en application de l'article L. 551-20 du même code🏛 ; en effet, compte tenu de l'objet des contrats litigieux, il existe en l'espèce un motif impérieux d'intérêt général faisant obstacle à l'annulation de ces contrats ; à tout le moins, l'annulation devrait être prononcée avec un effet différé.

La société Inter'Nett, représentée par Me Peycelon, a présenté un mémoire, enregistré le 25 août 2022.

Elle fait valoir que l'annulation des contrats litigieux aurait pour elles des incidences économiques et sociales importantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 89/665/CEE du Conseil du 21 décembre 1989, modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 ;

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Chenevey, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B ;

- Me Magana, pour l'université Jean Monnet de Saint-Etienne, qui a repris les faits, moyens et conclusions exposés dans le mémoire en défense, en précisant en outre que la société requérante n'établit pas que des avenants aux contrats en litige pourraient être signés dans l'hypothèse d'une annulation ; il existe ainsi un motif impérieux d'intérêt général à ne pas procéder à une annulation ;

- Me Peycelon, pour la société Inter'Nett, qui a repris les faits, moyens et conclusions exposés dans le mémoire en défense, en précisant en outre que la société requérante, dont la création est récente cherche en réalité, par le biais de la présente procédure, à obtenir des informations sur les prix pratiqués par ses concurrents et leurs méthodes d'organisation ;

- M. A, pour la société GSF, qui a précisé que l'annulation des contrats aurait pour celle-ci des conséquences économiques importantes.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative🏛 : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-4 du même code🏛 : " Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ". Aux termes de l'article L. 551-13 du même code🏛 : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section ". Aux termes de l'article L. 551-14 du même code🏛 : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article L. 551-1 ou à l'article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ". Aux termes de l'article L. 551-18 du même code🏛 : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / La même annulation est prononcée lorsque ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat ". Enfin, aux termes de l'article L. 551-20 du même code🏛 : " Dans le cas où le contrat a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière ".

2. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 551-4 du code de justice administrative🏛 que le pouvoir adjudicateur, lorsqu'est introduit un recours en référé précontractuel dirigé contre la procédure de passation d'un contrat, doit suspendre la signature de ce contrat à compter, soit de la communication du recours par le greffe du tribunal administratif, soit de la notification effectuée par l'auteur du recours, agissant conformément aux dispositions de l'article R. 551-1 du même code🏛.

3. Par une requête qui a été enregistrée le 21 juillet 2022 au greffe du tribunal, la SASU Arc-en-ciel Rhône-Alpes a présenté un référé précontractuel, tendant à la suspension de la procédure de passation du marché public d'entretien des locaux de l'université Jean Monnet de Saint-Etienne, s'agissant des lots n° 1, n° 2, n° 3 et n° 5. Il résulte de l'instruction et des mentions de l'application Télérecours que le tribunal a informé l'université de ce recours le jour même à 14 h 36. Par ailleurs, la société requérante a notifié sa requête à l'université par un courrier qui a été reçu par celle-ci le 22 juillet 2022. Comme l'indique l'ordonnance du 22 juillet 2022 du juge des référés du tribunal constatant qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ladite requête en référé précontractuel, les actes d'engagement ont été signés le 21 juillet 2022 à 14 h 08 s'agissant des lots n° 2 et n° 3 et à 14 h 09 s'agissant des lots n° 1 et n° 5. Ainsi, les dispositions précitées de l'article L. 551-4 n'ont pas été méconnues.

4. Toutefois, aux termes de l'article R. 2182-1 du code de la commande publique🏛 : " Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, un délai minimal de onze jours est respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux articles R. 2181-1 et R. 2181-3 et la date de signature du marché par l'acheteur. / () ". Le courrier du 13 juillet 2022 par lequel l'université Jean Monnet de Saint-Etienne a avisé la société Arc-en-Ciel Rhône-Alpes du rejet de ses offres précise que " Le délai minimal qui sera respecté avant la signature du marché est de onze jours à compter de la date d'envoi de la présente ". Ainsi, en signant dès le 21 juillet 2022 les contrats relatifs aux lots n° 1, n° 2, n° 3 et n° 5, l'université Jean Monnet de Saint-Etienne a méconnu les dispositions de cet article, ainsi qu'elle l'admet d'ailleurs dans ses écritures en défense.

5. En seconde lieu, la SASU Arc-en-Ciel soutient que le pouvoir adjudicateur ne pouvait rejeter ses offres au motif qu'elle n'avait pas complété l'annexe n° 4, intitulée " Descriptif et calendrier des prestations au marché ". Toutefois, le règlement de la consultation précise que l'annexe n° 4 constitue un document obligatoire. Il résulte de l'instruction que cette annexe permet, dans l'hypothèse dans laquelle la fréquence des prestations est inférieure à cinq fois par semaine, de préciser les jours des prestations. Par ailleurs, la fréquence de celles-ci, définie par l'annexe n° 3, n'est pas systématiquement, pour les lots en cause, de cinq fois par semaine. Au demeurant, la requérante a elle-même procédé à un chiffrage de ses offres en tenant compte des différentes fréquences exigées pour les prestations. Enfin, en tout état de cause, aucune des autres pièces des offres de la société Arc-en-Ciel Rhône-Alpes ne pouvait permettre de connaître les jours des prestations dans ladite hypothèse et, ainsi, de pallier l'absence de remplissage de l'annexe n° 4. Il s'ensuit que le pouvoir adjudicateur pouvait rejeter comme incomplètes les offres de la société Arc-en-Ciel Rhône-Alpes.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Arc-en-Ciel Rhône-Alpes n'est pas fondée à demander l'annulation des contrats relatifs aux lots n° 1, n° 2, n° 3 et n° 5 sur le fondement de l'article L. 551-18 du code de justice administrative🏛. Il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 551-20 du même code, précédemment citées, qui doivent être lues à la lumière de celles de l'article 2 sexies de la directive du Conseil du 21 décembre 1989 dont elles assurent la transposition, qu'en cas de conclusion du contrat avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre, comme en l'espèce, ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 du même code🏛, le juge du référé contractuel est tenu soit de priver d'effets le contrat en l'annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat. Pour déterminer la mesure qui s'impose, le juge du référé contractuel peut prendre en compte, notamment, la nature et l'ampleur de la méconnaissance constatée, ses conséquences pour l'auteur du recours ainsi que la nature, le montant et la durée du contrat en cause et le comportement du pouvoir adjudicateur.

7. En l'espèce, eu égard notamment au manquement constaté, qui n'affecte pas la substance même de la concurrence, et aux caractéristiques des contrats, il y a lieu d'infliger à l'université Jean Monnet de Saint-Etienne une pénalité financière d'un montant de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative🏛.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université Jean Monnet de Saint-Etienne une somme au profit de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

ORDONNE :

Article 1er : Une pénalité de 2 000 euros, qui sera versée au Trésor public, est infligée à l'université Jean Monnet de Saint-Etienne en application des dispositions de l'article L. 551-20 du code de justice administrative🏛.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SASU Arc-en-Ciel Rhône-Alpes, à l'université Jean Monnet de Saint-Etienne, à la société Inter'Nett et à la société GSF.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de la Loire.

Fait à Lyon le 26 août 2022.

Le juge des référés La greffière

J.-P. B S. Hosni

La République mande et ordonne à la préfète de la Loire en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier

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